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Allie/32

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L’action paroissiale (p. 195-197).
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XXX


J’avais promis à Allie d’être présent à la tombola qu’elle avait organisée à la demande du curé. Mais, comme l’ouverture n’en devait avoir lieu que le lundi, j’avais le temps de visiter plus en détail la belle capitale du Canada.

M’étant levé de bon matin, je m’engageai sur le Driveway, au moment où tout dormait encore. Je pus contempler à mon aise ce jardin fleuri qui borde les deux côtés de la chaussée. Les tiges des fleurs ployaient sous le poids des gouttes de rosée qui semblaient cristalliser les pétales des roses, des glaïeuls et des hydrangées, qui commençaient à s’épanouir.

Deux couples de cavaliers chevauchaient tranquillement, profitant de l’air pur du matin et, sans doute, de l’absence des automobiles. Ils parurent tout surpris de m’apercevoir, au moment où je franchissais les barrières de la ferme expérimentale.

Mon esprit ne put s’empêcher de se reporter à quelques années en arrière. Je me revis, chevauchant pour la première fois à côté de Cécilia, subjugué pour ainsi dire par sa crânerie et son habileté. Que réservait l’avenir à ces jeunes enthousiastes du sport hippique ? Je n’essayai pas de résoudre la question et filai vers les bâtiments de la ferme.

Le beuglement des vaches, mêlé au hennissement des chevaux, n’empêcha pas de laisser percer jusqu’à moi le caquet de la poule annonçant l’œuf tombé dans le nid. Les coqs, trop nombreux pour s’entendre, se disputaient l’honneur d’avoir fait lever le soleil et chantaient une sorte de chanson à répondre. Je crus, à un certain moment, saisir l’air de « C’est la poulette blanche qui a pond dans la grange », chanson que chantait ma mère, pour m’endormir, quand elle me berçait sur ses genoux.

Ce chant du coq canadien, cousin du coq gaulois, avait un charme exquis. Je stoppai, pour jouir plus à mon aise de cette musique peu harmonieuse, mais belle, à cause des souvenirs qu’elle évoquait. Que le simple chant du coq puisse faire vibrer le cœur d’un homme qui a maintes fois bravé la mort sans en ressentir la moindre émotion, voilà une preuve de la complexité de l’âme humaine.