Annales de l’Empire/Édition Garnier/Othon II

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OTHON II,
treizième empereur.

974. Il est clair que les empereurs et les rois l’étaient alors par élection. Othon II, ayant été déjà élu empereur et roi de Germanie, se contente de se faire proclamer à Magdebourg par le clergé et la noblesse du pays : ce qui composait une médiocre assemblée.

Le despotisme du père, la crainte du pouvoir absolu perpétué dans une famille, mais surtout l’ambition du duc de Bavière Henri, cousin d’Othon, soulèvent le tiers de l’Allemagne.

Henri de Bavière se fait couronner empereur par l’évêque de Freisingen. La Pologne, le Danemark, entrent dans son parti, non comme membres de l’Allemagne et de l’empire, mais comme voisins qui ont intérêt à le troubler.

975. Le parti d’Othon II arme le premier, et c’est ce qui lui conserve l’empire. Ses troupes franchissent ces retranchements qui séparaient le Danemark de l’Allemagne, et qui ne servaient qu’à montrer que le Danemark était devenu faible.

On entre dans la Bohême, qui s’était déclarée pour Henri de Bavière. On marche au duc de Pologne. On prétend qu’il fit serment de fidélité à Othon, comme vassal.

Il est à remarquer que tous ces serments se faisaient à genoux, les mains jointes, et que c’est ainsi que les évêques prêtaient serment au roi.

976. Henri de Bavière, abandonné, est mis en prison à Quedlimbourg ; de là, envoyé en exil à Elrick, avec un évêque d’Augsbourg, son partisan.

977. Les limites de l’Allemagne et de la France étaient alors fort incertaines. Il n’était plus question de France orientale et occidentale. Les rois d’Allemagne étendaient leur supériorité territoriale jusqu’aux confins de la Champagne et de la Picardie. On doit entendre par supériorité territoriale, non le domaine direct, non la possession des terres, mais la supériorité des terres, droit de paramont, droit de suzeraineté, droit de relief. On a ensuite, uniquement par ignorance des termes, appliqué cette expression de supériorité territoriale à la possession des domaines mêmes qui relèvent de l’empire, ce qui est au contraire une infériorité territoriale.

Les ducs de Lorraine, de Brabant, de Hainaut, avaient fait hommage de leurs terres aux derniers rois d’Allemagne. Lothaire, roi de France, fait revivre ses prétentions sur ces pays. L’autorité royale prenait alors un peu de vigueur en France, et Lothaire profitait de ces moments pour attaquer à la fois la haute et la basse Lorraine.

978. Othon assemble près de soixante mille hommes, désole toute la Champagne, et va jusqu’à Paris. On ne savait alors ni fortifier les frontières, ni faire la guerre dans le plat pays. Les expéditions militaires n’étaient que des ravages.

Othon est battu, à son retour, au passage de la rivière d’Aisne, Geoffroi, comte d’Anjou, surnommé Grisegonelle, le poursuit sans relâche dans la forêt des Ardennes, et lui propose, selon les règles de la chevalerie, de vider la querelle par un duel. L’empereur refusa le défi, soit qu’il crût sa dignité au-dessus d’un combat avec Grisegonelle, soit qu’étant cruel il ne fût point courageux.

979. L’empereur et le roi de France font la paix, et par cette paix, Charles, frère de Lothaire, reçoit la basse Lorraine de l’empereur, avec quelque partie de la haute. Il lui fait hommage à genoux ; et c’est, dit-on, ce qui a coûté le royaume de France à sa race ; du moins Hugues Capet se servit de ce prétexte pour le rendre odieux.

Pendant qu’Othon II s’affermissait en Allemagne, les Romains avaient voulu soustraire l’Italie au joug allemand. Un nommé Censius[1] s’était fait déclarer consul. Lui et son parti avaient fait un pape qui s’appelait Boniface VII. Un comte de Toscanelle, ennemi de sa faction, avait fait un autre pape, et Boniface VII était allé à Constantinople inviter les empereurs grecs, Basile et Constantin, à venir reprendre Rome. Les empereurs grecs n’étaient pas assez puissants. Le pape leur joignit les Arabes d’Afrique, aimant mieux rendre Rome mahométane qu’allemande. Les chrétiens grecs et les musulmans africains unissent leurs flottes, et s’emparent ainsi du pays de Naples.

Othon II passe en Italie, et marche à Rome.

981. Comme Rome était divisée, il y fut reçu. Il se loge dans le palais du pape ; il invite à dîner plusieurs sénateurs et des partisans de Censius. Des soldats entrent pendant le repas, et massacrent les convives. C’était renouveler les temps des Marins, et c’était tout ce qui restait de l’ancienne Rome, Mais le fait est-il bien vrai ? Godefroi de Viterbe le rapporte deux cents ans après.

982. Au sortir de ce repas sanglant, il faut aller combattre dans la Pouille les Grecs et les Sarrasins, qui venaient venger Rome et l’asservir. Il avait beaucoup de troupes italiennes dans son armée ; elles ne savaient alors que trahir.

Les Allemands sont entièrement défaits. L’évêque d’Augsbourg et l’abbé de Fulde sont tués les armes à la main. L’empereur s’enfuit déguisé ; il se fait recevoir comme un passager dans un vaisseau grec. Ce vaisseau passe près de Capoue. L’empereur se jette à la nage, gagne le bord et se réfugie dans Capoue.

983. On touchait au moment d’une grande révolution. Les Allemands étaient près de perdre l’Italie, Les Grecs et les musulmans allaient se disputer Rome ; mais Capoue est toujours fatale aux vainqueurs des Romains. Les Grecs et les Arabes ne pouvaient être unis ; leur armée était peu nombreuse ; ils donnent le temps à Othon de rassembler les débris de la sienne, de faire déclarer empereur à Vérone son fils Othon qui n’avait pas dix ans.

Un Othon, duc de Ravière, avait été tué dans la bataille. On donne la Bavière à son fils. L’empereur repasse par Rome avec sa nouvelle armée.

Après avoir saccagé Bénévent infidèle, il fait élire pape son chancelier d’Italie. On croirait qu’il va marcher contre les Arabes et contre les Grecs ; mais point. Il tient un concile. Tout cela fait voir évidemment que son armée était faible, que les vainqueurs l’étaient aussi, et les Romains davantage. Au lieu donc d’aller combattre, il fait confirmer l’érection de Hambourg et de Brême en archevêché. Il fait des règlements pour la Saxe, et il meurt dans Rome, le 7 décembre, sans gloire ; mais il laisse son fils empereur. Les Grecs et les Sarrasins s’en retournent après avoir ruiné la Pouille et la Calabre, ayant aussi mal fait la guerre qu’Othon, et ayant soulevé contre eux tout le pays.


  1. Voltaire a dit Crescence ci-dessus, page 197 ; et Crescentius, tome XI, page 344.