Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 09/Gnomonique, article 1

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GNOMONIQUE.

Sur la méthode universelle, pour tracer toutes sortes
de cadrans solaires à toutes latitudes ;

Par M. Francœur, professeur à la faculté des sciences
de Paris.
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Au Rédacteur des Annales ;
Monsieur,

Le but du petit mémoire de Gnomonique que j’ai eu l’honneur de vous adresser il y a quelque temps, et que vous avez eu la bonté d’insérer à la page 233 de votre VIII.e volume, était de donner des moyens faciles de tracer, à toutes latitudes, des cadrans horizontaux. Les échelles dont j’ai indiqué la construction résolvent la question avec une telle facilité, que le dessinateur le moins instruit peut former aisément un de ces cadrans. J’ai terminé par exposer un moyen de calcul, pour réduire au tracé d’un cadran horizontal toutes sortes de cadrans plans. Les éclaircissemens qui m’ont été demandés, sur ce dernier problème, m’ont convaincu qu’en cherchant à être bref, je ne m’étais pas fait suffisamment comprendre : c’est ce qui me détermine à revenir ici de nouveau sur le même sujet, dans la vue de lui donner un peu plus de développement.

Tout cadran est censé construit au centre du globe : l’axe de la terre est le style dont l’ombre se porte d’heure en heure sur diverses lignes tracées d’avance, et qui sont les intersections du plan du cadran avec une suite de plans conduits par l’axe de la terre. C’est lorsque le soleil atteint celui de ces plans qui est le méridien d’un lieu qu’on y compte midi, et que l’ombre du style se projette sur la méridienne du cadran ; si le soleil est à de ce plans il est ou dans le même lieu, suivant que l’astre est à droite ou à gauche du méridien. (Voyez la 2.me édition de l’Uranographie).

Ces faits établis, passons à la résolution du problème, en commençant par le cas où le plan proposé décline, sans inclinaison.

Soient (fig. 5) le zénith d’un lieu, le pôle, le centre du monde, l’axe, le méridien céleste, l’horizon, un plan vertical donné, sur lequel on se propose de tracer un cadran solaire, , perpendiculaire sur déterminera évidemment en le zénith du lieu où le plan horizontal est parallèle à celui du cadran. L’azimuth du plan est l’angle qu’il fait avec le méridien ; et, à cause de l’angle droit , l’angle est complément de l’azimuth, c’est-à-dire la déclinaison du plan proposé. C’est, en d’autres termes, l’angle que fait notre cadran avec le premier vertical, passant par les points est et ouest.

Désignons par et les latitudes des lieux et  ; joignons au pôle, par un arc de grand cercle, et nous aurons un triangle sphérique , qui a pour élémens différence des longitudes.

Il s’agit de trouver et . Les équations connues de la trigonométrie sphérique donnent (Voyez l’Uranographie, équations 17 et 20, pag. 383 et 387).

ce qui revient à

Ces deux équations très-simples serviront à trouver sur le globe la situation du lieu par sa longitude et sa latitude Il ne s’agira donc que de décrire un cadran horizontal, pour ce lieu à l’aide de nos échelles. Mais il y aura ici deux précautions à prendre.

1.o Le style devra être dirigé parallèlement à l’axe et l’ombre de devra indiquer les heures. La méridienne sera donc la projection de sur le plan du cadran ; projection qu’on nomme soustylaire ; 2.o une fois les lignes horaires du cadran horizontal tracées, il faudra en changer les dénominations, attendu que les lieux et comptent une heure de plus ou de moins l’un que l’autre pour chaque de différence en longitude ; ainsi, par exemple, la ligne de heures deviendra celle de ou de s’il y a précisément de différence, à l’est ou à l’ouest.

On ne peut donc appliquer nos échelles à ce tracé, sans avoir d’abord placé le style parallèlement à l’axe du monde. Il y a, pour y parvenir, divers moyens, que nous avons exposés dans l’ouvrage déjà cité : on peut, au reste, y parvenir par le calcul que voici. Le plan est le méridien du point puisqu’il passe par ce point et par le pôle ; si donc est l’intersection des arcs et ce point sera l’un des points de la soustylaire-méridienne, et il ne s’agira conséquemment que d’en fixer la position. Or, le triangle sphérique rectangle en a pour élémens

l’angle formé par la soustylaire et la méridienne sera donc donné par la formule

Ainsi, après avoir tracé la verticale (fig. 6) sur le plan déclinant proposé, pour représenter la ligne de midi : en un point quelconque de cette droite, pris pour centre, on fera l’angle égal à la valeur trouvée de sera le soustylaire, au-dessus de laquelle, dans un plan perpendiculaire à celui du cadran, devra être élevé le style formant sur l’angle Sur comme méridienne, et sa perpendiculaire comme ligne de VI heures, on tracera, à l’aide des échelles, un cadran horizontal, pour la latitude ce sera le cadran demandé, du moins après y avoir changé les dénominations des lignes horaires ainsi qu’il a été dit ci-dessus.

Supposons, par exemple, que la latitude du lieu étant la déclinaison du plan soit on fera le calcul que voici ;

Donc (sensiblement ) ; on fera donc l’angle à droite ou à gauche de suivant que le plan déclinera à l’ouest ou à l’est. sera la soustylaire, ou la méridienne d’un cadran horizontal, pour le lieu dont les longitude et latitude sont données ainsi qu’il suit.

On fixera le style dans un plan perpendiculaire au cadran, et élevé

au-dessus de l’angle formé par ce style, devra être de Sur l’angle droit en prenant pour méridienne, on décrira un cadran horizontal pour cette latitude de et le cadran demandé sera tracé. Mais, aptes avoir marqué les lignes horaires, il faudra reculer toutes leurs dénominations de l’intervalle réduit, en temps, savoir La ligne qui était méridienne, deviendra ainsi la ligne horaire de avant ou après

midi, et ainsi des autres.

Au surplus, comme cette manière de procéder aurait l’inconvénient de donner souvent des heures que l’on n’a pas coutume d’indiquer sur les cadrans, il sera plus convenable de tracer sur le cadran considéré comme horizontal des lignes horaires telles qu’en changeant les dénominations, ainsi qu’il vient d’être dit, elles se trouvent être celles des heures et de leurs divisions d’usage.

Venons présentement aux cadrans inclinés.

Faisons tourner le plan vertical (fig. 5) autour de sa section avec l’horizon, pour lui donner une position oblique ; l’azimuth ne changera pas ; et, la droite supposée mobile, demeurant constamment perpendiculaire à notre plan, le point décrira le cercle vertical Supposons que le mouvement angulaire du plan soit tel que, quand il sera fixé dans sa nouvelle situation, le point se trouve situé en (fig. 8) ; ce point sera ainsi le zénith du lieu pour lequel notre cadran incliné serait horizontal. Dans cet état de choses, l’angle sera toujours la déclinaison en outre, seront perpendiculaires l’un à l’horizon et l’autre au cadran incliné ; de sorte que l’angle de ces deux droites sera celui des deux plans, ou l’inclinaison du cadran ; ainsi, Le triangle sphérique aura, d’après cela, pour élémens en conséquence, les équations qui nous ont déjà servi, dans le premier cas, deviendront, pour celui-ci,

ce sont précisément les équations de la page 243 du tome VIII.e, desquelles il faudrait tirer les valeurs de et pour en faire le même usage que précédemment ; mais il est préférable de résoudre notre triangle sphérique, à l’aide des procédés qui rendent les formules finales propres au calcul par logarithmes (Voyez Uranographie pag. 386) ; il vient ainsi

L’angle auxiliaire est donné par la première équation ; on trouve par la seconde, et par la troisième. L’usage de ces grandeurs est le même que ci-dessus ; mais il est nécessaire, avant tout, de donner au style la situation convenable.

Soient le zénith (fig. 7), le pôle, le méridien, le plan incliné du cadran ; soient les arcs perpendiculaires à ce plan. Il est visible que l’angle en est l’azimuth que en est l’inclinaison le point est supposé sur la ligne de plus grande pente, sur la méridienne, sur la projection de l’axe, c’est-à-dire, sur la soustylaire ; l’arc est l’angle du style avec le cadran. Il s’agit donc, en premier lieu, de résoudre le triangle sphérique rectangle où l’on connaît et on calcule le côté qui est l’angle formé par la méridienne et la ligne de plus grande pente ; ou calcule aussi l’angle et l’on a, de cette manière,

Ensuite, dans le triangle rectangle on calcule connaissant l’angle et le côté ce qui donne

Ces trois valeurs remplissent le but proposé.

En effet, après avoir tracé sur le plan incliné (fig. 9) une horizontale et sa perpendiculaire ligne de plus grande pente ; on mesurera les angles et savoir, l’angle que forme avec sa projection sur le plan horizontal, et l’angle que forme avec une méridienne horizontale ce qui donnera Ces valeurs introduites dans nos équations (Consultez les fig. 7, 8) font connaître,

1.o  et

2.o L’angle que fait avec la méridienne (XII) ; ce qui détermine la position de cette dernière ligne ;

3.o L’angle qui sert ensuite à trouver angle que fait la méridienne avec la soustylaire, et qu’on formera en (XII), à droite ou à gauche de (XII), suivant le côté où le cadran décline.

Cela fait, sur comme méridienne, et sa perpendiculaire comme ligne de VI heures, d’un cadran horizontal, pour la latitude on décrira ce cadran, à l’aide des échelles. Le proposé sera ainsi tracé, sauf à changer les dénominations des lignes horaires, à raison de par heure de la différence des longitudes réduites en temps, ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus.

Je pense, Monsieur, et vous penserez sans doute comme moi, que ces développemens ne sont pas sans utilité, et qu’ils complètent ce qu’on peut dire sur cette matière.

Agréez, etc.

Paris, le 16 de juillet 1818,