Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie, article 17

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GÉOMÉTRIE.


Application de la doctrine des projections à la recherche
des principales propriétés de l’ellipse ;
Par M. Ferriot, Licencié ès sciences, professeur de
mathématiques au lycée de Besancon.
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J’appelle Ellipse la projection orthogonale d’un cercle sur un plan qui n’est pas parallèle au sien. J’appelle Centre de cette ellipse la projection du centre du cercle sur son plan. J’appelle enfin Diamètre de l’ellipse toute droite qui, tracée sur son plan, passe par son centre, et se termine de part et d’autre à la courbe. Tout diamètre de l’ellipse est donc la projection d’un diamètre du cercle.

Toutes les projections d’une même figure sur des plans parallèles entre eux étant égales, je supposerai, à l’avenir, pour fixer les idées, que le plan de l’ellipse passe par le centre du cercle, de manière que l’ellipse et le cercle auront le même centre. Je désignerai par le rayon du cercle, par l’inclinaison de son plan à celui de l’ellipse, et je ferai, pour abréger,

2. On voit par là que l’ellipse a avec le cercle un diamètre commun égal à et que le diamètre de l’ellipse perpendiculaire à celui-là est Il est de plus facile de démontrer que le premier de ces diamètres est le plus grand, et que le dernier est le plus petit de tous les diamètres de l’ellipse. Je les appellerai à l’avenir le grand axe et le petit axe.

3. Soient pris le grand axe pour axe des et le petit axe pour axe des , de manière que le centre de la courbe soit l’origine des coordonnées. et étant les coordonnées d’un point quelconque de l’ellipse, les coordonnées du point correspondant du cercle seront et on aura donc, par la propriété du cercle,

ou y en multipliant par

ou enfin

équations connues de l’ellipse d’où on déduira que les quarrés des ordonnées, soit au grand axe, soit au petit axe, sont aux produits des abscisses correspondantes dans un rapport constant qui est celui des quarrés de ces deux axes.

4. Soient menées dans l’ellipse, sous une inclinaison quelconque, tant de cordes parallèles qu’on voudra ; les cordes du cercle dont elles seront les projections seront aussi parallèles ; ces dernières auront donc leurs milieux sur un même diamètre qui sera perpendiculaire à leur direction commune, et les tangentes aux extrémités de ce diamètre seront parallèles à ces cordes.

Les projections, tant du diamètre que des tangentes, seront un diamètre et des tangentes à l’ellipse ; ce diamètre de l’ellipse passera donc par les milieux des cordes parallèles, et les tangentes à ses extrémités seront parallèles à ces cordes.

Ainsi, Dans l’ellipse, des cordes parallèles ont toujours leurs milieux sur un même diamètre, et les tangentes aux extrémités de ce diamètre sont parallèles à ces cordes. De cette propriété résulte le moyen de déterminer le centre d’une ellipse donnée.

De même qu’une suite de cordes parallèles ont toujours leurs milieux sur un même diamètre de l’ellipse, réciproquement tout diamètre de l’ellipse coupe en deux parties égales un système de cordes parallèles. En effet ce diamètre étant la projection d’un diamètre du cercle, et ce dernier coupant en deux parties égales toutes les cordes de ce cercle qui lui sont perpendiculaires, sa projection coupera aussi en deux parties égales les projections de ces cordes.

5. Parmi toutes les cordes qu’un même diamètre de l’ellipse partage en deux parties égales, il en est une qui, passant par le centre, est elle-même un diamètre. Les diamètres du cercle dont ces deux-là sont les projections étant perpendiculaires entre eux, les tangentes, aux extrémités de chacun d’eux sont parallèles à l’autre ; il en est donc de même des projections de ces tangentes à l’égard des projections des diamètres. Ainsi, Dans l’ellipse, un diamètre étant mené arbitrairement, on en peut toujours mener un second de manière que les tangentes aux extrémités de chacun d’eux soient parallèles à l’autre ; Alors aussi chacun de ces diamètres partagera en deux parties égales les cordes parallèles à l’autre.

Deux diamètres ainsi disposés sont ce que nous appellerons à l’avenir des Diamètres conjugués de l’ellipse. Ces diamètres conjugués sont donc les projections de deux diamètres rectangulaires dans le cercle.

6. Il est aisé devoir, d’après cela, que, dans l’ellipse, il ne peut y avoir qu’un seul système de diamètres conjugués rectangulaires, et que ces diamètres sont les deux axes de l’ellipse.

7. Pour que deux diamètres conjugués de l’ellipse soient égaux entre eux, il faut que les deux diamètres rectangulaires du cercle dont ils sont les projections soient également inclinés au plan de cette ellipse ; ils doivent donc aussi être également inclinés à la commune section des plans des deux courbes. De là ils est aisé de conclure que les deux diamètres du cercle dont les projections sont des diamètres conjugués égaux de l’ellipse, doivent être dirigés suivant les diagonales du quarré circonscrit dont deux côtés opposes sont parallèles et les deux autres perpendiculaires au grand axe de l’ellipse. De là résulte la proposition suivante :

Dans l’ellipse, les diamètres conjugués égaux sont dirigés suivant les diagonales du rectangle circonscrit dont les côtés sont parallèles aux deux axes.

8. Soit circonscrit à l’ellipse un parallélogramme dont les côtés soient parallèles à deux diamètres conjugués ; ce parallélogramme sera (5) la projection d’un quarré circonscrit au cercle. L’aire de ce quarré étant celle du parallélogramme sera

Ainsi, Tous les parallélogrammes circonscrits à l’ellipse, de manière que leurs côtés soient parallèles à deux diamètres conjugués, sont équivalens entre eux et au rectangle construit sur ses deux axes.[1]

9. Soit un diamètre quelconque de l’ellipse, projection d’un diamètre da cercle faisant un angle avec le diamètre de ce cercle perpendiculaire au grand axe ; soit l’abscisse commune au cercle et à l’ellipse répondant à l’extrémité du diamètre , et soient enfin l’ordonnée de l’ellipse et l’ordonnée, dti cercle répondant à cette même extrémité, on aura

donc

c’est-à-dire,

Si, ayant ensuite mené dans le cercle un diamètre perpendiculaire au premier, ou désigne par sa projection sur l’ellipse, laquelle sera le conjugué du diamètre , on trouvera, par des considérations semblables,

donc

ou

c’est-à-dire :

Dans l’ellipse, la somme des quarrés de deux diamètres conjugués quelconques est une quantité constante et égale à la somme des quarrés des deux axes.

10. Désignons par et les angles que font les diamètres conjugués et avec les diamètres du cercle dont ils sont les projections. Soient les coordonnées d’un point de l’ellipse rapporté à ces deux diamètres, et les coordonnées correspondantes du cercle, on aura

mais on a

substituant donc, il viendra

mais on a aussi

substituant donc, il viendra

Ainsi ; L’équation de l’ellipse rapportée à deux diamètres conjugués quelconques, est de même forme que l’équation aux axes.

11. On sait que l’aire de la projection de toute figure plane sur un plan incliné au sien, est le produit de l’aire de cette figure par le cosinus de l’inclinaison des deux plans. En remarquant donc que l’aire du cercle est et désignant par l’aire de l’ellipse, on aura

c’est-à-dire :

L’aire de l’ellipse est égale à celle d’un cercle dont le diamètre serait moyen proportionnel entre ses deux axes.

12. On appelle cordes supplémentaires d’une ellipse, deux cordes qui partant d’un même point se terminent aux deux extrémités d’un même axe ou d’un même diamètre. Il est aisé de voir que deux pareilles cordes sont les projections de deux cordes supplémentaires du cercle, lesquelles étant essentiellement perpendiculaires entre elles sont conséquemment parallèles à deux diamètres rectangulaires dont les projections sont des diamètres conjugués de l’ellipse.

Ainsi, Dans l’ellipse, deux cordes supplémentaires sont toujours parallèles à deux diamètres conjugués.

De ce principe résultent 1.o le moyen de mener une tangente à l’ellipse par un point pris sur la courbe ; 2.o le moyen de déterminer deux diamètres conjugués qui fassent entre eux un angle donné.

13. Soient les angles formés respectivement d’un même côté, avec l’axe des , par les deux diamètres conjugués et et soient les angles formés avec le même axe par les deux diamètres rectangulaires du cercle dont ceux-là sont les projections : on aura, comme l’on sait

mais on a aussi

d’où

ce qui donne

il viendra donc en substituant,

relation connue et dont la combinaison avec les théorèmes énoncés (8) et (9) fournit la solution de tous les problèmes relatifs au rapport de grandeur et de situation des diamètres conjugués et des axes,

14. Par le petit axe de l’ellipse soit conduit un plan faisant avec le sien un angle dont le cosinus soit , et soit projetée l’ellipse orthogonalement sur ce plan ; soient les coordonnées d’un point quelconque de l’ellipse, et celles du point correspondant de sa projection, on aura

mais, on a d’ailleurs

substituant donc, il viendra, en divisant par

ainsi la projection de l’ellipse est un cercle dont le rayon est

15. Par les deux extrémités du grand axe de l’ellipse et par l’une des extrémités du petit, soit fait passer un arc da cercle ; ces trois points seront les seuls points communs aux deux courbes, puisqu’elles ne peuvent se couper en plus de quatre points, et que, si elles avaient quatre points communs, à cause de la symétrie de la figure, elles en auraient au moins cinq. Il est en entre aisé de voir que le centre du cercle étant sur le petit axe de l’ellipse au-delà du centre de cette courbe, les tangentes menées à ce cercle par les extrémités du grand axe couperont l’ellipse, puisqu’elles formeront des angles aigus avec ce grand axe.

Ainsi, L’axe de cercle, qui passe par les deux extrémités du grand axe et par l’une des extrémités du petit est intérieur à l’ellipse.

On démontrera, par de semblables considérations, que L’arc de cercle qui passe par les deux extrémités du petit axe et par l’une des extrémités du grand est extérieur à l’ellipse.

De là il est facile de conclure, 1.o Que de tous les angles inscrits qui s’appuyent sur le grand axe, le plus grand est celui qui a son sommet à l’extrémité du petit ; 2.o Que de tous les angles inscrits qui s’appuyent sur le petit axe, le plus petit est celui qui a son sommet à l’extrémité du grand.

De l’une et de l’autre de ces propositions et de ce qui a été dit, (7), résulte que l’angle obtus formé par les diamètres conjugués égaux de l’ellipse est le plus grand que puissent former deux diamètres conjugués.

16. Soient une suite de cercles égaux situés dans des plans différens, se coupant tous suivant un diamètre commun. Si on les projette sur un plan quelconque passant par ce diamètre, leurs projections seront une suite d’ellipses ayant le même grand axe. Soit pris cet axe pour axe des abcisses ; si, pour une abcisse quelconque, on mène les ordonnées correspondantes de tous les cercles, les projections de ces ordonnées se confondront en une seule droite qui sera une ordonnée commune à toutes les ellipses. Que par les extrémités des ordonnées aux différens cercles on mène des tangentes à ces cercles, ces tangentes iront toutes se terminer au même point du prolongement de leur diamètre commun, c’est-à-dire, du grand axe des ellipses ; et les projections de ces tangentes, lesquelles seront des tangentes aux ellipses, concourront aussi en ce point.

Ainsi, Si une suite d’ellipses ont le même grand axe, les tangentes menées à ces ellipses par les points où elles sont coupées par une perpendiculaire quelconque à ce grand axe y concourront toutes en un même point de son prolongement. On démontrerait facilement, à l’aide de ce qui a été observé (14), que la même propriété a lieu par rapport à une suite d’ellipses qui auraient toutes le même petit axe.

Ce qui précède suffit pour montrer combien la doctrine des projections est propre à simplifier la démonstration d’un grand nombre de propositions de géométrie. Nous terminerons par observer qu’on se procurerait plus de ressources encore en recourant aux principes de la perspective, comme quelques géomètres en ont déjà fait l’essai. En particulier, il serait très-facile de déduire de ces principes les méthodes connues pour mener, avec la règle, une tangente à une section conique, soit par un point extérieur, soit par un point pris sur la courbe[2].

  1. Il faut bien se garder de dire, comme on le trouve dans quelques traités élémentaires, que tous les parallélogrammes circonscrits à une même ellipse sont équivalens. Loin que cette proposition soit vraie, on peut toujours se proposer de circonscrire à une ellipse donnée un parallélogramme dont l’aire et les angles soient donnés.
  2. Voy. la note de la page 338, du 1.er volume des Annales.