Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Géométrie, article 2

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QUESTIONS RÉSOLUES.

Solutions des deux problèmes proposés à la page 318
du premier volume des
Annales ;

Par. MM. Vecten, professeur de mathématiques spéciales au lycée de Nismes, Rochat, professeur de navigation à St-Brieux, et Fauquier, élève du lycée de Nismes.

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Les trois solutions de ces deux problèmes qui ont été reçues par les rédacteurs des Annales, ayant entre elles plusieurs points de ressemblance, on croit devoir, pour abréger, en rendre compte dans un seul article.

Le premier problème, comme on le va voir tout à l’heure, se ramène très-facilement à celui-ci :

LEMME. Deux cercles se coupant, sur un même plan, mener, par l’une quelconque de leurs intersections, une droite dont la partie interceptée entre les deux cercles soit d’une longueur donnée ?

Soient , (fig. 3, 4, 5) les centres de deux cercles se coupant en et , et soit une droite donnée ; il s’agit de mener par le point une droite , ou de manière que sa partie ou , interceptée entre les deux cercles soit égale à .

Solution de M. Vecten.

Construction. À partir du centre de l’un quelconque des deux cercles, (fig. 3) soit portée, sur la droite qui joint ce centre au centre de l’autre cercle, une longueur  ; soient tirées , et, par , soit menée à la première de ces deux droites une parallèle coupant la seconde en a ; du point comme centre, et avec pour rayon, soit décrit un arc de cercle coupant en et le cercle dont le centre est  ; par ces points , et par le point soient menées des droites coupant en et le cercle dont le centre est  ; ces deux droites seront les droites cherchées, en sorte qu’on aura .

Démonstration. Soient joints et par soit menée à une parallèle coupant en Les angles ayant l’un et l’autre leurs sommets à la circonférence du cercle dont le centre est , ont également pour mesure la moitié de l’arc  ; ils sont donc égaux à et conséquemment à . Pareillement les angles , ayant l’un et l’autre leurs sommets à la circonférence du cercle dont le centre est , ont également pour mesure la moitié de l’arc  ; ils sont donc égaux à et conséquemment à  ; les trois triangles sont donc semblables ; ils sont de plus égaux, puisque, par construction,  ; donc , ainsi qu’il était exigé.

Limite du problème. Les points étant déterminés par l’intersection de la circonférence dont le centre est avec une circonférence décrite du point comme centre et avec pour rayon, il s’ensuit que le problème ne sera possible qu’autant que ces deux circonférences se couperont, c’est-à-dire, qu’autant que n’excédera pas le double de  ; ou, ce qui revient au même, qu’autant que n’excédera par le double de c’est-à-dire, qu’autant que la longueur donnée n’excédera pas le double de la distance entre les centres des cercles donnés. Si cette droite était précisément égale au double de cette distance, l’arc serait simplement tangent au cercle dont le centre est , et le problème n’aurait qu’une solution.

De là il est facile de conclure le théorème suivant : De toutes les droites menées par l’une des intersections de deux cercles, et terminées à l’un et à l’autre, la plus grande est parallèle à la droite qui joint les centres, et double de cette droite.

Solution de M. Fauquier.

La solution de M. Fauquier diffère peu de celle de M. Vecten. Il mène par le point (fig. 4) une droite quelconque terminée en respectivement aux circonférences dont les centres sont  ; ayant tiré et coupé sur une partie  ; il tire par parallèlement à , une droite coupant en a ; il décrit alors du point comme centre, et avec pour rayon, un arc dont les intersections , avec la circonférence dont le centre est sont les mêmes que les points désignés de la même manière dans la figure 3. Cette construction se démontre en conduisant par a une parallèle à se terminant à en b, et prouvant ensuite, à peu près comme le fait M. Vecten, que les trois triangles , sont égaux. L’avantage de cette construction est qu’elle n’exige pas que les centres des cercles donnés soient connus.

Il est assez remarquable que tous les triangles construits sous les mêmes conditions que sont semblables, et que le plus grand de tous est celui qui a pour hauteur la corde commune aux deux cercles.

Solution de M. Rochat.

M. Rochat a traité le problème analitiquement de la manière suivante.

Soit prise pour axe des x la droite indéfinie qui passe par les centres des cercles donnés ; soient les rayons de ces cercles, et , les abscisses de leurs centres, leurs équations seront

En retranchant ces deux équations l’une de l’autre, on obtiendra, comme l’on sait, celle de la corde commune aux deux cercles ; on aura ainsi

Si l’on veut profiter de l’indétermination de et pour faire en sorte que la corde commune aux deux cercles devienne l’axe des , il faudra, dans cette équation, faire ce qui donnera l’équation de relation

posant donc

d’où

les équations des deux cercles deviendront

et, comme elles sont satisfaites l’une et l’autre par

il en faut conclure que est l’ordonnée de l’intersection des deux cercles et conséquemment la moitié de leur corde commune.

Présentement, toute droite passant par l’intersection dont l’ordonnée est aura une équation de la forme

dans laquelle est tangente de son inclinaison sur l’axe des  ; en combinant successivement cette équation avec celles des deux cercles, on obtient pour les coordonnées des intersections de la droite avec chacun d’eux les valeurs suivantes

si donc on veut que la portion de cette droite interceptée entre les deux cercles soit d’une longueur donnée , on devra avoir

ou

d'où

telle est donc la tangente de l’angle qui doit faire la droite cherchée avec l’axe des, d’où l’on voit que le problème aura en général deux solutions, à cause du double signe du radical ; on voit de plus qu’il ne pourra être résolu si l’on a c’est-à-dire, si la longueur donnée surpasse le double de la distance des centres ; on voit enfin que, si est indéterminé, la plus grande valeur qu’il pourra avoir sera c’est-à-dire, le double de distance entre les centres, auquel cas, étant nulle, la droite cherchée devra être parallèle à l’axe des . Ainsi, si l’on proposait de mener, par l’une des intersections de deux cercles, une droite de telle manière que la partie de cette droite interceptée entre les deux cercles fût la plus grande possible, ou résoudrait le problème en menant par ce point une parallèle à la droite qui joint les centres ; et la partie interceptée serait double de la distance entre ces centres.

La valeur générale de fournit cette construction : soient (fig. 5) la droite qui joint les centres, et la direction de la corde commune, de manière que soit le point d’intersection de ces deux droites. Soit prise sur , à partir de , une partie égale à la longueur donnée  ; du point comme centre, et avec le double de la distance des centres pris pour rayon, soit décrit un arc coupant en et , et soient menés  ; en tirant par des parallèles à ces deux droites, rencontrant les deux circonférences, l’une en et l’autre en , on aura .

PROBLÈME I. Construire un triangle qui soit égal à un triangle donné, et dont les côtés, prolongés s’il est nécessaire, passent respectivement par trois points donnés.

Il est entendu que l’on désigne à l’avance ceux des points donnés par lesquels doivent passer respectivement les côtés ou prolongemens de côtés du triangle donné. Mais, s’il en était autrement, il arriverait seulement que le nombre des solutions du problème en deviendrait, en général, six fois plus grand, comme l’a observé M. Rochat.

Soient donc (fig. 6) un triangle donné, et trois points donnés, il s’agit de construire un triangle égal à , et tellement situé que le point soit sur la direction du côté égal à , le point sur la direction du côté égal à , et le point sur la direction du côté égal à .

Solution. MM. Vecten, Rochat et Fauquier ont également réduit la solution du problème à ce qui suit.

Sur les distances de l’un quelconque des points donnés aux deux autres prises pour corde, soient décrits des arcs respectivement capables des angles , du triangle donné ; par soit menée (Lemme) une droite dont la portion interceptée entre les circonférences dont ces arcs font partie soit égale à  ; soient respectivement , les points où cette droite coupe les circonférences passant par en menant et se coupant en , le triangle sera le triangle cherché. Il est clair en effet que, par la construction, les points se trouveront respectivement sur les directions de ses côtés de plus son côté , et les deux angles adjacens se trouvant aussi, par construction, égaux au côté et aux deux angles adjacens du triangle donné, d’où il résulte que ces deux triangles sont égaux.

On peut, par le point , mener de deux manières la droite dont la portion interceptée entre les deux circonférences doit être égale à , ce qui fournit déjà deux solutions du problème : cette observation a été également faite par MM. Vecten, Rochat et Fauquier. M. Vecten a remarqué de plus que les arcs capables des angles et pouvaient être indifféremment décrits de l’un ou de l’autre côté de et , ou, ce qui revient au même, qu’on pouvait décrire d’un même côté de ces droites, des arcs capables tant des angles et que des supplémens de ces angles, ce qui donne lieu à quatre solutions du problème. À la vérité, les deux arcs décrits sur peuvent être combinés avec les deux arcs décrits sur de quatre manières différentes, ce qui semblerait devoir conduire à huit solutions du problème ; mais il est facile de se convaincre que des quatre combinaisons dont ces arcs sont susceptibles, il n’y en a que deux seulement qui donnent un triangle égal au triangle . Les deux autres donnent un triangle dont un côté est égal au côté de ce triangle, et dont un des angles adjacens est égal à un des angles , mais dont le second est supplément de l’autre. La figure, représente les quatre solutions indiquées par M. Vecten ; on y a ponctué de la même manière les cercles qui doivent être combinés ensemble ; sont les centres de ceux qui sont décrits sur , et sont les centres de ceux qui sont décrits sur , de manière que les centres des cercles à combiner sont

M. Vecten a soin de remarquer que le problème ne peut avoir quatre solutions qu’autant que la moitié du côté donné sera moindre que la plus petite des deux distances que si elle est égale à cette distance, le nombre des solutions se réduira à trois ; qu’il n’y en aura que deux si se trouve compris entre qu’il n’y en aura qu’une seule si se trouve égal à la plus grande de ces deux distances ; et qu’enfin le problème sera impossible s’il la surpasse,

M. Rochat, en considérant que l’arc capable de l’angle , construit sur la troisième distance , doit couper les deux premiers au même point, a déduit de cette observation les deux théorèmes suivans :

1. Trois points étant pris respectivement d’une manière arbitraire sur les côtés d’un triangle , si l’on fait passer des circonférences par les systèmes de points , ces circonférences se couperont toutes en un même point.

II. Trois circonférences passant par un même point, et se coupant de plus deux à deux en des points il existe une infinité de triangles dont les côtés passent respectivement par ces trois points et dont les sommets sont respectivement sur les trois circonférences données.

Tous ces triangles sont semblables entre eux et au triangle dont les sommets sont aux centres des trois cercles, et ils ont tous le point, pour point homologue commun. Le plus grand de tous est celui dont les côtés sont parallèles aux droites qui joignent deux à deux les centres des trois cercles.

L’arc capable de l’angle décrit sur peut, entre autres usages, servir à lever l’incertitude où l’on pourrait être sur la manière de combiner deux à deux les quatre arcs décrits sur et  ; on voit en effet, par ce qui précède, qu’il ne faudra prendre ensemble que ceux qui couperont ce troisième arc, décrit soit d’un côté soit de l’autre de , en un même point.

Les trois points donnés peuvent être situés sur une même ligne droite, et c’est un cas qui a été examiné par M. Vecten. il n’y a alors aucun changement à faire dans la construction déjà indiquée. Il arrive seulement, dans ce cas particulier, que les deux distances que nous avons désignées par et sont égales, et que conséquemment, suivant que sera plus-petit que le double de l’une d’elles, égal à ce double ou plus grand que ce double, le problème aura quatre solutions, deux solutions ou sera impossible.

PROBLÈME II. Construire un triangle qui soit égal à un triangle donné et dont les sommets soient respectivement sur trois droites données ?[1]

On suppose encore ici que l’on a désigné, à l’avance, les sommets qui doivent se trouver sur chacune des droites données, ce qui rend le nombre des solutions six fois moindre qu’il ne le serait si l’on pouvait indifféremment établir chaque sommet sur chacune des droites données.

MM. Vecten, Rochat et Fauquier ont également ramené ce problème au précédent, et il n’est pas difficile de voir que réciproquement le précédent pourrait être ramené à celui-ci. Voici donc à quoi se réduit la construction de ce dernier problème :

Soit le triangle donné (fig. 8) et , trois droites données ; il s’agit de construire un triangle égal au triangle et dont les sommets des angles égaux à , soient respectivement situés sur .

Construction. Soit construit (Problème I.) un triangle égal à , et dont les côtés passent respectivement, savoir, par , par , par . Soient alors coupés , en de la même manière que le sont , en  ; tirant alors , le triangle sera le triangle demandé.

M. Vecten observe qu’en général, quatre triangles pouvant se trouver dans les mêmes circonstances où se trouve le triangle il s’ensuit que pareillement quatre triangles peuvent se trouver dans les mêmes circonstances où se trouve le triangle c’est-à-dire, que ce second problème, comme le premier, peut admettre quatre solutions. La figure 9 représente ces quatre solutions, telles qu’elles ont été indiquées par M. Vecten.

M. Vecten observe ensuite que la construction indiquée ci-dessus devient illusoire toutes les fois que les trois droites données ne forment pas un triangle ; ce qui peut arriver de diverses manières qu’il considère successivement.

1.o Il peut arriver (fig. 10) que les droites données se coupent en un même point  ; alors décrivant sur deux quelconques des côtés du triangle donné, pris pour cordes, et du côté de l’intérieur de ce triangle, des arcs capables des angles et tirant en portant ces longueurs sur de en et tirant le triangle résoudra le problème. Ce problème a deux solutions ; car, en prolongeant au-delà du point des quantités qui leur soient respectivement égales, et menant le triangle sera aussi égal au triangle et aura ses sommets sur les droites

2.o Il peut arriver (fig. 11) que deux des droites données soient parallèles, la troisième les coupant respectivement en et alors, l’angle égal à dans le triangle cherché étant celui dont le sommet doit être sur il faudra sur pris pour cordes, décrire des arcs respectivement capables des angles et menant ensuite par (Lemme) deux droites dont les parties interceptées entre les deux arcs, soient égales à et tirant les deux dernières droites se trouveront d’elles-mêmes, respectivement parallèles aux deux premières ; coupant donc en de la même manière que et le sont en  ; et faisant de plus respectivement égales à et tirant les triangles seront deux solutions du problème. Au moyen de ces deux solutions on en obtiendra facilement deux autres, en imaginant que l’on fasse tourner les triangles autour de deux perpendiculaires à l’une passant par et l’autre par les deux nouveaux triangles seront et

3.o Il peut enfin arriver que les trois droites données (fig. 12) soient parallèles, et alors il est facile de comprendre que le triangle donné ne saurait être quelconque, et que, s’il est tel qu’il rende le problème possible, ce problème sera indéterminé. Si en effet le triangle satisfait aux conditions du problème, en faisant glisser deux de ses sommets, suivant les parallèles sur lesquelles ils se trouveront situés, le troisième ne quittera pas la troisième de ces parallèles, et conséquemment le triangle satisfera toujours aux conditions du problème.

Supposant donc, pour rendre le problème possible, que les deux côtés du triangle sont seuls donnés ; de l’un quelconque des points de et avec pris successivement pour rayons, on décrira deux arcs, le premier coupant en , et le second coupant en  ; tirant alors on formera les quatre triangles dont les deux derniers ne diffèrent des deux premiers que par leur situation entre les parallèles, et dont chacun, à cause de l’indétermination du point donnera lieu à une infinité de solutions.

  1. Ce problème a été traité par M. Carnot (Voyez Géométrie de position, page 277) ; mais l’auteur s’est contenté de donner une formule algébrique. Il a aussi été traité par Newton : voyez les Principes, livre I, lemme XXVI.