Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors (éd. 1733)/15

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Chapitre XV



CHAPITRE. XV.


Les Cythéréennes font une
Sortie.



Cependant les Cythéréennes furent informées par leurs Eſpions du déſordre qui régnoit dans l’armée des Aſſiégeans, elles rêſolurennt de profiter de cette occaſion pour faire une vigoureuſe ſortie ſur l’ennemi. l’Officier Général qui étoit de tranchée ce jour lá ſe vit abbatu ſous les coups d’une Emécodine. On encloua pluſieurs piéces de gros canon qui furent miſes hors d’état de tirer, jusqu’a ce quelles euſſent été refonduës : Après cela ces braves Amaſones ſe répandirent dans le camp des ennemis. Les Carges ſur tout pénétrérent dans les tentes des ſoldats ſur qui elles firent main baſſe. Dieux ! de combien d’actions glorieuſes l’envieuſe Nuit ne nous déroba t’elle point la connoiſſance ? Les Durpes ſûrent bien profiter des ténébres pour ſignaler leur courage.

Les Aſſiégeans qui ne s’attendoient pas á être réveillés de la ſorte ne s’oubliérent point en cette occaſion. Ceux á qui les fumées du vin n’avoient pas troublé la cervelle ſe mirent en état de défenſe & ſe battirent en furieux. Teuscotoſer fit des exploits dignes d’un éternel ſouvenir. Tous ceux qui ſe préſentérent á lui, furent auſſitôt étendus par Terre & immolés á ſon vif reſſentiment. Á combien de malheureuſes victimes, Kulisber ne fit’il pas mordre la pouſſiére ! Ceux qui expirérent ſous ſes coups n’eurent pas la conſolation de tourner vers le ciel leurs mourans & derniers regards.

Cependant le jour commnencois á paroitre. Il fallut ſonger á ſe retirer dans la Ville. Les Cythéréennes y rentrérent en bon ordre ; Elles furent pourſuivies par les Caginiens qui mirent tout en piéçe une brigade de Meauraquex qui faiſoient l’arriére garde. Ce ne fut que lors que le ſoleil fit briller ſes premiers rayons qu’on reconnut l’horrible ravage qui s’étoit fait dans le camp pendant la nuit. La plus part des ſoldats furent ſi maltraités dans cette affaire, qu’il leur fallut pluſieurs jours pour ſe remettre de leurs fatigues. Au bout de quelque tems ils ſe trouvérent en état de continuer leurs opérations, & ils pouſſérent le ſiége avec plus de vigueur que jamais. Quoi que leur feu fut trés vif, il l’étoit cependant beaucoup moins que celui des Cythéréennes. Celles ci faiſoient double & triple décharge, tandis que leurs Ennemis pouvoient, á peine, en faire une ſeule. Mais ſi les forces manquoient aux Alliez, Ils trouvoient des reſſourçes infinies dans la grandeur de leur courage.


Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors, 1733-Vignette
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