Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 07/Géométrie analitique, article 4

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GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Sur les intersections des lignes et des surfaces.

Extrait d’un mémoire présenté à l’académie royale des
sciences, en décembre 1816 ;
Par M. Lamé, ancien élève de l’école polytechnique.
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On sait qu’un même point peut être donne sur un plan, d’une infinité de manières différentes, par l’intersection de deux courbes, qu’une même courbe peut être donnée dans l’espace, d’une infinité de manières différentes, par l’intersection de deux surfaces ; et qu’enfin un même point peut être donné dans l’espace, d’une infinité de manières différentes, par l’intersection de trois surfaces.

Lors donc que, cherchant analitiquement un point sur un plan, par l’intersection de deux lignes, ou une ligne dans l’espace par l’intersection de deux surfaces, ou enfin un point dans l’espace par l’intersection de trois surfaces, on est parvenu à des lignes ou surfaces qui par leur intersection déterminent le point ou la ligne cherchés, on ne doit point s’arrêter là ; et, pour ne rien laisser à désirer dans la solution du problème dont on s’occupe, il est souvent nécessaire d’examiner si le point ou la ligne cherchés ne pourraient pas être obtenus, ainsi qu’il arrive fréquemment, par l’intersection de lignes ou de surfaces plus simples que celles qu’on avait d’abord obtenues. C’est ainsi, par exemple, que l’on peut substituer aux intersections de deux cercles celles de l’un d’eux avec la corde qui leur est commune ; et le recueil à qui je livre ces réflexions offre, en particulier, un grand nombre d’exemples, très-remarquables, de l’emploi le plus heureux de ces sortes de substitutions.

On se trouve donc naturellement conduit, par ces considérations, à la recherche des conditions nécessaires, 1.o pour que trois lignes tracées sur un même plan se coupent en un même point ; 2.o pour que trois surfaces se coupent suivant une même courbe ; 3.o enfin, pour que quatre surfaces se coupent en un même point. Je vais traiter ces questions pour les lignes et surfaces du premier et du second ordre seulement ; je tirerai ensuite des résultats que j’aurai obtenus quelques conséquences théoriques et pratiques qui ne me paraissent pas dépourvues d’intérêt. Je supposerai constamment, d’ailleurs, que les coordonnées sont rectangulaires.

PROBLÈME I. Trouver la condition nécessaire pour que trois droites passent par un même point ?

Solution. Soient les équations des trois droites ainsi qu’il suit :

(1)

l’élimination de et entre elles donnera sur-le-champ, pour la condition cherchée, l’équation

(2)

Mais on peut parvenir au même résultat par un procédé un peu différent qui, à la vérité, n’a dans le cas présent, aucun avantage marqué sur celui-là ; mais qui nous sera fort utile pour les autres recherches auxquelles nous aurons ensuite à nous livrer.

En prenant la somme des produits des deux premières équations (1) par deux multiplicateurs indéterminés il viendra

(3)

équation qui, à cause de l’indétermination des multiplicateurs est propre à représenter toutes les droites qui passent par l’intersection des deux premières droites (1).

Si donc on veut que ces trois droites se coupent en un même point, il devra être possible de disposer des indéterminées et de manière à faire coïncider la troisième équation (1) avec l’équation (3). Cela donnera

(4)

et, en éliminant et entre ces trois équations, on retombera de nouveau sur l’équation (2).

PROBLÈME II. Trouver les conditions nécessaires pour que trois lignes du second ordre se coupent suivant les mêmes points ?

Solution. Soient les équations des lignes dont il s’agit ainsi qu’il suit :

(1)

Soit prise la somme des produits des deux premières équations par deux multiplicateurs indéterminés et  ; on aura ainsi

équation qui, dans sa généralité, représente toutes les lignes du second ordre qui passent par les intersections des deux premières lignes (1).

Remarquons, avant d’aller plus loin, que cette équation pourrait fort bien, en général, appartenir à une parabole ; mais de deux manières seulement, puisque la condition

détermine le rapport et ne lui assigne uniquement que deux valeurs. Remarquons encore que cette équation ne saurait généralement appartenir à un cercle. Il faudrait, en effet, pour cela, qu’on eût en même temps

équations d’où on tire

et par suite,

Telle est donc la condition nécessaire et suffisante pour qu’un cercle puisse passer par les intersections de nos deux courbes.

Mais cette même équation (2) pourra représenter une infinité d’ellipses et d’hyperboles ; et, si l’on veut, en particulier, qu’elle représente la troisième courbe (1) ou, ce qui revient au même, si l’on veut que les trois courbes (1) aient les mêmes intersections, il faudra qu’on ait, à la fois,

(3)

L’élimination de et entre ces six équations conduira à quatre autres qui exprimeront les conditions cherchées.

Les équations

sont (Prob. I) celles qui exprimeraient que les trois droites

concourent en un même point. Mais on sait d’un autre côté (Annales, tom. VI, pag. 160) que chacune de ces dernières équations est celle du diamètre de chaque courbe qui coupe en deux parties égales les cordes parallèles à l’axe des et, puisque d’ailleurs la direction de cet axe est quelconque, on en peut conclure le théorème suivant :

THÉORÈME. Si plusieurs sections coniques ont quatre points communs ; dans quelque direction qu’on leur mène des diamètres parallèles, les conjugués de ces diamètres concourront en un même point.

Au moyen de ce théorème, on peut facilement résoudre les deux problèmes suivans :

PROBLÈME I. Étant donnés cinq points du périmètre d’une section conique, déterminer graphiquement son centre ?

Solution. Soient (fig. 1) les cinq points donnés. Le système des deux droites peut être considéré comme une section conique, passant par les quatre points et il en est de même du système des deux droites mais la courbe dont il s’agit doit aussi passer par ces quatre points ; voilà donc trois sections coniques qui ont quatre points communs ; d’où il suit que les conjugués des diamètres qui, dans ces trois lignes, sont parallèles à la corde de la troisième doivent concourir en un même point Or, ces conjugués sont très-aisés à déterminer, pour les sections coniques dont les centres sont connus ; leur construction déterminera donc le point qui sera aussi censéquemment un des points du conjugué du diamètre qui, dans notre courbe, est parallèle à la corde mais le milieu de cette corde est aussi un point de ce conjugué ; donc la droite conduite par ces deux points, est un diamètre de notre courbe. En opérant ensuite par rapport à comme nous l’avons fait par rapport à on déterminera un autre diamètre de la même courbe, lequel, par son intersection avec le premier, en fera connaître le centre.

Une fois le centre connu, on pourra déterminer les autres élément de la courbe, par des procédés sur lesquels nous n’insisterons pas, parce qu’ils sont tout-à-fait étrangers à notre objet.

PROBLÈME II. Étant donnés quatre points du périmètre d’une parabole, construire graphiquement la direction commune des diamètres de la courbe ?

Solution. Soient (fig. 2) les quatre points donnés. Le système des deux droites peut être considéré comme une section conique passant par les quatre points et il en est de même du système des deux droites ces deux systèmes forment donc, avec la parabole dont il s’agit, trois sections coniques ayant quatre points communs ; d’où il suit que pour ces trois, lignes les conjugués des diamètres parallèles à une même droite fixe doivent concourir en un même point ; donc, en particulier, si, pour les deux lignes on trouve deux systèmes de diamètres conjugués parallèles, l’une des deux directions qu’ils affecteront sera la direction d’un diamètre de la parabole.

Tout se réduit donc à mener par le point une droite, rencontrant en et en telle que et étant les milieux respectifs de et les droites et soient parallèles ?

Supposons le problème résolu. Considérons le parallélogramme sera égal à la droite sera donc conjuguée à et à sa parallèle la figure sera donc aussi un parallélogramme. Cela posé, on aura les proportions ; en les multipliant entre elles, et observant que il viendra

en joignant à cette proportion l’équation on aura tout ce qu’il faut pour déterminer et et conséquemment le point on connaîtra donc les directions et qui pourront être prises pour celle des diamètres de la parabole. Le problème de la détermination du point aura deux solutions ; mais en les adoptant successivement, en ne fera que passer de la direction à la direction ainsi que cela doit être.

PROBLÈME III. Trouver les conditions nécessaires pour que trois plans se coupent suivant une même droite ?

Solution. En supposant que les équations de ces trois plans sont

(1)

on parviendra aux conditions cherchées, en exprimant que la somme des produits des deux premières équations, par deux multiplicateurs est la même que la troisième ; on obtiendra ainsi les quatre équations

(2)

entre lesquelles il faudra éliminer et ce qui donnera deux conditions.

Deux quelconques des trois premières équations (2) Joints à la 4.me prouvent que les traces de nos trois plans sur un des plans coordonnés, c’est-à-dire, sur un plan quelconque, doivent concourir en un même point ; ce qui est d’ailleurs évident.

PROBLÈME IV. Trouver la condition nécessaire pour que quatre plans concourent en un même point ?

Solution. En supposant que les équations de ces quatre plans sont

(1)

on pourrait d’abord parvenir à la condition cherchée, en éliminant entre ces quatre équations ; mais on y parviendra, également, en exprimant que la somme des produits des trois premières par trois multiplicateurs indéterminés est la même que la quatrième. Cela donne les quatre équations

(2)

entre lesquelles éliminant on parviendra également à la condition cherchée.

PROBLÈME V. Trouver les conditions nécessaires pour que trois surfaces du second ordre se coupent suivant une même courbe ?

Solution, En supposant, pour les équations des surfaces dont il s’agit,

et exprimant que la dernière est la somme des produits des deux autres par deux multiplicateurs indéterminés on obtiendra les dix équations

(2)

entre lesquelles éliminant et on obtiendra les condition, cherchées, lesquelles conséquemment seront au nombre de huit.

La première, la quatrième et la cinquième équations de la première colonne ; jointes à la deuxième de la seconde, prouvent (Prob. III) que les trois plans dont les équations sont

(3)

se coupent suivant une même droite ; mais ces plans sont (Annales, tom. VI, pag. 165) les conjugués des diamètres de nos trois surfaces parallèles à l’axe des , c’est-à-dire à une droite quelconque ; on a donc le théorème suivant.

THÉORÈME, Lorsque plusieurs surfaces du second ordre se coupent suivant une même courbe, les plans diamétraux conjugués à des diamètres parallèles de ces surfaces se coupent tous suivant-une même droite.

Si la troisième équation (1) représentait une sphère, il faudrait qu’on eût, à la fois,

entre lesquelles éliminant il viendrait

conditions, au nombre de quatre, qui expriment que la commune section des deux premières surfaces (1) est sur une sphère.

PROBLÈME VI. Trouver les conditions nécessaires pour que quatre surfaces du second ordre aient les mêmes points d’intersection.

Solution. En supposant, pour les équations des surfaces dont il s’agit,

il faudra exprimer que la quatrième est la somme des produits des trois autres par les multiplicateurs indéterminés ce qui donnera les dix équations

(2)

entre lesquelles éliminant on parviendra aux conditions cherchées, lesquelles seront conséquemment au nombre de sept.

Les première, quatrième et cinquième équations de la première colonne, jointes à la seconde de la deuxième prouvent (Problème IV) que les quatre plans dont les équations sont

(1)

concourent tous en un même point ; mais ces plans sont (Annales, tom. VI, pag. 165) les plans diamétraux conjugués aux diamètres qui, dans nos quatre surfaces, se trouvent parallèles à l’axe des c’est-à-dire à une droite quelconque ; on a donc le théorème que voici :

THÉORÈME. Lorsque des surfaces du second ordre passent toutes par les neuf mêmes points donnés, leurs plans diamétraux conjugués à des diamètres parallèles concourent tous en un même point.

Par des procédés analogues à ceux que nous avons employés ci-dessus pour les lignes du second ordre, on parviendrait à déduire de ce théorème la solution du problème que voici : Étant donnés neuf points d’une surface du second ordre, déterminer son centre ?

Si la quatrième des équations (1) appartenait à une sphère ; il faudrait qu’on eût

ce qui donnerait, en éliminant et les trois conditions

qui expriment que les huit points d’intersection de trois surfaces du second ordre se trouvent situés sur une même sphère.


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