Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/06

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Texte établi par Jean HervezBibliothèque des curieux (éditions Briffaut) (p. 53-55).

Bandeau de début de chapitre
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CHAPITRE VI

PORTRAIT DE LA COMMANDANTE


Separateur-7-Vaguelettes orienté bas
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Dans presque tous les pays du monde on ne confie le commandement des armées ou le gouvernement des places importantes qu’à des personnes qui ont vieilli sous les armes ; à Cythère, les usages sont différents, les vieilles forment le grand Conseil de la Nation ; le sénat, composé de personnes respectables, décide souverainement de toutes les affaires d’État. C’est là qu’on examine s’il est à propos de déclarer la guerre, les moyens qu’on doit employer pour réussir, les pièges qu’il faut tendre à l’ennemi, les avantages qu’on doit retirer de la victoire. Quand toutes les matières ont été soigneusement discutées, les jeunes Cythéréennes sont chargées de l’exécution. Celle qui commandait à Cythère pendant le siège avait à peine atteint son cinquième lustre.

                                       Aux âmes bien nées,
La valeur n’attend pas le nombre des années.

Plusieurs actions éclatantes l’avaient élevée à ce poste sublime ; elle avait porté le ravage dans le territoire des Friscaniens. Après avoir fait sur eux un butin immense, elle chercha à s’illustrer par de plus glorieuses conquêtes. Les Conobluders fournissaient un vaste champ à son ambition, elle les attaque et vient à bout de les soumettre. De si brillants succès ne devaient pas rester sans récompense ; aussi, quand il fut question d’élire une générale, tous les suffrages se réunirent en faveur de la belle Divutemia. Je ne m’amuserai pas à faire la description de son visage et de sa taille. Il vaut mieux faire connaître cette héroïne par des endroits plus intéressants.

Divutemia n’avait que les connaissances nécessaires à sa profession, mais elle les possédait dans un degré éminent. Si son esprit n’était pas fort étendu, son cœur était extrêmement vaste. Rien ne pouvait en remplir les désirs. Elle avait le coup d’œil admirable, voyait tout d’un coup l’endroit faible par où il fallait attaquer l’ennemi, tantôt fondait sur lui brusquement, et tantôt l’attendait de pied ferme. Maîtresse de tous ses mouvements, pendant la chaleur du combat elle paraissait animée de fureur et de rage, et cependant son âme jouissait d’une tranquillité parfaite. Infatigable, à peine avait-elle achevé une expédition qu’elle était prête à en entreprendre une autre ; intrépide, elle aurait affronté les plus grands périls pour satisfaire son avide cupidité. Telle était Divutemia.


Vignette de fin de chapitre
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