Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 04/Astronomie, article 3

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Texte établi par Joseph Diez Gergonne (4p. 237-250).

ASTRONOMIE.

Essai d’une nouvelle solution des principaux problèmes
d’astronomie ;
Par M. Kramp, professeur, doyen de la faculté des
sciences de l’académie de Strasbourg.
(Deuxième mémoire.)[1]
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

38. Les élémens de l’orbite d’un corps céleste, assujetti aux lois de la gravitation, sont au nombre de six ; savoir : la longitude du nœud, l’inclinaison de l’orbite, la position de la ligne des apsides, le grand axe, l’excentricité, et l’instant du passage par l’une des deux apsides. Trois observations complètes, en nous faisant connaître les longitudes et les latitudes géocentriques de ce corps dans trois instans donnés, nous fournissent six équations lesquelles suffisent pour déterminer un nombre pareil d’inconnues. En continuant de désigner par l’excentricité connue de l’orbe terrestre, nous tâcherons de représenter chacune de ces six inconnues par une série ordonnée selon les puissances ascendantes de telle que

Le premier terme est ce que devient cette série, dans le cas de qui est celui d’un mouvement de la terre supposé uniforme et circulaire ; et on voit que ce premier terme suffira, dans le cas où l’observateur se trouverait près de l’une des deux apsides de l’orbite terrestre. Comme cette excentricité est une fraction assez petite, égale à un soixantième, à peu près ; la série sera très-convergente, même dans les cas les moins favorables. En réservant, pour le mémoire qui suivra celui-ci, la recherche du second et du troisième termes de la série, nous nous bornerons, dans le mémoire actuel, à la recherche du seul premier terme que nous avons désigné par la lettre

39. PROBLÈME V. Les élémens de l’orbite étant supposés connus, on demande, pour un instant quelconque, l’expression littérale de la longitude et de la latitude géocentrique de l’astre ?

Solution. Soient (fig. 1)

, le centre du soleil ;

, l’orbite de la terre ;
, l’orbite de l’astre ;
, la ligne des nœuds ;
, la ligne des équinoxe ;
, un lieu de la terre ;
, le lieu correspondant de l’astre ;
une perpendiculaire sur la ligne des nœuds ;
, une perpendiculaire sur le plan de l’écliptique ; et soient menées et prolongée jusqu’à la rencontre de en , et enfin parallèle à , projection sur l’écliptique du rayon visuel . Alors,

Les triangles seront tous trois rectangles en  ;

et seront respectivement les rayons vecteurs de la terre et de l’astre ;

L’angle mesurera l’inclinaison de l’orbite ;

Et les angles et seront respectivement les longitude et latitude géocentriques de la planète ou de la comète.

40. Faisant le triangle rectangle en donnera

Le triangle , rectangle en , donnera ensuite

et si, du point , on abaisse sur la ligne des nœuds la perpendiculaire , et qu’on mène la parallèle à cette même ligne , on aura

d’où on conclura

on aura donc

cet angle pourra donc être regardé comme donné, dès que l’on connaitra l’inclinaison de l’orbite, les deux rayons vecteurs et , et les angles qu’ils font avec la ligne des nœuds. On n’aura qu’à retrancher ensuite cet angle de la longitude du nœud, pour avoir la longitude géocentrique .

41. Après la recherche de la longitude, celle de la latitude est très-facile. Des deux triangles , rectangle en , et , rectangle en , on tire les deux égalités qui suivent

d’où

Et telle est la tangente de la latitude géocentrique.

42. Il reste donc à exprimer les angles ainsi que les rayons vecteurs et en d’autres quantités qui, d’après l’énoncé de notre problème, doivent être regardées comme données : et ce sont les élémens de l’orbite de l’astre. Soient donc

l’angle longitude du nœud ;

l’angle inclinaison de l’orbite ;

l’angle que fait la ligne des nœuds avec celle des apsides ;

le demi-grand axe de la planète ou comète ;

le rapport de l’excentricité au demi-grand axe ; ce qui donne

pour le demi-petit axe ;

pour la distance du foyer au centre ;

le demi-grand axe de la terre ;

le temps périodique de la terre ;

le temps périodique de l’astre ;

est connu et, quant à nous savons qu’on a

ainsi, les deux quantités désignées par et pourront toujours être remplacées l’une par l’autre.

43. À ces cinq élémens, savoir il faut en ajouter un sixième : c’est celui qui doit fixer le moment du passage de l’astre par son aphélie. Nous supposerons donc qu’à cet instant la terre était au point de son orbite. Notre sixième élément sera donc l’angle que faisait alors la ligne des nœuds avec le rayon vecteur de la terre.

44. En continuant de désigner par l’anomalie vraie de l’astre, nous emploirons la lettre pour exprimer l’anomalie excentrique qui lui appartient. La longitude de la terre, supposée au point de son orbite, ou l’angle sera désignée par ce qui rend l’angle et l’angle Le temps employé par la terre à parcourir l’arc sera donc et, comme l’astre emploîra le même temps pour parcourir l’arc de la sienne ( étant le lieu de son aphélie), et pour décrire ainsi l’anomalie vraie à laquelle répond l’anomalie excentrique et le rayon vecteur on aura les équations qui suivent :

45. Il paraît convenable de réduire toutes les formules aux anomalies excentriques et d’éliminer entièrement les anomalies vraies. Cette réduction est facile ; nous aurons

46. En conséquence, si l’on désigne finalement

par la longitude géocentrique,

par la latitude géocentrique de l’astre au moment où la terre est parvenue au point de son orbite ; l’angle sera l’angle que fait le rayon vecteur avec la ligne des nœuds sera l’angle que fait avec cette même ligne le rayon vecteur de l’astre sera l’angle sera et l’angle qui exprimera l’inclinaison de l’orbite sera Les formules des n.os 40 et 41, qui nous faisaient connaître les tangentes des deux angles et deviendront ainsi

46. Multipliant ces deux équations par le dénominateur commun des fractions qui forment leurs seconds membres, elles deviendront en réduisant

47. Arrêtons-nous à ces deux produits et qui font fonction de facteurs dans ces deux formules, et qui ne sont autre chose que les deux coordonnées rectangulaires du point de l’ellipse rapportées au foyer comme origine, et à la ligne des nœuds comme axe. En les désignant respectivement par et et en employant les développemens donnés au n.o 45, nous aurons

ou bien

En employant cette notation, on aura

La ligne distance de l’astre à la terre, égale à deviendra, par cette même notation,

48. Si on multiplie la première de ces équations par l’autre par et qu’on les ajoute ensemble, on aura une nouvelle équation débarrassée de et ne renfermant que seul. Multipliant de même la première par la seconde par et les ôtant l’une de l’autre, en remarquant que ce qui rend on aura une nouvelle équation débarrassée de et ne renfermant plus que Ces deux équations seront

Leur forme nous met dans le cas de procéder par degrés à la solution du problème, en le partageant dans les trois qui suivent :

49. PROBLÈME VI. La position du plan de l’orbite étant supposée connue, et connaissant de plus le grand axe de l’ellipse, et l’instant du passage par l’une des deux apsides ; on demande de déterminer, moyennant une seule observation, l’excentricité et la position de l’axe ?

50. Solution. Les quantités connues du problème seront ainsi : l’angle longitude du nœud ; l’angle inclinaison de l’orbite ; les angles et ou la longitude et la latitude géocentriques, données par l’observation ; l’angle longitude de la terre dans ce même instant ; l’angle que faisait la ligne des nœuds avec le rayon vecteur de la terre, au moment du passage de l’astre par son aphélie ; enfin le demi-grand axe de l’orbite, et par conséquent la fraction Les deux inconnues sont l’excentricité et l’angle que fait la ligne des nœuds avec celle des apsides.

51. Les deux équations données (48) nous mettent dans le cas de déterminer immédiatement les deux facteurs et De plus, l’angle étant supposé connu, on aurait, pour déterminer l’anomalie excentrique l’équation (44)

qui, outre cette anomalie, renferme encore l’excentricité, connue comme elle. Heureusement elle y est réductible ; car ayant (47)

on en tire

quantité entièrement connue. En la désignant donc par on obtient,

ce qui change notre dernière équation en

On en tirera l’anomalie par une simple application de la règle de fausse position ; et, après l’avoir trouvée, il ne restera plus que le seul angle à déterminer. Or, des deux équations (47)

on tire

ce qui donne

Le problème sera ainsi résolu. Il pourra servir à déterminer, dans les orbes planétaires, le lieu de l’aphélie et l’excentricité, les autres élémens étant supposés connus.

52. PROBLÈME VII. Connaissant la position du plan de l’orbite, on demande de déterminer, moyennant deux observations, les quatre élémens qui restent ; savoir : l’instant du passage par l’aphélie, ou l’angle  ; la position de la ligne des apsides, ou l’angle  ; l’excentricité de l’orbite, ou l’angle  ; enfin le demi-grand axe duquel dépend le rapport des deux temps périodiques et au moyen de l’équation  ?

53. Solution. En conservant, pour la première observation, les notations du problème précèdent, on marquera par un accent celles qui se rapportent à la seconde. On désignera donc

par les deux longitudes géocentriques

par les deux latitudes géocentriques ;

par les deux anomalies excentriques

par les deux rayons vecteurs.

On aura ainsi

54. Les lettres désigneront encore les fonctions trigonométriques qui suivent

55. On aura donc, en vertu de (48),

56. Ainsi, la position du plan de l’orbite étant supposée connue, on pourra regarder comme connues les quatre fractions mais le rapport est une des inconnues du problème ; ce qui porte à cinq le nombre de celles que renferment les quatre équations précédentes.

57. La sixième inconnue, c’est l’angle qui fixe l’instant du passage par l’aphélie. La théorie de l’ellipse fournit les deux équations (44)

desquelles on tire, par une simple soustraction,

L’angle étant ainsi déterminé, le nombre des équations, de même que celui des inconnues, se trouvera de nouveau réduit à cinq.

58. Les quatre équations de (54) pourront être réduites à trois, par l’élimination de l’angle On a d’abord (51)

d’où l’on tire

59. Il conviendra de remarquer les deux expressions littérales de et de que l’on obtiendra encore, entièrement débarrassées de l’angle à l’aide des formules données (47) ; savoir

il en résulte

d’où l’on obtient la formule simple et remarquable

Ainsi donc, ayant trouvé, à l’aide des formules (55), les quantités multipliées par le facteur qui, quoiqu’inconnu, est commun à toutes, et disparait dans la division, on en tirera immédiatement l’angle  ; c’est l’angle décrit par le rayon vecteur de la comète, dans l’intervalle de temps qui sépare les deux observations.

60. Si l’on développe les sinus et cosinus de en réduisant tout aux anomalies excentriques, moyennant les formules (45), on en déduira les deux qui suivent :

61. Pour donner à nos formules encore plus de simplicité, faisons

d’où

il en résultera

et par conséquent

la dernière des équations (57) prendra alors la forme

et comme

elle deviendra finalement

62. Mais n’oublions pas que la fraction qui multiplie dans les formules (55), est elle-même une de nos inconnues.

Faisons, pour abréger,  ; faisons de plus

Les quantités seront alors celles qu’on aura pu immédiatement déduire des formules (55), et que, par conséquent, on pourra regarder commt connues, tandis qu’il faudra considérer comme inconnue la fraction , de même que

Les équations du numéro précédent deviendront donc

(1)
(2)
(3)
(4)

63. Ce sont là les équations desquelles dépend la solution du problème. Il faut employer la règle de fausse position ; et, pour éviter les équations au-dessus du second degré, il faut commencer par supposer une valeur numérique à l’angle À l’aide de cet angle, on déterminera l’excentricité Pour cela, on divisera le quarré de l’équation (1) par l’équation (3), ce qui donnera

64. De là, on passera à l’angle . Posant, pour abréger.

et divisant la troisième équation par la seconde, il viendra

équation où l’on traitera l’angle comme l’inconnue, et que l’on résoudra par les méthodes connues[2]. De plus, cet angle étant la demi-différence des deux anomalies excentriques, pour peu que ces deux anomalies ne soient pas très-éloignées l’une de l’autre, il sera assez petit pour que son cosinus puisse être confondu avec l’unité, sans erreur sensible, sur-tout s’il faut vérifier le premier essai d’une règle de fausse position. On aura ainsi

65. À l’aide des trois angles on aura, par l’équation (1)

Substituant ensuite les valeurs numériques des quatre quantités dans l’équation (4), on s’assurera de la différence entre deux quantités qui, dans le cas d’une supposition exacte pour devraient être rigoureusement égales. Une seconde supposition donnera un nouveau résultat qui, comparé au premier, servira à diriger les suppositions ultérieures, et à conduire, par quelques essais, et par l’application des méthodes usitées en pareille rencontre, à une valeur suffisamment approchée de  ; et, par suite, à celles de et

66. Les deux anomalies excentriques se trouveront ensuite par les formules (60) ; savoir :

L’angle se déduira de l’une des deux équations (57)

Il restera donc à connaître le seul angle  ; et on aura pour le déterminer, l’une des quatre équations (54).

67. Telle est donc la solution du problème, dans le cas où la position du plan de l’orbite peut être supposée connue. Il est très-possible de déterminer cette position à part, indépendamment des autres élémens de cette orbite ; les méthodes qui y conduisent sont assez connues ; et elles sont encore susceptibles d’être perfectionnées. Toutefois nous donnerons, dans un prochain mémoire, la solution générale et complète du problème.

  1. Voyez la pag. 161 de ce volume.
  2. Voyez la page 84 du 2.e volume de ce recueil.
    J. D. G.