Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/12

La bibliothèque libre.
Texte établi par Jean HervezBibliothèque des curieux (éditions Briffaut) (p. 75-78).

Bandeau de début de chapitre
Bandeau de début de chapitre


CHAPITRE XII

CYTHÈRE EST INVESTIE


Separateur-7-Vaguelettes orienté haut
Separateur-7-Vaguelettes orienté haut


Aussitôt que les troupes des assiégeants furent assemblées, on avança vers Cythère. D’abord on examina lequel des côtés de la place était le plus faible, afin de l’attaquer par là. Il se tint à ce sujet un grand conseil de guerre, où les sentiments furent partagés : la plupart des généraux voulaient qu’on commençât par s’emparer des deux grosses tours ; mais Teuscotoser, officier de réputation parmi les Omines, fut d’un avis contraire. Il soutint qu’il fallait aller tout de suite au corps de la place ; puis adressant la parole à Kulisber, il lui dit :

SEIGNEUR,

Le poste éminent que vous occupez est une preuve certaine de vos talents. Jamais on ne vous aurait vu à notre tête si l’on ne vous avait pas jugé digne de nous commander. Mais, pour réussir dans cette guerre, il ne suffit pas de joindre, comme vous faites, la prudence au courage, il faut encore connaître à fond le génie des peuples que nous allons combattre. Permettez-moi de le dire, seigneur, jusqu’ici vous n’avez eu affaire qu’à des Chadabers. Cette nation est bien différente des Cythéréennes ; ce n’est qu’à force de temps et de patience qu’on vient à bout de soumettre les premiers. Au contraire, il faut attaquer les autres brusquement et ne pas leur donner le loisir de se reconnaître. Si j’ai acquis quelque gloire dans les différents combats où je me suis trouvé, je puis dire que je n’ai dû mes succès qu’à la promptitude avec laquelle je me suis jeté sur l’ennemi aussitôt qu’il paraissait. Je fondais sur lui avec impétuosité ; de sorte que le voir, l’attaquer et le vaincre était la même chose pour moi. Bien des personnes se sont repenties d’avoir suivi une méthode tout opposée. Quand une Cythéréenne a le temps de se remettre du trouble où la jette la présence d’un guerrier redoutable, il est bien difficile alors d’en pouvoir triompher : elle se tient sur ses gardes, examine tous vos mouvements, prévoit toutes vos démarches, et se met en état de n’avoir rien à craindre de votre part. C’est pourquoi, si l’on veut m’en croire, nous tâcherons de prendre la ville d’assaut. J’avoue qu’il y a du danger ; mais les périls peuvent-ils intimider des cœurs tels que les nôtres ? Pour moi, je suis prêt à donner l’exemple et à montrer à toute l’armée ce que peut un Omine animé par le désir d’acquérir de la gloire.

En même temps, il prend ses armes, qui étaient en très bon état, les fait briller aux yeux de l’assemblée et demande qu’on le laisse marcher à l’ennemi.

Kulisber fut très mécontent de cette harangue. Il ne put souffrir qu’on doutât de ses lumières ; c’est pourquoi il se rangea du parti de ceux qui voulaient qu’on fît le siège dans toutes les formes. En conséquence, il déclara qu’il fallait commencer par attaquer les ouvrages extérieurs devant que d’aller au corps de la place.

Quand toutes les opérations eurent été réglées, la ville ne tarda pas d’être investie. Bientôt après, la tranchée fut ouverte. On commanda quelques compagnies de Panutiers pour s’emparer des deux grosses tours. Mais ils furent repoussés vivement et n’osèrent point retourner une seconde fois à la charge.

Pendant ce temps-là, on délibérait à Cythère, pour savoir si on ne lâcherait pas les écluses qui retenaient les eaux du fleuve Nerui. Si cette résolution eût été suivie, c’en était fait des assiégeants ; mais il fut décidé, à la pluralité des voix, qu’on n’aurait point recours à des moyens extraordinaires, que l’on ne devait jamais employer que dans le cas d’une nécessité trop urgente.


Vignette de fin de chapitre
Vignette de fin de chapitre