Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 09/Géométrie analitique, article 1

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GÉOMÉTRIE ANALITIQUE.

Théorie élémentaire de la courbure des lignes et des
surfaces courbes ;

Par M. Gergonne.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Long-temps encore après la découverte du calcul différentiel, les géomètres se confiaient à ses méthodes, par une sorte d’instinct, et sans trop se rendre compte des principes théoriques qui pouvaient les justifier et leur servir d’appui. Bien que souvent ils n’en fissent usage que par pure élégance, ils n’en regardaient pas moins cette nouvelle branche de calcul comme étant d’une nécessité indispensable dans certaines recherches, qui alors étaient réputées être essentiellement de son domaine.

Mais, à mesure que, par les travaux de quelques hommes supérieurs, et notamment par les méditations de notre illustre Lagrange, la métaphysique du calcul différentiel a été mieux connue, cette branche de calcul est aussi devenue, peu à peu, de moins en moins nécessaire ; et on est parvenu, par degrés, à soustraire à son empire une multitude de questions, soit d’analise, soit de géométrie, que pourtant, avant qu’elle fût connue, on eût à peine osé aborder. Il est digne de remarque qu’en particulier le problème des tangentes, qui lui avait donné naissance, en soit devenu, des premiers, tout-à-fait indépendant, du moins pour les courbes algébriques.

La vérité est qu’on ne saurait rencontrer aucune question, considérée individuellement, pour la solution de laquelle le calcul différentiel soit d’une nécessité indispensable. Tout le service que nous retirons de ce calcul se réduit au fond à nous permettre, au moyen de la symbolisation d’une nouvelle opération (la dérivation), d’enfermer la solution d’une infinité de questions particulières dans une formule unique, où nous pouvons lire d’une manière distincte la série des calculs à effectuer, dans chacun des cas individuels qu’une question générale peut offrir. Ainsi, par exemple, on n’a pas besoin du calcul différentiel pour mener une tangente ou une normale à telle ou telle courbe dont on a l’équation, mais il est nécessaire pour écrire l’équation de la tangente à une courbe quelconque, par l’un quelconque de ses points.

Si, dès le temps de Descartes et de Fermat, les géomètres avaient remarqué avec plus d’attention combien souvent l’opération appelée dérivation se représente dans les calculs ; s’ils eussent eu dès-lors l’idée, fort simple et fort naturelle d’ailleurs, d’affecter un symbole à cette nouvelle opération, ainsi qu’ils l’avaient déjà fait pour toutes les autres, il y a tout lieu de croire que Leibnitz et Newton n’eussent pas eu à se disputer l’invention des nouveaux calculs ; et l’on n’eût pas été près d’un siècle à en chercher la métaphysique. Mais ce n’est pas d’ordinaire d’une allure si aisée que l’esprit humain s’achemine vers les découvertes. Parmi une multitude de routes qui se présentent devant lui, une seule est la bonne ; mais, comme, avant de s’y engager, elles lui sont toutes également inconnues, ce ne pourrait être que par le hasard le plus heureux qu’il se déterminerait pour celle-là.

Ce serait, sans doute une puérilité d’éviter constamment l’usage du calcul différentiel, sur-tout lorsque son secours peut introduire dans les réeherches des simplifications de quelque importance ; cependant, il ne peut être que très-utile à celui qui veut entreprendre des études mathématiques sérieuses et profondes de ne recourir aux procédés de ce calcul qu’après avoir épuisé toutes les ressources de l’analise ordinaire.

D’un autre côté, beaucoup de gens pour qui les études mathématiques ne sont qu’accessoires, et qui n’ont pas conséquemment le loisir de les pousser fort loin, peuvent désirer néanmoins de ne pas demeurer tout-à-fait étrangers à certaines théories, sans s’engager dans l’étude des branches de calcul desquelles on a coutume de les faire dépendre. Ainsi, c’est travailler également dans l’intérêt des uns et dans celui des autres que de ramener aux simples élémens le plus grand nombre de ces théories, sur-tout lorsqu’il est possible de le faire sans en accroitre la complication d’une manière très-notable.

Parmi les théories que l’on regarde communément comme le plus essentiellement dépendantes du calcul différentiel, celle de la courbure des lignes et surfaces courbes tient sans contredit un des premiers rangs, soit en elle-même, soit par la multitude des importantes applications dont elle est susceptible. Il peut donc n’être pas sans intérêt de montrer comment cette théorie peut être rendue indépendante des méthodes différentielles ; et tel est l’objet que nous nous proposons dans l’essai que l’on va lire.

Section I.
Des contacts du premier ordre.

Dans cette première section, nous ne nous occuperons uniquement que des contacts simples ou du premier ordre ; c’est-à-dire que nous traiterons successivement des tangentes et normales aux courbes planes, des tangentes et plans normaux aux courbes à double courbure, et enfin des plans tangens et des normales aux surfaces courbes.

§. I.
Du contact dans les courbes planes.

En prenant pour origine des coordonnées rectangulaires l’un quelconque des points du périmètre d’une courbe plane quelconque, son équation peut toujours, soit immédiatement, soit, s’il est nécessaire, par le développement en série, être amenée à cette forme

[1] (1)

À la vérité, lorsque le second membre de cette équation sera une série indéfinie, elle ne pourra être employée, avec sécurité, que pour des portions de la courbe assez voisines de l’origine pour que la petitesse de et de rende la série convergente ; mais ce n’est justement que pour de telles portions de la courbe que nous nous proposons d’en faire usage.

Lorsqu’on ne considère donc que des points de la courbe très-voisins de l’origine, on peut, sans erreur sensible, négliger, dans l’équation (1), les termes de plus d’une dimension en et d’où il suit que, plus la portion de courbe que l’on considérera, à partir de l’origine, sera petite, et plus aussi cette courbe approchera de se confondre avec la droite ayant pour équation

(2)

la courbe se confondra donc rigoureusement à l’origine avec cette droite, qui en indiquera alors exactement la direction ; c’est donc une tangente à la courbe, en ce point.[2]

On voit donc que, lorsqu’une courbe passe par l’origine, on obtient l’équation de sa tangente en ce point, en égalant simplement à zéro, dans l’équation de la courbe, l’ensemble des termes d’une seule dimension par rapport aux coordonnées.

Ayant ainsi la tangente à la courbe par l’origine, rien n’est plus facile que d’obtenir sa normale par le même point ; l’équation de cette normale sera

(3)

S’agit-il de mener une tangente ou une normale à une courbe donnée, par l’un quelconque de ses points ; on y transportera d’abord l’origine, en changeant respectivement, dans l’équation de la courbe, en l’ensemble des termes indépendans de dans l’équation résultante, égalé à zéro, sera l’équation de condition, exprimant que le point est sur la courbe ; et l’ensemble des termes d’une seule dimension, par rapport aux mêmes variables, égalé pareillement à zéro, sera l’équation de la tangente à la nouvelle origine, rapportée aux nouveaux axes ; on la rapportera aux axes primitifs, en changeant respectivement, dans son équation en

On remarquera, au surplus, que, dans le développement des puissances et produits de puissances des binômes on peut rejeter les termes de plus d’une dimension en attendu qu’on n’est point dans le cas d’en faire usage. Si l’on rejette également les termes indépendans de ces deux variables, et que, dans ce qui restera, on change respectivement en on aura immédiatement l’équation de la tangente au point rapportée aux axes primitifs, et de laquelle on conclura facilement celle de la normale par le même point.

Appliquons ce procédé à l’ellipse ayant pour équation

(4)

Nous aurons d’abord

puis, en développant,

Parce que le point est sur la courbe, on aura

(5)

et l’équation de la tangente, rapportée aux axes primitifs, sera

ou simplement ; en vertu de la relation (5)

(6)

On en conclura, pour celle de la normale par le même point

(7)

Nous ne disons rien du cas où il s’agirait de mener à une courbe une tangente ou une normale par un point qui lui serait étranger, attendu que ce second problème se ramène facilement au premier.

On voit, par ce qui précède, que si les équations de deux courbes qui passent par l’origine se ressemblent seulement dans les termes du premier ordre, quelque différence qu’elles puissent présenter d’ailleurs, ces courbes auront en ce point la même tangente et la même normale. Il n’est pas même nécessaire pour cela que les deux équations se ressemblent dans leurs premiers termes ; car, si

(8)

est l’équation d’une courbe, l’équation de sa tangente par l’origine sera

(9)

de sorte que cette courbe aura la même tangente en ce point que la courbe (1), si seulement l’équation (9) a lieu en même temps que l’équation (2) ; c’est-à-dire, si l’on a seulement

(10)

Deux courbes qui ont une même tangente en un même point sont dites elles-mêmes tangente l’une à l’autre en ce point. On voit, par ce qui précède, qu’une infinité de courbes différentes peuvent avoir la même tangente et la même normale au même point.

Si l’on veut mener une tangente à la courbe (1) par le point on écrira d’abord

puis, en développant,

on aura donc, en premier lieu, l’équation de condition,

(11)

et l’équation de la tangente sera

ou, en ajoutant le double de l’équation (11) et réduisant

(12)

Quant à l’équation de la normale, par le même point, elle sera (3)

§. 2.
Des contacts dans les courbes à double courbure.

En prenant pour origine des coordonnées rectangulaires l’un quelconque des points d’une courbe quelconque à double courbure, on peut toujours, soit immédiatement soit, s’il est nécessaire, par le développement en série, amener la courbe à être donnée par le système des deux équations

(1)
(1′)

ou par toutes autres équations déduites d’une combinaison quelconque de ces deux-là. À la vérité, lorsque les seconds membres de ces équations seront des séries indéfinies, elles ne pourront être employées, avec sécurité, que pour des portions de la courbe assez voisines de l’origine pour que la petitesse de et rende les séries convergentes ; mais ce n’est justement que pour de telles portions de la courbe que nous nous proposons d’en faire usage.

Lorsqu’on ne considère donc que des points de la courbe très-voisins de l’origine, on peut, sans erreur sensible, négliger, dans les équations (1, 1′), les termes de plus d’une dimension en d’où il suit que, plus la portion de courbe que l’on considérera, à partir de l’origine, sera petite, et plus aussi cette courbe approchera de se confondre avec la droite ayant pour équations

(2)

(2’)

elle se confondra donc rigoureusement à l’origine avec cette droite, qui en indiquera exactement alors la direction ; c’est donc une tangente à la courbe, en ce point.[3]

On voit donc que, lorsqu’une courbe à double courbure passe par l’origine, on obtient les équations de sa tangente en ce point, en égalant simplement à zéro, dans les équations de la courbe, ensemble des termes d’une seule dimension par rapport aux coordonnées.

Ayant ainsi la tangente à la courbe ; par l’origine, rien n’est plus facile que d’obtenir son plan normal, par le même point ; l’équation de ce plan sera

(3)

Tout plan qui passe par une tangente à une courbe à double courbure est dit tangent à cette courbe ; et toute droite tracée sur son plan normal, par le point où ce plan coupe la courbe, en est dite une normale ; d’où l’on voit qu’une courbe à double courbure a, en chacun de ses points, une infinité de normales et de plans tangens.

S’agit-il de mener une tangente ou un plan normal à une double courbure, par l’un quelconque de ses points ; on y transportera d’abord l’origine, en changeant respectivement, dans les équations de la courbe, en l’ensemble des termes iadépendans de dans les équations résultantes, égalé à zéro, donnera les deux équations de condition, exprimant que le point est sur la courbe ; et l’ensemble des termes d’une seule dimension, par rapport aux mêmes variables égalé pareillement à zéro, dans les mêmes équations, donnera les équations de la tangente à la nouvelle origine, rapportée aux nouveaux axes ; on la rapportera aux axes primitifs, en changeant respectivement dans ses équations, en

On remarquera encore ici que, dans le développement des puissances et produits de puissances des binômes on peut rejeter les termes de plus d’une dimension en et que, si l’on rejette en outre les termes indépendans de ces variables, en changeant respectivement, dans ce qui restera, en en aura immédiatement les équations de la tangente au point rapportée aux axes primitifs, et desquelles on conclura facilement celle du plan normal, par le même point.

Appliquons ce procédé à la courbe intersection de deux ellipsoïdes de même centre dont les diamètres principaux coïncident. Soient leurs équations

(4)

(4′)

nous écrirons d’abord


puis, en développant ;


Parce que le point est sur la courbe, nous aurons d’abord les deux équations de condition.

(5)

(5′)

et les équations de la tangente, rapportée aux axes primitifs seront


ou simplement, en vertu des conditions (5, 5′)

(6)

(6′)

On en conclura (3), pour celle du plan normal par le même point

On voit, par ce qui précède, que, si les équations d’une courbe passant par l’origine ressemblent seulement à celles d’une autre courbe, passant également par l’origine, dans les termes du premier ordre ; quelque différence qu’elles puissent présenter d’ailleurs, ces deux courbes auront en ce point la même tangente et le même plan normal. Il n’est pas même nécessaire pour cela que les deux couples d’équations se ressemblent dans leurs premiers termes ; car, soient

(8)

(8′)

les deux équations d’une courbe, les équations de sa tangente par l’origine seront

(9)
(9′)

de sorte que cette courbe aura, en ce point, la même tangente que la courbe (1), si seulement les équations (9, 9′) ont lieu en même temps que les équations (2, 2′). ce qui entraîne la double condition

(10)

Deux courbes qui ont une même tangente en un même point sont dites elles-mêmes tangentes l’une à l’autre en ce point. On voit, par ce qui précède, qu’une infinité de courbes différentes peuvent avoir la même tangente et le même plan normal au même point.

Si l’on veut mener une tangente à la courbe (1, 1’) par le point , on écrira d’abord

Développant et posant les équations de condition

(11)

(11′)

les équations de la tangente, rapportée aux axes primitifs, seront

ou, plus simplement, en leur ajoutant respectivement les produits par des équations , et réduisant

(12)

(12′)

Quant à l’équation du plan normal par le même point, elle sera (3)

§. I.
Des contacts dans les surfaces courbes.

En prenant pour origine des coordonnées rectangulaires l’un quelconque des points d’une surface courbe quelconque, on peut toujours, soit immédiatement soit, s’il est nécessaire, par le développement en série, amener cette surface à être donnée par l’équation

(1)

À la vérité, lorsque le second membre de cette équation sera une série indéfinie, elle ne pourra être employée, avec sécurité, que pour des portions de la surface courbe assez voisines de l’origine pour que la petitesse de et rende la série convergente ; mais ce n’est justement que pour de telles portions de la surface courbe que nous nous proposons d’en faire usage.

Lorsqu’on ne considère donc que des points de la surface très-voisins de l’origine, on peut, sans erreur sensible, négliger, dans l’équation (1), les termes de plus d’une dimension, en  ; d’où il suit que, plus la portion de surface que l’on considérera, à partir de l’origine, sera petite, et plus aussi cette surface approchera de se confondre avec le plan ayant pour équation

(2)

elle se confondra donc rigoureusement à l’origine avec ce plan, qui en indiquera alors exactement la direction ; c’est donc un plan tangent à la surface courbe en ce point.

Soit une autre surface courbe quelconque, passant aussi par l’origine, dont l’équation soit

(1′)

Cette surface coupera la première suivant une courbe plane ou à double courbure, dont la tangente à l’origine sera (§. 2) donnée par le système de l’équation (2) et de l’équation

(2)

Or, que la surface (1′) varie comme on voudra, en passant toujours par l’origine, la section qu’elle détermine sur la surface (1) variera également ; mais, des deux équations (2, 2′), il n’y aura au plus que la dernière qui variera ; d’où l’on doit conclure que si, par l’un quelconque des points d’une surface courbe, on trace, à volonté, tant de courbes qu’on voudra, sur cette surface, les tangentes à toutes ces courbes en ce point seront toutes situées sur le plan tangent à la surface courbe en ce même point.

De là on peut conclure encore que si, par un même point d’une surface courbe, on trace sur cette surface deux courbes quelconques, et qu’on leur mène ensuite des tangentes en ce point, le plan qu’on fera passer par ces deux tangentes sera le plan langent à la surface courbe en ce même point.

On voit, par ce qui précède, que, lorsqu’une surface courbe passe par l’origine, on obtient l’équation de son plan tangent, en égalant simplement à zéro, dans son équation, l’ensemble des termes d’une seule dimension, par rapport aux coordonnées.

Ayant ainsi le plan tangent à la surface courbe par l’origine, rien n’est plus facile que d’obtenir sa normale par le même point ; les équations de cette droite sont

(3)

Toute droite menée sur le plan tangent à une surface courbe, par son point de contact avec elle, est dite tangente à cette surface en ce point ; et tout plan passant par sa normale en est dit un plan normal, pour le même point ; d’où l’on voit qu’une surface courbe a, en chacun de ses points, une infinité de tangentes et de plans normaux.

S’agit-il de mener un plan tangent ou une normale à une surface courbe, par l’un quelconque de ses points ; on y transportera d’abord l’origine, en changeant respectivement, dans son équation en l’ensemble des termes indépendans de dans l’équation résultante, égalé à zéro, donnera l’équation de condition ; exprimant que le point est sur la surface courbe ; et l’ensemble des termes d’une seule dimension, par rapport aux mêmes variables, égalé pareillement à zéro ; dans la même équation, sera l’équation du plan tangent à la nouvelle origine, rapporté aux nouveaux axes, on le rapportera aux axes primitifs, en changeant respectivement, dans son équation, en

On voit, au surplus, que, dans le développement des puissances et produits de puissances des binômes on peut rejeter les termes de plus d’une dimension en si l’on rejette, en outre, les termes indépendans de ces variables ; en changeant respectivement, dans ce qui restera, en on aura immédiatement l’équation du plan tangent au point rapporté aux axes primitifs, et de laquelle on conclura facilement celles de la normale au même point.

Appliquons ce procédé à l’ellipsoïde ayant pour équation

(4)

Nous écrirons d’abord

puis, en développant,

Parce que le point est sur la surface courbe, nous aurons d’abord l’équation de condition

(5)

et l’équation du plan tangent, rapporté aux axes primitifs, sera

ou simplement, en vertu de la condition (4),

(6)

on en conclura (3) ; pour les équations de la normale, par le même point

(7)

On voit, par ce qui précède, que, si les équations de deux surfaces, passant l’une et l’autre par l’origine, se ressemblent seulement par les termes du premier ordre, quelque différence qu’elles puissent présenter d’ailleurs, ces deux surfaces auront en ce point le même plan tangent et la même normale. Il n’est pas même nécessaire pour cela que les deux équations se ressemblent exactement dans leurs premiers termes ; car, soient (1, 1′) les équations dont il s’agit ; (2, 2′) seront respectivement les équations des plans tangens aux deux surfaces ; et pour que ses plans se confondent, il suffira qu’on ait

(8)

Deux surfaces courbes qui ont un même plan tangent en un même point sont dites elles-mêmes tangentes l’une à l’autre en ce point ; et il en est de même pour les courbes résultant de leur section par un même plan quelconque conduit par ce point. On voit donc qu’une infinité de surfaces différentes peuvent avoir le même plan tangent et la même normale au même point.

Si l’on veut mener un plan tangent à la surface (1), par le point on écrira d’abord

Développant et posant l’équation de condition

(9)

L’équation du plan tangent, rapporté aux axes primitifs, sera

ou, plus simplement, en lui ajoutant le double de l’équation (9) et réduisant

(10)

Quant aux équations de la normale, par le même point, elles seront (3)

(11)


Section II.
Des contacts du second ordre.

Dans la précédente section, nous n’avons présenté aucun résultat qu’on ne sache aujourd’hui obtenir sans rien emprunter au calcul différentiel ; et nous n’avons fait simplement qu’offrir, pour parvenir à ces résultats, des méthodes qui nous paraissent, à la fois, plus simples et plus naturelles que celles qu’on a coutume d’appliquer à leur recherche. Il n’en sera pas de même, dans la présente section, où il sera question des centres et rayons de courbure, cercles et plans osculateurs, développées et lignes de courbure ; et il n’est pas à notre connaissance que ces divers objets aient été traités jusqu’ici, d’une manière simple, par les procédés de l’analise ordinaire.

Nous suivrons d’ailleurs ici la même marche que dans la section précédente ; c’est-à-dire, que nous traiterons successivement de l’osculation dans les courbes planes, dans les courbes à double courbure et dans les surfaces courbes.

§. I.
De l’osculation dans les courbes planes.

Si l’on conçoit qu’une droite indéfinie se meuve sur le plan d’une courbe plane donnée quelconque, de manière à lui être constamment normale ; la courbe enveloppe de l’espace parcouru par cette droite, c’est-à-dire, la courbe à laquelle, dans son mouvement, elle ne cessera pas d’être tangente, est ce qu’on appelle la développée de cette courbe donnée, laquelle, à l’inverse, en est appelée la développante. On les a ainsi nommées parce que, si l’on conçoit qu’un fil soit d’abord appliqué le long de la développée, et qu’on le développe ensuite en le tenant toujours tendu, l’un de ses points parcourra évidemment la développante. Quant à ses autres points, ils parcourront aussi des courbes qui auront la même développée que la courbe donnée ; d’où l’on voit qu’à une même courbe donnée doivent toujours répondre une développée unique et une infinité de développantes.

En considérant sous ce point de vue la génération des courbes planes, on voit qu’en chaque point d’une courbe, le point décrivant se trouve dans le même cas que s’il allait décrire un cercle ayant pour centre le point de contact de la développée avec la normale au point dont il s’agit, et pour rayon la distance entre ces deux points. Ce cercle est ce qu’on appelle le cercle osculateur de la courbe en ce point : son centre et son rayon sont dits le centre et le rayon de courbure de cette courbe pour le même point ; parce qu’en effet la courbe a en ce point une courbure égale à celle de son cercle osculateur.

On est donc ainsi conduit à considérer toute courbe plane comme formée d’une infinité d’arcs de cercles infiniment petits se touchant consécutivement, et variant sans cesse de rayon ; auquel cas la développée est le lieu des centres de ces arcs. Cela revient encore à considérer la courbe proposée comme l’enveloppe de l’espace parcouru par un cercle mobile, de rayon variable, dont le centre parcourt sa développée et dont le rayon croit ou décroit constamment d’une quantité égale à la longueur parcourue sur cette dernière courbe par son centre.

Lorsqu’un cercle est simplement tangent à une courbe en l’un de ses points ; c’est-à-dire, lorsque le cercle et la courbe ont en ce point une même tangente, ce qui exige que ce cercle ait son centre sur la normale ; si d’ailleurs ils sont situés du même côté de cette tangente commune, ou, en d’autres termes, s’ils ont leurs courbures tournées dans le même sens ; le cercle passera entre la courbe et sa tangente, ou bien ce sera au contraire la courbe qui passera entre lui et cette tangente, suivant que la courbure de cette courbe, en ce point, sera plus grande ou plus petite que celle du cercle, c’est-à-dire, suivant que le rayon de courbure de la courbe en ce point sera moindre ou plus grand que celui du cercle ; mais, lorsqu’il s’agit du cercle osculateur, la courbure variable de la courbe se trouvant, au point de contact, exactement égale à la sienne, cette courbure devra lui être supérieure d’un côté de ce point et inférieure de l’autre ; ainsi, tandis que, d’un côté du point de contact, le cercle passera entre la courbe et sa tangente, de l’autre côté de ce point, ce sera la courbe, au contraire, qui passera entre cette tangente et lui ; c’est-à-dire, que le cercle osculateur de l’un des points d’une courbe coupe et touche à la fois cette courbe en ce point[4] ; il est évident, en outre, qu’il est le seul, entre les cercles tangens, qui puisse être dans ce cas.

Soient menées à une courbe quelconque deux normales, l’une fixe et l’autre mobile ; elles toucheront sa développée en deux points distincts et se couperont elles-mêmes en un troisième point. Mais, à mesure que la normale mobile se rapprochera de la normale fixe, deux de ces points tendront sans cesse à se confondre avec le troisième, et ils se confondront, en effet, en un seul qui sera le centre de courbure répondant à la normale fixe, lorsqu’enfin la normale mobile se confondra tout-à-fait avec elle. Le calcul, appliquée ces considérations, va nous conduire simplement à la détermination du centre de courbure d’une courbe quelconque en l’un quelconque de ses points ; d’où il nous sera facile de conclure le rayon de courbure et le cercle osculateur.

Reprenons l’équation

(1)

exprimant une courbe plane quelconque, passant par l’origine des coordonnées. Nous avons vu (Sect. I, §. I.) que les normales à cette courbe par l’origine et par le point quelconque avaient respectivement pour équations

(3)
(13)

sous la condition

(12)

On aura donc l’intersection des deux normales en considérant comme équations d’un même problème déterminé en soit le système de deux équations (3, 13) soit tout système de deux équations déduites d’une manière quelconque de la combinaison de ces deux-là. En y chassant les dénominateurs elles deviennent respectivement

(14)

dont la dernière, en vertu de l’autre, se réduit à

(15)

on pourra donc, dans la recherche de l’intersection des deux normales, substituer au système des équations (3, 13) le système des équations (14, 15), lesquelles, pour ce point, ont lieu en même temps qu’elles.

Mais, à mesure que le point se rapprochera de l’origine, la dernière tendra sans cesse à se réduire à

ou

d’un autre côté, dans les mêmes circonstances, l’équation de condition (12) tendra de plus en plus à devenir simplement

au moyen de laquelle on pourra éliminer à la fois de l’autre qui se réduira ainsi à

ou bien

(16)

Ainsi, lorsque les deux normales seront fort voisines, leur point d’intersection sera sensiblement donné par le système des deux équations (14, 16) ; il le sera donc rigoureusement, lorsque ces deux normales se confondront, puisqu’alors seront rigoureusement nuls ; il est donc vrai de dire que le centre de courbure à l’origine est donné par le système des deux équations (14, 16). On en tire, pour les coordonnées de ce centre

(17)

Ce sont donc là aussi les équations du point de contact de la développée avec la normale à l’origine.

Si l’on représente par le rayon de courbure de la courbe (1), pour le même point ; on aura

c’est-à-dire, en substituant

(18)

En conséquence, le cercle osculateur aura pour équation

[5](19)

Veut-on présentement avoir le centre et le rayon de courbure d’une courbe quelconque, en l’un quelconque de ses points ; on y transportera d’abord l’origine, en changeant respectivement, dans l’équation de cette courbe en on fera ensuite le développement des puissances et produits de puissances de ces deux binômes, dans lequel on pourra négliger d’ailleurs les termes de plus de deux dimensions en . Égalant ensuite à zéro l’ensemble des termes indépendans de ces deux variables, on aura l’équation de condition qui exprime que le point est sur la courbe ; le surplus de l’équation transformée se trouvant alors de même forme que l’équation (1), on égalera séparément, dans l’une et dans l’autre, les coefficiens des termes correspondans ; ce qui donnera les valeurs de en fonction de et des constantes renfermées dans l’équation de la courbe dont il s’agit. Ces valeurs étant enfin substituées dans les formules (17, 18), le centre et le rayon de courbure de la courbe pour le point se trouveront déterminés. Mais, comme le centre de courbure se trouvera rapporté aux nouveaux axes, il faudra, pour le rapporter aux axes primitifs, changer respectivement, dans ses équations, en

Appliquons ce procédé à l’ellipse déjà considérée précédemment, et ayant pour équation

(4)

Nous aurons d’abord

développant et posant, comme alors, la condition

(5)

il viendra

Comparant cette dernière équation, terme à terme, avec l’équation (1), nous aurons

d’où


ou simplement, en vertu de la relation (5)

substituant enfin ces valeurs dans les formules (17, 18) nous aurons, d’abord pour le rayon de courbure,

(20)

et ensuite pour les équations du centre de courbure ; rapporté aux axes primitifs,

de ces dernières, on tire, en transposant,

mettant pour dans l’une et dans l’autre, sa valeur donnée par la relation (5), elles deviendront, en réduisant,

(22)

et telles sont les équations du centre de courbure, pour le point de la courbe (4), réduites à leur forme la plus simple.

Ayant ainsi obtenu les équations du centre de courbure d’une courbe, pour l’un quelconque de ses points, rien n’est plus aisé que d’obtenir l’équation de la développée de cette courbe ; il ne s’agit en effet pour cela que d’éliminer entre les équations de ce centre et l’équation de condition qui exprime que le point est sur la courbe.

Ainsi, dans l’exemple qui vient de nous occuper, on tire des équations (22)

valeurs qui, substituées dans l’équation (5), donne pour l’équation ; de la développée de la courbe (4),

(23)

Si l’on prend pour axe des la tangente même à la courbe par l’origine ; auquel cas l’axe des en sera la normale, l’équation

(2)

de cette tangente devant alors se réduire à on devra avoir ainsi, si l’équation d’une courbe passant par l’origine est de la forme

(24)

l’axe des sera une tangente à la courbe, le centre de courbure répondant à l’origine sera sur l’axe des et le rayon de courbure répondant au même point aura (18) pour expression

(25)

Si l’on veut savoir comment la courbe est coupée par une parallèle à la tangente très-voisine de cette droite, il faudra supposer sensiblement nul dans l’équation (24), ce qui, en ne faisant attention qu’aux deux plus petites valeurs de réduira sensiblement cette équation à

ce qui revient à dire qu’une corde infiniment petite, parallèle à la tangente, a son milieu sur la normale[6].

Les principaux points de la théorie que nous venons de développer sont un des résultats les plus importans des travaux géométriques de Huygens.

§. 2.
De l’osculation dans les courbes à double courbure.

Concevons que, par la tangente en l’un des points d’une courbe à double courbure, et par un autre quelconque des points de cette courbe l’on conduise un plan, lequel sera tangent à la courbe au premier de ces deux points ; concevons que le dernier de ces deux points se rapproche peu à peu du premier, en suivant le cours de la courbe, et en entraînant avec lui le plan tangent, qui tournera ainsi sur la tangente. Lorsqu’enfin le dernier point aura atteint le premier, le plan tangent se trouvera avoir acquis une position déterminée très-remarquable, et dépendant uniquement de la courbure de la courbe au point de contact. C’est dans cette position qu’il est dit le plan osculateur de la courbe en ce point.

On voit par la génération du plan osculateur que, plus un arc de la courbe, pris à partir du point de contact, sera petit et plus aussi cet arc approchera de se confondre avec ce plan ; et conséquemment d’être un arc de courbe plane tracé sur le plan osculateur ; cet arc se confondra donc tout-à-fait avec ce plan, lorsque sa longueur sera nulle.

On est donc conduit par-là à considérer toute courbe à double courbure comme formée d’une infinité d’arcs de courbes planes, consécutivement tangens les uns aux autres, et situés dans des plans variant sans cesse de position. Les plans de ces arcs sont les plans osculateurs de la courbe en ses différens points. Il est évident, d’après cela, qu’une courbe plane n’a, pour tous ses points, qu’un seul et même plan osculateur, qui est le plan même de cette courbe.

Appliquons le calcul à la recherche du plan osculateur, suivant le mode de génération que nous lui avons assigné. Reprenons les deux équations générales

(1)

(1′)

d’une courbe à double courbure passant par l’origine des coordonnées ; et dont nous avons trouvé la tangente au même point donnée par les deux équations

(2)
(2′)

Par cette tangente et par un point quelconque pris sur la courbe, soit fait passer un plan, l’équation de ce plan sera évidemment

(22)

En effet, il est d’abord évident que cette équation est celle d’un plan ; il n’est pas moins évident que ce plan contient la tangente à l’origine, puisque le système des équations (2, 2′) satisfait à l’équation (22) ; enfin, cette équation (22) est encore satisfaite par les valeurs de  ; ce qui prouve que le plan qu’elle exprime contient le point

Or, comme ce point est sur la courbe (1, 1′), on doit avoir, comme nous l’avons déjà observé, dans la précédente section, les deux équations de condition

(11)

(11′)

au moyen desquelles l’équation (22) pourra être changée en celle-ci

(23)

Mais, à mesure que le point se rapprochera de l’origine, cette équation tendra sans cesse à se réduire à

(24)

d’un autre côté, dans les mêmes circonstances, les conditions (11, 11′)</math> approcheront de plus en plus de pouvoir être remplacées par les suivantes

(25)
(25′)

tirant donc de ces dernières les valeurs de pour les substituer dans l’autre, qui deviendra ainsi divisible par et posant, pour abréger,

ce qui donnera

on aura enfin, pour l’équation du plan osculateur de la courbe (1, 1′), à l’origine des coordonnées

ou encore

(29)

On peut donc, à l’origine, considérer la courbe (1, 1′) comme une courbe plane située dans ce plan ; sa normale, pour le même point, sera donc l’intersection du même plan avec le plan normal (3) dont l’équation, au moyen des abréviations (26), devient

(30)

éliminant donc successivement entre les équations (29, 30), on pourra prendre pour équations de cette normale


(31)

S’agit-il présentement d’obtenir le plan osculateur de l’un quelconque des points d’une courbe à double courbure quelconque, on transportera d’abord l’origine en ce point, en changeant respectivement dans les deux équations de la courbe, en On développera les puissances et produits de puissances de ces binômes, négligeant, dans le développement, les termes de plus de deux dimensions en Égalant ensuite à zéro, dans chaque équation l’ensemble des termes indépendans de ces variables, on obtiendra ainsi les deux équations de condition qui exprimeront que le point est sur la courbe. Les équations transformées se trouveront ainsi réduites à la forme des équations (1, 1′). Égalant donc respectivement les coefficiens des unes à ceux des autres, on obtiendra ainsi les valeurs de

en fonction de et des constantes des équations de la courbe ; on en conclura ensuite les valeurs de et substituant le tout dans l’équation (29), elle deviendra celle du plan osculateur demandé, rapporté à la nouvelle origine ; de sorte que, pour le rapporter à l’origine primitive, il faudra changer respectivement en

Appliquons ce procédé à la courbe donnée par les deux équations

C’est la courbe suivant laquelle se coupent les surfaces de deux cylindres droits égaux, d’un rayon égal à et qui se pénètrent de telle sorte que leurs axes sont à angles droits, et que l’axe de chacun est tangent à l’autre. Nous aurons d’abord

développant et posant les deux conditions

les équations transformées seront

qui, comparés respectivement aux équations (1, 1′), donneront

de là on conclura

et, par suite, en ayant égard aux relations (33, 33′),


d’où encore


en conséquence, l’équation du plan osculateur au point rapporté à l’origine primitive sera (29)
(34)

Si la courbe était plane, le plan osculateur devrait toujours être le même, quel que pût être le point dont conséquemment les coordonnées ne devraient point paraître dans l’équation de ce plan ; il faudrait donc qu’elles pussent en être chassées, au moyen des seules conditions qui expriment que le point est sur la courbe ou, ce qui revient au même, il faudrait qu’en y substituant pour leurs valeurs en tirées de ces mêmes équations, les termes en disparussent d’eux-mêmes par l’égalité de leurs coefficiens à zéro. Ce serait donc aussi par un pareil calcul que l’on parviendrait à assigner les relations qui doivent exister entre les coefficiens des équations de deux surfaces, pour qu’elles se coupassent suivant des courbes planes.

Si l’on conçoit qu’une droite indéfinie se meuve dans l’espace de manière à demeurer constamment tangente à une même courbe à double courbure, cette droite décrira une surface développable dont la courbe donnée sera l’arête de rebroussement ; cette surface serait aussi évidemment l’enveloppe de l’espace que parcourrait un plan indéfini, constamment osculateur de la courbe, c’est-à-dire, que ce plan, dans toutes ses positions, ne cesserait pas de lui être tangent ; cette même surface, lieu des tangentes, peut aussi être dite le lieu des développantes, attendu que les développantes de la courbe, qui sont comme elle à double courbure, s’y trouvent toutes situées.

Lorsque la courbe donnée est plane, il est évident que les deux nappes de la surface développable doivent se confondre en un seul plan qui sera le plan même de la courbe, ou du moins celui de l’une de ses parties, si elle en a plusieurs ; l’équation de cette surface devra donc être décomposable en facteurs du premier degré, ou du moins admettre un ou plusieurs facteurs de ce degré, ce qui offre un nouveau moyen de reconnaître si une courbe est plane, du moins lorsqu’on a l’équation de la surface développable dont elle est l’arête de rebroussement.

Or, lorsqu’on a les équations d’une tangente en un point quelconque d’une courbe, rien n’est plus aisé que d’obtenir l’équation de cette surface ; il ne s’agit en effet, pour cela, que d’éliminer entre ces deux équations et les équations de condition qui expriment que le point est sur la courbe.

Ainsi, par exemple, les deux équations de la tangente à la courbe (32, 32′) au point étant


si l’on en tire les valeurs de pour les substituer dans les équations (33, 33′) lesquelles deviendront ainsi


l’élimination de entre ces deux dernières conduira à l’équation de la surface développable dont la courbe (32, 32′) est l’arête de rebroussement.

Puisqu’au point de contact une courbe quelconque est sensiblement une courbe plane, tracée sur son plan osculateur, elle doit avoir, en ce point, un centre de courbure et un cercle osculateur situés sur ce plan et qu’on peut désirer de connaître : cherchons-le d’abord pour la courbe (1, 1′), à l’origine des coordonnées. Pour cela, concevons qu’un plan indéfini se meuve dans l’espace, de manière à demeurer constamment normal à une même courbe à double courbure ; l’enveloppe de l’espace qu’il parcourra ou, ce qui revient au même, la surface développable à laquelle il sera constamment tangent pourra être nommée le lieu des axes de courbure de la courbe proposée, parce qu’en effet ses élémens rectilignes seront les axes des arcs de cercles infiniment petits dont cette courbe pourra être conçue comme formée. Chacun de ces élémens rectilignes, lequel sera, en même temps, la ligne de contact de la surface développable avec le plan normal, coupera donc le plan osculateur au centre de courbure cherché.

Imitons cette génération par le calcul, et cherchons, pour la courbe (1, 1′) quel est l’axe de courbure qui répond à l’origine ; le plan normal en ce point, au moyen des abréviations (26), a pour son équation, comme nous l’avons déjà observé,

(30)

Au moyen de ces mêmes abréviations, l’équation (13) du plan normal, en un autre point quelconque devient (Sect. I, §. 2), sous les conditions (11, 11′),

Ces deux plans se coupent suivant une droite déterminée par le système de leurs équations, laquelle doit devenir l’axe de courbure à l’origine, lorsque les coordonnées deviennent nulles.

Mais, dans la recherche de l’intersection de ces deux plans on peut substituer à l’une ou à l’autre de leurs équations, toute équation résultant de leur combinaison. On pourra donc, en particulier, ôter de l’équation (31) les termes de l’équation (30). Si ensuite on transpose, et qu’on suppose le point très-voisin de l’origine, ce qui permettra de ne conserver que les termes d’une seule dimension en cette équation deviendra

mais, dans les mêmes circonstances, les équations de condition (11, 11′) deviendront sensiblement

desquelles tirant les valeurs de en pour les substituer dans (32), celle-ci deviendra, après la division par

Voilà donc l’équation d’un plan, coupant le plan fixe (30) suivant une droite qui, lorsqu’on supposera nuls, deviendra l’axe de courbure qui répond à l’origine ; mais cette supposition ne change rien à l’équation (30) ; donc le plan qu’elle exprime contient déjà l’axe de courbure ; il contient donc aussi le centre de courbure ; puis donc que ce centre est d’ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà dit sur la droite dont les équations sont

Il est vrai de dire qu’il est à l’intersection de ce plan et de cette droite.

Résolvant donc les équations (31, 33) par rapport à en ayant égard aux relations (26, 27, 27′), nous aurons, pour les coordonnées du centre de courbure qui répond à l’origine

or, en désignant par le rayon de courbure, on a

il viendra donc, en substituant, et ayant toujours égard aux relations (26)

Est-il question présentement d’avoir le centre et le rayon de courbure d’une courbe quelconque à double courbure, pour un point quelconque de cette courbe ; on changera, dans ces équations en on développera en supprimant les termes indépendans de et négligeant ceux de plus de deux dimensions par rapport à ces variables ; comparant alors les équations transformées aux équations (1, 1′) ; et supposant qu’elles sont les mêmes, on en conclura les valeurs de et par suite (26, 27, 27′) celles de ces valeurs, substituées dans la formule (35), feront connaître la longueur du rayon de courbure ; en les substituant ensuite dans les formules (34), et y changeant en on aura la position du centre de courbure.[7]

Si, par le centre de courbure, on conçoit une droite perpendiculaire au plan osculateur, cette droite sera l’axe de courbure, pour le point si, entre les équations de cet axe et les équations qui expriment que le point est sur la courbe, on élimine l’équation résultante en sera celle de la surface développable lieu des axes de courbures.[8]

Si, entre les équations du centre de courbure pour le point et les deux équations qui expriment que ce point appartient à la courbe, on élimine les deux équations en qu’on obtiendra seront celles d’une courbe à double courbure lieu des centres de courbure qu’on appelle encore ici la développée[9] de la courbe proposée, parce que si l’on conçoit qu’un fil, d’abord maintenu sur toute sa longueur, se développe de manière à lui demeurer constamment tangent, un des points de ce fil tracera dans l’espace la courbe dont il s’agit.

§. 3.
De l’osculation dans les surfaces courbes.

Reprenons l’équation (Sect. I, §. 3)

(1)

d’une surface courbe quelconque passant par l’origine, pour laquelle nous avons trouvé l’équation du plan tangent en ce point

(2)

et celles de la normale correspondante

(3)

Nous avons vu en outre que, pour un autre point quelconque de la même surface, l’équation du plan tangent était

(10)

et celles de la normale

(11)

le tout sous la condition

(9)

Si d’abord nous supposons que le plan tangent passe par l’axe des auquel cas cet axe sera une tangente quelconque à la surface, ne devra point entrer dans l’équation (2), et par conséquent on devra avoir  ; l’équation (1) deviendra donc

(12)

celle du plan tangent

(13)

et celles de la normale

(14)

Faisons tourner le système des plans coordonnés autour de la tangente, c’est-à-dire, autour de l’axe des  ; en posant

étant l’angle de l’axe des avec celui des Il viendra en substituant dans (12) et ordonnant,


Si, dans cette équation, nous faisons l’équation résultante en et sera celle de l’intersection de la surface par le plan des c’est-à-dire, par un plan quelconque passant par la tangente si nous laissons indéterminé. Cette équation est

(17)

en la comparant aux formules (24, 25) du premier § de la présente section, et désignant par son rayon de courbure à l’origine nous aurons

(18)

Quant à son centre de courbure, ses équations seront évidemment

(19)

Mais des équations (15) on tire

(20)

donc, en repassant au système primitif, on pourra dire que le centre de courbure, à l’origine, d’une section faite par un plan passant par l’axe des supposé une tangente à la courbe, et faisant un angle quelconque avec le plan des est donné par les trois équations

(21)

desquelles on tire

(22)

Si, entre les deux dernières on élimine l’équation résultante en et sera, sur le plan des celle du lieu des centres de courbure, à l’origine, de toutes les sections planes faites par la tangente cette équation est

(23)

c’est-à-dire, celle d’un cercle passant par l’origine, ayant pour tangente en ce point l’intersection de son plan avec le plan tangent à la surface ; et ayant pour diamètre

Ainsi, de toutes les sections faites à une surface courbe quelconque, par des plans passant par une même tangente quelconque à cette surface, celle qui a, au point du contact de cette tangente, le plus grand rayon de courbure est celle qui est faite par le plan normal. De plus, les centres de courbure de toutes les autres pour le même point, sont sur une même circonférence, ayant pour tangente, en ce point, une nouvelle tangente à la surface perpendiculaire à la première ; d’où il suit que les cercles osculateurs de toutes ces sections, pour le point de contact de la tangente, appartiennent à une même sphère, tangente en ce point à la courbe.

De ce beau théorème, dû à Meusnier, il résulte en particulier, que connaissant seulement, pour un même point quelconque d’une surface courbe, les centres de courbure de deux sections faites dans cette courbe, par des plans passant par une même tangente, on peut facilement avoir le centre de courbure de toute autre section faite par un nouveau plan passant également par cette tangente. Ce centre sera, en effet, l’intersection du plan coupant avec une circonférence passant par le point de contact et par les deux centres déjà donnés.

Nous venons de voir de quelle manière les sections planes obliques sont liées entre elles et à la section normale, lorsque les plans coupant passent par une même tangente. Examinons présentement la relation qui existe entre les diverses sections normales.

Nous pouvons, dans cette nouvelle recherche, admettre une simplification de plus : nous pouvons supposer qu’on a pris pour plan des le plan tangent lui-même, en prenant son point de contact pour origine ; ce qui fera coïncider la normale avec l’axe des l’équation (2) devra donc simplement se réduire à on aura donc, à la fois ce qui réduira l’équation (1) à

(24)

Afin d’obtenir une section normale quelconque, faisons tourner le système des plans coordonnés d’une quantité indéterminée autour de l’axe des Posons pour cela

(25)

d’où

(26)

par la substitution des valeurs (25) dans l’équation (24), la surface se trouvera rapportée aux axes des si ensuite on veut avoir son intersection avec le plan des que l’on peut considérer ici, à raison de l’indétermination de comme un plan normal quelconque, il faudra, dans cette équation transformée, supposer mais il revient au même, et il est en même temps plus court de faire immédiatement cette supposition dans les formules (25), c’est-à-dire, de faire dans (24)

ce qui donne, en ordonnant,

(27)

telle est donc l’équation de la section faite dans la surface (24) par un plan normal faisant avec le plan des un angle quelconque

En comparant cette équation (27) aux formules (24, 25) du premier § de la présente section, on aura pour le rayon de courbure de cette courbe à l’origine,

(28)

Si l’on fait varier la valeur de celle de variera aussi ; afin donc de savoir comment ces deux variables sont liées entre elles, concevons que, pour chaque position du plan normal, on porte sur la tangente correspondante, dont l’équation est

(29)

de part et d’autre du point de contact, des parties proportionnelles à la racine quarrée de c’est-à-dire, des parties moyennes proportionnelles entre, et une longueur constante et arbitraire et cherchons la courbe sur laquelle les points ainsi déterminés se trouveront situés ; en désignant par les coordonnés de cette courbe, nous devrons avoir les deux équations

(30)

exprimant à la fois que le point est sur la tangente (29) et que sa distance au point de contact, c’est-à-dire, à l’origine est égale à

Prenant donc, dans ces deux dernières équations, les valeurs de pour les substituer dans la formule (28), nous aurons pour l’équation de la courbe demandée

(31)

équation d’une ligne du second ordre rapportée à son centre.

Ainsi, Si ayant fait à une surface quelconque, par un quelconque de ses points, une suite de sections normales, coupant le plan tangent suivant une suite de tangentes à ces sections, on prend sur chacune de ces tangentes, de part et d’autre du point de contact, des longueurs proportionnelles aux racines carrées de rayons de courbure quont au point de contact les sections qui leur correspondent ; les points ainsi déterminés sur le plan tangent appartiendront à une ligne du second ordre, dont le point du contact sera le centre.

Cette courbure a été remarquée pour la première fois par M. Dupin, qui l’a nommée indicatrice ; il a appelé tangentes conjuguées et tangentes principales, les tangentes dirigées suivant ses diamètres conjugués et principaux, et il a de même appelé sections conjuguées et principales, rayons de courbure conjugués et principaux les sections et rayons de courbure qui répondent aux tangentes conjuguées et principales.

Il suit de cet élégant théorème que tout ce qui est vrai du rapport des quarrés des diamètres conjugués ou principaux d’une ligne dû second ordre et des angles que forment entre eux ces diamètres doit être vrai aussi du rapport des rayons de courbure des sections normales, conjuguées et principales, et des angles que forment entre eux les plans de ces sections ; ainsi, 1.o les rayons de courbure qui répondent aux sections principales sont l’un plus grand et l’autre plus petit que tous ceux qui répondent aux autres sections normales ; 2.o la somme de deux rayons de courbure conjugués, pris avec leurs signes, est toujours constante et égale à la somme des rayons de courbure principaux ; 3.o le produit de deux rayons de courbure conjugués et du quarré du sinus de l’angle des plans qui les contiennent est aussi constant et égal au produit des rayons de courbure principaux. 4.o Les rayons de courbure des sections qui font, de part et d’autre, avec les plans des sections principales des angles égaux sont égaux ; etc., etc., etc.

Il avoit déjà été remarqué par Euler que les sections normales de plus grande et de moindre courbure se coupaient perpendiculairement ; il avait même montré que les rayons de courbure de ces deux sections étant connus, on en pouvait déduire celui de toute autre section normale donnée de position ; mais il était réservé à M. Dupin de ramener toute cette théorie à une autre extrêmement simple et beaucoup plus généralement connue.

À raison de l’indétermination de une même surface a, en l’un quelconque de ces points, une infinité d’indicatrices différentes ; mais la forme de l’équation (31) montre que toutes ces indicatrices sont semblables et concentriques ; et conséquemment elles ne cessent pas d’avoir leurs diamètres proportionnels aux racines quarrés des rayons de courbure des sections correspondantes. Si en particulier on suppose l’équation (31) devient simplement

et exprime alors un point ou deux droites, c’est-à-dire, une section conique de dimensions infiniment petites ; mais, comme c’est aussi à cela que se réduit l’équation (24), lorsqu’après avoir supposé tout à fait nuls, on suppose ensuite infiniment petits, il en faut conclure que le point de contact d’une surface quelconque avec son plan tangent est une section conique de dimensions infiniment petites, dans laquelle les diamètres sont proportionnels aux racines quarrées des rayons de courbure des sections normales correspondantes. Cette remarque est due à M. Dupin.

Si l’on prend les deux sections principales pour plans des et des le terme en ne devra point se trouver dans l’équation (31) ; on devra donc avoir en sorte que l’équation (24) de la surface deviendra

(32)

dans les mêmes circonstances le rayon, de courbure d’une section normale formant un angle avec le plan des aura (28) pour expression

(33)

on en conclura les deux rayons principaux en faisant successivement désignant donc ces deux rayons par on aura

(34)

en éliminant donc de la formule (33), au moyen de ces deux-là, il viendra

(35)

équation donnée par Euler.[10]

Dans le cas de l’équation (32), l’équation (10) du plan tangent par le point devient simplement

(36)

ce plan tangent coupe le plan tangent à l’origine, c’est-à-dire, le plan des suivant une droite dont on obtiendra l’équation, en égalant à zéro dans celle-ci ; cette équation sera donc

(37)

sous la condition

(38)

mais, à mesure que le point se rapprochera de l’origine, elle tendra à se réduire à

(39)

et, dans les mêmes circonstances, l’équation de condition tendra à se réduire à ou donc à mesure que le point tendra à devenir l’origine, les deux plans tangens en ce point et à l’origine tendront à se couper suivant une droite ayant pour équation

(40)

mais en même temps la droite joignant ces deux points fendra continuellement vers sa projection sur le plan des c’est-à-dire ; vers la droite, ayant pour équation

(41)

désignant donc par et les angles de ces deux droites avec l’axe des on aura

(42)

d’où

ou (34)

(43)

relation entre deux tangentes conjuguées.

Ainsi, deux points marchant l’un vers l’autre sur une surface courbe, la sécante qui joint ces deux points et l’intersection des plans tangens dont ils sont les points de contact tendent sans cesse à devenir deux tangentes conjuguées, et le deviennent en effet lorsqu’enfin ces deux points se confondent, quelle que puisse être d’ailleurs, sur la surface courbe, la route suivie par l’un d’eux pour joindre l’autre. Cette remarque est encore de M. Dupin.

Cela revient, au surplus, à dire que deux courbes qui se coupent sur une surface courbe ne peuvent être l’une et l’autre des lignes de contact de cette surface avec deux surfaces développables, circonscrites qu’autant que l’élément rectiligne de chaque surface développable au point d’intersection des deux courbes est tangent à la ligne de contact de l’autre. Ce qui avait déjà été implicitement remarqué par Monge.

La surface étant toujours située par rapport aux axes des coordonnées comme le comporte l’équation (32), les équations de sa normale par le point sont (11)

(44)

de sorte que l’équation de la projection de cette normale sur le plan des est

ou encore

(45)

Puisque, généralement parlant, cette projection ne passe pas par l’origine, il faut en conclure que la normale au point ne rencontre point l’axe des qui est ici la normale à l’origine. Ainsi, généralement parlant, deux normales à une surface courbe ne sont pas dans un même plan.

Pour que la normale par le point coupât l’axe des il faudrait qu’on eût la condition

d’où l’on peut conclure que l’équation

(46)

est celle d’une surface qui coupe la surface (32) en tous les points desquels les normales rencontrent l’axe des

Or, cette équation est celle d’une surface conique passant par les trois axes, d’où l’on peut conclure que la courbe dont ii s’agit a deux branches qui se coupent à l’origine suivant les directions des axes des et des Ainsi, plus deux normales qui se coupent approchent de se confondre et plus aussi le plan normal qui les contient tend à se confondre avec le plan de l’une des sections principales, et il se confond rigoureusement avec lui lorsqu’enfin la seconde normale a atteint la première.

Cela revient évidemment à dire qu’en partant de l’un quelconque des points d’une surface courbe, il n’y a, en général, que deux directions suivant lesquelles on puisse cheminer sur cette surface de manière que la normale en ce point soit rencontrée par celle qui la suit immédiatement ; et ces deux directions, toujours perpendiculaires l’une à l’autre, sont celles des sections principales qui répondent à ce point. Cette remarque est due à Monge.

Concevons que l’on trace, sur une surface courbe, une courbe telle que la tangente en chacun de ses points soit dirigée suivant la section principale de plus grande courbure qui répond à ce point ; une telle courbe sera dite une ligne de plus grande courbure de cette surface ; et il est clair qu’on peut concevoir de telles lignes par chacun de ses points. Si, au contraire, la tangente en chacun des points de la courbe est dirigée suivant la section principale de moindre courbure, cette courbe sera dite ligne de moindre courbure ; et on pourra également en concevoir une pareille par chacun des points de la surface proposée. Les lignes de plus grande et de moindre courbures d’une surface courbe sont appelées d’un nom commun les lignes de courbure principales ou simplement les lignes de courbure de cette surface. Celles d’une série coupent donc perpendiculairement toutes celles de l’autre série ; de sorte qu’en quelque nombre qu’elles soient, elles divisent toujours la surface dont il s’agit en quadrilatères courbes dont tous les angles sont droits.

Si, sur une surface courbe, on trace une courbe quelconque, les normales menées à la surface par tous les points de cette courbe appartiendront généralement à une surface gauche ; mais, si la courbe dont il s’agit est une ligne de courbure, la surface gauche se changera en une surface développable, ayant pour arête de rebroussement l’ensemble des centres de courbure qui répondent à cette ligne. L’ensemble des arêtes de rebroussement des surfaces gauches qui répondent à toutes les lignes de courbure d’une surface donnée forme une nouvelle surface à deux nappes, lieu des centres de plus grande et de moindre courbure de tous les points de cette surface, et à laquelle toutes ses normales sont tangentes.

Après avoir ainsi étudié la courbure d’une surface, en la rapportant à la normale et aux deux tangentes principales de l’un de ses points, il ne nous reste plus qu’à généraliser nos résultats, afin de les rendre facilement applicables à tout point d’une surface courbe quelconque, autre que l’origine des coordonnées.

Reprenons pour cela l’équation générale

(1)

d’une surface passant par l’origine ; celle

(3)

de sa normale par ce point ; et enfin celle

(11)

de sa normale par un autre quelconque de ses points, soumis à la condition

(9)

Concevons que, par un point de la normale qui répond à l’origine, distant de cette origine de la quantité y on mène à la surface courbe une seconde normale, dont le pied soit et la longueur pour les deux points dont il s’agit, les équations (3, 9, 11) auront lieu, et l’on aura en outre

ce qui fera en tout sept équations au moyen desquelles une des huit quantités qu’on y considère étant connue, on pourra déterminer les sept autres. En outre, le plan qui contiendra les deux normales aura pour équation

ou, ce qui revient au même,

(49)

Enfin, en chassant les dénominateurs, dans les équations (3, 11), et supprimant dans les dernières les termes qui se détruisent en vertu des premières, on aura

(50)

(51)

Cela posé, si l’on conçoit que le point glisse sur de manière à se rapprocher de plus en plus de l’un ou l’autre des deux centres de courbure qui répondent à l’origine, que nous supposons dans ce mouvement, demeurer toujours normale, se rapprochera de plus en plus de cette première normale. Son pied qui se rapprochera continuellement de l’origine, décrira sur la surface, d’après ce que nous avons dit précédemment, une courbe passant par cette origine et ayant pour tangente en ce point l’une des deux tangentes principales ; d’où il suit que pareillement le plan normal (49) tendra sans cesse à devenir celui de l’une des sections principales.

Mais lorsque sont très-petits ; on doit avoir sensiblement

(52)

de plus, on peut alors, sans erreur sensible, remplacer les équations (9, 51) par les suivantes

(53)

(54)

en y joignant les deux équations (50), on aura en tout six équations entre lesquelles on pourra néanmoins éliminer puisque ces dernières se trouvent affecter tous les termes des équations où elles entrent.

En chassant d’abord des équations (52, 54), au moyen des équations (50), elles deviennent

(55)


En représentant par une indéterminée, on satisfait aux deux dernières, en posant


c’est-à-dire, en développant, réduisant et ordonnant

(56)

substituant toutes ces valeurs dans l’équation (53) et y introduisant pour sa valeur, on aura, toutes réductions faites,


(57)

équation qui donnera rigoureusement pour la surface (1) les valeurs des deux rayons de courbure principaux qui répondent à l’origine, puisque ayant disparu, peuvent être supposés tout à fait nuls.

étant déterminé, par cette équation, on tirera des équations (50, 52)

(58)

qui seront les coordonnées du centre de courbure. Quant aux plans des deux sections principales on en obtiendra la double équation, en introduisant dans (49) les valeurs (56), et y mettant ensuite pour la valeur (55) ; cela donne, toutes réductions faites,

(59)

S’agit-il présentement de déterminer, pour un point quelconque d’une surface quelconque, les centres et rayons de courbure et les plans des sections principales, on changera respectivement en on développera, en arrêtant le développement aux termes de deux dimensions en inclusivement ; on égalera a zéro l’ensemble des termes indépendans de ces variables, ce qui donnera l’équation de condition ; on comparera terme à terme l’équation restante à l’équation (1) ; afin d’obtenir les valeurs de ses neuf premiers coefficiens ; on substituera enfin ces valeurs dans les formules (57, 58, 59), en changeant dans les dernières, en

Si, entre les trois équations du centre de courbure pour le point et l’équation de condition qui exprime que ce point appartient à la surface courbe, on élimine l’équation résultante en sera celle du lieu des centres de courbure de cette surface ou de sa développée, c’est-à-dire, de la surface à laquelle toutes ses normales sont tangentes.

Appliquons ce procédé à l’ellipsoïde donnée par l’équation

(60)

nous aurons d’abord

(61)

et ensuite

qu’il faudra comparer à l’équation (1).

Nous aurons donc, en premier lieu

au moyen de quoi la formule (57) deviendra simplement

(62)

Nous aurons ensuite

d’où nous conclurons, en ayant égard à la condition (61)




En conséquence, l’équation qui donnera les deux rayons de courbure au point sera


Tout ce qui précède pourrait être susceptible de développemens beaucoup plus amples ; mais nous les abandonnons à la sagacité du lecteur, en le priant de considérer que nous n’avons pu ni dû nous proposer ici d’écrire un traité élémentaire ; mais seulement de montrer comment l’analyse élémentaire pouvait être employée à traiter des questions pour la solution desquelles on a coutume de recourir au calcul différentiel. La vérité est qu’il n’y a proprement d’un peu compliqué ici que ce qui concerne les courbes à double courbure ; mais cela tient à la nature même du sujet.

À la vérité nos formules finales sont moins simples que celles que fournit le calcul différentiel ; mais on doit remarquer que la simplicité de ces dernières est plus apparente que réelle ; elle tient uniquement à ce que ces formules ne sont au fond que des symboles d’opérations à effectuer, tandis que les nôtres au contraire n’exigent que de simples substitutions, dans chacune des applications qu’on se proposera d’en faire.

Nous pensons toutefois que la manière très-simple dont nous sommes parvenus aux beaux résultats d’Euler, de Monge, de Meusnier et de M. Dupin, sur la courbure des surfaces courbes, n’aura pas échappé au lecteur. Si donc quelqu’un désirait seulement de se mettre à peu de frais au courant de ces résultats, il pourrait passer, à la lecture, les deuxièmes § tant de la première que de la seconde section, qui sont tout-à-fait indépendans de tout le reste. Il pourrait en outre supposer, dès l’abord, dans le § premier de la seconde section, que l’axe des est tangent à la courbe, ou que et ne lire ensuite que la première partie du présent §.

Nous n’ajouterons plus qu’un mot, et ce sera pour faire remarquer l’analogie entre les principes qui nous ont dirigés dans ce qui précède et ceux que nous avons exposés à la page 183 du V.e volume de ce recueil. Ici, comme là, tout se réduit, en dernière analise, à obtenir d’abord du problème proposé une solution approximative, dont la précision soit subordonnée à la petitesse de certaines quantités, à éliminer ensuite du résultat ces mêmes quantités qui, du moment qu’elles ont disparu, ne sauraient plus influer sur ce même résultat qu’on doit dès-lors regarder comme tout-à-fait exact. Il n’est probablement aucune des questions dans lesquelles on emploie la doctrine des infiniment petits ou toute autre doctrine équivalente qui ne puisse être ramenée à ces principes qui nous paraissent non moins simples qu’ils sont lumineux.


Séparateur

  1. Nous avons choisi les notations de manière à lier ce qui concerne les courbes planes avec ce qui est relatif aux courbes à double courbure et aux surfaces courbes.
  2. Cette manière simple et naturelle de parvenir à la tangente paraît tout-à-fait conforme à l’idée qu’on doit se faire d’une telle droite. Si cependant quelques esprits pointilleux n’en étaient pas pleinement satisfaits, ils pourraient la remplacer par ce qui suit.

    Soit menée par l’origine une sécante à la courbe ; elle pourra généralement rencontrer cette courbe en plusieurs autres points. Soient les coordonnées de celui d’entre ces points qui est le plus voisin de l’origine, et soit sa distance à cette origine, ou la corde interceptée. Soient posés

    à cause de

    nous aurons

    et l’équation de la sécante sera

    En mettant les valeurs dans l’équation (1), elle devient, en divisant par

    équation qui nous donnerait les diverses valeurs de mais pour que la sécante devienne tangente, il faut que soit nul ; on doit donc avoir alors

    qui, combinée avec donne, comme dans le texte,

    Rien ne serait plus facile que de ramener à cette méthode la théorie de points singuliers des courbes ; mais cela nous entraînerait beaucoup trop loin.

  3. En posant

    avec la condition

    qui donne

    les équations

    seraient celles d’une sécante quelconque, menée par l’origine, et, serait la longueur de la corde interceptée, à partir de ce point. Mettant ensuite les valeurs dans les équations (1, 1′) et divisant par elles deviendraient

    mais, pour que la sécante devienne tangente, il faut qu’on ait on a donc aussi alors

    équations qui, combinées avec (1), donnent, comme dans le texte,

  4. Il faut en excepter les points de la courbe où sa courbure est maximum ou minimum ; mais ceci rentre dans la théorie des points singuliers, que nous avons précédemment écartée.
  5. Si l’on mène une sécante à une courbe plane par deux de ses points et si l’on conçoit que l’un de ses points se rapproche sans cesse de l’autre, en suivant le cours de la courbe, et en entraînant avec lui la sécante qui tournera ainsi autour de ce dernier ; lorsqu’enfin ces deux points se confondront, la sécante deviendra tangente.

    Pareillement, par trois points quelconques pris sur une courbe, soit fait passer un cercle ; et concevons que le second de ces points vienne joindre le premier, en suivant le cours de la courbe, et entraînant avec lui le cercle qui conséquemment variera à la fois de situation et de grandeur ; lorsque ces deux points se confondront, le cercle sera simplement tangent à la courbe. Si ensuite le troisième point vient joindre les deux autres, sous les mêmes condition, lorsqu’il les aura atteints, le cercle tangent sera osculateur.

    Voilà pourquoi on considère la tangente et le cercle tangent comme ayant avec la courbe deux points communs qui se confondent en un seul ; et voilà aussi pourquoi on considère le cercle osculateur comme ayant avec la courbe trois points communs qui se confondent également en un seul.

    Cela revient évidemment à considérer la courbe comme un polygone d’une infinité de côtés ; sa tangente comme le prolongement de l’un de ses côtés ; ses cercles tangens comme des cercles qui ont ce côté pour corde commune ; et enfin son cercle osculateur comme un cercle qui passe par trois de ses sommets consécutifs.

  6. On aurait pu parvenir immédiatement et d’une manière très-simple à la formule (25), en supposant dès l’abord l’axe des tangent à la courbe, ou
  7. Si l’on mène une sécante à une courbe à double courbure par deux quelconques de ces points dont l’un soit fixe, et que l’autre se rapproche peu à peu de celui-là en suivant le cours de la courbe, et en entraînant avec lui la sécante, qui tournera ainsi autour du premier de ces deux points, lorsque ces deux points se confondront en un seul, la sécante sera alors une tangente.

    Par trois points pris arbitrairement sur une courbe à double courbure, et dont un est supposé fixe, soit fait passer un plan, et sur ce plan soit décrit un cercle, par ces trois points ; si l’on conçoit que l’un des points mobiles se rapproche peu à peu du point fixe, en suivant le cours de la courbe et en entraînant avec lui le plan, ainsi que le cercle qui, sans quitter ce plan, variera sans cesse de grandeur et de situation ; lorsque les deux points se confondront, le plan et le cercle seront tangens à la courbe. Si le troisième point vient joindre les deux autres, sous les mêmes conditions, lorsqu’il les aura atteints, le plan et le cercle se trouveront osculateurs de la courbe.

    Voilà pourquoi on a coutume de considérer la tangente et le plan tangent à une courbe à double courbure, comme ayant avec cette courbe deux points communs qui se confondent en un seul ; et c’est pour cela aussi que l’on considère le plan et le cercle osculateurs de la même courbe comme ayant avec elle trois points communs qui se confondent également en un seul.

    Cela revient évidemment à considérer la courbe comme un polygone gauche d’une infinité de côtés : le prolongement de l’un d’eux est la tangente ; le plan qui passe par cette tangente est un plan tangent ; et le plan et le cercle qui passent par trois sommets consécutifs sont le plan et le cercle osculateurs.

  8. Si la courbe est plane, cette surface sera cylindrique ; si la courbe est tracée sur une sphère, cette surface sera conique et aura pour centre le centre même de la sphère ; généralement parlant, son arête de rebroussement sera le lieu des centres des sphères osculatrices de la courbe ; c’est-à-dire, des sphères qui ont avec cette courbe quatre points communs se confondant en un seul, ou encore des sphères qui passent par quatre sommets consécutifs de la courbe, considérée comme polygone d’une infinité de côtés ; mais la recherche de cette arête exige la considération des termes du troisième ordre des équations de la courbe.
  9. À proprement parler, une même courbe à double courbure a une infinité de développées, toutes situées sur la surface développable lieu de ses axes de coupure ; mais nous ne mentionnons ici que la développée principale, en renvoyant, pour le surplus, à l’Application de l’analise à la géométrie de Monge.
  10. Tant que sont inégaux et de mêmes signes, l’indicatrice étant une ellipse, toutes les courbures sont plus grandes que la moindre et moindres que la plus grande des deux courbures principales. Si l’indicatrice devient un cercle et conséquemment toutes les courbures sont égales, comme il arrive au pôle d’un sphéroïde ; l’origine est dite alors un ombilic. Si et sont de signes contraires, l’indicatrice devient une hyperbole, les deux courbures principales ont leur convexité tournées en sens inverses ; les courbures des autres sections normales peuvent prendre tous les degrés possibles de petitesse ; et en particulier ces courbures sont tout-à-fait nulles, lorsque les sections sont faites suivant les asymptotes de l’hyperbole, qui sont ainsi osculatrices de la surface. Enfin, si l’un des deux coefficiens est nul, l’indicatrice se réduit au système de deux parallèles, et la courbure minimum, parallèle à ces droites, est seule nulle.