Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 06/Astronomie, article 2

La bibliothèque libre.

ASTRONOMIE.

Sur la déclinaison des planètes ;

Par M. le professeur Kramp, doyen de la faculté des
sciences de Strasbourg.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

I. Les déclinaisons des planètes, consignées dans nos éphémérides, forment des séries très-irrégulières, et dont il paraît fort difficile de déterminer la loi. Prenons pour exemple les années 1811, 1812, 1813, 1814, 1815, qui sont les cinq premières de la décade actuelle.

Pendant ces cinq années, la déclinaison d’Uranus a été constamment australe ; et on peut remarquer que, pendant une partie de l’année, elle a passé sans cesse de sa plus grande valeur à la plus petite, et que pendant l’autre, elle a repassé de la plus petite à la plus grande. Les plus grandes déclinaisons étaient renfermées entre les limites et celles des moindres déclinaisons ont été et la planète s’est donc écartée du plan de l’équateur.

La déclinaison constamment australe de Saturne a fait des oscillations semblables ; ses plus grandes déclinaisons ont diminué de à les plus petites ont diminué de même depuis jusqu’à la planète s’est donc rapprochée de l’équateur.

La déclinaison de Jupiter a été boréale pendant les quatre années 1181, 1812, 1813, 1814. Le 16 novembre de cette dernière année, la planète a traversé le plan de l’équateur ; le 9 avril 1815 ; elle l’a repassé une seconde fois ; et le 9 juillet de cette même année ; elle est redescendue de nouveau dans l’hémisphère australe,

Mars a traversé cinq fois le plan de l’équateur ; savoir, le 1.er  février et le 25 octobre 1812 ; le 1.er janvier et le 7 octobre 1814, et le 10 juillet 1815. Les intervalles de temps de l’un de ces passages à l’autre ont été successivement jours ; nombres dont l’inégalité ne saurait dépendre de l’ellipticité de l’orbite.

Vénus a traversé le même plan douze fois ; et, en exprimant en jours les intervalles de temps d’un passage à l’autre, on trouve les nombres qui suivent : L’excentricité presque insensible de l’orbite de Vénus n’a rien de commun avec l’inégalité de ces nombres.

Ces mêmes intervalles sont encore beaucoup plus inégaux pour Mercure qui, pendant ces cinq années, a traversé seize fois le plan de l’équateur. La recherche des lois qui lient entr’eux les termes de ces séries irrégulières dépend du problème suivant :

2. PROBLÈME. Connaissant les élémens de l’orbite d’une planète, on demande l’expression générale de sa déclinaison, pour un temps quelconque proposé ?

Solution. Soient l’écliptique (fig. 1) le soleil ; la terre ; la ligne des équinoxes ; la ligne menée du soleil au nœud ascendant de l’orbite de la planète : cette dernière étant supposée en élevée au-dessus du plan de l’écliptique. Abaissons de sur ce plan la perpendiculaire et sur la ligne des nœuds la perpendiculaire Menons de plus, dans le plan même de l’écliptique, la ligne dont le prolongement rencontre en la ligne des nœuds et la ligne  ; ensuite les deux rayons vecteurs et enfin la ligne  ; de la terre à la planète Quant aux lignes auxiliaires, remarquons que est parallèle à  ; que est parallèle à et conséquemment perpendiculaire comme elle à la ligue des pœuds  ; et qu’enfin est parallèle à cette même ligne des nœuds, et conséquemment perpendiculaire à

3. Cela étant, soient,

l’angle inclinaison de l’orbite ;

l’angle longitude du nœud ascendant ;

l’angle longitude héliocentrique de la terre ;

l’angle que fait le rayon vecteur de la planète avec la ligne des nœuds ;

la ligne rayon vecteur de la terre ;

la ligne rayon vecteur de la planète ;

l’angle longitude géocentrique de la planète ;

l’angle latitude géocentrique de la planète ;

l’angle que fait la ligne des nœuds avec ou avec sa parallèle

4. Les élémens de l’orbite de la planète étant supposés connus, les deux rayons vecteurs de même que les angles seront donnés de même. Par leur moyen, on exprimera les angles et de la manière suivante

5. Pour abréger, désignons par la somme des quarrés du numérateur et du dénominateur de la première de ces deux fractions, de celle qui exprime la tangente de l’angle On aura ainsi :

On trouvera de même, à cause de

et enfin

6. Soit, en second lieu, la somme des quarrés des deux termes de la seconde fraction, qui exprime la tangente de la latitude géocentrique ou On trouve, en développant,

la lettre désigne donc la ligne distance de la terre à la planète. Il en résulte

7. Nous avons fait connaître ailleurs les formules par lesquelles on trouve l’ascension droite et la déclinaison d’un astre, dont on connaît la longitude et la latitude. Soient (fig. 2) l’équateur, l’écliptique, un astre quelconque ; soit de plus l’obliquité de l’écliptique, l’ascension droite la déclinaison la longitude la latitude  ; cette dernière étant supposée boréale. On aura

8. Il ne reste qu’à développer cette expression, pour avoir celle de la déclinaison, au bout d’un temps donné on trouvera (4, 5, 6)

9. On simplifiera cette expression, en introduisant un angle tel que

on aura alors

10. Le soleil étant rapporté au centre de la sphère ; soit le grand cercle de cette sphère déterminé par l’orbite de la planète ; ce grand cercle coupant l’équateur en et l’écliptique en et par conséquent étant l’argument de la latitude la distance à l’équinoxe et le nœud ascendant ; l’arc sera ce que nous avons désigné par et l’argument de latitude sera on aura donc

11. Comme l’angle ou l’inclinaison de l’orbite vers l’écliptique, est un angle très-petit, pour toutes les planètes de notre système solaire, on voit que l’arc ou ne saurait différer beaucoup de l’arc ou qui est la longitude du nœud. On trouve effectivement égale, à peu près, à ce qui rend cette différence angulaire sensiblement proportionnelle au sinus de l’inclinaison de l’orbite. Si la planète se mouvait entièrement dans le plan de l’écliptique, on aurait exactement et le sinus de la déclinaison de la planète, ou se trouverait être

12. Dans le cas d’une planète infiniment éloignée, et qui rentrerait ainsi dans la classe des étoiles fixes, la distance ferait disparaître et il viendrait par conséquent

Cette expression est une quantité constante, et indépendante du temps ; et on voit qu’elle ne veut dire autre chose que l’arc étant effectivement la déclinaison de l’étoile.

13. Le moment du passage de la planète par le plan de l’équateur est celui où la déclinaison est nulle ; on a alors

équation dans laquelle les angles et de même que les deux rayons vecteurs et sont des fonctions très-connues, mais transcendantes du temps, et qui ne peuvent être développées qu’en séries infinies. Le problème est donc insoluble, dans le cas des orbites elliptiques ; et dans la supposition même d’un mouvement uniforme et circulaire, il exige l’emploi de la règle de fausse position.

14. En nous bornant au calcul des mouvemens moyens, essayons de déterminer (9) la déclinaison des planètes de notre système, telle qu’elle doit avoir été le 1.er janvier de l’année 1815, à midi. Le logarithme de la distance de la terre au soleil était alors et la longitude du soleil était on aura donc et De plus, du 1.er janvier 1801 à minuit jusqu’au 1.er janvier 1815 à midi il s’est écoulé jours et demi.

15. Il faudra connaître les mouvemens moyens journaliers de la terre, de la planète et du nœud de celle-ci. Soient donc

le mouvement moyen journalier de la terre,

le mouvement moyen journalier de la planète,

le mouvement moyen journalier du nœud.

Les trois moyens mouvemens seront exprimés en degrés et parties de degrés. Le mouvement sera une fraction très-petite, et qui ne deviendra bien sensible qu’au bout d’un siècle.

16. Il faudra connaître aussi les longitudes héliocentriques moyennes de la terre, de la planète, et du nœud de celle-ci ; à l’époque dont on veut partir. Soient donc, pour cette époque,

la longitude de la terre ;

la longitude de la planète,

la longitude de son nœud.

Ainsi, les mouvemens étant supposés uniformes et circulaires, on aura :

17. Il en résultera

ainsi,

La lettre désigne ici le nombre des jours écoulés depuis l’époque fixe jusqu’à celle pour laquelle on veut déterminer la longitude de la planète. Comme l’angle est très-petit, pour toutes les planètes de notre système, excepté Mercure, on aura sensiblement ce qui donne

18. Les mouvemens moyens et journaliers des planètes sont exprimés dans la table qui suit :

La troisième de ces valeurs est celle de  ; les autres appartiennent aux des différentes planètes de notre système.

19. Voyons présentement quelles erreurs pourra entraîner, dans le calcul des latitudes au commencement de 1815, l’emploi des moyens mouvemens, On a d’abord les distances moyennes, c’est-à-dire, ainsi qu’il suit :

20. Les arcs décrits pendant 5113 jours en rejetant les circonférences entières, seront respectivement (18)

Mais, au commencement de 1801, les longitudes étaient

ajoutant donc ces arcs aux précédens, en rejetant encore les circonférences entières, on obtiendra pour les longitudes, au commencement de 1815,

21. Le mouvement séculaire rétrograde du nœud de chaque planète et le mouvement de ce nœud pour 5113 jours sont ainsi qu’il suit :

mais la longitude du nœud, au commencement de 1801, était

cette longitude devait donc être, au commencement de 1815,

ôtant donc cette dernière longitude de celle de la planète pour la même époque de 1815, on obtiendra pour l’arc base du triangle sphérique rectangle

mais, les inclinaisons des orbites sont respectivement

Divisant donc par le cosinus de cette inclinaison la tangente de on obtiendra pour quotient la tangente de ou qu’on trouvera être ainsi

22. On a d’ailleurs, pour le commencement de 1815, le logarithme du rayon vecteur terrestre ou la longitude héliocentrique de la terre ou et l’obliquité de l’écliptique d’après quoi on trouvera ainsi qu’il suit :

23. Avec toutes ces données, et à l’aide des formules du commencement de ce mémoire, on trouvera, pour la distance, de la terre à la planète et pour l’angle


et on aura enfin pour la déclinaison que nous mettons en regard avec celle des éphémérides,

24. En comparant successivement ces différences avec la plus grande équation du centre de la planète, on trouve qu’elles en sont respectivement, du moins à peu de chose près, les fractions suivantes

Ces résultats, et sur-tout celui qui répond à Mercure, la plus excentrique de toutes les planètes, conduisent à conjecturer, avec beaucoup de vraisemblance, que l’ellipticité des orbites influe moins qu’on ne le croirait sur la déclinaison des planètes, que cependant l’erreur qui résulte du simple emploi des moyens mouvemens, dans le calcul de cette déclinaison, augmente avec les dimensions de l’orbite.

25. La condition du passage de la planète par le plan de l’équateur est renfermée dans l’équation (13). L’état insoluble de cette équation, dans la supposition du mouvement elliptique, nous oblige à nous contenter de l’emploi des mouvemens moyens. Encore serons-nous obligés de profiter de la circonstance favorable que nous présente l’inclinaison des orbites qui, dans notre système solaire, est partout assez petite pour qu’on puisse, sans erreur sensible, supposer ce qui donne simplement (17)

26. L’extrême lenteur du mouvement des nœuds nous permet en outre, du moins pour un nombre d’années limité, de supposer nulle ; il résultera de là Dans cette même supposition, l’angle deviendra une quantité constante, et indépendante du temps. Ainsi désignant par ce que devient lorsque dans l’expression générale de (9), on remplace la lettre par (17), ce qui donnera

l’équation finale du problème sera

27. Cette équation ne renferme que la seule inconnue c’est le nombre des jours comptés depuis l’époque fixe jusqu’à l’époque où se fera quelque passage de la planète par le plan de l’équateur. Les quantités seront liées entr’elles par la loi de Képler Mais, comme les rapports sont incommensurables, l’équation, malgré sa simplicité apparente, sera transcendante, et exigera, pour sa résolution l’emploi de la règle de fausse position. On sait de plus que la série que forment les racines de cette équation n’a rien de commun, même dans les cas les plus simples, avec les progressions arithmétiques, géométriques, récurrentes, etc.

28. La simplicité de l’équation finale (26) rend au moins l’emploi des fausses positions très-facile ; et on pourra s’en servir avec avantage, pour trouver les valeurs approchées des passages d’une planète par le plan de l’équateur, pour une année quelconque qui ne serait pas trop éloignée.

29. Après avoir discuté les cas où la déclinaison devient nulle, examinons les époques où elle parvient à son maximum ou minimum. Les notations précédentes seront conservées ; nous supposerons toujours sensiblement nul, ce qui donnera et nous ferons la longitude de la planète ou

30. Le quarré de la distance de la terre à la planète ou, a été trouvé (6),

En faisant cette formule deviendra

ou bien

et, en différentiant,

31. L’expression générale du sinus de la déclinaison a été trouvée (9). Pour remplir la condition proposée, il faut égaler à zéro la différentielle de cette quantité. En y regardant comme constants, nous n’y aurons que les trois seules variables qui toutes dépendent du temps ; nous aurons ainsi

et nous venons de trouver (30).

32. Nous parviendrons ainsi à une équation composée de huit termes, et qui a au moins l’apparence d’être compliquée. On y reconnaît bientôt les deux facteurs suivans

et l’équation devient ainsi

33. Pour en tirer l’inconnue voyons ce qu’elle deviendrait dans le cas d’une planète dont l’orbite serait couchée dans le plan de l’écliptique. L’angle alors serait égal à zéro ; la différence angulaire s’évanouirait ; et toute l’équation serait divisible par Supprimant ce facteur commun, on aurait

L’équation serait alors décomposable dans les deux facteurs qui suivent

34. En égalant le premier facteur à zéro, on obtient l’équation

elle répond naturellement à l’équation trouvée (26) qui dans la même hypothèse, se réduit à

et fait connaître les passages de la planète par le plan de l’équateur.

35. Le second facteur égalé à zéro donne

Cette formule est connue ; c’est celle qui détermine l’époque où la planète devient stationnaire. Ainsi donc, en supposant le mouvement de la planète uniforme et circulaire, et son orbite couchée dans le plan même de l’éclîptique, elle parviendra à sa plus grande ou à sa moindre déclinaison au moment même où elle deviendra stationnaire.

36. On sait que le cosinus de tout angle est aussi celui des angles etc. En conséquence, en désignant par le moindre des angles qui aura pour cosinus, et par les valeurs consécutives de l’inconnue on aura

Ces racines formeront ainsi deux progressions arithmétiques ayant pour différence commune c’est la durée d’une révolution synodique.

37. Donc, en supposant la planète mue dans le plan de l’écliptique, d’un mouvement uniforme et circulaire, les époques des plus grandes et des moindres déclinaisons forment trois progressions très-distinctes. La première comprend les racines de l’équation Les déclinaisons que cette équation fait connaître sont toutes du genre des maxima ; elles précèdent et elles suivent les passages de la planète par l’équateur, et elles sont ainsi alternativement boréales et australes. Les deux autres forment deux progressions arithmétiques, indépendantes de cette première, qui ont pour différence commune la durée de la révolution synodique, et dans lesquelles la différence de deux termes correspondans sera partout la même, savoir

38. Nous avons rassemblé dans les deux tables qui suivent les plus grandes et les moindres déclinaisons, de même que les passages par l’équateur, de la planète de Mars, pendant les cinq années 1811, 1812, 1813, 1814, 1815. Les jours sont comptés d’une série continue, depuis le 1.er de l’an 1811.

39. La première table contient les passages de Mars par l’équateur, ainsi que les plus grandes déclinaisons dont ils sont précédés et suivis ; ces dernières, qui résultent de l’équation sont alternativement désignées par les lettres et  ; les passages le sont alternativement par et suivant que l’astre entre dans l’hémisphère boréal ou dans l’hémisphère austral.

La plupart de ces différences varient, il est vrai, entre des limites assez resserrées et mais la différence suffit seule pour exclure tout soupçon d’une presque égalité qui pourrait exister entre elles.

La seconde table contient les époques où la planète parvient à sa plus grande ou à sa moindre déclinaison, sans traverser le plan de l’équateur, conformément aux formules (35, 36) ; ces époques sont celles qui suivent :

Les plus grandes déclinaisons ont lieu aux époques jours, et les plus petites aux époques Les différences des premiers nombres sont et dont la moyenne est les différences des derniers sont et dont la moyenne est Le milieu entre ces deux moyennes et la durée de la révolution synodique est seulement la différence de jours doit être rejetée sur l’ellipticité de l’orbite et sur l’angle d’environ deux degrés que fait le plan de cette orbite avec celui de l’écliptique.

40. On peut remarquer que les plus grandes et les moindres longitudes géocentriques ont lieu aux jours qui suivent :

Ainsi les jours des plus grandes et des moindres longitudes ne sont pas éloignés de ceux des plus grandes et des moindres décîinaisons, conformément à la remarque déjà faite (35). Les plus grandes et les moindres déclinaisons, tirées de l’équation n’ont rien de commun avec les plus grandes et les moindres longitudes géocentriques, ce qui nous apprend à les distinguer facilement, par la simple observation des longitudes, de celles qui répondent à l’autre équation

41. Pour déterminer, d’après les tables ou les observations, le jour et même l’heure où les plus grandes ou moindres déclinaisons ont dû avoir lieu, on peut employer la méthode qui suit. Soient le temps et la déclinaison qui y répond, aux environ du maximum ou du minimum. il sera permis de supposer

La déclinaison parviendra à son maximum ou minimum, lorsque on aura dans ce cas

42. Pour déterminer les coefficiens on emploira les déclinaisons, calculées ou observées, répondant respectivement aux temps … de manière que la déclinaison moyenne soit plus grande ou moindre que chacune des extrêmes Alors on aura les trois équations

desquelles on tirera

Le temps au bout duquel la plus grande ou la moindre déclinaison aura lieu sera

et cette déclinaison sera

Si l’on prend les temps en progression arithmétique, ce qui permettra de supposer ces formules deviendront

43. Les formules qui ont été l’objet de ce mémoire, fondées sur ce que l’orbite de la planète était supposée dans le plan de l’écliptique, subissent quelques modifications lorsqu’elle est hors de ce plan ; ce qui sera l’objet d’un autre mémoire.