ANALISE TRANSCENDANTE.
Intégration par approximation de toute équation
différentielle quelconque ;
Par
M. le professeur
Kramp, correspondant de l’académie
royale des sciences, doyen de la faculté des sciences de
Strasbourg, Chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’honneur.
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I. Le mémoire actuel sera destiné à intégrer, par approximation, l’équation différentielle qui suit :
dans laquelle la lettre désigne un coefficient quelconque constant, et la lettre une fonction quelconque de L’approximation sera semblable à celle que nous avons employée pour intégrer la différentielle dans divers mémoires déjà publiés dans ce recueil. Ainsi elle doit, dans les cas ordinaires, savoir, dans ceux qui sont sans asymptotes, sans points d’inflexion ni de rebroussement, faire connaître, dès le premier essai, l’intégrale demandée, jusqu’à cinq, et dès le second jusqu’à dix ou douze décimales. Il sera facile ensuite d’appliquer la méthode à des cas plus compliqués. Ainsi ; l’équation plus générale
dans laquelle sont des constantes, rentrera dans celle de l’équation qui va nous occuper, et s’exécutera par des moyens analogues.
2. Il est bon de remarquer que l’équation
se réduit presque d’elle-même à
en posant simplement, Si, au contraire, la proposée est
en posant également elle deviendra
étant, dans l’une et l’autre, une fonction connue de Nous nous occuperons donc uniquement, dans tout ce qui va suivre, des deux équations
ce qui introduira dans nos calculs des simplifications notables.
3. La valeur rigoureuse de est
en désignant par une constante arbitraire, et par une certaine fonction de que le calcul nous fera connaître, et dont la détermination est précisément l’objet principal qui doit nous occuper. L’autre
partie appartient généralement à toutes les équations différentielles de cette classe ; de sorte qu’après avoir trouvé l’intégrale
particulière il ne s’agira, pour la rendre complète, que de
lui ajouter le terme . La méthode que nous allons enseigner
suppose qu’avant tout on soit instruit des limites entre lesquelles
l’intégrale doit être prise. En supposant qu’il faille la prendre entre
et il faudra partager l’intervalle entier en un
certain nombre de parties égales. Le nombre en est arbitraire ; mais,
plus il sera grand, et plus on approchera de l’intégrale demandée.
Il faut cependant bien se garder de croire qu’en prenant les nombres arbitraires en progression arithmétique, et en supposant, par
exemple, successivement égal
la suite des erreurs qui en résultent soit constamment décroissante :
la courbe qui aurait ces erreurs pour ordonnées irait en serpentant
des deux côtés de l’axe, mais en se rapprochant toujours de cet
axe, avec lequel elle coïnciderait à l’infini ; ce qui est conforme
à la nature de la chose, et ce que j’ai bien directement prouvé
d’ailleurs, par la table des erreurs de (Annales, tom. VI, pag. 379, 887). Il faut savoir de plus qu’en excluant complètement les
asymptotes, les points d’inflexion et les points de rebroussement,
les résultats commencent à devenir incertains, lorsque les limites
sont trop voisines des points où ces circonstances se rencontrent ;
c’est ainsi, par exemple, qu’en appliquant les formules à la logistique ; et en employant les coordonnées ordinaires, on trouve
des erreurs assez considérables, mais qui disparaissent pourtant en
prenant d’autres coordonnées, plus éloignées de la direction de
l’asymptote. Les courbes qui s’intègrent le mieux par cette méthode, sont les courbes rentrantes sur elles-mêmes ; ce sont les
plus employées dans la pratique, et ce sont en même temps celles
auxquelles la nouvelle méthode est le plus applicable. Il est possible, au reste, que le mémoire actuel paraisse inutile à bien des
personnes ; attendu que, puisque nous avons ici
il s’ensuit que l’intégration à effectuer n’est autre que celle de la formule générale dans laquelle a pris la forme particulière et qu’ainsi tout se réduit, pour avoir à diviser par cette même intégrale que nous avons déjà enseignée à déterminer dans nos précédens mémoires. Mais d’abord le produit diffère considérablement de la simple fonction et doit, par suite, introduire une différence notable dans l’intégrale. En outre, l’intégration de est un passage nécessaire pour parvenir à l’intégration de l’équation
ainsi qu’à celles d’autres équations d’une forme plus compliquée.
4. Commençons par supposer le nombre arbitraire égal à cinq unités : ce qui donne
d’où
et par conséquent
En supposant successivement ici à la variable les valeurs entières et positives
et en désignant par
celles qui en résultent pour nous aurons
En ôtant chacune de ces équations de celle qui la suit immédiatement et dénotant par les différences qui en résultent, on aura
Dénotant de même par les différence. consécutives de celles-ci, divisées par deux, il viendra
Dénotant en outre par
les différences consécutives de celles-ci, divisées par trois, nous aurons
Dénotant encore par les différences consécutives de ces dernières, divisées par quatre, il viendra
Dénotant enfin par la différence de ces deux-ci, divisées par cinq, on aura
5. En prenant seulement la première équation de chaque série,
et supprimant les indices, désormais inutiles, nous aurons, pour
le diviseur cinq,
Si, au lieu du nombre cinq, nous eussions pris tout autre nombre, le nombre douze, par exemple, nous aurions trouvé, par un semblable calcul,
Cette table n’est pas seulement applicable au nombre douze ; elle
l’est également à tous les diviseurs inférieurs, en s’arrètant dans
chacune des formules à la lettre qui marque la limite de la division ;
à la lettre par exemple, si le diviseur est six ; à la lettre
si ce diviseur est huit ; et ainsi des autres.
6. Il reste donc à déterminer, à l’aide de ces équations, les
valeurs de pour les substituer dans
celle de afin de présenter cette intégrale sous la forme d’une
série disposée suivant les différences des différens ordres de la quantité
Comme le calcul est très-facile, il suffira d’en offrir ici les
résultats. Ces résultats sont
7. La loi que suivent les coefficiens de
de la table précédente est extrêmement remarquable ; et ils ont
avec ceux des facultés numériques, dont j’ai traité dans mon
Analise des réfractions (pag. 71) une analogie \operatorname{sin}gulière, dont
je n’ai pu encore me rendre compte. Voici en quoi cette analogie
consiste. Supposons, par exemple, que l’on demande les coefficiens
de
dans les valeurs de
On rassemblera les coefficiens de la faculté à exposant six, que l’on
trouvera être
on les multipliera
respectivement par lesfacultés
ou
ce qui donnera les produits
prenant successivement le premier seul, puis la somme deux premiers, puis celle des trois premiers, et ainsi de suite, jusqu’au dernier, on formera la nouvelle suite
dont les termes, divisés respectivement par les mêmes facultés
donneront les quotiens
qui sont précisément les coefficiens de
Supposons encore que l’on demande les coeffiens de ? Il
faudra d’abord écrire ceux de la faculté à exposant ; ce sont
on les multipliera respectivement par les facultés
ce qui donnera les produits
prenant ensuite le premier, puis la somme des deux premiers puis celle des trois premiers, et ainsi de suite, il viendra
divisant enfin ces sommes par les mêmes facultés qui avaient d’abord été employées comme multiplicateurs, on obtiendra, pour la série des coefficiens de dans nos formules,
8. Un second théorème, qui n’est pas moins digne de remarque,
quoiqu’il n’ait point encore pour lui une démonstration rigoureuse,
mais qui est fondé sur une induction plus que suffisante, et duquel
d’ailleurs je me propose de m’occuper encore, c’est que toutes ces
séries de coefficiens qui multiplient les différences d’un même ordre
dans nos formules (6) jouissent sensiblement de la propriété de se
reproduire eux-mêmes en les divisant respectivement par les nombres
naturels et se rapprochent en cela des termes
de la série hypergéométrique ordinaire
qui multiplient respectivement les termes
dans le développement de et qui jouissent rigoureusement de
cette propriété.
Prenons, par exemple, du plus grand au plus petit, les coefficiens de et divisons-les respectivement par
nous aurons
qui sont à peu près ces mêmes coefficiens, le premier excepté.
En opérant de la même manière sur les coefficiens de nous trouverons
qui sont à peu près ces mêmes coefficiens.
Enfin, en opérant encore ainsi sur les coefficiens de nous aurons
où la même loi se manifeste également. La démonstration rigoureuse de ce théorème serait sans doute difficile ; mais en attendant, nous l’adopterons, avec d’autant plus de fondement qu’il nous conduira à des résultats exacts et décisifs.
9. L’intégration complète de l’équation
équation
dans laquelle la lettre désigne une fonction quelconque de
suppose deux choses : d’abord la nouvelle fonction de dont la
différentiation nous ramènera à l’équation proposée, et ensuite la
constante, multipliée par une certaine autre fonction de Nous
avons vu que ce dernier produit restait le même quelle que pût
être la fonction en conséquence, pour le déterminer, il n’y a
qu’à voir ce qu’il deviendra dans la supposition la plus simple qu’on
puisse adopter pour qui est celle de L’équation sera alors
puis donc que nous avons suppose
d’où
Il faudra résoudre l’équation
Cela conduira aux équations déjà trouvées (6) avec cette seule différence qu’ici
seront zéro.
Il en faudra seulement rejeter la première équation qui
devenant, dans le cas actuel, donnerait zéro pour valeur
de tous les autres coefficiens, tandis qu’il faut nécessairement laisser
du jeu à la constante qu’on se propose d’ajouter. Cette légère attention
nous met dans la position d’avoir cette constante, qu’il eût été
bien difficile de trouver d’une autre manière quelconque.
11. Avec cette attention, les équations trouvées (6) nous donneront
Il ne restera plus qu’à diviser la dernière de ces équations par chacune de celles qui la précèdent, pour avoir tous ces coefficiens l’un après l’autre. Le premier terme sera arbitraire ; il formera la constante du problème ; et l’on aura pour les autres
En conséquence du théorème énoncé ci-dessus (8), on voit fort bien ce que ces rapports compliqués deviendraient dans l’infini ; on aurait alors
ce qui donnerait
conformément aux vrais principes du calcul intégral. On voit en même temps l’identité absolue entre le coefficient constant et le premier terme de la série, qui répond à
12. Reste donc à trouver l’autre fonction de dont la différentiation nous conduit proprement à l’équation proposée
Comme on a supposé
on a, en mettant à la place de les valeurs trouvées (6),
Mettant ici, à la place de les valeurs successives on aura
Pour
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13. En mettant ici, à la place des différences successives de
leurs valeurs en savoir ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
on trouvera
Pour
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dans le cas parliculier où les quantités
seraient égales entre elles, on aurait, dans toutes ces équations, ce qui pourra servir au besoin à vérifier l’exactitude de nos formules.
14. Exemple I. Soit l’équation
On aura, dans ce cas, ainsi
sont ici tous égaux à en conséquense, toutes les formules donnent pour intégrale complète
15. Exemple II. Soit l’équation
On aura donc et toutes les formules s’accordent également à donner
ce qui est rigoureusement conforme aux principes du calcul ; on tire, en effet,
il en sera de même des suivans, de sorte qu’on aura généralement et rigoureusement
16. Exemple III. Soit l’équation
On aura donc
cela donne
on aura donc généralement
valeur qui en effet est rigoureuse,
17. Exemple IV. Soit l’équation
On aura ici d’où
donc à commencer par la valeur
Ces nombres étant tous compris sous la formule on aura généralement
intégrale qui, en effet, est rigoureusement exacte.
18. Exemple V. Soit l’équation
Ayant ici on aura
donc, en commençant par la valeur
. . . . . . . . . . . . . . .
valeurs comprises dans la formule en sorte qu’on aura
ce qui est rigoureusement exact.
19. Soit plus généralement l’équation
on aura
d’où
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
donc, en partant de la valeur
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
résultats qui sont tous compris dans la formule générale
de sorte qu’on doit avoir
20. Les résultats obtenus dans ce mémoire ont tous été exacts
et rigoureux ; et ils ont dû l’être à raison de ce que les exposans
de toutes les puissances dont se composait la quantité étaient entiers
et positifs. Dans le mémoire qui suivra celui-ci, nous prendrons
pour des fonctions quelconques de nous leur appliquerons
la même méthode ; nous serons conduits à des résultats absolument neufs,
et nous aurons lieu d’être satisfaits de leur exactitude ;
conséquence nécessaire de l’approximation que nous avons employée.
La seule difficulté qui reste sera la détermination de la constante.
Dans le cas que nous venons d’exposer, savoir cette
constante était encore ne sommes-nous parvenus à ceci que
par une induction très permise : mais qui eut été difficile dans d’autres
cas quelconques.