Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Analise transcendante, article 1

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ANALISE TRANSCENDANTE.

Méthode de différenciation, indépendante du développement
des fonctions en séries.
Par feu Français, professeur aux écoles d’artillerie.[1]
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Toutes les méthodes de différentiation, connues jusqu’à présent, supposent le développement des fonctions en séries ; et la chose parait même, en quelque sorte, inévitable, puisque les différentielles d’une fonction ne sont autre chose que les coefficiens des termes successifs du développement de ce que devient cette fonction, lorsque la variable reçoit un accroissement arbitraire. Il peut donc paraître assez intéressant de déterminer les différentielles d’une fonction, sans recourir à ce développement ; c’est l’objet de la méthode que je vais exposer. Elle ne suppose connues que la différentielle de la somme et celle du produit et repose sur les deux lemmes suivans :

LEMME I. et étant deux variables entièrement indépendantes, et étant des fonctions quelconques de et  ; si l’on a l’équation

on en pourra conclure ces deux-ci

Démonstration. Si l’équation n’était point identique, ce serait une équation différentielle en vertu de laquelle se trouverait, contrairement à l’hypothèse, une certaine fonction de  ; on a donc nécessairement et  ; donc, etc.

LEMME II. et étant deux fonctions composées de la même manière, la première en et la seconde en variables indépendantes : si l’on a on en pourra conclure constante.

Démonstration. D’après l’hypothèse, la fonction doit devenir la fonction si l’on y met au lieu de  ; mais, à cause de , la fonction ne doit pas changer de valeur, par l’effet de cette substitution ; donc, puisque indépendant de , peut représenter des valeurs quelconques de , la fonction est tellement constituée, qu’elle conserve la même valeur, quelle que soit d’ailleurs la variation de  ; propriété qui caractérise les constantes ; donc, etc.

Cela posé, soit 1.o à différentier  ?

Soient et deux variables absolument indépendantes ; on aura

(1)

Désignons la différentielle inconnue de par  ; nous aurons, en différentiant l’équation, (1)

d’où nous tirerons, par le Lemme 1,

ce qui donne, par l’élimination de \varphi(xy) et la suppression des facteurs communs,

ou

on a donc, par le Lemme II, donc par conséquent,

2.o Soit à différentier  ?

En supposant encore quelconque et indépendante de on aura

(2)

Soit la différentielle de  ; il viendra, en différentiant l’équation (2),

d’où nous tirerons, par le Lemme I,

donc

et, par le Lemme II,  ; donc et par conséquent

3.o Soit à différentier pour un système quelconque ?

On aura par la définition de la fonction proposée,

(3)

Soit la différentielle de  ; il viendra en différentiant l’équation (3)

donc (Lemme I)

d’où

donc (Lemme II) et par conséquent

4.o Soit à différentier  ?

Soit  ; en différentiant l’équation il vient d’où

D’un autre côté on a, par la définition de la fonction proposée,

(4)

d’où on conclura, par la différentiation,

ou

donc (Lemme I)

ou

donc (Lemme II) donc donc enfin

et, puisqu’on a

il viendra en outre

Il reste maintenant à déterminer les constantes qui entrent dans ces différentielles.

1.o Dans l’équation la constante ne peut être qu’une fonction de  ; en la désignant par elle se changera en pour la différentielle de et en pour celle de  ; or on a

d’où on conclura, par la différentiation,

c’est-à-dire,

(5)

Soit en différentiant l’équation (5), il viendra

donc (Lemme I)

 :

donc (Lemme II) étant une nouvelle constante ; on a donc d’où nous n’ajoutons pas de nouvelle constante parce que doit être nulle en même temps que

On a donc

et, si l’on fait on en conclura donc  ; donc  ; donc enfin

2.o Dans la différentielle la constante ne peut être qu’une fonction de qu’on appelle la base, et doit changer avec cette base. Appelons la valeur de pour laquelle devient l’unité, nous aurons

Faisons ensuite nous en conclurons, par la différentiation

or, si nous désignons par la caractéristique les logarithmes qui répondent à la base et qu’on appelle Logarithmes naturels, et par L ceux qui répondent à la base l’équation donnera et donc

d’où

3.o La constante dans l’équation se détermine bien facilement par ce qui précède. En posant il vient d’où or de résulte et conséquemment ou bien donc et par conséquent

4.o Si, dans l’équation on suppose que l’arc décroisse continuellement, jusqu’à devenir nul, on aura et d’où ou ce qui donne mais, on démontre rigoureusement[2] qu’à la limite donc et conséquemment

D’après cette détermination des constantes, les différentielles des fonctions se trouvent ramenées à la forme connue. Et, comme ces fonctions sont les elemens de toutes les autres fonctions connues, on parviendra sans difficulté, par ce qui précède, aux différentielles de ces dernières.

On voit, par la manière dont nous avons déterminé la constante dans que notre méthode peut être employée à déterminer la forme d’une fonction inconnue qui doit satisfaire à une relation donnée.

  1. Ce mémoire a été communiqué aux Rédacteurs des Annales par M. J. Français, professeur à l’école de l’artillerie et du génie, frère de l’Auteur.

    Le même géomètre a aussi adressé aux Rédacteurs des Annales une démonstration du théorème énoncé à la page 96 de ce volume, qui leur est malheureusement parvenue trop tard pour qu’il ait pu en être fait mention à temps. Elle est, au surplus, semblable en tout à celle qui a été donnée par M. Tédenat à la page 182.

    (Note des éditeurs.)
  2. Voyez le Calcul des fonctions, leçon ve.