ANALISE TRANSCENDANTE.
Troisième mémoire sur les Facultés numériques.
[1]
Par M. Kramp, professeur, doyen de la faculté des
sciences de l’académie de Strasbourg.
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I. Dans le précédent mémoire, nous avons évalué le produit des facteurs
continué jusqu’à l’infini ; et nous l’avons trouvé égal à
en faisant, pour abréger, ce qui donne Pour éviter les formes fractionnaires, soit ; nous aurons ainsi
le premier membre étant prolongé à l’infini.
2. Cette expression admet des réductions ultérieures. D’après le
théorème connu
on aura, dans le cas particulier de
ce qui donne
en conséquence, en désignant par le produit infini qui nous occupe, nous aurons
3. Comme on a, par les formules connues,
on pourra encore écrire
Comme tous les facteurs du produit ne renferment que les quarrés
de il doit être permis d’y remplacer par , et réciproquement ; de sorte que les expressions
doivent être identiquement les mêmes. Elles le sont effectivement ;
et, en employant les réductions que nous avons enseignées, l’une
se transforme facilement dans l’autre.
4. Le théorème binomial est applicable aux factorielles[2]. On a
Divisant la première égalité par pour que le premier terme
de la série soit égal à l’unité, et se rappelant que
on la transformera en
et, en appliquant cette formule aux deux expressions de que nous venons de trouver ; savoir :
elles deviendront
Ces deux séries sont effectivement identiques entre elles ; sans que
leur forme, très-peu favorable, laisse entrevoir cette identité.
5. Pour remédier à cet inconvénient, reprenons le premier développement
et faisons ce qui donne et On aura ainsi
ce qui donne
C’est là le premier des huit théorèmes qu’on trouve à la page 63
de mon Analise des réfractions. Il ne m’a pas paru nécessaire d’en
ajouter les démonstrations, lesquelles, comme on vient de voir, se
seraient réduites à quelques développemens de calculs fort simples.
6. Enfin, si, dans cette expression, on fait et on trouvera
Cette série, remarquable par sa forme, et qui a l’avantage précieux
de pouvoir être rendue convergente à volonté, dans tous les cas ;
ne renferme que les quarrés de ce qui est exigé par la nature
du problème.
7. Indépendamment du calcul des factorielles, on peut y parvenir
immédiatement de la manière qui suit. Faisons
en posant successivement on aura
d’où, par un calcul très-facile, on déduit pour les
mêmes valeurs que nous venons d’obtenir.
8. En multipliant cette même série par il doit en résulter ce qu’elle devient en y remplaçant simplement la lettre par Pour faire cette multiplication, considérons que peut être remplacé
ce qui suffit pour rendre au produit sa forme primitive. Il deviendra
alors, avec cette attention,
or,
ce produit sera donc, en effet,
conformément à la nature du problème.
9. Il suit des résultats que nous venons d’obtenir, qu’en faisant égal à un nombre entier quelconque, positif ou négatif, le produit continué à l’infini, est toujours une quantité entièrement rationnelle, quel que soit [3]. Il s’ensuit encore qu’en faisant égal à plus ou moins un nombre entier quelconque, la valeur de la série, développement de est constamment zéro. Nous remarquerons encore que, lorsque est un nombre entier quelconque, cette série est égale à multiplié par quelque facteur entièrement rationnel ; et que, lorsque est un nombre entier, plus la fraction cette même série est toujours un multiple de
10. Effectivement, faisons, dans les théorèmes précédais, ; nous aurons, d’un côté
produit que l’on sait être égal , et de l’autre la série
On peut aisément vérifier que cette série s’évanouit, en effet, pour toutes les valeurs entières de Mais il importe de nous assurer, par un exemple, que cette série est effectivement applicable à toutes les valeurs fractionnaires de ; de plus, nous devons montrer que la série est convergente à volonté. Cherchons, en conséquence, d’après cette même série, le sinus de l’angle de 66.°36’, égal à ; ce qui donne et
On aura de plus
et par conséquent
Ainsi, le logarithme du produit des facteurs de jusqu’au facteur inclusivement, est Le produit des autres facteurs est
continué à l’infini ; c’est-à-dire, la série
en y faisant et ;
or, en posant
cette série se réduit à
et l’on a
Ainsi le produit de tous les facteurs ultérieurs de la valeur de
est dont le logarithme ajouté au
logarithme déjà trouvé donne , pour le
logarithme de exact à deux unités décimales du dernier
ordre près.
11. Faisant, dans la même série, ; on aura, d’un côté,
le produit
que nous savons être égal à . De l’autre, nous aurons la série
laquelle exprimera aussi conséquemment , et sera effectivement applicable, dans tous les cas particuliers.
12. L’objet principal que nous nous proposons dans ce mémoire et dans ceux qui le suivront, c’est de décomposer toute suite infinie proposée
en facteurs de l’une ou de l’autre des deux formes
dans les cas où cette décomposition est effectivement possible. Ces cas sont beaucoup plus fréquens qu’on ne le suppose ordinairement ; les problèmes les plus difficiles et les plus importans de mécanique et d’astronomie, inaccessibles aux méthodes ordinaires, conduisent finalement à de pareilles séries, et se trouvent ainsi réductibles à nos facultés numériques. Dans cette vue, nous nous proposerons les problèmes préliminaires qui suivent :
13. Essayons de réduire le produit
au langage des factorielles ; nous trouverons
Appliquant le théorème binomial à la factorielle
elle deviendra
Pour multiplier cette série par remarquons que
au moyen de ces réductions, on trouvera
L’application aux cas particuliers de l’exposant est facile. Comme la formule, finalement développée, ne doit renfermer que les puissances paires de et qu’ainsi les termes qui composent les coefficiens des puissances impaires doivent tous se détruire mutuellement, il en résulte une suite de théorèmes particuliers que nous laissons à découvrir au lecteur.
14. Il peut importer de connaître le logarithme naturel de la fonction
On trouve, par les formules connues,
[4]
Cette expression est réductible en série de la forme
dans laquelle on a
étant les Nombres de Bernoulli. La convergence
de ces séries dépendant de la grandeur du nombre désigné par elles peuvent être considérées comme convergentes à volonté.
15. Il a été prouvé, en son lieu, que le théorème binomial est
applicable aux factorielles. La fonction
admet un théorème parfaitement analogue. Pour l’exposer, avec clarté,
désignons par respectivement les facteurs et par
, les facteurs
de manière qu’on ait
Proposons-nous ensuite de développer le produit en une série de la forme
on voit que les coefficiens doivent
nécessairement être fonctions, tant de que du nombre des facteurs du produit On voit de plus que, si le nombre
de ces facteurs est fini, celui des termes de la série qu’on demande
le sera de même. Voici les formules générales qui contiennent la
solution du problème ; on trouve
Pour un facteur :
Pour deux facteurs :
Pour trois facteurs :
Pour quatre facteurs :
Pour cinq facteurs :
et ainsi des autres.
16. La loi de ces séries est manifeste. En exposant la méthode
qui m’y a conduit, j’en aurai donné la démonstration. Supposons
donc que, de on veuille passer à On a trouvé
Les coefficiens numériques sont de simples produits de facteurs
décroissans, depuis et et multipliés par les coefficiens
de la cinquième puissance du binôme. Il faudra multiplier tous les
termes de cette expression par On remarquera que
On multipliera par la dernière de ces valeurs de le produit ; par l’avant-dernière le produit NOPQ, et ainsi des autres. Le produit demandé prendra ainsi la forme d’une série telle que
dans lequel on aura
ce qui donnera
Et ainsi des autres.
17. Pour approcher du but que nous nous proposons, essayons de transformer la série
en un autre série de cette forme
En désignant l’une et l’autre séries par on aura
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
et l’on trouvera facilement, d’après cela,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
résultats dont la loi est manifeste.
18. La détermination des fonctions où
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
dépend, en général, de la sommation de la série
mais il y a des cas très-nombreux où la valeur de cette série est
connue pour toutes les valeurs entières de ; et, dans ce cas, la
transformation qui nous occupe ici ne saurait présenter de difficulté.
19. En particulier, si cette série est nulle pour toutes les valeurs
entières de les valeurs des coefficiens se réduiront à leur dernier terme. Tel est le cas de
on a alors
et il en résulte
série qui est ce que devient la série générale (6), dans le cas de ; elle sera donc égale au produit infini
20. Appliquons encore nos règles générales à la décomposition en facteurs de la série
au cas que cette décomposition soit possible. On aura ici et il en sera de même de toutes les fonctions paires tandis qu’au contraire les fonctions impaires seront égales à On trouvera, d’après cela
Comparant ces valeurs (6) aux coefficiens
on verra qu’elles coïncident, dans la supposition de La série proposée sera donc égale au produit infini
20. La dernière application que nous venons de faire de notre méthode laisse suffisamment apercevoir le caractère distinctif des séries de la forme
décomposables en un produit infini, tel que
On voit en effet que les coefficiens étant donnés, il faut d’abord calculer, par leur moyen, les coefficiens de la série
et tant que, par une détermination convenable de on pourra faire coïncider avec eux les coefficiens généraux
on sera certain que la décomposition est possible, et on connaîtra tout ce qui est nécessaire pour l’effectuer,
21. Mais il importe de remarquer qu’il y a une infinité de cas où la décomposition est très-possible, sans que sa possibilité se manifeste par les caractères que nous venons d’indiquer. Cela a lieu, lorsque la série proposée est le produit de deux ou d’un plus grand nombre de produits infinis de la forme
dans lesquels la valeur de varie, d’un produit à l’autre. Pour frayer le chemin qui conduit à cette recherche, vraiment intéressante, proposons-nous le problème qui suit ;
22. Essayons de multiplier entre elles les deux séries
il est toujours possible (8) de réduire leur produit à la forme de chacune d’elles ; en représentant donc ce produit par
les suppositions particulières de donneront
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La suite nous fournira l’occasion de continuer ces valeurs à volonté.
23. Appliquons ces résultats généraux au cas des séries qui résultent
du développement des deux expressions
On a
Il sera possible de donner au produit de ces deux séries la forme
et les coefficiens auront la forme, très-remarquable que voici :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
24. Le théorème que nous venons d’exposer est très-vrai, en
général. Toutefois nous ne saurions dissimuler qu’en l’appliquant à
certains cas particuliers, qui paraissent en faire une exception formelle, on s’exposerait à une suite de conclusions extrêmement paradoxales. Supposons d’abord cette supposition rend nuls
tous les coefficiens et paraît conséquemment réduire
à l’unité le produit
{{SA|toutes les fois que
ce qui permettrait de remplacer
par
Cela est très-vrai, tant que
est un nombre entier. On a alors
et il est très-clair qu’en divisant le premier produit par le second et le quatrième par le troisième, les deux quotiens seront identiquement les mêmes. Mais sera-t-il permis d’étendre ce théorème, très-évident pour des nombres entiers, à des valeurs fractionnaires de et de Supposons l’un et l’autre égaux à un demi, on aura
d’où il résulterait que le quarré du cosinus de tout angle quelconque, et par conséquent ce cosinus lui-même est égal à l’unité.
25. Supposons, en second lieu, nous aurons
ainsi la formule, appliquée à ce cas particulier, devrait donner pour produit Cependant, comme dans ce même cas, on a les coefficiens deviennent respectivement la série qui doit représenter le produit devient identique avec celle qui exprimerait chacun des facteurs. On aurait donc ainsi ; proposition qui n’est admissible que dans le cas d’un angle infiniment petit, et qui est étroitement liée avec celle du n.o précédent
26. Ces conclusions paradoxales n’ôtent rien à la vérité, et même à la généralité du théorème. Il faudra apprendre la manière de s’en servir, et sur-tout distinguer les cas dans lesquels il présentera les restrictions que les conditions particulières du problème rendent indispensablement nécessaires. En laissant à nos lecteurs le soin provisoire de déchiffrer ces énigmes, nous devons prévenir qu’elles seront l’objet du mémoire suivant, et que nous espérons d’en donner une solution satisfaisante et complète.