Anna Rose-Tree/Lettre 88

La bibliothèque libre.
Veuve Duchesne (p. 118-119).


LXXXVIIIme LETTRE.

Mylady Clarck,
à Monſieur Nivelar ;
à l’Hôtel de Berlin.

Vous m’avez juré un entier dévouement, je compte abſolument ſur votre parole. Servez-moi ſelon mes déſirs, & ma fortune eſt à vous. Je me flatte que vous n’avez point à vous plaindre de la manière avec laquelle j’ai débuté avec vous ; quelque beau que vous ait paru le ſolitaire, croyez que ce n’eſt qu’un prélude de mes bienfaits. La Perſonne dont je vous ai parlé eſt grande, blonde, tout le monde dit qu’elle eſt jolie ; & quoique ce ne ſoit pas mon avis, il faut toujours la chercher parmi les Femmes de ce nombre. Son Époux eſt d’une taille au deſſus de la médiocre ; il eſt auſſi blond ; il a beaucoup de couleurs, & ſes traits ſont parfaitement réguliers. Il exiſte encore une Belle-mère, grande, belle, de trente-ſix à quarante ans, les cheveux comme ſon Fils, Clemency eſt leur nom. Je les crois riches ; il ne doit pas vous être difficile de les découvrir. Je vous ai conté l’hiſtoire de la jeune Lady ; c’eſt une miſérable qu’il faut punir, elle a ma haine. Je la perdrai ; ſi je me perds avec elle, que vous importe, puiſque vous aurez mon argent ? & il paroît que vous l’aimez beaucoup. Venez lundi me rendre compte de vos démarches. Je ſuis votre ſervante

Suzanna Clarck.

De l’Hôtel d’Angleterre.