Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 09/Dynamique, article 2

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Solution du problème proposé à la page 200
du VIII.e volume de ce recueil ;

Par M. Tédenat, correspondant de l’académie royale
des sciences.
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PROBLÈME. Donner la théorie du mouvement d’une échelle, posant, par son extrémité inférieure, sur un pavé horizontal, et appuyant, par son extrémité supérieure, contre un mur vertical, en ayant égard au frottement ?

Solution. Soit une ligne pesante (fig. 11) représentant une échelle, appuyée par son extrémité sur une ligne horizontale et par son extrémité sur la verticale À moins que ne fût dans une situation horizontale ou dans une situation verticale, elle glisserait nécessairement sans l’effet du frottement qui a lieu en et en Pour estimer cet effet, aux deux lignes substituons-en deux autres perpendiculaires entre elles, comme les premières ; et faisant avec elles un angle tel que la partie de l’effort de la gravité perdue, à raison de sa décomposition dans le sens des deux nouveaux axes soit équivalente à l’effet du frottement dans le sens des premiers l’angle est ce qu’on appelle, pour cette raison, l’angle du frottement.

Supposons tout le poids de la verge, que nous représenterons par réuni en son centre de gravité que, pour plus de généralité, nous supposerons différent de son milieu. Soient et l’angle d’où

L’effort de la pesanteur en peut être décomposé en deux autres agissant en lesquels sont respectivement

Ce dernier, décomposé parallèlement à et donnera pour ses composantes

Ce dernier effort, perpendiculaire à la ligne ou plan est détruit par la résistance de ce plan ; et on en pourra dire autant de l’effort exercé en Cela posé :

L’équation générale de l’équilibre (Voyez la Mécanique analitique)

donnera, en faisant

mais

partant


donc

ce qui donne

comme on l’a trouvé, par une méthode tout-à-fait différente, à la page 199 du précédent volume.

Pour appliquer au mouvement de l’échelle la formule générale de l’équilibre, il suffit d’ajouter aux termes ci-dessus les deux suivans exprimant les forces accélératrices des deux extrémités de l’échelle, dans le sens des axes c’est-à-dire, en n’ayant d’abord aucun égard à l’effet du frottement.

Si l’on fait, dans cette hypothèse,

on aura

ou

(A)

Mais, la ligne étant constante, l’équation de condition donnera, dans un instant quelconque

ou

Cette équation, combinée avec l’équation (A), donne

Ainsi, la force accélératrice des deux points extrêmes sera variable ; ils parcourront respectivement les deux droites Le milieu de décrira un arc de cercle dont le diamètre sera égal à cette même droite. Les autres points décriront des arcs d’ellipses qui auront leur grand axe suivant pour la moitié inférieure, et suivant pour la moitié supérieure.

Si l’on veut connaître les vitesses des points extrêmes, on les trouvera en intégrant les équations suivantes

La première donne

et on tire de la seconde

ce qui s’accorde avec le principe des forces vives

Pour avoir égard au frottement, il suffit de rapporter le mouvement aux axes Conservons les deux lettres pour les deux axes et prenons pour en posant, pour abréger,

nous aurons

mais

donc, l’équation, ramenée aux premiers axes, deviendra

faisant, pour abréger,

et conservant l’angle on aura

Cette équation a la même forme que l’équation, (A) déjà traitée : elle donnera

On déduit de la première

et de la seconde

En faisant ces deux dernières formules deviennent celles qu’on a déjà trouvées ci-dessus ; lorsqu’on n’a pas égard au frottement.

On déterminera d’ailleurs les constantes par les conditions qu’au commencement du mouvement on a

On doit avoir aussi, au commencement du mouvement Cette dernière condition donne

ou

comme cela doit être ; parce que, lorsque l’angle est tel, l’effet du frottement détruit l’effort de la pesanteur, ou la force accélératrice, comme on l’a vu ci-dessus et en l’endroit déjà cité de ce recueil.

Les diverses positions que prend dans son mouvement la ligne pesante se coupent consécutivement en une suite de points formant une courbe continue, dont on peut être curieux de connaître l’équation.

Soient (fig. 12) deux positions consécutives infiniment voisines de la droite mobile, dont soit le point d’intersection ; ce point sera l’un de ceux de la courbe cherchée. Faisons l’angle et désignons respectivement par les perpendiculaires abaissées du point sur les droites prises pour axes des coordonnées ; nous aurons

c’est-à-dire,

Or, au point d’intersection l’équation doit convenir également aux deux droites il faut donc qu’elle soit indépendante de l’angle et qu’elle ne soit composée que des seules quantités qui sont communes aux deux positions ; il faut donc que et demeurent constans tandis que varie, c’est-à-dire, que la différentielle de l’équation ci-dessus, prise par rapport à seulement, doit avoir lieu en même temps qu’elle. Cette différentielle étant

il ne s’agit plus que d’éliminer entre elle et l’équation primitive.

Pour y parvenir, regardons comme les deux inconnues de ces équations ; nous en tirerons aisément

donc

donc enfin l’équation de la courbe cherchée est

[1]

Il est facile de s’assurer que cette courbe (fig. 13) a quatre points de rebroussement situés sur les deux axes à des distances de l’origine égales à  ; et qu’elle est symétrique non seulement par rapport à ces axes, mais encore par rapport aux deux droites qui divisent en deux parties égales les angles des coordonnées. On en concevra facilement la raison en remarquant (fig. 13) que, théoriquement parlant, les droites devant être considérées comme s’étendant indéfiniment de part et d’autre du point le mouvement des extrémités et de la droite mobile n’est pas borné à ce point ; mais que l’extrémité peut passer à gauche et l’extrémité au-dessous suivant les prolongemens de et

Il est d’ailleurs évident que la courbe est à la fois circonscrite à toutes les ellipses décrites par les points de et, en particulier, au cercle décrit par son milieu.


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  1. C’est précisément la courbe de la page 376 du VIII.e volume de ce recueil, si ce n’est que la droite mobile qui y était représentée par l’est ici par

    Si l’on compare cette équation avec celle que nous avons trouvée à la page 288 du V.e volume de ce recueil, et qu’on pourrait mettre sous cette forme

    on en pourra conclure que la courbe dont il s’agit est, par rapport à la développée de l’ellipse ce que le cercle est lui-même par rapport à l’ellipse. On ne saurait pourtant en conclure que cette courbe soit la développée d’un cercle, puisqu’une telle développée se réduit à un point.

    Mais on est conduit à soupçonner que cette même courbe pourrait bien être la développée d’une ellipse dont les deux axes, infinis l’un et l’autre, auraient néanmoins une différence finie.

    Pour vérifier ce soupçon prenons l’équation

    de la développée de l’ellipse ; équation dans laquelle sont les deux demi-axes ; soit fait

    d’oùet

    l’équation deviendra ainsi

    ou encore

    équation qui se réduit en effet à

    lorsqu’on suppose infini.