Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 06/Géométrie analitique, article 4

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GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Théorèmes nouveaux sur les lignes et surfaces du
second ordre ;

Par M. Frégier, ancien élève de l’école polytechnique.
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J’ai annoncé, dans le III.e volume de la Correspondance sur l’école polytechnique (n.o 3, janvier 1816, page 394), un théorème en vertu duquel on peut construire, avec un équerre pour tout instrument, la normale et par conséquent la tangente à une ligne du second ordre, indépendamment de la connaissance des diamètres principaux. Je me propose ici de démontrer ce théorème, ainsi que plusieurs autres théorèmes analogues, sur les lignes et surfaces du second ordre.

Une ligne du second ordre étant donnée, et un point fixe étant pris arbitrairement sur cette courbe ; si l’on prend la tangente en ce point pour axe des et la normale qui lui répond pour axe des , en désignant par la longueur de la normale, mesurée depuis l’origine jusqu’au point où elle rencontre de nouveau la courbe, par

l’équation de la tangente à cette dernière extrémité de la normale, et enfin par le rayon de courbure qui répond à l’origine ; l’équation de la courbe dont il s’agit, sera

(1)

Soit une droite menée arbitrairement par l’origine, et formant respectivement avec les axes des et des des angles dont les cosinus soient et ce qui donnera

(2)

l’équation de cette droite sera

(3)

en la combinant avec l’équation (1), on obtiendra, pour les coordonnées de l’intersection de avec la courbe

(4)

Pour une nouvelle droite passant également par l’origine, et formant avec les axes des et des des angles dont les cosinus soient respectivement ce qui donne

(5)

on aura semblablement

(6)

(6) On trouvera aisément d’après cela que l’équation de la corde qui joint les extrémités des deux droites est, en divisant par

(7)

Si, pour savoir en quels points la corde \rightC coupe la normale et la tangente ; on fait successivement, dans cette équation, et il viendra

(8)
(9)

d’où l’on voit que, pourvu que soit constant, la corde coupera toujours la normale au même point ; et que, pourvu que soit constant, cette même corde coupera toujours la tangente au même point, quelles que puissent être d’ailleurs les directions des droites et

Parmi les divers cas où est constant, l’un des plus simples est, sans contredit ; celui où l’on a

d’où

les droites sont alors perpendiculaires l’une à l’autre ; et le point fixe de la normale par lequel passe la droite est donnée (8), par la formule

(10)

De là résulte ce théorème :

THÉORÈME I. Si l’on inscrit à une ligne du second ordre une suite de triangles-rectangles ayant tous le sommet de l’angle droit situé en un même point de cette courbe ; leurs hypothénuses concourront toutes en un même point de la normale menée par le sommet commun à tous ces triangles ; d’où il suit encore, par la théorie des pôles[1], que les points de concours des tangentes aux extrémités de ces hypothénuses seront tous situés sur une même droite.

Si donc, n’ayant d’autre instrument qu’un équerre, on veut construire la tangente et la normale en un point quelconque d’une ligne du second ordre, il ne s’agira que de construire, avec l’équerre, deux triangles rectangles ayant le sommet de l’angle droit au point dont il s’agit ; la droite menée de ce point à l’intersection des hypothénuses des deux triangles sera la normale, et conséquemment la perpendiculaire menée à cette droite, par le même point de la courbe, en sera la tangente.

Cette construction fournit en outre un moyen assez simple d’obtenir le rayon de courbure, et conséquemment la situation du centre du cercle osculateur. Si, en effet, l’on désigne par la distance de l’origine au point fixe de la normale par lequel passent toutes les hypothénuses, point que nous venons d’enseigner à déterminer ; on aura (10)

d’où

Il résulte clairement de notre analise qu’il y aurait une infinité d’autres cas où les droites se couperaient en un même point de la normale. Nous nous bornerons à signaler celui où l’on aurait

ouou encore

c’est celui où les droites feraient d’un même côté, soit avec la tangente soit avec la normale, des angles complément l’un de l’autre. Le point fixe serait alors donné par la formule

Parmi les différens cas où est constant, l’un des plus remarquables est celui où cette fonction est nulle. Les droites font alors, de differens côtés, des angles égaux soit avec la tangente soit, avec la normale ; c’est-à-dire, en d’autres termes, que la normale divise en deux parties égales l’angle formé par ces deux droites. Le point fixe de la tangente où concourent alors les droites est donné (9) par la formule

ce point est donc celui où concourrent les tangentes aux deux extrémités de la normale. De là résulte ce théorème :

THÉORÈME II. Si l’on inscrit à une ligne du second ordre une suite de triangles, ayant tous un sommet commun, et dont l’angle à ce sommet soit divisé en deux parties égales par la normaie qui lui répond ; les côtés opposés de ces triangles iront tous concourir au point de la tangente où elle est coupée par la tangente à l’autre extrémité de cette normale ; d’où il résulte encore, par la théorie des pôles, que les points de concours des tangentes aux extrémités de ces troisièmes côtés de triangles seront situés sur une même droite, laquelle ne sera autre ici que la normale elle-même.

La vérité de ce théorème s’aperçoit au surplus immédiatement, en remarquant que l’équation du système de deux droites qui, passant par l’origine, font de part et d’autre des angles égaux ayec la normale, est de la forme

(11)

dans laquelle est une constante qui détermine l’angle des deux droites. Or, en éliminant entre cette équation et l’équation (1), il vient, en divisant par

(12)
équation d’une droite qui, quel que soit coupe toujours l’axe des au point pour lequel on a

Il est aisé de voir, d’après cela, que si, par le point de la courbe que l’on considère, l’on mène deux cordes divisant en deux parties égales les angles que forme la normale avec la tangente, la droite qui joindra les extrémités de ces cordes déterminera, sur la normale et sur la tangente, les points fixes relatifs à nos deux théorèmes.

Une surface du second ordre étant donnée, et un point fixe étant pris arbitrairement sur cette surface ; si l’on prend les deux tangentes conjuguées rectangulaires de ce point pour axes des et des et la normale qui répond au même point pour axe des en désignant par la longueur de la normale terminée à la surface, supposant que l’équation du plan tangent à la seconde extrémité, de cette normale est

et représentant respectivement par et les rayons de courbure des sections suivant les plans des et des l’équation de la surface dont il s’agit prendra la forme

[2](1)

Soit une droite menée arbitrairement par l’origine, et formant respectivement avec les axes des des et des des angles dont les cosinus soient ce qui donnera

(2)

les équations de cette droite seront

(3)

en les combinant avec l’équation (1) ; on obtiendra, pour les coordonnées de l’intersection de avec la surface courbe,

(4)

Pour deux autres droites passant également par l’origine, et formant avec les axes des , des et des des angles dont les cosinus soient pour l’une, et pour l’autre, ce qui donne

(5)
(6)

on aura semblablement

(7)

(8)

On trouvera aisément, d’après cela, que l’équation du plan C qui joint les extrémités des droites est



(9)

Cela posé, supposons que chacune de nos droites soit perpendiculaire aux deux autres, nous exprimerons cette circonstance par les trois équations

(10)

lesquelles, combinées avec les relations (2, 5, 6), donneront entr’autres[3]

(11)

et par conséquent

(12)

En conséquence, l’équation (9) deviendra simplement

(13)

Si, dans la vue de savoir en quel point le plan rencontre l’axe des c’est-à-dire, la normale, on fait et égaux à zéro, cette dernière équation donnera

(14)

résultat entièrement indépendant de la situation des droites De là résulte le théorème que voici :

THÉORÈME III. Si, à une surface du second ordre, on inscrit une suite de tétraèdres rectangles, ayant tous le sommet de leur angle droit trièdre situé en un même point quelconque de cette surface ; leurs faces hypothénusales concourront toutes en un même point de la normale menée par le sommet commun de tous ces tétraèdres ; d’où il suit encore, par la théorie des pôles, que les surfaces coniques circonscrites qui auront pour lignes de contact avec la surface dont il s’agit, ses intersections avec les plans des faces hypothénusales de ces tétraèdres, auront toutes leurs sommets situés sur un même plan.

On voit par là que l’inscription à une surface du second ordre de trois tétraèdres rectangles, ayant tous le sommet de leur angle droit trièdre situé en un même point de cette surface, suffit pour déterminer la direction de la normale et conséquemment du plan tangent en ce point.

Concevons présentement une surface conique ayant son centre à l’origine, dont l’axe soit l’axe des c’est-à-dire, la normale, et dont les sections parallèles au plan tangent, elliptiques ou hyperboliques, aient leurs diamètres principaux respectivement proportionnels aux racines quarrées des rayons de plus grande et de moindre courbure au point que nous considérons ; l’équation de cette surface conique sera de la forme

(15)

étant une indéterminée qui fixe la grandeur de cette surface conique. En combinant l’équation (15) avec l’équation (1), pour en éliminer il vient, en divisant par

(16)

équation linéaire, qui nous montre que, quel que soit l’intersection des deux surfaces est toujours une courbe plane.

Si, dans la vue de connaître suivant quelle droite le plan de cette courbe rencontre le plan tangent, on fait dans l’équation (16), elle deviendra

(17)

résultat tout à fait indépendant de  ; ce qui donne lieu au théorème que voici :

THÉORÈME IV. Si une suite de surfaces coniques ont respectivement pour centre et pour axe commun un point pris arbitrairement sur une surface quelconque du second ordre et la normale à cette surface en ce point ; et si en outre les sections de ces surfaces coniques par des plans parallèles au plan tangent, lesquelles auront leur centre sur la normale, ont leurs diamètres principaux proportionnels aux racines quarrées des rayons de plus grande et de moindre courbure de la surface à leur sommet commun ; toutes ces surfaces coniques couperont la surface du second ordre suivant une série de courbes planes, dont les plans viendront tous passer par la droite intersection des plans tangens aux deux extrémités de la normale ; d’où il suit, par la théorie des pôles, que les surfaces coniques circonscrites, ayant ces courbes planes pour lignes de contact avec la surface du second ordre, auront toutes leurs sommets situés sur une même droite[4].

Il est clair que, quelles que soient d’ailleurs les directions de nos trois droites pourvu qu’elles se trouvent situées toutes trois sur l’une quelconque de nos surfaces coniques, le plan passant par leurs extrémités, coupera toujours le plan tangent suivant une même droite, puisque ce plan ne sera autre que celui de la courbe plane intersection de la surface du second ordre avçe la surface conique sur laquelle les trois droites seront situées.

Mais, pour exprimer que la droite est sur la surface conique, il faut éliminer entre les équations (3) et (15). Exprimant ensuite la même condition pour les droites il en résultera les trois équations

(18)

entre lesquelles éliminant et ce qui fera aussi disparaître on arrivera à la condition,

laquelle, jointe aux trois-autres

(20)

donnera le système complet des conditions sous l’influenee desquelles les droites peuvent varier de direction, sans que le plan que déterminent leurs extrémités cesse de passer par la section commune des plans tangens aux deux extrémités de la normale.

Au surplus, la condition (19) peut être remplacée par la suivante :

(21)

que l’on en déduit en prenant la somme des produits des équations (20) par et ayant égard a cette même équation (19).

La démonstration analitique du Théorème III pouvant paraître un peu compliquée, il ne sera pas hors de propos de montrer, en terminant, comment, par des considérations purement géométriques, on peut le déduire du Théorème I.

Soient et deux tétraèdres rectangles en , insdrits à une surface du second ordre, et ayant l’arête commune ; les plans étant tous deux perpendiculaires à coïncideront et détermineront dans la surface une section qui sera une ligne du second ordre, à laquelle seront inscrits les deux triangles rectangles de même sommet Soit l’intersection des hypothénuses de ces triangles, sera (Théorème I) la direction de la normale à la section au point et le point sera, sur cette normale, un point tout à fait fixe et indépendant de la situation respective de nos deux tétraèdres. Soit la tangente au point de la section, laquelle est située sur le plan tangent à la surface courbe ; si l’on mène le triangle sera rectangle en mais étant perpendiculaire au plan de la section, doit aussi être perpendiculaire à la tangente qui est dans ce plan ; donc cette tangente est à la fois perpendiculaire à et et conséquemment elle est perpendiculaire au plan du triangle ; le plan tangent à la surface courbe en qui contient cette tangente sera donc aussi perpendiculaire au plan et conséquemment ce dernier contiendra la normale à la surface courbe en laquelle coupera en quelque point par lequel passeront également les deux faces hypothénusales puisqu’elles se coupent suivant qui contient ce point

Il est donc établi par là qu’en faisant tourner notre angle trièdre tri-rectangle autour de l’une quelconque de ses arêtes, le plan déterminé par les extrémités de ces mêmes arêtes ne cessera pas de couper la normale à la surface courbe en un même point fixe Or, il est connu que tout changement de situation d’un angle trièdre tri-rectangle, autour de son sommet, revient à trois rotations successives autour de ses arêtes[5] ; donc, quelle que soit la situation de cet angle trièdre, le plan coupera toujours la normale au même point.


Séparateur

  1. Voyez Annales, tome III, page 293.
  2. Voyez. Annales, tom. IV, pages 372 et 372
  3. Voyez la Correspondance sur l’école polytechnique, tome III, n.o 3, janvier 1816, page 302.
  4. Donc aussi les cônes de révolution qui ont respectivement pour sommet et pour axe commun un ombilic d’une surface du second ordre et la normale qui lui répond, coupent cette surface suivant une série de cercles.
    J. D. G.
  5. Cette proposition, qui revient à dire que l’on peut toujours faire coïncider sur une sphère deux triangles sphériques tri-rectangles au moyen de trois rotations successives du premier autour de ses sommets, peut se démontrer assez simplement comme il suit.

    Soit le point où se coupent les arcs de grands cercles et si l’on conduit un arc de grand cercle et un autre coupant en le point étant distant d’un cadran des points et sera le pôle de l’arc et, puisque d’ailleurs le point est le pôle de il s’ensuit que le triangle sera tri-rectangle comme et pourra être considéré comme résultant de la rotation de celui-ci autour de son sommet

    Soit le point d’intersection des arcs de grands cercles et si l’on, conduit l’arc de grand cercle étant le pôle de l’arc et celui de l’arc il s’ensuit que le triangle est tri-rectangle, comme le triangle et peut conséquemment être considéré, comme résultant de la rotation de celui-ci autour de son sommet

    Enfin, le triangle ayant le sommet commun avec le triangle peut pareillement être considère comme résultant de la rotation de celui-ci autour de ce sommet commun ce qui démontre complètement la proposition annoncée.

    J. D. G.