Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 11/Optique, article 1

La bibliothèque libre.

OPTIQUE.

Recherches de dioptrique, renfermant la solution
du dernier des deux problèmes proposés à la page 
288
du X.e volume de ce recueil ;

Par M. Gergonne.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Le but que nous nous proposons ici est d’examiner comment s’opère la vision et sous quelle apparence se présentent les objets lumineux ou éclairés, lorsque ces objets se trouvent plongés dans un milieu homogène d’une densité constante, et que l’œil qui les contemple se trouve dans un autre milieu homogène, également d’une densité constante, contigu à celui-là et séparé de lui par un plan indéfini. C’est exactement le cas où nous sommes lorsque nous regardons les poissons dans l’eau, et c’est aussi celui où ils se trouvent, ainsi que les plongeurs, lorsqu’ils nous regardent. Nous aurons occasion, chemin faisant, de traiter, comme cas très-particulier, le dernier des deux problèmes proposés à la page 288 du X.e volume de ce recueil.

Bien que la question que nous abordons ici soit une des plus simples de toutes celles que la dioptrique peut avoir en vue, elle ne laisse pas que d’être assez compliquée. Elle a déjà été sommairement traitée par M. Lenthéric, professeur au collége royal de Montpellier, dans une thèse qu’il a soutenue pour le doctorat, à la faculté des sciences, en mai 1820 ; et nous n’avons d’autre but ici que de développer davantage et de simplifier en même temps, s’il est possible, les résultats obtenus par cet estimable professeur.

Pour fixer les idées et éviter en même temps les circonlocutions, nous supposerons constamment que les deux milieux dont il s’agit sont l’air et l’eau ; que, par conséquent, le plan indéfini qui les sépare est un plan horizontal ; et que le milieu inférieur est celui des deux qui réfracte le plus énergiquement la lumière ; mais on sent fort bien que nos formules et nos méthodes n’en seront pas moins facilement applicables à toute autre hypothèse qu’on voudra faire sur la nature des deux milieux. Nous aurons d’ailleurs à examiner successivement le cas où l’objet est dans l’eau et l’œil dans l’air et celui où c’est, au contraire, l’œil qui est dans l’eau, tandis que l’objet est dans l’air, nous verrons que ces deux cas, bien que peu différens en apparence, sont cependant bien loin d’offrir des résultats analogues.

Soit donc un point lumineux plongé dans l’eau ; ce point dardera dans tous les sens des rayons de lumière dont la direction sera rectiligne et constante tant qu’ils demeureront dans ce fluide ; mais une fois que ceux qui seront dirigés de manière à pouvoir en sertir auront atteint la surface de l’eau, ils continueront leur marche dans l’air suivant une direction encore rectiligne, mais différente de la première et plus éloignée qu’elle de la direction verticale[1].

Si un œil se trouve situé d’une manière quelconque dans l’air, plusieurs des rayons qui y auront pénétré viendront le frapper. Par l’effet de l’habitude cet œil croira le point lumineux placé dans la direction suivant laquelle il en aura reçu la sensation, et précisément à l’endroit d’où les rayons du faisceau entré dans la prunelle divergeraient, s’ils n’avaient point été rompus à la surface de l’eau.

Si, par le point lumineux, on conçoit un plan vertical quelconque, ce plan contiendra un certain nombre de rayons émanés du point dont il s’agit ; or, les circonstances étant absolument les mêmes de part et d’autre de ce plan, les rayons à leur entrée dans l’air, tout en prenant une nouvelle direction, ne s’écarteront ni à droite ni à gauche de ce même plan, et ne pourront conséquemment parvenir à l’œil qu’autant qu’il y sera lui-même situé ; c’est donc aussi dans ce plan que l’image sera aperçue.

On voit donc que si, par l’œil et par le point lumineux, on conçoit un plan vertical, c’est dans ce plan uniquement que se passera tout le phénomène de la vision ; d’où il résulte encore que si, au lieu d’un point unique, on a un objet visible d’une certaine étendue ; pourvu que les diverses parties de cet objet se trouvent comprises dans un même plan vertical avec l’œil, son image se trouvera aussi toute entière comprise dans le même plan. Dans ce cas particulier, le problème, au lieu d’appartenir à la géométrie à trois dimensions, n’est donc qu’un simple problème de géométrie plane. En conséquence, c’est par lui que nous croyons devoir commencer, d’autant que le problème général peut ensuite s’en déduire avec facilité.

1. Supposons donc (fig. 1) que le plan de la figure soit le plan vertical conduit par l’œil et par le point lumineux. Soit l’intersectien de ce plan avec la surface supérieure du liquide ; soit le point lumineux et soit une verticale conduite par ce point. Considérons deux rayons infiniment voisins atteignant la surface de l’eau en en entrant dans l’air, ils prendront les directions nouvelles Soit le point de concours de ces nouvelles directions ; il est clair qu’un œil placé vers sera dans le même cas que si, l’eau n’existant pas, le point lumineux, au lieu d’être en se trouvait en c’est-à-dire, en d’autres termes, que le point sera le lieu apparent ou l’image du point

2. Or, il est visible que le point est un de ceux de la courbe à laquelle tous les rayons réfractés sont tangens, c’est-à-dire, de la courbe enveloppe de tous ces rayons ; et que de plus le rayon réfracté est tangent à cette courbe en si donc (fig. 2) est la courbe enveloppe de tous les rayons réfractés relatifs au point en quelque point que l’œil se trouve dans l’air, en menant par ce point une tangente à cette courbe, son point de contact sera le lieu de l’image, c’est-à-dire, le lieu apparent du point pour un œil situé en La courbe est ce qu’on appelle la Caustique relative au point

3. L’objet principal de la recherche qui nous occupe doit donc être la détermination de la nature de cette courbe. Pour parvenir à ce but (fig. 3), soient prises respectivement l’horizontale et la verticale pour axes des et des désignons par l’enfoncement du point au-dessous du niveau de l’eau ; et considérons un rayon quelconque émané du point ayant pour direction dans l’eau et pour direction hors de l’eau. Désignons par la distance variable de l’origine au point d’incidence et, par ce point menons la verticale indéfinie l’angle sera ce qu’on appelle l’angle d’incidence et l’angle sera ce qu’on appelle l’angle de réfraction.

4. Or, suivant les premiers principes de la dioptrique, pour les deux mêmes milieux, le rapport du sinus d’incidence au sinus de réfraction doit être constant, et tout-à-fait indépendant de la direction du rayon incident. Supposant donc que le sinus d’incidence dans l’eau soit constamment au sinus de réfraction dans l’air dans le rapport de à nous aurons

d’où

mais on a

donc

d’où

de sorte qu’en posant, pour abréger,

d’où

nous aurons

En conséquence, l’équation du rayon réfracté c’est-à-dire, l’équation générale de tous les rayons réfractés relatifs au point sera

équation dans laquelle est un paramètre tout-à-fait indéterminé.

5. Suivant donc les principes du calcul différentiel, l’équation de l’enveloppe de tous les rayons réfractés, c’est-à-dire, l’équation de la caustique, sera[2] le résultat de l’élimination de entre cette dernière équation et sa différentielle, prise uniquement par rapport à cette lettre. Cette différentielle est, toutes réductions faites,

Pour éliminer facilement entre elle et l’équation primitive du rayon réfracté, nous les résoudrons par rapport à et ainsi que nous l’avons déjà fait dans une circonstance analogue (tom. V, pag. 288). Cette dernière donne immédiatement la valeur de et, en la substituant dans l’autre, on obtient

d’où résulte

ajoutant donc ces deux équations membre à membre, nous aurons pour celle de la caustique cherchée

6. Or, il est connu (tom. V, pag. 288) que l’équation d’une ellipse étant

l’équation de sa développée est

donc notre caustique n’est autre que la développée d’une ellipse dont les demi-diamètres principaux sont donnés par les deux équations

d’où, en ayant égard à la relation trouvée ci-dessus (4), on tire

de sorte que l’équation de cette ellipse est

On a, en outre,

7. Ainsi, toutes les fois qu’un point lumineux est plongé dans l’eau, ceux d’entre les rayons qui en émanent qui sont compris dans un même plan vertical quelconque passant par ce point donnent naissance, après leur sortie du liquide, à une caustique qui n’est autre chose que la développée d’une ellipse qui a son centre à la surface du liquide, et son grand axe vertical. L’un des foyers de cette ellipse est le point lumineux lui-même ; et ses dimensions, proportionnelles à l’enfoncement de ce point, ne dépendent que du rapport du sinus d’incidence au sinus de réfraction ; de telle sorte que les ellipses qui répondent à divers points, et par suite leurs développées, sont des courbes semblables. On aurait des conséquences analogues pour deux autres milieux transparens, solides ou fluides ; il n’y aurait absolument de changé que le rapport des dimemions des ellipses[3] ; pourvu toutefois que le point lumineux fût toujours dans celui des deux milieux qui jouirait du pouvoir réfringent le plus énergique. On conçoit, au surplus, qu’il n’y a que celle des deux moitiés de la développée de l’ellipse qui appartient à ce milieu qui puisse être utile au problème ; de sorte que c’est seulement cette demi-développée qui doit être considérée comme la caustique.

8. De ce qui précède, et de la figure connue de la développée de l’ellipse, il est facile de déduire diverses conséquences, dont les plus remarquables sont les suivantes :

1.o Tant que l’œil du spectateur ne sort pas de la verticale qui passe par le point lumineux, l’image de ce point ne sort pas non plus de cette verticale, sur laquelle l’œil peut d’ailleurs se mouvoir sans que cette image paraisse aucunement changer de place. Elle paraît toujours d’ailleurs plus rapprochée de la surface de l’eau que l’objet lui-même, et d’une quantité constamment proportionnelle à l’enfoncement de cet objet[4].

2.o Si l’œil se meut sur la surface même de l’eau, a mesure qu’il s’éloignera de la verticale menée par le point lumineux, l’image de ce point s’éloignera aussi de cette même verticale et dans le même sens, en se rapprochant peu à peu de la surface de l’eau. Lorsque l’œil se trouvera distant de la verticale de la quantité l’image se confondra avec lui, c’est-à-dire que cette image sera aussi à la surface de l’eau et à la distance de la verticale qui passe par l’objet. Passé ce terme, l’œil aura beau s’écarter davantage, il verra toujours l’objet à la même place à la surface de l’eau[5].

3.o Dans toute situation intermédiaire de l’œil, l’image paraîtra toujours hors de la verticale du même côté que lui, et plus élevée, que l’objet. Si, en parlant d’une situation donnée, cet œil s’élève verticalement, il verra l’image s’enfoncer par degrés, en se rapprochant de la verticale ; ce sera le contraire si l’œil descend verticalement. Si en partant de la même situation, l’œil se meut horizontalement, en s’écartant de la verticale, l’image s’en écartera dans le même sens et se rapprochera peu à peu de la surface de l’eau. On reconnaîtra enfin que l’œil, mu obliquement, dans une direction rectiligne, parcourt une tangente à la caustique, lorsque, malgré son mouvement, l’image lui semblera immobile. Cette circonstance pourrait même offrir un moyen de déterminer la caustique d’une manière expérimentale, et d’en conclure ensuite le rapport du sinus d’incidence au sinus de réfraction.

9. De ce que les caustiques relatives à différens points sont semblables, et semblablement situées par rapport à la ligne de niveau, résulte un procédé graphique assez simple pour déterminer le lieu de l’image de tant de points visibles qu’on voudra. Soit toujours (fig. 4) le niveau supérieur de l’eau, et soit le lieu fixe de l’œil ; sur la verticale conduite par on prendra arbitrairement un point pour lequel on tracera avec soin la caustique que nous appellerons la caustique normale. On fera bien d’ailleurs de prendre le point le plus bas possible, afin d’avoir une caustique de plus grande dimension. Cette caustique, ainsi tracée, une fois pour toutes, rien ne sera plus aisé que d’assigner l’image d’un point donné quelconque, pour un œil placé en

Soit, en effet, le point dont il s’agit ; en menant son point d’intersection avec sera évidemment le centre de similitude des caustiques relatives aux points On mènera et qu’on fera couper en par une parallèle à On mènera par à la caustique normale, la tangente la touchant en On mènera enfin qu’on fera couper en par une parallèle à et alors, de même que est l’image de pour un œil placé en sera l’image de pour un œil placé en et conséquemment le point demandé.

10. En renversant cette construction, on pourra déterminer, pour une situation donnée de l’œil, en quel lieu doit se trouver un point lumineux, pour que son image soit vue en un point donné.

Soit toujours le lieu de l’œil, et soit l’image donnée d’un point dont il faut assigner la situation. On mènera et, parallèlement à cette droite, une tangente à la caustique normale. étant le point de contact de cette tangente, on mènera coupant en et coupant en On mènera enfin et ensuite coupée en par une parallèle à Il est clair qu’alors étant, pour l’œil placé en le lieu de l’objet dont l’image est en sera pareillement, pour un œil placé en le lieu de l’objet dont l’image est vue en c’est-à-dire, que sera le point cherché.

11. Sachant ainsi, pour une situation donnée de l’œil, assigner soit le lieu de l’image d’un point donné quelconque, soit le lieu d’un point dont l’image est donnée ; rien ne sera plus aisé que de tracer par points, soit l’image d’une ligne droite ou courbe plane quelconque située, avec l’œil, dans un plan vertical, soit la ligne dont une ligne donnée droite ou courbe plane située dans un même plan vertical est l’image.

S’il s’agit d’un dessin tant soit peu compliqué, ce qu’il y aura de mieux à faire, sera de tracer à l’avance, soit les images d’une suite de droites verticales et horizontales équidistantes, soit les courbes ayant pour images des droites verticales et horizontales équidistantes. On achèvera ensuite le dessin proposé ; de la même manière que l’on trace les anamorphoses.

12. Essayons présentement de traduire ces diverses constructions en analise ; c’est-à-dire, de déterminer les coordonnées de par celles de et réciproquement. Appelons les premières, les dernières ; tout se réduira évidemment à trouver deux équations de relation entre ces quatre variables et les constantes du problème.

13. Appelons la longueur arbitraire et la hauteur de l’œil au-dessus du niveau de l’eau. Tout étant d’ailleurs dans la figure 5 comme dans la figure 4, abaissons du point la perpendiculaire sar et du point la perpendiculaire sur la même droite ; en menant les triangles rectangles et seront semblables ; et il en sera de même des triangles rectangles et on aura donc

c’est-à-dire ;

en conséquence, les équations du point seront, en ayant égard aux signes

(1)

Désignons, en outre, par les coordonnées du point de contact de la tangente menée par le point à la caustique relative au point en abaissant des points les perpendiculaires sur nous aurons

c’est-à-dire,

d’où, en ayant égard aux signes ;

(2)

il ne s’agit donc plus que de chasser de ces dernières formules en exprimant qu’elles sont les coordonnées d’une tangente menée par le point à la caustique relative au point

14. D’abord, parce que le point est sur cette caustique, on aura

(3)

d’où, en différentiant,

en conséquence, l’équation de la tangente en sera

ou

puis donc que cette tangente doit passer par le point on aura

ou

(4)

Il faudrait donc se servir des équations (3, 4) pour chasser des équations (2) ; mais il revient au même, et il est incomparablement plus simple, de se servir de ces dernières qui donnent

pour chasser des deux autres. Cela donne, en supprimant les accens, désormais superflus,

(I)

(II)

Ainsi, en prenant l’axe des à la surface de l’eau et prenant pour axe des la verticale passant par l’œil, on pourra, à l’aide de ces équations, déterminer, soit au moyen des coordonnées d’un point les coordonnées de son image, soit au moyen des coordonnées de cette image, les coordonnées du point auquel elle appartient.

15. Il serait assez difficile de tirer de ces équations les valeurs des coordonnées de l’image d’un point en fonction des coordonnées de ce point ; mais le problème inverse, c’est-à-dire, celui de la détermination des coordonnées d’un point en fonction des coordonnées de son image est, au contraire, très-facile à résoudre. En éliminant, en effet, entre les deux équations ci-dessus, il vient

après quoi l’on tire de l’équation (II) et de celle-ci

16, Qu’on ait présentement une ligne droite ou courbe plane, située avec l’œil dans un même plan vertical, et donnée par l’équation

l’équation de son image s’obtiendra en mettant pour dans celle-ci leurs valeurs données par les équations (III, IV). Que si, au contraire, on donne l’équation

d’une ligne droite ou courbe plane, située dans un même plan vertical avec l’œil, et qu’on demande de quelle autre ligne elle est l’image ; il faudra, pour résoudre le problème, combiner l’équation de cette ligne soit avec les équations (I, II) soit avec les équations (III, IV) pour en éliminer l’équation résultante en sera celle de la ligne cherchée ; d’où l’on voit qu’en général ce second problème sera plus difficile à résoudre que le premier.

17. Pour seules applications de ce procédé, nous chercherons l’équation de l’image d’une droite verticale et celle de l’image d’une droite horizontale. Soit une droite verticale donnée par l’équation

l’équation de son image sera évidemment

ou bien

[6]

Soit qu’on y fasse ou on a également ce qui nous annonce que la droite et son image se confondent également et à la surface de l’eau et à une profondeur infinie dans le liquide ; de sorte que cette droite est elle-même asymptote de son image.

Cherchons sous quel angle l’image dévie de la droite verticale à la surface de l’eau, et quel en est le plus grand écartement. En différentiant l’équation de cette image, on en tire

À la surface de l’eau, devient la co-tangente de l’angle que fait la verticale avec son image ; puis donc qu’on a alors en désignant cet angle par on aura

mais, si l’on désigne par l’angle que fait avec la verticale le rayon visuel mené de l’œil au point où la droite et son image percent la surface de l’eau, on aura

donc

ainsi, la tangente de l’angle toujours moindre que le cube de la tangente de l’angle et pouvant croître indéfiniment comme celle-ci, est constamment proportionnelle à son cube.

Pour savoir présentement en quel point la tangente à l’image de notre verticale lui est parallèle, et connaître ainsi le maximum de son écartement, il suffit d’égaler à zéro le dénominateur de la valeur de ce qui donne

équation qu’il faudra combiner avec l’équation

de l’image, pour avoir les coordonnées du point cherché.

On tire immédiatement de ces équations, en transposant et divisant

d’où

ainsi, quels que soient les deux milieux et quelle que soit la distance de l’œil à la verticale dont il s’agit, c’est toujours à une profondeur moitié de la hauteur de l’œil au-dessus de la surface du liquide que le plus grand écartement a lieu.

En substituant cette valeur de dans la première des deux équations, elle devient

équation qui n’a évidemment qu’une seule racine réelle qu’on pourrait facilement obtenir par les formules connues.

18. Supposons, en second lieu, qu’il soit question d’une droite horizontale donnée par l’équation

l’équation de son image sera évidemment

ou bien

ou encore

d’où l’on voit que cette courbe est symétrique par rapport à la verticale qui passe par l’œil, ainsi que cela doit être. De plus, comme l’équation est satisfaite en posant simultanément et il s’ensuit que la courbe a pour asymptote l’horizontale qui détermine la surface supérieure du liquide ; et c’était encore là un résultat facile à déduire de nos constructions graphiques.

19. On pourrait aussi rechercher si le liquide dans lequel les objets sont supposés plongés amplifie ou réduit leurs dimensions apparentes et s’il donne naissance aux franges colorées ; mais la complication de nos formules nous avertit assez que nous ne pourrions aborder ces questions sans dépasser de beaucoup les bornes que nous devons nous prescrire ici. Nous nous contenterons donc d’observer, relativement à la première de ces deux questions, qu’il résulte de ce qui a été dit (8) que, si l’œil se trouve sur le prolongement d’une verticale plongée dans l’eau et divisée en parties égales, il la verra aussi divisée en parties égales, mais plus petites ; d’où l’on voit que, par l’effet du milieu, les dimensions verticales des objets placés directement au-dessous de l’œil paraissent plus petites ; et il est aisé de déduire de nos constructions que, dans les mêmes circonstances, il en doit être de même de leurs dimensions horizontales. Ainsi, l’effet du milieu sur des objets qui ne s’écartent pas trop de la verticale passant par l’œil doit être de les faire paraître à la fois plus petits et plus rapprochés.

20. Changeons présentement les rôles ; supposons que le point lumineux est dans l’air, tandis que l’œil est, au contraire, plongé dans l’eau. Soit toujours (fig. 6) le plan de la figure un plan vertical passant par l’objet et par l’œil, soit l’intersection de ce plan avec la surface de l’eau ; prenons cette droite pour axe des Soit l’objet ; et prenons pour axe des la verticale conduite par Soit un rayon incident quelconque et soit le même rayon réfracté. Par le point d’incidence soit menée la verticale indéfinie Soient et soit toujours le rapport du sinus d’incidence dans l’air au sinus de réfraction dans l’eau celui de à nous aurons

d’où

donc

et par suite

En posant, pour abréger,

d’où

nous aurons

En conséquence, l’équation du rayon réfracté ou, pour mieux dire, l’équation générale de tous les rayons réfractés relatifs au point sera

équation dans laquelle est un paramètre tout-à-fait indéterminé.

21. Il faudrait donc, pour en conclure l’équation de la caustique relative au point éliminer entre cette équation et sa différentielle, prise uniquement par rapport à mais cette équation ne différant de sa correspondante (4), relative à la première hypothèse, qu’en ce que et s’y trouvent respectivement changés en et nous obtiendrons immédiatement la caustique cherchée, en faisant un pareil changement dans l’équation (5) de la caustique qui répond au premier cas, laquelle deviendra ainsi

21. Or, il résulte de ce qui a été dit (6) que l’équation d’une hyperbole étant

l’équation de sa développée doit être

donc, notre caustique n’est autre que la développée d’une hyperbole dont les demi-diamètres principaux sont donnés par les deux équations

d’où, en ayant égard à la relation trouvée ci-dessus (20), on tire

de sorte que l’équation de cette hyperbole est

On a, en outre,

22. Ainsi, toutes les fois qu’un point lumineux est hors de l’eau, ceux d’entre les rayons qui en émanent qui sont compris dans un même plan vertical quelconque passant par ce point, donnent naissance, après avoir pénétré dans le liquide, à une caustique qui n’est autre chose que la développée d’une hyperbole qui a son centre à la surface du liquide et son axe transverse vertical. L’un des foyers de cette hyperbole est le point lumineux lui-même ; et ses dimensions, proportionnelles à l’élévation de ce point au-dessus du niveau de l’eau, ne dépendent que du rapport du sinus d’incidence au sinus de réfraction ; de telle sorte que les hyperboles qui répondent à divers points, et par suite leurs développées, sont des courbes semblables. On aurait des conséquences analogues pour deux autres milieux transparens, solides ou fluides ; il n’y aurait absolument de changé que le rapport des dimensions des hyperboles[7] ; pourvu toutefois que le point lumineux fût toujours dans celui des deux milieux qui jouirait du pouvoir réfringent le moins énergique. On conçoit, au surplus, qu’il n’y a que celle des deux moitiés de la développée de l’hyperbole qui appartient à ce milieu qui puisse être utile au problème ; de sorte que c’est seulement cette demi-développée qui doit être considérée comme la caustique.

23. La développée de l’hyperbole a, comme elle, des branches infinies ; mais, a-t-elle aussi comme elle des asymptotes ? Si l’on voulait s’en tenir au raisonnement employé par la presque totalité des auteurs de géométrie analitique pour la recherche de ces sortes de lignes dans l’hyperbole, on serait d’abord tenté de le croire ; On tire, en effet, de l’équation de cette développée

or, pourrait-on dire, à mesure que deviendra plus grand, le facteur radical du second membre tendra sans cesse à devenir l’unité ; donc aussi, à mesure que deviendra plus grand, cette équation tendra sans cesse à se réduire à

et le deviendra, en effet, lorsque deviendra indéfini ; d’où il paraîtrait naturel de conclure que la courbe a deux asymptotes passant par l’origine, et comme l’équation des asymptotes de l’hyperbole est

il s’ensuivrait que les asymptotes de la développée sont respectivement perpendiculaires à celles de la courbe.

24. La vérité est pourtant que la développée de l’hyperbole n’a point d’asymptotes. Pour nous en convaincre, cherchons l’équation de la tangente à cette courbe par l’un de ses points ; en différentiant son équation ; on obtient

d’où il suit que l’équation de la tangente à la courbe par un point pris sur son périmètre est

Si l’on veut connaître à quelle distance de l’origine cette tangente coupe l’axe des il suffira de faire dans son équation, ce qui donnera, pour la distance demandée

ou encore

Mais, d’après la situation du point on a

donc, en substituant,

ou, en développant et réduisant,

quantité qui devient infinie en même temps que On voit donc qu’à mesure que le point de contact s’éloigne du point de rebroussement de la courbe, la tangente coupe l’axe qui passe par ce point à des distances de plus en plus grandes du centre de la courbe ; d’où il suit que les tangentes à l’infini, loin de passer par ce centre, en passent, au contraire, à une distance infinie.

Tout ce qu’on peut donc conclure de notre premier raisonnement (23), c’est qu’à mesure que les branches de la développée s’étendent, elles tendent sans cesse à devenir perpendiculaires aux asymptotes, avec lesquelles elles forment constamment un angle obtus du côté du centre. C’est ainsi que les branches de la parabole forment constamment un angle obtus avec la directrice du côté du sommet[8].

25. De tout ce qui précède, il résulte diverses conséquences, dont les plus remarquables sont les suivantes :

1.o Tant que l’œil, plongé dans l’eau, ne sort pas de la verticale qui passe par le point lumineux, situé hors de l’eau, l’image de ce point ne sort pas non plus de cette verticale, sur laquelle l’œil peut d’ailleurs se mouvoir, sans que cette image paraisse aucunement se déplacer. Elle paraît d’ailleurs plus élevée au-dessus de la surface de l’eau que l’objet lui-même, et d’une quantité constamment proportionnelle à l’élévation de cet objet[9].

2.o Si l’œil se meut sur la surface même de l’eau, à mesure qu’il s’éloignera de la verticale menée par le point lumineux, l’image de ce point s’éloignera aussi de cette verticale, mais en sens inverse, et en s’éloignant de plus en plus de la surface de l’eau.

3.o Dans toute situation intermédiaire de l’œil, l’image paraîtra toujours hors de la verticale du côté opposé, et plus élevée que l’objet. Si, en partant d’une situation donnée, cet œil s’enfonce verticalement dans le liquide, il verra l’image descendre peu à peu, en se rapprochant de la verticale ; ce sera le contraire, si l’œil s’élève vers la surface de l’eau. Si, partant de la même situation, l’œil se meut horizontalement, en s’écartant de la verticale, l’image s’en écartera en sens inverse, en s’élevant de plus en plus. On reconnaîtra enfin que l’œil, mu obliquement, dans une direction rectiligne, parcourt une tangente à la caustique, lorsque, malgré son mouvement, l’image lui semblera immobile.

26. ici, comme dans le cas où l’œil est dans l’air et l’objet dans l’eau, on peut, avec une caustique normale, construite avec soin, et une fois pour toutes, déterminer, par un tracé graphique, et pour une situation donnée de l’œil, soit le lieu de l’image d’un point donné, soit le lieu d’un point dont l’image est donnée. Il suffira, pour savoir comment doivent s’exécuter ces constructions, d’appliquer à la figure 7 ce qui a été dit (9, 10).

27. On pourra donc aussi (11) construire graphiquement par points, soit l’image d’une ligne droite ou courbe plane donnée, située dans un même plan vertical avec l’œil, soit la ligne dont une ligne droite ou courbe plane donnée, située dans un même plan vertical avec l’œil, est l’image.

28. En appliquant à la figure 8 les raisonnemens et calculs que nous avons faits (12, 13, 14, 15), on trouvera qu’en prenant l’axe des sur la surface de l’eau, faisant passer verticalement l’axe des par l’œil et désignant par la hauteur de la surface du liquide au-dessus de lui, si désignent les coordonnées d’un point lumineux, et celles de son image, on aura

formules dont on fera les mêmes usages que de leurs correspondantes (15).

29. Si l’on demande, par exemple, l’image d’une droite verticale donnée par l’équation

l’équation de cette image sera

ou bien

Soit qu’on fasse, dans cette équation, ou on a également ce qui nous annonce que la droite et son image se confondent également soit à la surface de l’eau, soit à une hauteur infinie au-dessus du liquide ; de telle sorte que la droite est elle-même asymptote de son image.

Cherchons sous quel angle l’image dévie de la droite verticale à la surface de l’eau, et quel en est le plus grand écartement. En différentiant cette équation, on en tire

à la surface de l’eau, devient la co-tangente de l’angle que fait la droite avec son image ; mais, en ce point, on a donc, en désignant cet angle par on aura

en posant formule qui donnera les mêmes conséquences que son analogue (17).

Le point où le plus grand écartement aura lieu sera donné par le système des deux équations

d’où l’on tire, par division,

d’où

comme nous l’avons trouvé (17) pour le premier cas ; la valeur correspondante de sera donnée par l’équation du troisième degré

équation qui peut avoir ses trois racines réelles, mais dont deux doivent être étrangères à la question.

30. S’agit-il, au contraire, de l’image d’une droite horizontale, donnée par l’équation

l’équation de cette image sera

ou bien

ou encore

équation d’une courbe symétrique par rapport à la verticale qui passe par l’œil, ainsi que cela doit être.

31. En raisonnant comme nous l’avons fait (23), on trouverait facilement que cette courbe a deux asymptotes, exprimées par l’équation

mais, puisque nous nous sommes convaincus que cette manière de raisonner est fautive, substituons-lui, comme nous l’avons fait alors, un raisonnement plus rigoureux. Par la différentiation, on tire de l’équation de la courbe

d’où il suit que l’équation de la tangente, en un point est

Si, pour savoir a quelle distance de l’origine cette tangente coupe l’axe des on fait, dans son équation, il viendra, en transposant,

En mettant, dans cette formule, pour sa valeur

elle deviendra

Or, à mesure que deviendra plus grand tendra sans cesse vers la fraction et, comme d’un autre côté augmentera sans cesse, la fraction qui multiplie dans le second terme de la valeur de tendra sans cesse à devenir l’unité ; donc, cette valeur de tendra sans cesse à se réduire à

donc, elle deviendra telle, en effet, lorsque sera infinie. Ainsi, la courbe a réellement des asymptotes, données par l’équation

ou

d’où l’on voit que ces asymptotes passent par l’œil du spectateur et qu’elles sont les mêmes pour les images de toutes les droites parallèles à la surface de l’eau, puisque n’entre pas dans leur équation. De plus, l’angle que font avec l’horizontale les asymptotes des hyperboles dont les développées sont les caustiques des différens points visibles ayant pour tangente il en faut conclure que les asymptotes dont il s’agit ici sont perpendiculaires à celles-là[10].

32. On pourrait encore se faire ici des questions analogues à celles que nous avons indiquées (19) ; mais, pour les mêmes raisons que nous avons données, alors, nous ne nous y arrêterons pas, et nous nous bornerons seulement à observer que, tandis que, lorsque l’œil est dans l’air, l’effet de la présence de l’eau est de diminuer à la fois la grandeur et la distance des objets plongés dans ce fluide, il arrive précisément le contraire lorsque ces objets sont dans l’air, tandis que l’œil est dans l’eau.

33. Nous terminerons par traiter brièvement nos deux problèmes dans toute leur généralité, c’est-à-dire, en embrassant à la fois les trois dimensions de l’espace ; et d’abord occupons-nous de leur résolution graphique.

34. Soit conduite par l’œil une verticale, et par cette verticale soit conduit un plan vertical quelconque sur lequel soit tracée la caustique répondant à un quelconque des points de cette droite.

Cela posé, veut-on l’image d’un point quelconque de l’espace, ou le point dont un point donné quelconque de l’espace est l’image ; par l’œil et par le point donné on conduira un plan vertical qu’on imaginera tourner ensuite autour de son intersection avec le premier, jusqu’à ce qu’il se confonde avec lui, en entraînant d’ailleurs le point donné dans le mouvement. On appliquera alors les méthodes données (9, 10, 26) à la recherche du point inconnu qui, entraîné de nouveau avee le plan mobile, se trouvera à sa véritable place, lorsque ce plan aura lui-même repris sa situation primitive.

35. Au moyen de ce qui précède, on pourra donc tracer par points, soit l’image d’une ligne droite ou courbe plane ou à double courbure ou même d’une surface courbe donnée et située d’une manière quelconque dans l’espace, soit la ligne ou surface dont pne ligne droite ou courbe plane ou à double courbure ou même une surface courte donnée et située d’une manière quelconque dans l’espace est l’image ; on pourra donc, en particulier, résoudre graphiquement la dernière des deux questions proposées à la page 288 du X.e volume de ce recueil.

36. Dans le cas particulier où c’est une surface qui est donnée, si c’est une surface de révolution dont l’axe soit vertical et passe par l’œil, il est évident que la surface cherchée sera exactement dans le même cas. Il suffira donc de déduire la génératrice de l’une de celle de l’autre, ce qui ramènera la question à un problème de géométrie plane.

37. Occupons-nous présentement de la résolution algébrique des mêmes problèmes. Prenons la verticale qui passe par l’œil pour l’axe des par son pied, faisons passer sur la surface de l’eau deux droites fixes quelconques, perpendiculaires entre elles, que nous prendrons pour axes des et des soient un point quelconque et son image ; soient désignées par les coordonnées du premier et par celles du second ; ces deux points seront avec l’œil dans un même plan vertical. Prenons l’intersection de ce plan avec la surface du liquide pour axe des soient pour ce plan les coordonnées de et soient celles de soit enfin désignée par soit la hauteur de l’œil au-dessus de la surface du liquide ; soit son enfoncement au-dessous ; nous aurons (15, 28)


les signes supérieurs ou inférieurs devant être pris ; suivant que l’œil est au-dessus ou au-dessous de la surface du liquide. Mais on a évidemment

d’où

il viendra donc, en substituant,

38. Si donc une surface courbe est donnée par l’équation

en y mettant pour les valeurs que nous venons d’obtenir, l’équation résultante en sera celle de l’image de cette surface. À l’inverse, l’équation

étant donnée comme celle de l’image d’une surface inconnue, pour avoir l’équation de cette surface, il suffira d’éliminer entre cette équation et les valeurs de en

39. Puisque, donner ou chercher une ligne droite ou courbe, plane ou à double courbure, c’est donner ou chercher les deux surfaces dont elle est l’intersection ; il sera toujours facile d’obtenir, par ce qui précède, soit les deux équations de l’image d’une ligne dont les deux équations sont données, soit les deux équations d’une ligne dont l’image est donnée par ses deux équations.

40. Nous avons vu (17, 18, 29, 30) que l’image d’une droite, soit verticale, soit horizontale, située avec l’œil dans un même plan vertical, est généralement une ligne courbe ; or, une ligne courbe ne saurait être un cas particulier d’une ligne droite ; puis donc qu’une droite verticale ou horizontale n’est qu’un cas particulier d’une droite inclinée, on en peut conclure qu’à plus forte raison l’image d’une droite située d’une manière quelconque dans un même plan vertical avec l’œil, est généralement une ligne courbe.

Mais une droite située dans un même plan vertical avec l’œil n’est qu’un cas particulier d’une droite située d’une manière quelconque dans l’espace ; donc, pour la même raison que ci-dessus, l’image d’une ligne droite, de quelque manière qu’elle soit située, tant par rapport à l’œil que par rapport à la surface qui sépare les deux milieux, est généralement une ligne courbe[11].

Nous terminerons en observant qu’il y a une différence très-marquée entre la manière dont nous voyons les poissons et celle dont ils nous voient. Lorsqu’en effet nous regardons ce qui se passe dans une eau claire, et point très-profonde, nous pouvons apercevoir, autour de la verticale qui passe par notre œil, tous les objets qui ne sont pas trop loin de nous et leurs images ne sont que peu déformées ; en un mot, notre situation par rapport à ces objets diffère peu de ce qu’elle serait si le liquide n’existait pas. Pour les poissons, au contraire, les images des objets situés hors de l’eau se trouvent toutes renfermées dans l’intérieur d’un cône droit ayant son sommet à l’œil et son axe vertical, et dont l’angle générateur est d’environ Les poissons se trouvent donc dans le même cas que s’ils étaient placés au fond d’un fossé creusé en entonnoir. En outre, pour peu qu’un objet soit voisin de la surface du liquide éloigné de l’axe du cône, son image, d’ailleurs très-applatie, se trouve presque sur la surface du cône et à une immense distance de son sommet, de sorte qu’elle doit presque échapper à la vue et paraître extrêmement déformée. Les poissons ne peuvent donc voir d’une manière bien distincte que les objets peu élevés au-dessus de l’eau et peu distans de la verticale passant par leur œil[12].


Séparateur

  1. Je n’adopte ici l’hypothèse de l’émission que pour plus de simplicité. Je n’ignore pas que les belles recherches de M. Fresnel semblent présentement faire pencher la balance en faveur de l’hypothèse des ondulations. Je sais aussi que la lumière parvenue à la surface de l’eau ne pénètre pas toute dans l’air, et qu’une partie y rentre en se réfléchissant à cette surface ; mais c’est là une circonstance dont il est permis ici de faire abstraction.
  2. Voyez la page 361 du III.e volume de ce recueil.
  3. Dans le passage de l’eau dans l’air on a, à très-peu près, d’où ou sensiblement Cela donne c’est-à-dire que l’axe vertical de l’ellipse est à son axe horizontal environ dans le rapport de à

    S’il s’agit du passage du verre dans l’air, on aura, à très-peu près d’où ou sensiblement Cela donne Cela donne c’est-à-dire que l’axe vertical de l’ellipse est à son axe horizontal environ dans le rapport de à

    S’il s’agit enfin du passage du verre dans l’eau, on aura, à très-peu près, d’où ou sensiblement Cela donne c’est-à-dire que l’axe vertical de l’ellipse est à son axe horizontal environ dans le rapport de à

    En général, l’ellipse est d’autant plus allongée que les pouvoirs réfringens des deux milieux sont moins différens.

  4. Si l’œil est dans l’air, suivant que l’objet sera dans l’eau ou dans le verre, son image se trouvera rapprochée d’un quart ou d’un tiers du plan horizontal qui sépare les deux milieux. Si l’œil est dans l’eau et l’objet dans le verre, ce rapprochement sera seulement d’un neuvième.

    Lorsque M. Lenthéric soutint, à la faculté des sciences de Montpellier, la thèse dont il a été question ci-dessus, un des juges lui objecta que la réfraction étant nulle dans le sens normal, l’objet doit être vu à sa véritable place lorsque l’œil se trouve verticalement au-dessus. Cela pourrait être vrai, si l’ouverture de la prunelle était un point mathématique ; mais cette ouverture est la plus grande des deux bases d’un tronc de cône formé par ceux d’entre les rayons lumineux qui, étant sortis de l’eau, parviennent à l’œil. Ce tronc de cône a sa plus petite base à la surface de l’eau, et cette dernière est, à son tour, la base d’un cône entier, ayant son sommet au point lumineux, et comprenant les mêmes rayons dans l’eau. Or, c’est au sommet du cône, dont le tronc pose sur l’œil, que l’image doit être aperçue ; et, comme ce cône est plus obtus que celui qui a son sommet à l’objet, il s’ensuit que l’image doit être plus voisine de l’œil que ne l’est cet objet.

  5. L’œil étant dans l’air, suivant que l’objet sera dans l’eau ou dans le verre, la distance sera les trois quarts ou les deux tiers de l’enfoncement de l’objet. Si l’œil est dans l’eau et l’objet dans le verre, cette distance sera les huit neuvièmes de l’enfoncement de cet objet.
  6. Il est très-digne de remarque que cette courbe (tom. V, pag. 292) est en même temps celle sur laquelle se trouveraient les images d’un point lumineux situé hors de l’eau, sur le prolongement de la verticale dont il s’agit, si la surface du liquide devenait la surface antérieure d’une glace étamée, d’une épaisseur quelconque.
  7. Dans le passage de l’air dans l’eau, on trouve, à très-peu près, d’où c’est-à-dire que l’axe transverse de l’hyperbole est à son axe horizontal sensiblement dans le rapport de à

    S’il s’agit du passage de l’air dans le verre, on aura, à très-peu près, d’où c’est-à-dire que l’axe transverse de l’hyperbole est à son axe horizontal sensiblement dans le rapport de à

    Si enfin, il est question du passage de l’eau dans le verre, on aura, à très-peu près, d’où c’est-à-dire que l’axe transverse de l’hyperbole sera sensiblement double de son axe horizontal.

    En général, l’axe transverse sera d’autant plus grand par rapport à l’autre, que les pouvoirs réfringens seront moins différens.

  8. On voit, par cette discussion, que c’est avec beaucoup de raison que M. l’examinateur Reynaud rejette, comme vicieuse, la manière ordinaire de déterminer les asymptotes de l’hyperbole.
  9. Si l’œil est dans l’eau et l’objet dans l’air, cette élévation sera d’un tiers en sus. Si l’œil est dans le verre, suivant que l’objet sera dans l’air ou dans l’eau, ce surcroit d’élévation sera, d’une moitié on d’un huitième en sus.
  10. Il se présente ici une sorte de paradoxe qu’il est nécessaire d’expliquer. L’équation

    des asymptotes de la courbe image d’une droite horizontale n’étant autre chose que ce que devient l’équation

    de l’image elle-même, lorsqu’on y fait il paraît s’ensuivre que ces asymptotes sont l’image d’une droite située à la surface de l’eau. D’un autre côté, une telle droite, se trouvant dans le même milieu avec l’œil, ne semblerait avoir d’autre image qu’elle-même ; enfin, il serait absurde de dire que l’image de la ligne de niveau est un angle qui a son sommet à l’œil, puisqu’alors il s’ensuivrait que l’image de la partie de cette ligne, comprise dans l’angle, se trouverait abaissée, ce qui ne saurait être.

    Toutes ces difficultés s’évanouissent en recourant à l’équation non résolue de l’image d’une droite horizontale. Nous avons trouvé, pour cette équation,

    et, lorsque elle se réduit à

    elle se décompose donc alors en ces deux ci

    dont la première a lieu dans toute l’étendue de la valeur de tandis que la seconde n’a lieu que jusqu’au niveau de l’eau. La partie d’une droite située à la surface de l’eau interceptée entre les asymptotes sera donc vue à sa véritable place, tandis que ses prolongemens, de part et d’autre, seront vus à la fois à leur véritable place et sur ces mêmes asymptotes.

  11. C’est donc une erreur de supposer, comme paraissent le faire la plupart des physiciens, que, lorsqu’on plonge en partie et obliquement dans l’eau un bâton rectiligne, la partie plongée se présente à l’œil sous un aspect rectiligne, différant seulement en direction de la partie située hors de l’eau ; La Fontaine a donc été fondé à dire :
    Quand l’eau courbe un bâton, ma raison le redresse ;

    et il se serait exprimé d’une manière moins exacte, s’il eût dit : quand l’eau brise, etc.

  12. Un des juges de M. Lenthéric s’est cru fondé à infirmer ces conclusions par la considération que l’œil des poissons n’est pas conformé comme le nôtre ; mais puisque, dans ce que nous avons dit sur la manière dont nous voyons les poissons, nous n’avons supposé autre chose, sinon que notre œil était conformé pour voir dans l’air ; il s’ensuit que, pourvu que l’œil des poissons soit fait pour voir dans l’eau, ces conclusions doivent être admises.