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Anecdotes historiques et morales/04

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BAYARD.

De tous les guerriers des anciens temps, aucun peut-être n’a donné plus de preuves de valeur et de générosité que le chevalier Bayard[1]. Aussi, aucun nom n’est plus populaire que le sien. Mais, parmi les actions qui lui firent donner le titre de sans peur et sans reproche, il en est qui sont peu connues, et qui cependant méritent de l’être tout autant que les autres ; car, pour être moins éclatantes, elles n’en sont pas moins dignes d’être louées et imitées.

Lorsque Bayard était en pays ennemi, il ne manquait jamais de payer avec la plus grande exactitude la dépense que lui et ses gens avaient faite là où ils avaient logé. Un jour, quelqu’un lui fit observer que l’argent qu’il donnait ainsi était argent perdu ; car, à peine serait-il parti, que la maison de ses hôtes allait certainement être brûlée et pillée. Sans se laisser séduire par ce raisonnement qui n’était que trop vrai, grâce à la manière barbare dont on faisait alors la guerre, Bayard répondit : « Messieurs, je fais ce que je dois, advienne que pourra ; Dieu ne m’a pas mis au monde pour vivre de rapine : qui sait d’ailleurs si ce pauvre homme, (parlant de son hôte) ne pourra aller cacher son argent au pied de quelque arbre ? Et quand la guerre sera hors du pays, il pourra s’en aider et priera Dieu pour moi. »

Nous ne sommes pas tous en passe d’imiter les grandes actions de Bayard ; mais tous nous avons des occasions d’imiter son inflexible rigueur à rendre toujours à autrui ce qui lui appartenait.


  1. Pierre du Terrail, dit le chevalier de Bayard, naquit en 1476. Il s’illustra dans les guerres d’Italie, sous les règnes de Louis XII et de François Ier, et fut tué en 1524 à Rébec, pendant qu’il protégeait la retraite de l’armée française, que poursuivaient les troupes de Charles-Quint, roi d’Espagne et empereur d’Allemagne.