Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses/17

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Tome 2. Chapitre XVII.



CHAPITRE XVII.

Les Ursulines de Loudun et Urbain
Grandier.


Urbain Grandier était curé et chanoine de Loudun en 1631. Il était bel homme, agréable dans sa conversation, recherché dans ses vêtements, et bon prédicateur. Il avait en outre l’humeur hautaine, était caustique dans ses propos et ne ménageait pas plus les hommes que les choses lorsqu’il trouvait matière à blâmer ; il attaquait même en chaire certains privilèges que s’arrogeaient les carmes de Loudun ; il faisait la guerre à des confréries qui prêtaient au ridicule, et jetait de la défaveur sur certaines pratiques religieuses.

Fevret dit, dans sa bibliothèque historique : Le crime de Grandier n’était pas la magie. Je l’ai appris de ses juges mêmes (et ses juges l’ont fait brûler vif) les religieuses étaient possédées de Grandier, plutôt que du diable.

On croit que Trinquant, procureur du roi de Loudun, pensait, avec beaucoup de monde, que sa fille, très-jolie personne et fort enviée, avait accordé les dernières faveurs à Grandier. On disait même en ce temps-là que la jeune personne était accouchée, et qu’une de ses amies, Marthe Pelletier, dont la fortune était plus que médiocre, avait pris l’enfant et la honte à sa charge. Dans le fait, Marthe présenta au baptême et mit en nourrice un enfant dont elle se disait mère. À la poursuite de Trinquant, procureur du roi, on arrêta cette fille ; interrogée sur l’enfant, elle soutint l’avoir fait ; mais le public se moqua de cette procédure ; on ne voulut pas cesser de croire que mademoiselle Trinquant fût la véritable mère et Grandier le père.

Comme ces deux filles étaient au couvent des Ursulines, on répandit le bruit que le curé Grandier était magicien, qu’il avait logé le diable dans le corps des Ursulines de cette ville, que Leviathan chef de cinquante démons, était, par la vertu des exorcismes, sorti du corps d’une de ces filles ; que le diable Balaam, par la même vertu, avait abandonné le corps de la mère prieure de ce couvent ; enfin, que le diable avait écrit une lettre au curé Grandier, datée de son cabinet en enfer. Les gens stupides y croyaient ; les gens du cardinal de Richelieu n’y croyaient pas, mais voulaient qu’on y crût ; les gens instruits n’y croyaient pas et s’indignaient de voir jouer une farce si ridicule, si insultante à la raison, à la vérité, et dont le dénouement fut si horrible et si malheureux.

Lorsque le roi, dit Fevret, ne bâilla plus d’argent pour exorciser les religieuses, le diable les quitta ; et quelque temps après il y eut à Chinon des religieuses qui voulurent faire les possédées comme celles de Loudun ; mais trois évêques étant venus à Chinon pour prendre connaissance de ce fait, chassèrent le diable du corps de ces filles, avec le fouet qu’ils leur firent donner.