Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 09/Géométrie élémentaire, article 5

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GÉOMÉTRIE ÉLÉMENTAIRE.

Recherches sur les polyèdres, renfermant en particulier
un commencement de solution du problème proposé
à la page 256 du VII.e volume des
Annales ;

Par un Abonné.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

On donne le nom de polygone régulier à un polygone dont tous les angles et tous les côtés sont égaux ; et il suit clairement de cette définition que, même en faisant abstraction des polygones étoilés de M. Poinsot, les polygones réguliers sont en nombre infini, et que le nombre de leurs côtés peut être quelconque.

Il a d’ailleurs déjà été remarqué, dans ce recueil (tom. VI, pag. 199), qu’au nombre de ces polygones on ne peut se dispenser de comprendre la ligne droite, considérée comme double : c’est un polygone de deux côtés, ayant deux angles nuls, et pour lequel le cercle circonscrit a pour diamètre l’un des côtés, tandis que le cercle inscrit se réduit à un point.

Les limites extrêmes des polygones réguliers de cette sorte sont d’une part le point, pour lequel les cercles inscrit et circonscrit se confondent, et deux parallèles indéfinies qui ont un cercle circonscrit d’un diamètre infini, tandis que le cercle inscrit a pour diamètre la distance entre les deux parallèles.

Nous ajouterons qu’au nombre des polygones réguliers on doit encore comprendre le cercle, considéré comme polygone régulier d’une infinité de côtés infiniment petits, et pour lequel, comme pour le point, les cercles inscrit et circonscrit se confondent.

Nous dirons que deux polygones sont conjugués l’un à l’autre, lorsque chacun d’eux aura autant de sommets que l’autre aura de côtés ; et comme, dans tout polygone, le nombre des sommets est égal au nombre des côtés ; il s’ensuit que tout polygone est conjugué à lui-même.

Si l’on fait des côtés d’un polygone régulier les bases d’autant de triangles isocèles et égaux, ayant leurs sommets hors du polygone, ces triangles, avec le polygone donné, formeront un nouveau polygone, dont le nombre des côtés pourra indistinctement, suivant la nature des triangles ajoutés, être égal au nombre de ceux du premier ou en être double ; et qui, dans l’un et dans l’autre cas, pourra être régulier comme lui.

Un polygone régulier étant donné, si l’on en retranche tous les sommets par des perpendiculaires aux droites qui divisent ses angles en deux parties égales, de telle sorte que les parties retranchées soient des triangles isocèles égaux ; ce qui restera du polygone sera un nouveau polygone, dont le nombre des côtés pourra indistinctement, suivant la grandeur, des triangles retranchés, être égal au nombre de ceux du premier ou en être double ; et qui, dans l’un et dans l’autre cas, pourra être régulier comme lui.

On donne le nom d’angle polyèdre régulier tout angle polyèdre dans lequel les angles plans et les angles dièdres sont égaux entre eux ; et il suit clairement de cette définition que, même en faisant abstraction des angles polyèdres étoilés que l’on pourrait former, à l’imitation des polygones étoilés de M. Poinsot, les angles polyèdres réguliers sont en nombre infini, et que le nombre de leurs faces peut être, quelconque[1].

Il faut remarquer qu’au nombre des angles polyèdres réguliers on doit comprendre l’angle plan, considèré comme double ; c’est en effet un angle polyèdre à deux faces, ayant deux angles dièdres nuls, et pour lequel le cône circonscrit a un angle générateur, moitié de l’un des angles plans, tandis que le cône inscrit se réduit à une droite.

Les limites extrêmes des angles polyèdres réguliers de cette sorte sont d’une part la ligne droite, pour laquelle les cônes inscrit et circonscrit se confondent, et l’angle dièdre dont le cône circonscrit est un plan, tandis que son cône inscrit a un angle générateur, moitié de l’angle dièdre.

Nous ajouterons qu’au nombre des angles polyèdres réguliers on doit comprendre aussi le cône de révolution, considéré comme un angle polyèdre ayant une infinité d’angles plans infiniment petits, et pour lequel, comme pour le point, les cônes inscrit et circonscrit se confondent.

Nous dirons que deux angles polyèdres sont conjugués l’un à l’autre, lorsque chacun d’eux aura autant d’arêtes que l’autre auca de faces ; et comme, dans tout angle polyèdre, le nombre des faces est égal au nombre des arêtes, il s’ensuit que tout angle polyèdre est conjugué à lui-même.

Si l’on fait des faces d’un angle polyèdre régulier les bases d’autant d’angles trièdres isocèles et égaux, de même sommet que lui ; ayant l’arête opposée à la base hors de l’angle polyèdre ; ces angles trièdre, avec l’angle polyèdre donné, fermeront un nouvel angle polyèdre, dont le nombre des faces pourra indistinctement, suivant la nature des angles trièdres ajoutés, être égal au nombre de celles du premier ou en être double ; et qui, dans l’un et dans l’autre cas, pourra être régulier comme lui.

Un angle polyèdre régulier étant donné, si l’on en retranche toutes les arêtes, par des plans passant par son sommet et respectivement perpendiculaires aux plans qui divisent ses angles dièdres en deux parties égales ; de telle sorte que les parties retranchées soient des angles trièdres isocèles et égaux ; ce qui restera de l’angle polyèdre sera un nouvel angle polyèdre, dont le nombre des faces pourra indistinctement, suivant la grandeur des angles trièdres retranchés, être égal au nombre de celles du premier ou en être double ; et qui, dans l’un et dans l’autre cas, pourra être régulier comme lui.

Les notions que nous venons de présenter, ou plutôt de rappeler, sont extrêmement élémentaires, et pourraient même passer pour triviales. Nous pensons toutefois qu’elles sont une utile introduction à ce que nous nous proposons de dire sur les polyèdres.

Nous dirons, à l’avenir de deux polyèdres qu’ils sont conjugués l’un à l’autre, lorsqu’ayant le même nombre d’arêtes, le nombre des faces de chacun sera égal au nombre des sommets de l’autre, et qu’en outre le nombre des côtés de chaque face de l’un quelconque sera égal au nombre des faces du sommet homologue de l’autre. Nous ne donnons, pour le moment, aucun exemple de ces sortes de polyèdre, la suite devant en fournir d’assez nombreux.

On est convenu de n’appeler polyèdres réguliers que les polyèdres dont toutes les faces sont des polygones réguliers égaux et dont, en outre, tous les sommets présentent des angles polyèdres réguliers égaux ; d’où l’on voit qu’un polyèdre régulier peut fort bien avoir pour conjugué un autre polyèdre régulier.

Mais, attendu l’excessive exigeance de cette définition, on est raisonnablement fondé à se demander s’il peut réellement exister des polyèdres réguliers. Avant de traiter cette question, on peut s’en proposer une autre moins circonscrite, et se demander s’il peut exister des polyèdres, réguliers ou non, dans lesquels toutes les faces aient le même nombre de sommets, et tous les sommets le même nombre de faces.

La manière la plus naturelle de traiter cette dernière question paraît être la suivante : Soient le nombre des arêtes du polyèdre, le nombre de ses faces, et le nombre de ses sommets ; supposons, en outre, que chacune de ses faces ait sommets et conséquemment côtés, et que chacun de ses sommets ait faces et conséquemment arêtes.

Si l’on compte, tour-à-tour, les côtés de toutes les faces, on les trouvera au nombre de mais, de cette manière, on aura compté deux fois chacune des arêtes du tétraèdre, puisque chacune d’elles sert de côté à deux faces consécutives ; donc

Si ensuite, on compte, tour-à-tour, les arêtes de tous les sommets, on les trouvera au nombre de mais, de cette manière, on aura encore compté deux fois chacune des arêtes du tétraèdre, puisque chacune d’elles sert d’arête à deux sommets consécutifs ; donc

Enfin, par le théorème d’Euler (Annales, tom. III, pag, 169), on aura, en outre

Voilà donc trois équations, au moyen desquelles on peut déterminer en fonction de

Avant d’aller plus loin, nous ferons remarquer que, ces équations restant les mêmes lorsqu’on y permute à la fois et et  ; il s’ensuit que, s’il existe des polyèdres dont toutes les faces aient le même nombre de sommets et tous les sommets le même nombre de faces ; à chacun d’eux il en doit répondre un autre, qui en sera le conjugué.

De ces trois équations on tire

Il s’agit donc présentement de savoir s’il y a des nombres entiers positifs, plus grands que l’unité, qui, mis pour et dans ces formules, donnent pour des valeurs entières et positives. Nous disons plus grands que l’unité, et non pas plus grands que deux, puisque, suivant les remarques faites ci-dessus, un polygone peut fort bien n’avoir que deux sommets, et un angle polyèdre deux faces seulement.

Il faut donc, en premier lieu, que le dénominateur commun de ces trois formules ne soit point négatif ; or, si l’on pose, à la fois,

on aura

qui sera négatif, toutes les fois qu’on n’aura pas en même temps Pareillement, si l’on pose, à la fois,

on aura

quantité qui est pareillement négative, toutes les fois que et ne sont pas tous deux nuls.

Ainsi, les deux nombres et ont une limite de grandeur qui est 6, et encore ne faut-il pas, lorsque l’un d’eux a atteint cette limite, que l’autre soit supérieur à 3.

Si, dans le même dénominateur commun, on fait ou il deviendra

ou

et, pour qu’il ne soit point négatif, il faudra encore que ou ne soit pas plus grand que 3.

Si, dans le même dénominateur, on fait ou il deviendra ou

et, pour qu’il ne soit point négatif, il faudra que ou n’excède pas 4.

Si nous supposons nos formules deviennent

valeurs qui seront toujours entières et positives, quelque valeur entière et positive qu’on donne à C’est qu’en effet, tout polygone peut être considéré comme un polyèdre à deux faces, dans lequel les faces ont le même nombre de sommets, et où les sommets ont le même nombre de faces qui est ici deux ; mais c’est un polyèdre qui renferme un espace nul.

Si nous supposons nos formules deviendront

valeurs qui seront toujours entières et positives, quelque valeur entière et positive qu’on prenne pour Cest qu’en effet tout prisme indéfini peut être comme un polyèdre à deux sommets, dans lequel les sommets ont le même nombre de faces, et où les faces ont le même nombre de sommets qui est ici deux mais c’est un polyèdre qui renferme un espace infini.

On peut remarquer de plus qu’un polygone et un prisme tels que le nombre des sommets du premier soit égal au nombre des faces du second, considérés comme polyèdres, sont des polyèdres conjugués l’un à l’autre.

Ces cas ainsi écartés, il ne nous restera plus à faire que les suppositions suivantes.

lesquelles donneront, pour les valeurs correspondantes de

Ainsi, en écartant les valeurs infinies, sur lesquelles nous reviendrons tout-à-l’heure, nous trouvons

1.o Un polyèdre de arêtes ayant faces triangulaires et sommets trièdres ; c’est le tétraèdre qui est ainsi conjugué à lui-même,

2.o Deux polyèdres de arêtes, dont l’un a faces quadrangulaires et sommets trièdres, tandis que l’autre a faces triangulaires et sommets tétraèdres. L’un est un tronc de pyramide quadrangulaire, à bases non parallèles ; l’autre est formé de deux pyramides quadrangulaires opposées base à base ; ils sont conjugués l’un à l’autre.

3.o Enfin, deux polyèdres de arêtes, dont l’un a faces pentagonales et sommets trièdres, tandis que l’autre a faces triangulaires et sommets pentaèdres ; ils sont donc aussi conjugués l’un à l’autre.

Quant aux trois cas pour lesquels nous trouvons des valeurs infinies, il est clair que, si nous supposons les faces d’une grandeur finie, le polyèdre sera d’une grandeur infinie ; si donc on le suppose convexe, une portion finie de sa surface pourra être considérée comme un plan ; ces trois cas nous indiquent donc de combien de manières on peut couvrir un plan avec des polygones, de telle sorte que tous ces polygones aient le même nombre de côtés et qu’ils soient réunis en même nombre autour de chaque sommet ; on peut donc parvenir à ce but, savoir ;

1.o En couvrant le plan, soit de triangles se réunissant au nombre de autour de chaque sommet, soit d’hexagones se réunissant au nombre de autour de chaque sommet ; et ces deux systèmes de polygones seront conjugués l’un à l’autre.

2.o En couvrant le plan de quadrilatères, se réunissant au nombre de autour de chaque sommet ; et un tel système sera conjugué à lui-même.

On peut encore envisager la chose sous un autre point de vue ; on peut supposer les polygones infiniment petits et alors le polyèdre, qui sera d’une grandeur finie deviendra un corps terminé par une surface courbe. Ainsi, une surface courbe se refermant d’elle-même telle, par exemple, qu’un ellipsoïde peut être découpée en portions infiniment petites, soit triangulaires se réunissant au nombre de autour de chaque sommet, soit hexagonales se réunissant au nombre de autour de chaque sommet, soit enfin quadrangulaires se réunissant au nombre de autour de chaque sommet.

On voit donc que, s’il peut exister des polyèdres réguliers, ce ne saurait être que parmi ceux que nous venons de rencontrer ; et la manière la plus simple de s’assurer qu’ils existent en effet, et en même nombre, est celle qu’emploie M. le professeur Lhuilier (Annales, tom. III, pag. 233), et qui consiste à rechercher de combien de manières on peut réunir, par leurs sommets, des pyramides régulières égales entre elles, assemblées en même nombre autour de chaque arête latérale, de telle sorte que ces pyramides remplissent l’espace entier autour de leur sommet commun, et forment ainsi, par leur réunion, un polyèdre unique qui sera évidemment régulier.

Soit le nombre des faces du polyèdre, lequel sera en même temps le nombre des pyramides ; soient le nombre de ses sommets et le nombre de ses arêtes ; soient enfin le nombre des sommets de la base de chaque pyramide ; et le nombre des pyramides qui se réunissent autour de chaque arête latérale ; désignons enfin par chacun des angles dièdres latéraux de ces pyramides, rapporté à l’angle droit dièdre ; l’angle polyèdre du sommet aura pour expression (pag. 275 de ce volume) ou l’angle droit trièdre étant l’unité. Il faudra donc, d’une part, que la somme des angles dièdres, autour de chaque arête latérale, fasse quatre angles droits, ce qui donnera

et il faudra, en outre, que la somme des angles polyèdres autour du sommet commun fasse angles droits trièdres ; c« qui donnera encore

éliminant entre ces deux équations, on en tirera, comme ci-dessus,

et, comme d’ailleurs on aura encore, comme alors

les valeurs de et seront aussi les mêmes que ci-dessus.

Ainsi les polyèdres réguliers sont,

1.o Le tétraèdre, conjugué à lui-même ;

2.o L’hexaèdre et l’octaèdre, conjugués l’un à l’autre ;

3.o Le dodécaèdre et l’icosaèdre, conjugués l’un à l’autre ;

4.o La sphère divisée en compartimens triangulaires équilateraux infinimens petits, et la sphère divisée en compartimens hexagonaux réguliers infiniment petits, conjuguées aussi l’une à l’autre, et auxquelles on pourrait substituer deux plans indéfinis, en donnant aux compartimens une grandeur finie ;

5.o Enfin la sphère divisée en quarrés infiniment petits, conjuguée à elle-même, et à laquelle on peut subtituer un plan indéfini, en donnant aux quarrés une grandeur finie.

Mais il faut encore joindre à cela, 1.o tous les polygones réguliers, à partir de la ligne droite et à finir par le cercle ; 2.o tous les prismes réguliers, à partir de deux plans parallèles et à finir par le cylindre de révolution ; ces derniers étant les conjugués des premiers ; ce sont en effet de véritables polyèdres réguliers, dont les premiers embrassent une étendue nulle, tandis que l’étendue, embrassée par les derniers, est infinie.

Il est donc vrai de dire que, rigoureusement parlant, et même en faisant abstraction des polyèdres étoilés de M. Poinsot, les polyèdres réguliers sont en nombre infini, et constamment conjugués soit à eux-mêmes soit deux à deux, ce qui n’avait pas encore été remarqué ; mais parmi ces polyèdres il n’y en a que seulement qui renferment un espace réel et fini ; et parmi ces il en est seulement dont les faces ont une grandeur finie.

Deux polyèdres réguliers conjugués peuvent être inscrits ou circonscrits l’un à l’autre ; et même le problème de l’inscription ou de la circonscription d’un polyèdre régulier à son conjugué est un problème indéterminé, à moins pourtant qu’on ne demande le plus petit des inscrits ou le plus grand des circonscrits ; auquel cas les sommets de l’un devraient être les centres des faces de l’autre. L’indétermination du problème dans les autres cas donne lieu aux deux questions suivantes.

PROBLÈME I. Quel est, sur les faces d’un polyèdre régulier donné, le lieu des sommets de tous les polyèdres réguliers conjugués qui peuvent lui être inscrits ?

PROBLÈME II. Quelle est, pour un polyèdre donné, la surface enveloppe de l’espace parcouru par les faces d’un autre polyèdre régulier, conjugué à celui-là, et variable de grandeur, qui lui est constamment circonscrit ?

Le premier de ces deux problèmes, résolu seulement pour le cas du cube et de l’octaèdre, par Mairan, dans le volume de l’académie royale des sciences pour 1725, a été déjà proposé dans le présent recueil : l’autre ne l’a encore été nulle part.

Concevons que l’on érige sur chacune des faces d’un polyèdre régulier quelconque, comme sur autant de bases, des pyramides régulières et égales, ayant leurs sommets hors de ce polyèdre ; ces pyramides, jointes au polyèdre donné, formeront un nouveau polyèdre qui, généralement parlant, ne sera pas régulier. Si, dans deux pyramides consécutives, on considère les deux faces latérales qui ont pour base commune une même arête du polyèdre primitif ; suivant la hauteur commune qu’on aura donné aux pyramides, ces deux faces pourront être dans un même plan ou dans des plans différens ; dans le premier cas, les faces du nouveau polyèdre, en nombre égal à celui des arêtes du premier, et ayant ses arêtes pour diagonales seront des rhombes ; dans le second, elles seront en nombre double de celui de ses arêtes et seront toutes triangulaires. Dans ce dernier cas, on pourra même donner aux pyramides une hauteur telle que tous les sommets du nouveau polyèdre soient réguliers ; mais ils n’auront pas tous, en général, un même nombre de faces.

Concevons ensuite qu’au contraire on retranche tous les sommets du polyèdre primitif, par des plans tellement dirigés que les parties retranchées soient des pyramides Régulières égales entre elles ; ce qui restera du polyèdre donné sera un nouveau polyèdre qui, généralement parlant, ne sera pas régulier. Les plans coupant s’avanceront ou ne s’avanceront pas jusqu’aux milieux des arêtes du polyèdre primitif ; dans le premier cas, les sommets du nouveau polyèdre, en nombre égal à celui des arêtes du premier seront tétraèdres ; dans le second, ces sommets seront en nombre double et seront tous trièdres. Dans ce dernier cas, on pourra même faire en sorte que toutes les faces du nouveau polyèdre soient des polygones réguliers ; mais, en général, ces polygones n’auront pas tous le même nombre de côtés.

Ces sortes de polyèdres, ou plutôt ceux de la première sorte ; car il n’est pas à notre connaissance qu’on se soit encore occupé de ceux de la seconde, ont été désignés par quelques géomètres sous la dénomination de Polyèdres semi-réguliers ; et nous adopterons cette dénomination ; mais, puisque nous en reconnaissons de deux sortes, afin de nous rendre plus facillement intelligibles, nous dirons des premiers qu’ils sont semi-réguliers par excès, et des derniers qu’ils le sont par défaut. En outre, puisque nous avons distingué deux cas, pour les uns comme pour les autres, nous en aurons de première classe qui auront le moindre nombre de faces ou de sommets, et de seconde classe, pour lesquels le nombre de ces faces ou sommets, sera double.

Cela posé, conservons aux lettres pour le polyèdre primitif, la signification qu’elles ont déjà reçue, et voyons quels seront, en général, le nombre et la nature des faces, sommets et arêtes des quatre polyèdres semi-réguliers auxquels un polyèdre régulier quelconque pourra donner naissance.

Semi-régulier par excès. Première classe.

faces, toutes rhombes ;

ou sommets, dont de faces et de faces ;

ou arètes.

Seconde classe.

faces, toutes triangulaires ;

ou sommets, dont de faces et de faces ;

ou arêtes.

Semi-réguliers par défaut. Première classe.

sommets, tous tétraèdres ;

ou faces, dont de sommets et de sommets ;

ou arêtes.

Seconde classe.

sommets, tous trièdres ;

ou faces, dont de sommets et de sommets ;

ou arêtes.

Faisons d’abord l’application de ces formules aux cinq corps réguliers qui, ayant des faces d’une grandeur finie, enferment une portion finie de l’espace.

Pour le tétraèdre, on a ce polyèdre fournira donc

1.o Un hexaèdre régulier.

2.o Un corps à faces triangulaires, ayant sommets dont trièdres et hexaèdres, et arêtes.

3.o Un octaèdre régulier.

4.o Un corps à sommets trièdres, ayant faces, dont triangulaires et hexagonales, et arêtes.

Pour l’hexaèdre, on a ce polyèdre fournira donc

1.o Un corps à faces rhombes, ayant sommets, dont trièdres et tétraèdres, et arêtes.

2.o Un corps à faces triangulaires, ayant sommets, dont tétraèdres et hexaèdres, et arêtes.

3.o Un corps à sommets tétraèdres, ayant faces, dont triangulaires et quadrangulaires, et arêtes,

4.o Un corps à sommets trièdres, ayant faces, dont triangulaires et octogonales, et arêtes.

Pour l’octaèdre, on a ce corps fournira donc

1.o Un corps à faces rhombes, ayant sommets, dont trièdres et tétraèdres, et arêtes.

2.o Un corps à faces triangulaires, ayant sommets, dont trièdres et octaèdres, et arêtes.

3.o Un corps à sommets tous tétraèdres, ayant faces, dont quadrangulaires et triangulaires, et arêtes.

4.o Un corps à sommets trièdres, ayant faces, dont quadrangulaires et hexagonales, et arêtes.

Pour le dodécaèdre, on a ce corps fournira donc

1.o Un corps à faces, toutes rhombes, ayant sommets, dont pentaèdres et trièdres, et arêtes.

2.o Un corps à faces, toutes triangulaires, ayant sommets, dont pentaèdres et hexaèdres, et arêtes.

3.o Un corps à sommets, tous tétraèdres, ayant faces, dont triangulaires et pentagonales, et arêtes.

4.o Un corps à sommets, tous trièdres, ayant faces, dont triangulaires et décagonales, et arêtes.

Enfin, pour l’icosaèdre, on a ce corps fournira donc

1.o Un corps à faces, toutes rhombes, ayant sommets, dont trièdres et pentaèdres, et arêtes,

2.o Un corps à faces, toutes triangulaires, ayant sommets, dont trièdres et décaèdres, et arêtes.

3.o Un corps à sommets tétraèdres, ayant faces, dont pentagonales et triangulaires, et arêtes.

4.o Un corps à sommets trièdres, ayant faces, dont pentagonales et hexagonales, et arêtes.

On aurait pu s’attendre que les corps réguliers que nous venons de considérer étant au nombre de et chacun d’eux pouvant donner naissance à quatre corps semi-régulier, ces derniers auraient dû être au nombre de  ; mais d’abord nous avons rencontré parmi eux l’hexaèdre et l’octaèdre réguliers ; de plus, en passant les autres en revue, on en rencontre qui sont répétés ; de sorte qu’en ne tenant compte que de ceux qui sont essentiellement différens, sans être réguliers, leur nombre se réduit à dix ; de telle sorte que ceux qui dérivent de polyèdres réguliers conjugués l’un à l’autre sont les mêmes. De plus ces dix polyèdres semi-réguliers sont, deux à deux, conjugués l’un à l’autre ; de manière que le semi-régulier par excès de l’une quelconque des deux classes est conjugué avec le semi-régulier par défaut de même classe qui dérive du même polyèdre régulier, ainsi qu’on en peut juger par le résumé que voici.

1.o Un polyèdre à 18 arêtes, ayant

et dont et .

2.o Un polyèdre à 24 arêtes, ayant

et dont et .

3.o Un polyèdre à 36 arêtes, ayant

et dont et .

4.o Un polyèdre à 60 arêtes, ayant

et dont et .

5.o Un polyèdre à 90 arêtes, ayant

et dont et .

Si nous passons présentement aux trois cas de la sphère divisée régulièrement en polygones infiniment petits, ou du plan indéfini divisé régulièrement en polygones finis ; nous rencontrerons des divisions semi-régulières analogues pour cette sphère ou pour ce plan, ainsi qu’on va le voir

La sphère ou le plan, divisé en triangles, nous donnera,

1.o Une sphère ou un plan divisé en rhombes, ayant leurs grands angles réunis à et les petits à

2.o Une sphère ou un plan, divisé en triangles isocèles, ayant leurs grands angles réunis à et leurs petits à

3.o Une sphère ou un plan, divisé en triangles équilatéraux et hexagones, présentant à chaque point de réunion deux angles de triangles et deux angles d’hexagones alternés.

4.o Une sphère ou un plan, divisé régulièrement en hexagones.

La sphère ou le plan, divisé en hexagones, nous donnera

1.o Une sphère ou un plan, divisé en rhombes, ayant leurs grands angles réunis à et les petits à

2.o Une sphère ou un plan, divisé régulièrement en triangles.

3.o Une sphère ou un plan, divisé en triangles et hexagones, pré. sentant, à chaque point de réunion, deux angles de triangles et deux angles d’hexagones alternés.

4.o Une sphère ou un plan, divisé en triangles et dodécagones, présentant, à chaque point de réunion, un angle de triangle et deux de dodécagones.

La sphère ou le plan, divisé en quarrés, nous donnera

1.o Une sphère ou un plan, divisé régulièrement en quarrés.

2.o Une sphère ou un plan, divisé en triangles rectangles isocèles réunis à par leurs grands angles, et à par leurs petits.

3.o Une sphère ou un plan divisé régulièrement en quarrés.

4.o Une sphère ou un plan, divisé en quarrés et octogones, présentant, à chaque point de réunion un angle de quarré et deux angles d’octogones.

En examinant ces différens cas, on voit que nous n’avons pas 12 divisions semi-régulières, tant parce que, parmi elles, il s’en trouve de régulières, que parce qu’il en est qui, bien que d’origine différente, rentrent pourtant les unes dans les autres. Elles se réduisent toutes à six distinctes, conjuguées deux à deux, et telles que les conjuguées sont de même classe, l’une par excès et l’autre par défaut, et déduites de deux divisions régulières, conjuguées elles-mêmes l’une à l’autre, comme on le voit par le tableau suivant.

1.o Une surface dont les sont

et dont les sont alternativement .

2.o Une surface dont les sont et dont

les sont alternativement .

3.o Une surface dont les sont et dont

les sont alternativement .

Passons enfin aux polyèdres réguliers à faces de grandeur finie, enfermant un espace nul ou infini, c’est-à-dire aux polygones et prismes réguliers ; chaque polygone régulier donnera, en désignant par le nombre de ses sommets

1.o Un prisme régulier indéfini de faces.

2.o Un corps formé de deux pyramides régulières opposées base à base, ayant faces, arêtes et sommets.

3.o Un polygone du même nombre de côtés.

4.o Un polygone d’un nombre de côtés double ou

Quant au prisme régulier indéfini de faces, on en déduira

1.o Un autre prisme régulier du même nombre de faces.

2.o Un prisme régulier d’un nombre de faces double ou

3.o Un polygone régulier de côtés.

4.o Enfin, un prisme régulier d’une longueur finie, ayant sommets, arêtes et faces dont quadrangulaires.

On voit par là que ces deux dernières sortes de polyèdres réguliers ne donnent réellement naissance qu’à deux classes de polyèdres semi-réguliers, conjugués les uns aux autres, savoir ;

Des polyèdres de arêtes, ayant

et dont et 2 de .

Voilà ce qu’on est convenu d’appeler jusqu’ici polyèdres semi-réguliers, et l’on voit qu’en rigueur ils sont, comme les réguliers en nombre infini. Mais on pourrait concevoir d’autres polyèdres qui, peut-être à plus juste titre que ceux-ci, pourraient être appelés semi-réguliers ; on pourrait concevoir, en effet,

1.o Des polyèdres dont toutes les faces seraient des polygones réguliers égaux, et dont les sommets, en nombre pair, présenteraient aussi des angles polyèdres réguliers ; mais moitié d’une sorte et moitié d’une autre sorte.

2.o Des polyèdres dont tous les sommets présenteraient des angles polyèdres réguliers égaux, et dont les faces, en nombre pair, seraient aussi des polygones réguliers ; mais moitié d’une sorte et moitié d’une autre.

3.o Enfin, des polyèdres dont à la fois les faces seraient des polygones réguliers et les sommets des angles polyèdres réguliers ; mais, où les uns et les autres, en nombre pair, seraient moitié d’une sorte et moitié d’une autre.

Parmi les polyèdres semi-réguliers précédemment considérés, nous en avons déjà rencontré quelques-uns de cette sorte ; et tels sont notamment, 1.o le polyèdre à arêtes, ayant faces triangulaires et sommets, dont trièdres et hexaèdres ; 2.o le polyèdre à arêtes, ayant sommets trièdres et faces, dont triangulaires et hexagonales. Mais on conçoit qu’il est possible qu’il en existe d’autres encore ; et le problème de la recherche de leur totalité est un problème qui a été proposé à la page 256 du VII.e  volume de ce recueil. Voyons quelles sont les formules qui doivent en donner la solution.

1.o Soient le nombre des faces d’un polyèdre, toutes de sommets ; le nombre de ses sommets, dont de et de faces ; et enfin le nombre de ses arêtes ; en raisonnant comme nous l’avons fait dans la recherche des polyèdres réguliers, nous aurons les trois équations

desquelles nous tirerons

2.o Soient le nombre des sommets d’un polyèdre, tous de faces ; le nombre de ses faces, dont de et de faces ; et enfin le nombre de ses arêtes ; nous aurons les équations

desquelles nous tirerons

(II)

3.o Soient enfin le nombre des faces d’un polytdre dont de et de sommets ; le nombre de ses sommets, dont de et de faces ; et enfin le nombre de ses arêtes ; nous aurons les équations

desquelles nous tirerons

(III)

Il s’agit donc présentement de satisfaire à ces trois systèmes de formules avec des nombres entiers positifs ; mais auparavant nous remarquerons que les formules (I, II) se changeant les unes dans les autres, lorsqu’on y change en en et en chaque solution des formules (I) nous donnera une solution des formules (II) ; et, de plus, ces solutions correspondantes appartiendront à deux polyèdres conjugués. En second lieu, les formules (III) demeurant les mêmes lorsqu’on y permute simultanément avec avec avec chaque solution de ces formules pourra être considérée comme double, et nous fera connaître deux polyèdres conjugués. On voit par là que le travail se trouvera réellement réduit à moitié.

Mais ce travail sera plus difficile qu’il ne le paraît ; il ne suffira pas, en effet, d’obtenir des nombres entiers positifs satisfaisant aux formules analitiques ; il faudra savoir de plus si les polyèdres que ces nombres indiquent sont géométriquement possibles ; et, au cas qu’ils le soient, il sera de plus nécessaire de savoir si les polygones et les angles polyèdres dont ils se composeront devront être réguliers ou irréguliers ; comment les faces ou sommets de même nombre et d’espèces différentes devront être distribués et répartis sur le polyèdre, et enfin si ce polyèdre devra ou ne pourra pas être entièrement convexe.

Nous abandonnerons donc au lecteur cette discussion qui ne pourrait être que fort longue ; et nous nous bornerons à indiquer la marche qui paraît la plus facile à suivre pour résoudre le problème numérique, qui est d’abord celui dont il convient de s’occuper.

Pour les formules (I), en posant, pour abréger, nous aurons

Si l’on veut des polyèdres effectifs, tels qu’on les conçoit ordinairement, c’est-à-dire, des polyèdres dont les faces, d’une grandeur finie et en nombre fini, n’aient pas moins de trois côtés, et dont les sommets n’aient pas moins de trois faces, il faudra chercher toutes les valeurs entières et positives de plus grandes que qui, jointes à des valeurs entières et positives de plus grandes que donnent pour des valeurs entières et positives ; on pourra prendre, par exemple, ce qui donnera

Il s’agira ensuite de décomposer valeur de en deux parties et dont aucune ne soit moindre que . Prenant, par exemple, d’où  ; on obtiendra un polyèdre de faces triangulaires, ayant sommets hexaèdres et sommets trièdres, et arêtes, polyèdre possible ; car c’est un des deux que nous avons cité ci-dessus pour exemple.

Pour les formules (II), en posant nous aurons

et il faudra trouver des valeurs entières et positives de plus grandes que qui, jointes à des valeurs entières et positives de plus grandes que donnent pour des valeurs entières et positives : on pourra prendre ; par exemple, ce qui donnera

Il s’agira ensuite de décomposer valeur de en deux parties et dont aucune ne soit moindre que . Prenant, par exemple d’où on obtiendra un polyèdre de sommets trièdres, ayant faces triangulaires et autres hexagonales, et arêtes. C’est précisément le conjugué du polyèdre que nous venons de signaler ci-dessus ; et que nous aurions pu même en déduire immédiatement.

Enfin, pour les formules (III), en posant à la fois nous aurons

Il faudra d’abord trouver des valeurs entières et positives de et plus grande que qui rendent entiers positifs ; on peut poser, par exemple, il en résultera

Il s’agira ensuite de décomposer valeur de en deux parties et et valeur des en deux parties et dont aucune ne soit moindre que Prenant, par exemple, d’où on obtiendra un polyèdre ayant faces quadrangulaires, faces triangulaires, sommets tétraèdres, sommets trièdres et arètes.

Ce polyèdre est possible, et, pour s’en convaincre, on peut concevoir d’abord deux prismes triangulaires égaux ayant des quarrés pour faces latérales. En appliquant en effet ces deux prismes l’un contre l’autre par deux faces latérales de telle sorte que les arêtes latérales de chacun soient perpendiculaires aux arêtes latérales de l’autre, on obtiendra ainsi le polyèdre dont il s’agit, et dont toutes les faces pourront être régulière.

  1. Il y a, au surplus, cette distinction à établir entre les angles polyèdres réguliers et les polygones réguliers que ces derniers sont donnés d’espèce, dès qu’on donne le nombre de leurs côtés ; tandis qu’avec un nombre de faces donné on peut faire des angles polyèdres réguliers d’une infinité d’espèces différentes.