Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 02/Hydrodynamique, article 1

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QUESTIONS RÉSOLUES.


Solution du problème d’hydrodynamique proposé à la
page 164 de ce volume ;
Par M. Gergonne.[1]
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On a deux vases et , en forme de prismes ou de cylindres droits. Leurs bases sont horizontales et ont des aires respectivement égales à et à Ces vases étant remplis d’eau jusqu’à des hauteurs et on pratique à la fois à l’un et à l’autre et latéralement une fente verticale d’une largeur uniforme par laquelle l’eau s’écoule. L’eau du vase est reçue dans le vase et celle de celui-ci est évacuée au dehors. On suppose d’ailleurs que la quantité d’eau qui s’écoule des deux vases est indépendante de la pression du liquide supérieur, que conséquemment, pour chaque vase, elle est constante dans toute l’étendue de la fente qui répond au liquide. On suppose enfin que le volume d’eau écoulé pendant l’unité de temps, par une unité de longueur de la fente, est pour le vase et pour le vase

Cela posé, on propose de déterminer, 1.o quelle sera la hauteur du liquide dans les deux vases à une époque donnée quelconque ; 2.o à quelle époque l’eau aura atteint son maximum de hauteur dans le vase 3.o enfin quelle sera alors la hauteur du liquide dans ce vase.

2. Soit la hauteur du liquide dans le vase à l’époque  ; à l’époque cette hauteur sera

elle aura donc diminué de la quantité

d’où il suit que le volume du liquide évacué durant l’intervalle de temps sera

c’est-à-dire,

3. Présentement si, pendant l’intervalle de temps , le liquide eût été constamment entretenu dans le vase à la hauteur , le volume d’eau évacué durant cet intervalle eût été

et si, au contraire, le liquide eût constamment été, pendant le même temps, à la hauteur où il n’est parvenu qu’à l’époque le volume de la partie évacuée durant le temps n’eût été que

c’est-à-dire,

Or il est visible que l’on peut toujours supposer assez petit, sans être nul, pour que le volume d’eau réellement évacué soit compris entre ces deux-là ; c’est-à-dire, pour que la fonction soit comprise entre les fonctions et et qu’alors il en sera de même pour toutes les valeurs de inférieures à celle-là ; on doit donc avoir, rigoureusement en vertu d’un théorème connu[2]

c’est-à-dire

[3]

4. Si l’on fait d’où il viendra, en substituant et divisant par

d’où

étant une constante arbitraire. On aura donc

au bout du temps sera donc devenu

c’est-à-dire

formule qui doit coïncider avec la formule , et qui montre que l’abaissement du liquide dans le temps est

5. Si l’on veut compter les temps depuis l’époque où l’écoulement a commencé, on dovra avoir à la fois et ce qui donnera

divisant l’équation par celle-ci, il viendra, en chassant le dénominateur

c’est là l’expression de la hauteur du liquide dans le vase au bout du temps  : elle montre que cette hauteur, bien qu’elle décroisse continuellement, ne pourra jamais devenir tout à fait nulle.

6. Considérons actuellement ce qui se passe dans le vase soit la hauteur du liquide dans ce vase à l’époque à l’époque elle sera

et le volume de liquide introduit dans ce vase pendant le temps sera

Si ce volume eût été subitement introduit à l’époque , il eût élevé le liquide d’une quantité

c’est-à-dire,

de manière que ce liquide se fût trouvé, à l’époque , à une hauteur

sa hauteur à l’époque eût donc été dans cette hypothèse

c’est-à-dire,

7. Si, au contraire ce volume de liquide eût été subitement introduit à l’époque  ; comme à l’époque il se trouvait à la hauteur , sa hauteur à l’époque se fût trouvée d’abord

à quoi ajoutant l’élévation due au liquide subitement introduit, c’est-à-dire,

on aura pour hauteur totale, à l’époque ,

8. Présentement il est facile de voir que peut toujours être supposé assez petit, sans être nul, pour que la hauteur effective du liquide dans le vase , à l’époque soit moyenne entre celles qui résultent de ces deux hypothèses, c’est-à-dire, pour que la fonction soit comprise entre les fonctions et  ; d’où l’on doit conclure, comme ci-dessus,

[4]

9. Pour que la hauteur du liquide dans le vase soit un maximum, il faut qu’on ait ce qui donne

d’où

or et sont les dépenses respectives des vases et dans le même temps ; ainsi le liquide sera à sa plus grande hauteur dans le vase lorsque ce vase perdra précisément autant d’eau dans un instant que le vase lui en fournira, ce qui était d’ailleurs facile à prévoir.

10. Si entre les équations et on élimine on obtiendra

posant alors d’où il viendra, en substituant et divisant par

ou

d’où

ou en remettant pour y la valeur et réduisant

11. En considérant que les valeurs et de et doivent se correspondre, on aura pareillement

équation qui, retranchée de la précédente, donne

ou simplement

ce qui revient à

ou encore

et donne

formule qui donnera lorsque sera connu.

12. Nous avons trouvé (5)

substituant donc, il viendra

[5].

C’est là la hauteur du liquide dans le vase à l’époque .

13. Si dans l’équation on met pour sa valeur qui convient au maximum, elle deviendra

en remettant pour sa valeur en on aura

ou en passant des nombres aux logarithmes

équation qui donnera l’époque où le liquide du vase aura atteint son maximum d’élévation.

14. Ces dernières formules se simplifient lorsque le vase ne contient d’autre liquide que celui qu’il reçoit du vase . On a alors ce qui donne pour la hauteur de l’eau dans le vase à l’époque

et pour l’époque du maximum de hauteur du liquide dans ce vase,

il est remarquable qu’alors l’époque du maximum est indépendante du volume d’eau contenu dans le vase .

15. Si de plus on suppose les vases et absolument égaux et percés de la même manière, on trouvera 1.o pour la hauteur du liquide dans le vase à l’époque

2.o pour la plus grande hauteur du liquide dans ce vase

3.o enfin pour l’époque où le maximum d’élévation du liquide aura lieu dans le vase

On traiterait de la même manière le cas où l’un des vases ou tous les deux seraient construits en forme de cônes ou de pyramides, tronqués ou non tronqués, et celui où l’on aurait égard à la pression du liquide supérieur ; mais il est douteux qu’alors on parvînt à des formules intégrables.

  1. Ce problème a été proposé par M. Bret, professeur à la faculté des sciences de l’académie de Grenoble.
  2. Voyez le Calcul des dérivations d’Arbogast, note de la préface, page XIV. Voyez aussi le Traité de calcul différentiel et de calcul intégral de M. Lacroix, deuxième édition, tome 1.er, introduction, page 65.
  3. On parvient à ce résultat d’une manière moins rigoureuse, à la vérité, quant au langage, mais beaucoup plus courte, en remarquant que et ne sont que deux expressions différentes du volume de liquide évacué durant l’instant .
  4. On parvient sur-le-champ à ce résultat, en remarquant que l’accroissement du volume du liquide dans le vase , durant l’instant peut être également exprimé par et par
  5. Si dans l’équation , on substitue pour sa valeur en , elle deviendra
    cette équation, qui ne paraît être facilement intégrable par aucun moyen connu, a donc pour intégrale l’équation .