Le Caméléon
1927
Conférence
[modifier]Mesdames, Messieurs, mes chers Amis, André Ibels, dont je vais vous entretenir ce soir, aura 55 ans au mois de mai de cette année 1927. Il a publié une quinzaine de volumes, des brochures et des articles si nombreux que Dieu lui-même — si, comme nous l'enseignent Pythagore et Platon, il est plus géomètre qu'arithméticien, — ne doit pas en savoir le nombre.
Son œuvre, très inégale et où il ne faut pas chercher la perfection, mais où l'on trouve toujours : puissance, couleur, mouvement, est tellement intéressante, tellement passionnante, que depuis un mois j'ai joyeusement interrompu le travail qui m'occupait pour joyeusement me consacrer à l'étude de ses romans, de ses drames et de ses poèmes.
Et cependant, André Ibels n'est pas illustre. C'est à dire qu'il n'a jamais eu aucun prix littéraire ; qu'il n'est même pas décoré, comme tout écrivain de 40 ans exempt de génie et de casier judiciaire.
S'il n'a, selon le mot de Flaubert, aucun de ces « honneurs qui déshonorent », c'eut certainement qu'il n'en a pas voulu.
Mais comment se fait-il qu'il ne soit pas célèbre ? Voilà ce que je veux tenter de vous expliquer. En étudiant sa vie et surtout son œuvre, nous apprendrons que, s'il reste glorieusement obscur, il le doit en partie à ce qu'il est un original et un révolté, mais surtout peut-être à ce que, comme dit son ami le poète Louis Marsolleau : André Ibels est « un génie dispersé » [1]. André Ibels est né le 13 mai 1872, d'une mère d'origine espagnole et d'un père d'origine écossaise. Il est fier de la grande famille à laquelle appartenait son père et découvre en lui-même de belles hérédités et qui l'intéressent. André Ibels est ici trop modeste ; il oublie trop que l'individu réel reste un miracle aussi rare dans les races nobles que dans le peuple. Son père, grand industriel, employait des centaines d'ouvriers mais, sur la fin de sa vie, il se ruina en procès et en entreprises trop hardies.
Sa mère, musicienne née, élève de Litz, mourut de bonne heure. Le petit André eut l'existence pénible des orphelins mis en pension dès leur plus tendre enfance. Bientôt d'ailleurs le Collège Chaptal ne parut pas suffisant pour le précoce révolté et on l'envoya en Allemagne chez les Frères Moraves. De chez ces êtres religieux et autoritaires, il revint méprisant pour toujours autorité et religion.
Au Lycée Charlemagne, où on l'envoya ensuite, cet étonnant autodidacte n'apprit jamais rien que contre ses Maîtres. Il avait par exemple pour professeur de français, un certain François Fabié, versificateur honnête et qui, dans les « Morceaux Choisis » de cette époque, était vanté par ses collègues comme un poète. Ce Fabié avait eu la présomption d'opposer à La Terre d'Émile Zola un pauvre volume de vers hostile et parasite comme son titre : La Bonne Terre. Le jeune André Ibels proclama hardiment dans un de ses devoirs La Terre comme son livre de chevet.
Le proviseur Fallex, autre versificateur médiocre et qui — poux sur un lion — vivait d'Aristophane comme Fabié vivait et piquait sur Emile Zola — invita le petit indépendant à étudier désormais chez lui la littérature.
Le jeune lycéen avait déjà fait brillamment ses débuts de journaliste. Il avait porté à Magnard un article qui avait paru en bonne place dans le Figaro. Il continua cette carrière précocement commencée. Non content d'écrire dans les journaux qui existaient, il fonda lui-même, à sa sortie du régiment, quelques périodiques. Il fonda par exemple, avec Charles Chatel, La Revue Anarchiste, qui ne tarda point à être saisie. André Ibels la continua sous un autre nom et inventa ce mot : « Libertaire » qui était destiné à une si brillante carrière. Naturellement, le hardi publiciste fut compromis dans le fameux « procès des Trente ». Il aura d'autres occasions de faire connaissance avec ce qu'un Procureur Général appellerait sans rire et sans s'indigner « La Justice de notre Pays ».
Ses campagnes de journaliste le conduiront une douzaine de fois en correctionnelle [2]. C'est qu'André Ibels s'attaque hardiment aux puissances.
Il fit une campagne très ardente contre l'Assistance Publique et l'intitula sans mâcher les mots : « Les voleurs des pauvres ».
Une autre de ses campagnes, la Traite des Chanteuses, obtint un résultat au moins officiel. En décembre 1906, Clemenceau, qui ne faisait pas encore la Guerre, interdit par circulaire (il était Ministre de l'Intérieur) les quêtes et autres moyens de prostitution usités dans les beuglants[3].
Le révolté qu'est André Ibels ne s'est pas exprimé seulement de façon quotidienne par des articles de journaux, mais aussi de façon durable, en de magnifiques et puissants poèmes.
Comme poète, il débuta par les Chansons Colorées, qu'il a négligé de me faire connaître, — sans doute parce qu'il méprise en elles : un recueil[4].
Au contraire, il reste légitimement fier des deux vastes poèmes épiques qu'il a publiés en 1896 et en 1907. Le premier, les Cités Futures, obtint un large succès. Ledrain, dans l'Éclair, Jaurès dans la Dépêche de Toulouse, Armand Sylvestre dans le Journal, les vantèrent magnifiquement. Et, dans le Figaro, le poète Rodenbach les compara aux Paroles d'un croyant.
Rodenbach avait raison, si nous regardons au mouvement ; tort, si nous confrontons les couleurs.
Rodenbach avait raison, s'il voulait signaler chez le grand prosateur d'hier et chez le grand poète d'aujourd'hui une égale ardeur révolutionnaire. Mais quelle différence dans les tendances : Lamennais est un démocrate qui espère tout du peuple éclairé ; André Ibels est un individualiste qui méprise les foules et donne aux révoltés le nom de rois, magnifique pour lui, injurieux pour Lamennais.
Il dédie « A la Race de Caïn » le poème des Cités Futures qui est « l'histoire de ses luttes épiques » et s'applique à « réveiller les cœurs enlisés dans les sables de la crainte et de l'humilité. » Les foules, que Lamennais appelait à la libération, paraissent à André Ibels composées d'incurables esclaves esclavagistes. Elles ne sauront jamais que crucifier les nobles révoltés (voir Notice).
Il ne voit de salut qu'à « détruire les villes des faux mages et vers les Chanaans s'exiler pour édifier les Cités Futures ».
Au point de vue de l'art, ce qui frappe le plus dans ce puissant poème, c'est sa solide et originale unité. Singulièrement originale, puisque le poème est à la fois double et un. L'action est contée en une prose rapide, mais chaque élément de la fable soulève en vers magnifiques un vaste mouvement lyrique.
La composition du Livre du Soleil (voir Notice) est semblable et les deux parties sont fondues avec une science encore plus sûre. La prose ici est elle-même poétique. Elle dit par fragments ingénieux le noble mythe d'Adonis. Les vers chantent des vérités, des beautés, des clans modernes où le poème antique et le poème actuel se marient souples et splendides, en duo d'éternité.
Le poète André Ibels a encore publié un recueil de ballades satiriques : Talentiers. Il appelle de ce nom et il méprise avec une verve vigoureuse tous ceux qui écrivent « bien » ou « mal » pour ne rien exprimer ou pour exprimer des riens.
L'idéal du style pour André Ibels ne serait-il point dit avec un suffisante exactitude par la formule de Buffon « le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées ».
Le style d'André Ibels, comme la pensée émue d'André Ibels, a toujours la flamme, la couleur, le mouvement. Il n'a pas toujours la grâce et l'harmonie.
Peut-être André Ibels est-il, pour mon goût de mandarin dépravé, trop indifférent à la pureté. Faut-il avouer toute la vérité ? Il lui arrive quelquefois d'écrire aussi mal que Molière, que le duc de Saint-Simon, que Balzac ou que Stendhal.
Vous riez et vous voyez que je souris, mais mon sourire a-t-il une signification et une direction unique ? Je trouve peut-être des défauts au style de ces grands écrivains et que les contemporains délicats n'avaient pas tout à fait tort contre eux. Mais, si Fénelon blâme avec justice « le galimatias » de Molière, comme Molière a raison devant la postérité contre ce Fénelon dont les grâces blondes sont complètement fanées et dont les douceurs savantes se sont affadies !
Est-ce surtout parce que révolté et écrivain au style puissant et rugueux comme la révolte même qu'André Ibels n'est pas arrivé à la Gloire méritée ? Est-ce plutôt parce que, selon le mot de Louis Marsoleau, que je citais au commencement de cette causerie, il est « un génie dispersé » ?
Je me rappelle en ce moment les vers fiers et nostalgiques de La Fontaine :
J'irais plus haut peut-être au Temple de Mémoire,
Si dans un genre seul, j'avais usé mes jours.
La Fontaine se trompe pour l'avenir. Ceux qu'elle trouve trop riches et trop divers, la postérité encombrée se charge de les appauvrir et de les unifier.
Le multiple La Fontaine n'est plus guère pour nous que le fabuliste. Mais avant que l'avenir simplificateur l'ait émondé, celui qui fleurit sur trop de branches trop hardies et divergentes inquiète et déroute les contemporains. Seuls, les esprits perspicaces, et ils sont rares, voient sous l'épanouissement magnifiquement ramifié l'unité solide du trône.
D'ailleurs l'unité d'André Ibels, nous la trouverons dans la qualité la plus désagréable à ceux qui font le succès, dans l'indépendance, dans la belle inquiétude qui, toujours à la recherche de sentiers nouveaux, méprise les routes grégaires vers la réussite.
Ce journaliste et ce poète est aussi un peintre, un dramaturge, un romancier. Peintre, il a un métier personnel, des procédés originaux, un talent inédit parce qu'il a quelque chose à dire et a montrer que les autres ne disent point et ne montrent point (voir Notice).
Il réalise la clarté comme les plus éblouissants impressionnistes et il modèle la masse comme le feront, dès qu'ils seront équilibrés, nos meilleurs cubistes. Ses arbres avancent, criblés de soleil, et ses maisons ou ses rochers semblent vibrer dans la clarté enveloppante. Il réalise cette merveilleuse synthèse : le volume dans la lumière.
Le dramaturge n'est pas moins original et moins complexe. Une pièce de lui Le Convoi, a été jouée plus de 1.500 fois et le critique de l'Humanité d'alors écrivait : « Pour la propagande pacifiste, c'est la meilleure pièce que nous connaissions. »
Mais nous n'entendons pas ici, comme trop souvent aux pièces de propagande, un dialogue pauvrement et gauchement tendancieux. Le peintre qui unit volume et lumière sait, dramaturge, manier l'émotion, la pensée et la vie.
D'autres de ses drames attaquent la famille : Il neige, par exemple, Autour de la lampe ou cette Page Blanche (voir Notice) qui obtint un double succès : au théâtre, sous le titre Le Lit Nuptial' et sous une signature que je ne daignerai pas vous dire ; en librairie, sous la forme d'un roman puissant, profond et touffu.
Ibels tirera aussi un roman d'un autre de ses drames La Maison de l'Enfer, trois actes discutés, applaudis aux Escholiers, sous le titre d'Autour de la Lampe (13 mai 1908).
Drames et romans se valent : aux uns comme aux autres on admire la construction solide, savante et personnelle ; la création de caractères profonds, âpres et farouches ; la puissance d'enfermer leurs luttes, j'allais dire leurs rugissements, dans la solide cage d'une action vraie. On peut dire d'eux tout ce qu'Henri Duvernois écrivait à propos d'un de ces romans : tout cela est « gonflé à la fois de pensée et de vie ».
Le romancier n'est pas moins dramatique que l'homme de théâtre, mais sa pensée s'explique plus au large et la puissance ardente de la vie n'empêche pas chez lui une rare subtilité d'analyse.
Un de ses romans : L'Arantelle[5] dit l'artiste et l'homme dans l'artiste. lbels a fait de son artiste un sculpteur céramiste et, avec une merveilleuse conscience, il n'a écrit ce livre qu'après avoir travaillé quelque temps comme ouvrier céramiste.
Peut-être cet excès de conscience a déséquilibré quelque peu les proportions. Peut-être voyons-nous la flamme des fours et le fleuve splendide des coulées plus encore que les hommes et leurs souffrances.
Un autre grand roman d'André Ibels, Gamliel, au temps de Jésus (voir Notice) — son premier roman — est une biographie romancée parue en 1901, vingt ans avant l'invention du genre, si nous en croyons les savants et impartiaux fabriciens des Nouvelles catholiques. Pardon, j'oubliais qu'elles n'avouent plus, ces Nouvelles, mais, présomption et tartufferie mêlées, osent se donner pour Littéraires.
André Ibels avait consacré quatre années d'études à la documentation de ce grand livre. Aussi y voyons-nous, dans une neuve lumière, toute la Palestine, mœurs et paysages, au temps de Jésus.
A Gamliel, docteur en Israël, ministre du roi Agrippa et premier féministe que l'histoire nous fasse connaître, André Ibels a voulu redonner l'importance et la taille que lui voyaient ses contemporains.
Il a voulu aussi remettre à sa place, qui lui parait petite, Jésus « son turbulent élève ». Effort piquant, mais moins impartial que ne le croit l'auteur. La perspective des contemporains — il devrait le savoir, lui qui en est victime n'est pas plus juste que celle de la postérité.
Heureusement, un grand artiste comme André Ibels ne fait pas toujours ce qu'il veut : lorsqu'il se trompe dans son projet, la réalisation vaut mieux que l'intention. Dans ce livre, Gamliel, au temps de Jésus qui croit rapetisser Jésus, les pages les plus belles, celles qui restent obstinément dans notre souvenir et qui nous émeuvent par leur tenace grandeur sont celles qui concernent Jésus. Nul lecteur n'oubliera le Songe d'Ebyathar, par exemple, formidable cauchemar où le sang qui coule du Calvaire couvre la terre et, pendant des siècles, attarde la marche lourde de l'humanité.
Le Jésus d'André Ibels ne meurt pas sur la Croix. Dépendu à temps, il vit de longues années dans la solitude. Il en sort pour aller vers des hommes qui, lui dit-on, prêchent et pratiquent sa doctrine. Ils sont particulièrement puissants à Antioche, mais le vieillard qui les visite n'est pas reconnu et, dès qu'il parle, on le chasse comme hérétique.
Il ne trouve secours et amitié que chez un inconnu, un désabusé comme lui, Hermolaos, qui fut prêtre d'Apollon. Ils vont ensemble longtemps sans se dire leurs profondeurs.
Mais il est des jours où l'on a besoin de se révéler tout entier au compagnon. En une de ces heures de faiblesse et d'abandon où l'on cherche par des aveux et des récits à jeter son propre fardeau sur les épaules voisines, Jésus raconte qui il est.
En entendant le nom déjà glorieux, Hermolaos tombe à genoux. « Eh quoi, s'écrie Jésus horrifié, vas-tu toi aussi , m'adorer stupidement comme les autres ? — C'est bien assez, répond Hermolaos, de te pardonner... Mais à Jésus, on pardonne à genoux. »
Les scènes sont nombreuses dans ce livre qui ont même grandeur épique et même profondeur tragique.
Les deux derniers romans d'André Ibels, La Maison de l'Enfer (voir Notice) sont d'une égale beauté dramatique et les caractères, plénitudes vivantes, y sont étudiés et analysés avec profondeur et subtilité.
La Maison de l'Enfer est une modernisation de l'aventure de Phèdre. Je ne lui ferai pas l'injure de la comparer à certain Supplice de Phèdre, d'Henry Deberly, que l'Académie Goncourt vient de couronner (1927).
André Ibels pousse la tragédie au drame. A Racine, il ajoute souvent Shakespeare, parfois même d'Ennery si l'on veut ; Henri Deberly, malgré quelque subtilité dans l'analyse — mais sur ce point, ses tâtonnements, parfois heureux, sont si inférieurs à la sûre maîtrise d'André Ibels — que je suis tenté de l'appeler, depuis son succès extérieur : un néant couronné. Le pauvre homme recule devant toutes les audaces de Racine !...
Dans son étrange Phèdre, quand on annonce la mort de Thésée, c'est que Thésée est vraiment mort. Et Phèdre, veuve, véritable, n'ose jamais avouer son amour à Hippolyte. Quant à ce ridicule Hippolyte, il tente de se suicider parce qu'Aricie l'a quitté. Sa main tremble, je suppose, en replis tortueux, de sorte qu'il se rate magnifiquement. Ce recul continuel devant toutes les situations, cette série, si j'ose dire, de non-situations aurait quelque chose d'amusant et de vaudevillesque si Deberly manifestait quelque puissance comique.
Hélas, le malheureux lauréat n'a pas plus le sens comique que le sens tragique ou le don de la vie et son style n'est que platitude et vulgarité.
Par son absence de personnalité et par ses jolies timidités de bébé bien sage, le petit Deberly méritait vraiment la couronne dans la plus solennelle des distributions de prix qui puérilisent si gentiment notre littérature contemporaine.
André Ibels, oublié et si souvent volé, sait que parmi les oubliés et les volés d'aujourd'hui seront choisies les grandes gloires de demain. Et lui, qui fut peut-être le premier Nietschéen français, peut répéter avec fierté le mot hautain du prophète de Zarathoustra : « Nous autres, hommes posthumes ».
Janvier 1927.
NOTE. — La sténographie originale de cette conférence fut détruite — on ne saura jamais pourquoi — par le mari de la sténographe pris subitement d'un accès d'incompréhensible jalousie. Han Ryner eut alors la gentillesse et la peine de l'écrire.
A cette conférence, on eut le plaisir d'applaudir dans les récitations des proses et des poèmes d'André Ibels : Mmes Marguerite Monval, du Vaudeville, Lysiane Brousseau et Regina Capello ; et Me Marco Robert.
Notices Biographiques et Bibliographiques
[modifier]André Ibels, en effet, depuis l'âge de dix-huit ans a écrit dans les journaux de France et de l'Etranger. Il débuta par une chronique au Figaro. Depuis, on peut trouver sa signature dans presque tous les grands quotidiens et dans les revues. Citons, seulement dans les revues : La Plume, Le Mercure de France, L'Ermitage, La Revue Bleue, et dans les quotidiens : Le Petit Journal, Le Petit Parisien, Le Matin, L'Eclair, La Lanterne, La Dépêche de Toulouse, Le Journal du Soir, Le Pays, La Justice. C'est au Matin qu'il amorça sa grande campagne contre la Traite des Chanteuses, qui sauvait de la prostitution « obligatoire » 5.000 à 6.000 pauvres filles ; c'est également au Matin qu'il amorça sa courageuse campagne contre l'Assistance publique : Les Voleurs des Pauvres, et c'est encore à L'Eclair qu'il la continua. Cette campagne fut la cause des grandes améliorations qu'on apporta depuis à l'A.P. C'est également à L'Eclair que, le premier, en 1908, il dénonça les méfaits des stupéfiants (paradis artificiels). C'est encore à L'Eclair et en se plaçant uniquement au point de vue des malades, qu'il demandait dans la moitié des hôpitaux de Paris, les soins des Sœurs diplômées comme infirmières. Et c'est dans le Journal du Soir qu'il défendit le sort des Aveugles, alors presqu'abandonnés par les pouvoirs publics. Dans la Lanterne, sous le titre : Les Caboulots de l'Amour et de la Mort, André Ibels fit une vigoureuse campagne et obtint l'article 10 de la Loi du 1er septembre 1917 qui supprimait la prostitution dans les cabarets. De ce fait, plus de 10.000 cabarets à femmes furent fermés.
Opinions
[modifier]D'Eugène Ledrain, dans L'Eclair... (7 mars 1896).
- Je vis entrer chez moi, il y a six semaines environ, un tout jeune homme, aux yeux noirs, très étincelants. Sa conversation tantôt fine, tantôt exaltée me surprit fort. Je ne suis pas habitué à rencontrer unies cette distinction et cette sincérité dans la jeunesse qui est d'ordinaire un peu gauche et un peu trop habile...
- ... Mais j'avoue — et je le pressentais — les Cités Futures de M. André lbels — car c'est de lui qu'il s'agit — m'ont procuré un véritable ravissement...
- ...Ce qui distingue le poète André Ibels des autres poètes, ce qui fait qu'il garde toute son originalité, c'est précisément ce qui manque aux magnifiques : la passion. Lui, comme Laurent Tailhade a surtout le don de vie. Où trouver une page plus humaine qu'un certain adieu adressé au paysage basque d'automne par Laurent Tailhade ? Qui donc met dans ses livres un sentiment plus vif, des ardeurs plus violentes que M. André Ibels dans ses poèmes ?...
- ... Ici, je remplis mon métier de critique, constatant les faits d'art et de psychologie, sans aller plus loin et sans anathématiser en religion de nouvelle espèce. Il y a chez M. André Ibels un rare sentiment aristocratique comme un rare sentiment artistique. Lui et quelques-uns de ses parents se considèrent comme une race privilégiée, surhumainement douée, dépassant la taille commune et devant laquelle le reste du genre humain —c'est à dire la masse des résignés — n'a qu'à s'incliner quand ils passent. lls enferment avec soin leur pensée dans des formes précieuses que les aristocrates de lettres seuls sont en état de comprendre. Oui, avec leur phrase mystérieuse et tourmentée pleins d'eux-mêmes et se mirant comme Narcisse dans les eaux de toutes les fontaines, ils ne sont rien moins que de vrais démocrates. Ce qui les note, c'est leur dégoût de ce qui est vulgaire, c'est le soin qu'ils mettent à se chercher, à s'analyser loyalement, c'est aussi le soin de développer leur personne et c'est surtout leur amour de l'inconnu...
- ...Mais pourquoi discuter ? Je devais me borner à montrer ce qu'est maintenant la nouvelle école, d'après les Cités Futures de M. André Ibels, livre curieux et d'un art raffiné...
D'Armand Silvestre, dans le Journal... (1896).
- ... Je demande pardon à mes lecteurs de ce long préambule que justifie pleinement ma profonde admiration pour les Cités Futures d'André Ibels. Ce poème — car c'en est enfin un — construit avec une maîtrise qui rappelle les temps où les poètes pouvaient ou savaient construire un poème, a possédé comme fond, une philosophie peut être discutable mais qui n'en est pas moins profondément humaine. Les poètes sont des prophètes et souvent d'excellents prophètes. C'est la marche héroïque, si j'ose écrire, de tous les malheureux de la terre allant à la conquête de la Terre Promise..., terre de mirage concluera le poète douloureusement. André Ibels a le secret des beaux vers et, ce qui est rare, le secret des beaux vers qui sont personnels. Et ce poète est un merveilleux musicien car, où trouver plus de musique que dans les vers d'André Ibels ? Quelquefois, à son adorable musique se mêle des vers qui rappellent les plus beaux vers de Racine :
Le baiser de Vénus sur Adonis penchée
- ou d'André Chenier :
Vierge, retourne à l'Ile où chantaient tes fuseaux
etc., etc... (Calypso).
De Georges Rodenbach, dans le Figaro... (1896) :
- ...En lisant les Cités Futures, j'ai eu la curieuse impression de lire un poème que Wagner aurait écrit s'il avait été un poète de génie au lieu de n'être qu'un musicien de génie. André Ibels a donc écrit un poème véritablement troublant, mais grandiose et cela nous change de tous ces recueils où, au petit bonheur, on entasse vers sur vers et petits poèmes sur petits poèmes... Enfin, pour terminer ce long article j'avoue que j'ai éprouvé une grande joie d'art à la lecture des Cités Futures. C'est un beau livre lyrique et pathétique qui a pour moi le grand mérite d'être un poème neuf et bien moderne. Ici, il souffle un vent nouveau et ce qu'il appelle un « apostolique espoir ». On y comprend une fois de plus combien la haine est près de l'amour. J'ai retrouvé aussi avec plaisir ce subtil Eucharis (représenté au Théâtre de la Bodinière en 1894) que j'avais un soir à applaudir. Enfin j'aime beaucoup la disposition un peu biblique avec épigraphe. André Ibels a refait, après Lamenais, les Paroles d'un Croyant et il y a lieu de l'en féliciter. Ce poème, d'ailleurs, place son auteur au premier rang des jeunes ».
* *
Il n'est pas possible de citer plus d'extraits des articles qui furent publiés sur les Cités Futures. Mentionnons seulement les noms des Critiques les plus influents : Paul Adam (qui préfaça le Poème), Lucien Mulhfeld, P. Gille, Francis Viélé-Griffln, Pierre Quillard, Max Nordeau, Stuart-Merill, René Ghil, Emmanuel Signoret, Jollivet-Castellot, Yvanhoé Rambosson, C.-M. Savarit, Michel Abadie, Charles Fremine, etc., etc...
Lire le Dictionnaire de la Poésie Française au XIXe siècle. Catulle Mendès :
- Les Cités Futures poème d'André Ibels, (préface de Paul Adam).
- Trois parties : « La Révolte » ; l'aspiration fougueuse d'une âme ardente vers un idéal social de simplicité et de justice. En quelques-unes de ces pages brûle une audace étrange, à la fois existante et douloureuse, qui s'apaise lentement au spectacle de la « Beauté ». C'est la seconde partie de ce Poème. De calmes paysages se déroulent en ces vers intenses. Une paix sereine enveloppe les marbres muets dans les Parcs morts sous la Lune lointaine. Et c'est comme la préparation recueillie à une Vie nouvelle : « l'Amour », (la 3e partie des Cités Futures), affirmation puissante, au-dessus des théories, de la Vie génératrice, toujours belle et toujours naissante.
- Une « Prose » brève et hardie que l'auteur nomme « Livre Prophétique » accompagne les strophes larges et puissantes, et est comme leur bien interne.
Voici un extrait des Cités Futures :
Chant XXXVIII. — Et le Poète-Roi, ayant croisé une troupe de Cygnes qui s'exilait pareillement, il chanta leur gloire ; mais son chant était triste, car il se souvenait des Martyrs qui portaient aussi des poitrails de cygnes.
Les lys ont parfumé la pudeur de vos ailes
Où le nuage blanc s'est reposé sur vous ;
Un ciel immaculé vient bleuir vos prunelles
Et la beauté vous ceint de son azur jaloux.
Sur le profil des lacs glissant comme une aurore
L'éblouissant poitrail creuse les flots errants
Du sein des eaux, jailli comme une chaste amphore
Vous labourez les lacs de sillages mourants.
Votre corps en vaisseau, vos deux ailes en voiles
Vous cinglez ébloui vers l'idéal rivage
Et le soir prophétique illumine d'étoiles
Ces yeux peints pour le rêve et faits pour les mirages.
Vous nagez en rêvant de cités irréelles,
En frôlant une terre où l'on tua des Cygnes.
Mais vos yeux lourds de joie et de grêves nouvelles
Ne voient ni les dangers ni les rives indignes.
Des nénuphars, couchés indolents sur les eaux
Vous offrent, en îlots, leur torse de chair verte
Et vous les ombragez de regards qui consolent,
Car vous avez le cœur de vos sœurs tourterelles.
Vous fuyez, désertant les lacs et les étangs,
Pour oublier le chant de la douleur des êtres,
O blanc Cygne aux yeux d'or vers qui le mal se tend
Et qui vous révoltez pour ne le pas connaître !
Mais quand l'Eternité se tuera dans vos yeux,
Regretté seulement des ondes et des fleurs
A l'heure où vous rendrez un peu d'azur aux cieux,
Vous l'agoniserez le Chant de la Douleur.
* *
Extrait de la Préface du Livre du Soleil :
... Où trouver ailleurs que dans ce culte un amour plus intense de la Vie ?
Cet Etre Mystérieux qui donne sa puissance au Soleil — principe éternel de toute vie ! — je me le suis imaginé, moi, vivant toujours dans notre société actuelle. Pourquoi non ? Le Soleil ne s'encadre-t-il plus dans la splendeur des paysages modernes, et ce dieu ne vaut-il point les autres ?
Adonis, aux approches de l'hiver, s'en va donc, — à l'heure où le Soleil descend à l'Occident dans les arbres d'automne, — s'engourdir dans le froid limpide d'un lac. L'hippogriffe ne le saisit plus ; c'est une Ophélie qui veille sur lui jusqu'à l'heure marquée par le destin, où le Soleil se relèvera à l'Orient, dans les matins printanniers. Et Adonis vit... Il vivra humainement ses « quatre saisons », perdu dans les foules brutales et insou- cieuses, fouillant les ombres et les âmes ternies, portant sa lumière magique et vivifiante dans les cœurs indifférents et les esprits obscurs.
Chaque année, il souffre, meurt et ressuscite, poète méconnu, jamais las de souffrir, de vivre et de mourir, afin de renaître, toujours plus riche d'espoirs et d'humaine tendresse; seulement, lorsqu'il vit, sa vie est un Exemple ! car c'est lui la Vie, c'est lui l'Espérance des aveugles et des souffrants, c'est lui
Le sculpteur de la forme idéale des fleurs,
c'est lui l'amour, la beauté, la bonté, la science ; c'est lui qu'adorait l'Ancêtre lorsqu'il regardait le Soleil poser ses rayons tranquilles sur la verdure des prairies, ou rebondir sur la cîme des arbres avant de disparaître derrière les collines ; c'est lui le Grand Alchimiste qui fait mûrir l'or dans les mines ; qui fait éclore les graines et rougir les roses et les vignes sur la terre...; et, comme il est la Poésie, c'est lui qui ouvre à l'amour le cœur des jeunes vierges et des jeunes femmes, et fait naître, sur les lèvres des poètes, le CHANT sacré, le Chant libre — (libéré même des formules imposées) — chant gonflé de désirs naturels — la polygamie par exemple..., si humaine — un chant éclatant de richesse comme un beau fruit d'été; un chant mâle et hardi, ivre d'indépendance, affranchi du temps et surtout débarrassé de l'emprise des philosophies surannées, des préjugés vieillots et des formules hypocrites qui font encore le malheur des hommes.
Cette Epopée, ancienne et moderne, me semble complète parce qu'elle embrasse l'Homme entier dans sa double nature spirituelle et terrestre ; qu'elle lui révèle les causes essentielles de sa vie : le soleil et la lumière, et lui désigne son but : le libre développement pour atteindre au sommet des jouissances espérées.
Le Livre du Soleil est donc un poème épique, composé, — comme les Cités Futures — de deux parties qui se lient entre elles de plus en plus étroitement à mesure qu'elles avancent, pour arriver à se fondre à la fin. Une de ces parties répond aux besoins de l'action —impossible à rendre avec art par le vers français ; —l'autre, aux besoins immortels de spiritualité et de sensibilité.
L'art, hier, conséquent avec l'idée divine, a produit tout ce qu'il devait produire : des Phidias, des Dante, des Raphaël ; l'art, aujourd'hui, semble plus complexe, quoiqu'en réalité il soit plus simple, puisqu'il prend ses « effets » dans la nature et dans la vie. Quelques écrivains et quelques artistes, épris de lumière, comme Monet et Rosso, l'ont compris.
Cet art là, en brisant toute relation avec l'Idée divine, s'est profondément, religieusement même, attaché à l'Idée humaine, plus vaste, plus grande, plus noble, plus pure et même plus troublante que l'Idée divine, dont les derniers vestiges gisent encore dans le fond des Temples où agonisent ses thuriféraires qui furent, de tous temps, les blasphémateurs de la Vie...
— Mais, hélas ! tant que l'Homme, enlisé dans les sables de la crainte et de l'humilité, se laissera enrégimenter dans une Société qu'il n'aura point fondée ; tant qu'il ne s'écartera point de la Cité dépravante et pestilentielle ; tant qu'il ne s'en retournera point à la Nature, prendre la leçon de grandeur et de bonté que donnent les paysages et ce qui les compose, il restera ce que sont ceux qui « n'osent » ou ne « savent pas se conquérir », — un esclave !
* *
M. André Ibels fit sa première exposition à la Galerie Bolâtre, Avenue Kléber en 1921. Le peintre D. O. Widhopff présentait André Ibels en ces termes :
- Voici André Ibels avec son masque de pur Latin racé au teint mat. Tout le caractère de cet homme se trouve dans ses yeux, des yeux d'un marron sombre, changeant constamment, allant du doux au violent, de la tristesse à la joie, de l'ironie au sévère. Son front est haut. André Ibels est plein d'idées originales ; il est presque toujours bouillant, fiévreux parfois. Sans répit, il emploie son éloquence à défendre les choses les plus dangereuses ou à jeter bas les idoles, les puissances et les arrivistes. C'est alors qu'il faut le voir, se soulevant, gesticulant de mâle façon. Personne ne saurait l'arrêter, pas même une foule menaçante. Jadis, j'ai vu cela. C'est avec toutes ces qualités et ses défauts qu'André Ibels s'adonne à la peinture.
- ... J'ai suivi son évolution avec un intérêt croissant. Je sentais qu'avec ses dons naturels soutenus par son énergie farouche, cet éternel passionné, cet homme peu banal croîtrait vite. Et dans son exposition, il nous montre, à côté de pochades hâtives, des toiles étudiées et profondément réfléchies. C'est un peintre. C'est un peintre inquiet de vaincre des difficultés et qui peint comme tous les vrais artistes avec amour et intelligence. Il marche dans le sillon creusé par l'art libre et où déjà passèrent Pissaro, Cézanne, Van Gogh, Renoir, Medardo Rosso, etc... e suis sur que le nom d'André Ibels, un jour viendra s'ajouter aux noms de cette glorieuse pléiade.
Extraits :
C'est à l'Hôtel Négresco, à Nice, en février 1927, qu'André Ibels fit sa seconde exposition. La Presse Niçoise s'enthousiasma. Voici quelques extraits :
- Si realmente la formula mas sencilla y mas exacta del arte es el minimo de medios para obtener el maximo de efecto, André Ibels puede ser clasificado entre los grandes artistas.
l'A.B.C., de Madrid,
de la Razon, de Buenos-Ayres.
- Ce qui frappe dans l'Exposition lbels, c'est une joie de peindre qui émane de chaque œuvre. Et ce qui fut &œlig;uvré avec joie porte en soi une force de persuasion vitale, qui suscite l'intérêt, détermine souvent l'admiration. Il y a souvent à admirer dans l'Exposition André Ibels.
L'Eclaireur de Nice et du Sud-Est.
- Ecrire de peinture est souvent difficile et décevant. La transposition d'une émotion est rarement réalisée de l'artiste à l'écrivain. Et il y a les enthousiasmes éphémères. Appuyées sur la solide technique du fusain, témoin de la sincérité de l'artiste, le coloris d'André Ibels, souvent violent — la Nature entre franchement en lui —n'est jamais brutal, mais toujours harmonieux.
L'Eclaireur de Nice et du Sud-Est.
- Je connaissais André Ibels — homme de plume — et, aujourd'hui, je découvre André Ibels homme de poil — et de fusain ; et je ne peux dire qu'une chose : c'est que le second m'enthousiasme autant que j'aime le premier. Je ne sais pas ce que les techniciens pourront dire : mais je sens qu'Ibels a découvert quelque chose de neuf ; et que c'est du grand Art où s'affirme son grand cœur.
La France de Nice et du Sud-Est.
- Un étonnement tout d'abord, une admiration ensuite devant cette traduction sincère de la nature sous tous ses aspects. André lbels est un très grand artiste synthétique qui crée par des procédés nouveaux une vision tout à fait neuve.
Nouveau Journal.
- André Ibels, connu de fort bonne heure comme ardent et beau poète, puis un peu plus tard comme romancier hardi et bousculeur de tous clichés littéraires, en outre polémiste vigoureux houspillant travers, ridicules, illogismes et injustices partout où il les trouve, est aussi un peintre dont la personnalité s'est tout d'un coup, pour ainsi dire, imposée à sa première personnalité d'écrivain.
- Nous avons, cette semaine, à Nice, une conférence d'André Ibels, sur « Trente ans de Boulevard », pour le samedi de l'Artistique. Elle eut lieu hier, émouvant les curiosités par sa franchise et par toute la vie qui l'animait. Mais André Ibels ne se contente pas de parler au milieu de nous. Il expose au Négresco une trentaine de ses fusains rehaussés de couleurs qui sont du plus haut intérêt, non moins vivants, en vérité que sa parole, et d'un effet absolument nouveau. C'est un événement de peinture ; André Ibels l'a voulu dater de Nice qu'il aime et à laquelle il est venu l'apporter.
La Vie Niçoise.
- Simple and clear in conception, and no less clear and simple in exception, the "coloured charcoals" André Ibels, reveal in the artist a rare and scrupulous concern for unity.
- Are not these the very qualifies of the highest art ?
Figaro (page d'Amérique).
- Il faut applaudir à toutes les tentatives de décentralisation et féliciter aussi ceux qui aident cette décentralisation. André Ibels est parti à Nice pour exposer dans les grands salons du Négresco, « une trentaine de fusains rehaussés de couleurs ». C'est une formule simple, toute nouvelle, mais qu'il fallait trouver : simplement conçue, plus simplement peut-être exécutée, les fusains rehaussés d'André Ibels, montrent, dans leur ensemble, un rare souci d'unité. Unité, minimum de moyens, maximum d'effet, c'est peut-être là les trois principales exigences du grand art.
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Pour Autour de la Lampe, comme pour le Livre du Soleil, nous ne pouvons citer, faute de place, que les noms des principaux critiques, en mentionnant tout particulièrement les feuilletons dramatiques d'Henri Bidou dans le Journal des Débats et de Régis Gignoux, dans Messidor. Jean Richepin, Catulle Mendès, Fernand Hérold, Edouard Sarradin, Adolphe Aderer, Adolphe Brisson, Nozière, François de Nion, Montcornet, Marcillac, René Benoist, Alfred Mortier, Un Monsieur de l'Orchestre, P. Mealy, Th. Massiac.
Cette pièce fut très discutée. Quelques-uns s'élevèrent surtout contre l'audace du sujet — ... et le sujet était « Phèdre ! » M. Robert D'Humières devait reprendre cette pièce avec, comme héroïne, l'admirable actrice Vera Sergine. Il ne l'osa pas. M. Quinson eut la même tentation suivie de la même faiblesse. C'est de cette pièce, mais en portant le sujet après la guerre, que M. André Ibels tira en effet son roman : La Maison de l'Enfer.
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Gamliel, au temps de Jésus (épuisé). Les éditeurs de cette biographie romancée, première en date, dans un but de lucre, tirèrent bien quelques exemplaires « avec ce titre », mais s'empressèrent — et sans autorisation de l'auteur — de jeter sur le roman plusieurs milliers d'exemplaires avec un titre qui leur semblait plus suggestif : Gamliel, une « orgie » au Temps de Jésus.
Un grand article que Max Nordan, l'auteur de Dégénérescence, consacra à ce livre a paru dans la Gazette de Francfort (en 1901). Nous détachons les lignes suivantes :
- ... L'érudition de M. André lbels est variée, pittoresque, minutieuse si parfois, mais rarement défaillante dans les détails. Il a admirablement saisi le caractère des temps troubles où mouraient les vieilles croyances et s'élaboraient les nouvelles. Il a fait puissamment revivre les figures tragiquement grandes, sauvages et perverses des Hérodiens. Gamliel est bien attrayant dans son mélange de patriotisme mystique, de liberté, d'esprit, d'atavisme juridique et d'habitudes hellénistes. Peut-être l'auteur n'a-t-il pas été également juste envers les Romains qui, à ce moment, produisaient encore d'autres types que Pilate et le Chevalier Mundus. Le songe prophétique d'Ebyathar résume admirablement le reproche que le néo-paganisme adresse au christianisme... etc.
Paul Adam, l'auteur de Basile et Sophia n'hésitait pas, dix ans plus tard, au cours d'une préface écrite pour la Louve, de M. Louis Dumont, à se souvenir de Gamliel au Temps de Jésus d'André Ibels :
- ...L'éducation de l'esprit peut se faire intégralement — écrivait-il — par une série de lectures successives. On peut visiter l'âme de l'Egypte si l'on se plaît à l'œuvre de Th. Gautier, si l'on s'intéresse à son roman de la Momie.
- Magon nous a apprit à connaître les Phéniciens. Carthage apparaît d'une manière inoubliable avec la splendide psychologie des Mercenaires à qui la beauté de Salammbo en impose, comme la merveilleuse intelligence de Flaubert en impose au siècle. Les Contes Latins de Jean Richepin et même le médiocre Quo Vadis nous ont permis de fréquenter les citoyens de Rome. Renan nous a présenté Jésus et André Ibels, ce peuple de Jérusalem avec son farouche Gamliel au temps de Jésus, etc...
Gamliel au temps de Jésus est traduit en espagnol sous ce titre : La ultima estrella de Israel[6] (La Dernière Etoile d'lsraël) et c'est sous ce titre qu'il sera réimprimé prochainement.
Autres critiques...
[modifier]Ces deux lettres seulement qui, pour La Page Blanche, valent mieux que toutes les critiques :
- Mon cher Ami... Vous venez d'écrire avec la Page Blanche un beau, un important roman. Il manque à la plupart des écrivains d'aujourd'hui cette science de la vie dont un livre doit être plein à craquer. Le vôtre, avec ses exquises qualités d'art, d'émotion et d'esprit, révèle un trésor d'observations humaines. Et comme c'est abondant, aisé, généreux. Enfin, je vous félicite de tout mon cœur et je vous souhaite le grand succès que vous méritez. Affectueux souvenir de votre ami, lointain mais attentif et affectueux, Henri Duvernois.
- ...Bien, très bien, vivant et pas banal, intéressant par surcroît votre Page Blanche. Je vous jette en hâte une félicitation cordiale et vous excuserez ma brièveté, etc., etc... Ma très cordiale amitié, J.-H. ROSNY.
Cette seule lettre pour la Maison de l'Enfer [7] :
- Mon cher Ami. Je viens de lire pour la seconde fois votre très beau roman : La Maison de l'Enfer, si riche en matière et si complet puisqu'il est gonflé à la fois de vie et de pensée, qu'il est intelligent — et prenez ce terme dans son sens le plus large et le plus noble et humain. Jamais, je le crois bien, l'on n'a opposé avec plus de forces et de preuves, l'Homme dans son intellectualisme et la Femme dans son instinct.
- Que de bêtises l'on écrira à propos de ce livre !
- Je pense que j'en écrirais moins que les autres si je trouvais une tribune pour m'exprimer. Je vais la chercher. Au cas où quelqu'un vous demanderait un article n'hésitez pas à me désigner. Je serais très heureux de dire mon admiration et de l'expliquer.
Henri Duvernois.
- ↑ C'est à propos de la « Quotidienne » consacrée à La Page Blanche que Louis Marsolleau écrivit dans L'Eclair cette phrase :
« On peut dire d'André Ibels que c'est un génie dispersé. Poète, romancier, dramaturge, il est journaliste et conférencier; il fait de la peinture, fabrique des meubles et sans doute compose de la musique le reste du temps. Mais au moins ses meubles sont-ils jolis, sa peinture bonne et excellente, sa littérature en tous genres ?
« Certainement; c'est un Artiste.
« Le dernier roman qu'André Ibels vient de nous donner : La Page Blanche, est tout à fait attachant... ».
(Analyse de la Page Blanche) :
... Dans La Page Blanche, comme en toutes ses œuvres, d'ailleurs, André Ibels se montre ce qu'il est, un moraliste acerbe et un redresseur de torts, sans cesse cabré contre les opinions toutes faites et les préjugés ; prenant les fausses vertus et leur tordant le cou, comme Verlaine souhaitait qu'on le fit à l'éloquence. Car la caractéristique de cet homme brun à la voix âpre et au teint safrané, c'est une générosité sans cesse en bataille contre toutes les injustices et toutes les sottises consacrées. C'est un apôtre rageur. André Ibels, isolé et un peu farouche, est un indépendant, un véritable « en dehors » ; et je l'aime de n'avoir jamais brigué un seul des innombrables « prix littéraires » du jour et de n'avoir, de sa vie, déposé aucun volume sur le paillasson d'un jury. C'est un mérite qui se fait rare, autant dire : exceptionnel. - ↑ Il fut d'ailleurs toujours acquitté et presque toujours avec les félicitation du Tribunal — (le fait mérite d'être noté).
- ↑ Cette circulaire est aujourd'hui l'« article 10 » de la Loi sur les Débits de Boissons.
- ↑ C'est surtout parce qu'il a été impossible de retrouver cette œuvre de jeunesse qui, selon lui, ne présente guère d'intérêt.
- ↑ Epuisé. Bose, éditeur.
- ↑ Renacimiento, éditeur, San Marcos, 42, Madrid.
- ↑ Traduit en espagnol par Joachim Belda (éditeur Avenda de Condé de Penalver, Gran Via S, Madrid).