Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 12/Analise algébrique, article 1

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ANALISE ALGÉBRIQUE.

Des équations fonctionnelles ;

Par M. Charles Babbage, de la société royale, secrétaire
de la société astronomique de Londres[1].
(Extrait)
Par M. Gergonne.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

Soit proposé de déterminer une courbe par la propriété que voici :

sont deux points fixes sur une droite indéfinie ; de l’un quelconque des points de la courbe on a abaissé une perpendiculaire sur cette droite. On a ensuite porté, sur la même droite, à partir du point savoir ; à droite, une longueur quatrième proportionnelle à et à gauche une longueur troisième proportionnelle à et On a élevé ensuite à la droite indéfinie en des perpendiculaires terminées à la courbe en et on demande que, quel que soit d’ailleurs le point de la courbe, on ait toujours le rectangle construit sur et moins le rectangle construit sur et égal au rectangle construit sur et

En prenant notre droite indéfinie pour axe des le point pour origine, les positives à droite de ce point, et représentant par la longueur constante nous aurons d’où nous conclurons

Si donc nous prenons généralement pour équation de la courbe cherchée

nous aurons

mais, par la condition du problème, on doit avoir

donc

Voilà une de ces équations que M. Babbage appelle équations fonctionnelles ; et on voit qu’il ne s’agit pas de la résoudre, dans le sens qu’on attache vulgairement à ce mot ; c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’en tirer la valeur de ce qui serait d’ailleurs impossible ; mais qu’il s’agit seulement d’en faire usage pour découvrir la forme de la fonction désignée par On conçoit en effet que cette forme une fois connue, il ne s’agira plus que de faire une semblable fonction de et de la substituer dans l’équation pour obtenir l’équation de la courbe cherchée.

On conçoit qu’au lieu d’une seule équation devant déterminer la forme de la fonction on pourrait demander de déterminer la forme de deux fonctions et ou même d’un plus grand nombre, à l’aide de deux ou d’un plus grand nombre d’équations qui les contiendraient. On conçoit aussi qu’au lieu d’affecter une seule variable ces fonctions pourraient en affecter un plus grand nombre. On conçoit enfin que les équations, au lieu d’être algébriques, pourraient être différentielles ou aux différences, ou même d’une forme transcendante quelconque. N’ayant d’autre dessein ici que de donner une idée très-sommaire de ces sortes de recherches, nous nous renfermerons strictement dans ce qu’elles offrent de plus élémentaire.

Reprenons notre équation

en y changeant en réduisant et chassant les dénominateurs, elle devient

faisant encore dans celle-ci le même changement de en elle deviendra, après les réductions analogues,

éliminant donc, entre ces trois équations, les deux fonctions

comme deux inconnues, l’équation résultante sera

d’où

puis donc que nous avons pris pour l’équation de la courbe cherchée cette équation sera

ainsi la courbe cherchée est une hyperbole qui passe par l’origine et dont les asymptotes, respectivement parallèles aux axes des coordonnées, coupent l’une l’axe des à une distance à droite de l’origine, et l’autre l’axe des à la même distance au-dessous de cette origine.

Le succès des transformations qui nous ont conduit à la solution du problème que nous nous étions proposé tient, comme on le voit, à ce que la fonction se change en lorsqu’on y change en et à ce que la dernière se réduit simplement à lorsqu’on y opère la même transformation ; c’est-à-dire, en d’autres termes que, si l’on pose,

on aura

et

ces sortes de fonctions sont de la nature de celles que M. Babbage appelle fonctions périodiques ; et, pour suivre à peu près la marche qu’il a lui-même tracée, nous nous occuperons d’abord des fonctions de cette nature ; nous en ferons ensuite l’application à la résolution des équations fonctionnelles ; et nous terminerons enfin en donnant une idée de la manière d’étendre la méthode aux cas pour lesquels elle semble être en défaut.

§. I.
Des fonctions périodiques.

Tout signe de fonction, quel qu’il soit, est en même temps signe d’opération algébrique, simple ou composée, et l’indication de ces opérations est aussi la définition de la fonction dont il s’agit. Lorsque, par exemple, on pose

on définit la fonction désignée par puisqu’on explique que, pour obtenir une telle fonction d’une quantité, quelle qu’elle soit, il faut multiplier cette quantité par la constante et ajouter le produit à la constante de sorte que, d’après cela, on aura, par exemple,

On peut appliquer à une même expression algébrique deux ou un plus grand nombre de signes de fonctions ; et si ces fonctions sont définies, on pourra toujours exécuter les opérations qu’elles indiqueront. Soient, par exemple, deux fonctions et définies, ainsi qu’il suit :

l’expression

signifiera qu’il faut d’abord diviser la constante par cette même constante diminuée de la fraction ce qui donnera un premier résultat ; et qu’il faudra ensuite diviser par ce résultat augmenté de cette même quantité on aura donc ainsi

et par suite

On trouverait, à l’inverse,

et par suite

Il n’en faut pas davantage pour montrer combien, en général, il importe ici d’avoir égard à l’ordre suivant lequel les signes et les opérations se succèdent, et combien il est nécessaire d’opérer toujours du signe le plus voisin de la quantité dont il s’agit à celui qui le précède immédiatement.

Cette attention cesse au surplus d’être nécessaire, dès qu’il s’agit d’un même signe de fonction plusieurs fois répété ; on peut même alors n’écrire le signe qu’une seule fois, en l’affectant d’un exposant égal au nombre de fois qu’il devrait être écrit consécutivement. Si, par exemple, on donne pour définition du signe

on aura

et ainsi de suite. Si l’on donne, pour définition du signe

on trouvera

Il ne faut pas aller plus loin pour apercevoir que la fonction est périodique, et qu’on doit avoir conséquemment et ainsi de suite, et en général Mais puisque les résultats du premier exemple sont qui, quelque loin qu’on les pousse, ne peuvent jamais conduire à il faut en conclure que la périodicité est un caractère particulier à certaines fonctions ; ou, ce qui revient au même, que les fonctions ne sont pas toutes périodiques.

Nous disons donc qu’une fonction est périodique lorsqu’elle est de telle forme que l’on a étant un nombre entier positif ; et si, de plus, aucune des fonctions d’ordres inférieurs à n’est égale à nous dirons que la fonction est périodique du me ordre.

Puis donc que, généralement parlant, les fonctions ne sont pas toutes périodiques, on peut se proposer de trouver, pour chaque ordre, les fonctions qui sont périodiques. Nous introduirons à la solution générale de ce problème par la considération de quelques cas particuliers.

I. Une fonction périodique du premier ordre serait celle qui satisferait à la condition cette fonction serait donc la quantité sous le signe fonctionnel elle-même.

II. Une fonction périodique du second ordre est celle qui satisfait à la condition de laquelle il s’agit de déduire la forme générale de la fonction M. Babbage y parvient par diverses sortes de considérations.

1.o Il remarque, en premier lieu, que l’équation donne désignant la fonction inverse de d’où il suit qu’en posant on aura ou c’est-à-dire que la valeur de en doit être absolument de même forme que la valeur de en ce qui ne peut avoir lieu qu’autant que et c’est-à-dire et seront liés par une équation symétrique par rapport à ces quantités ; et ce qui aura toujours lieu dans ce cas ; c’est-à-dire que devra être donnée en par une équation quelconque de la forme

M. Babbage emploie les barres au-dessus de et pour avertir que la fonction désignée par doit être symétrique par rapport à ces deux quantités. Ainsi, pour ne s’arrêter qu’aux cas les plus simples, on peut prendre

ou

il en résultera

ou

on aura en effet, dans le premier cas,

et dans le second

2.o Mais le procédé que voici est beaucoup plus général ; et peut d’ailleurs s’étendre à la recherche d’une fonction périodique d’un ordre quelconque. Soit désignée par une fonction particulière qui résout le problème, de telle sorte qu’on ait Soit en outre une fonction tout-à-fait arbitraire ; et soit son inverse, de telle sorte qu’on ait la fonction périodique cherchée du second ordre sera

On aura, en effet,

mais

donc

mais

donc finalement

ainsi qu’il était demandé.

Soient pris, par exemple, que nous savons être une solution particulière ; soit pris de plus d’où nous aurons ainsi

et, en effet, on aura

Pour avoir une forme un peu générale de la fonction posons

nous aurons

afin donc d’avoir il faudra poser

ou

on satisfait à la fois à ces trois conditions, en posant et laissant arbitraires, de sorte qu’on a

il en résulte en effet

Pour donner aussi un peu de généralité à la fonction posons

en observant que, si l’on pose

il en résulte

nous en conclurons

ce qui donne en effet,

Mettant donc toutes ces valeurs dans la formule

il viendra

c’est-à-dire,

ce qui donne, toutes réductions faites,

formule dans laquelle les sept quantités sont tout-à-fait arbitraires.

On voit, par ce seul exemple, comment on peut façonner, pour ainsi dire, à volonté ces sortes de fonctions. Entre autres cas particuliers donnés par M. Babbage, nous nous bornerons à citer les suivans :


III. Une fonction périodique du troisième ordre est celle qui satisfait à la condition En suivant un procédé analogue à celui qui vient de nous conduire aux fonctions périodiques du second ordre, si désigne une fonction d’une forme particulière quelconque satisfaisant à la condition et que et soient toujours deux fonctions tout-à-fait arbitraires, telles que c’est-à-dire deux fonctions inverses l’une de l’autre, on aura encore ici

Il en résultera, en effet

ou

et par suite

ou

Tout se réduit donc à savoir trouver une seule fonction telle que et, à l’aide de celle-là et de la fonction arbitraire nous pourrons trouver une infinité de valeurs de la fonction Or, on peut procéder dans la recherche de cette fonction de la même manière que nous l’avons fait pour le second ordre ; posant en effet,

nous aurons successivement


afin donc qu’on ait il faudra qu’on ait

la dernière de ces trois équations revenant à

il s’ensuit qu’elles seront toutes satisfaites en posant simplement

d’où

ce qui donne, pour la fonction cherchée,

Au surplus comme nous n’avons ici besoin que d’un cas particulier quelconque, nous pouvons faire ce qui nous donnera

il viendra en effet

c’est-à-dire,

et de là

c’est-à-dire, en réduisant,

Adoptant donc cette valeur de la fonction et prenant, par exemple, d’où nous aurons

c’est-à-dire,

faisant, par exemple, il viendra

on aura, en effet,

et ensuite

Nous donnerons encore, d’après M. Babbage, les exemples suivans de fonctions périodiques du troisième ordre


En général, si désigne une fonction de telle forme qu’on ait et si et sont deux fonctions arbitraires inverses l’une de l’autre ; en posant

sera une fonction périodique du me ordre ; de sorte que toute la difficulté de trouver, dans chaque ordre, tant de fonctions périodiques qu’on voudra se réduit, en dernière analise, à en trouver une seule, et c’est ce à quoi on peut procéder d’une manière analogue à celle dont nous avons fait usage pour le second et le troisième ordre. M. Babbage indique pour cela la formule générale

en renvoyant, pour un plus ample détail, à un mémoire de M. Horner, inséré dans les Annales of philosophy (Nov. 1817).

M. Babbage observe, au surplus, que si, dans l’équation est un nombre composé, par exemple, toute fonction qui satisfera à l’une ou à l’autre des équations satisfera, à plus forte raison, à l’équation

§. II.
Des équations fonctionnelles.

I. Soit, en général, l’équation

dans laquelle est le signe d’une fonction dont la forme est inconnue et où désigne une fonction périodique du second ordre ; c’est-à-dire, une fonction telle que et supposons qu’il soit question de résoudre cette équation par rapport à la caractéristique c’est-à-dire, de déterminer en fonction de et des constantes que renferme la proposée.

Pour y parvenir, soit changé en l’équation deviendra

éliminant donc entre celle-ci et la proposée, il en résultera une équation de laquelle on pourra tirer la valeur de en fonction de et des constantes ; et comme est supposé une fonction de forme connue, il n’entrera finalement que et des constantes dans la valeur de

Soit, par exemple, l’équation

est fonction périodique du second ordre ; en y changeant en elle deviendra

et, en éliminant entre l’une et l’autre, il viendra

Soit encore l’équation

est également fonction périodique du second ordre ; en y changeant en elle deviendra

éliminant ensuite entre ces deux équations, on tirera de l’équation résultante

Dans la vue de rendre le calcul plus facile, M. Babbage a souvent recours à des transformations dont un peu d’habitude de ce genre de calcul apprend bientôt à faire usage. Soit, par exemple, l’équation

au lieu de la traiter immédiatement, comme les précédentes, posons

en changeant en nous aurons pareillement

au moyen de quoi la proposée deviendra

Pour résoudre celle-ci, changeons en elle deviendra

et en éliminant] entre l’une et l’autre, nous aurons

nous aurons donc aussi

d’où nous tirerons

II. Soit, en général, une équation de la forme

représente toujours une fonction dont la forme est inconnue ; et dans laquelle désigne une fonction périodique déterminée du troisième ordre, c’est-à-dire, telle que En changeant en cette équation deviendra

faisant encore la même transformation, nous aurons

éliminant enfin et entre ces trois équations, l’équation résultante nous donnera la valeur de

L’équation du problème de géométrie que nous avons traité au commencement de cet article, offrant déjà un exemple de ce cas, nous nous bornerons à en offrir ici un second. Soit l’équation

est une fonction périodique du troisième ordre ; en changeant en il viendra

faisant encore le même changement dans cette dernière, on aura

éliminant enfin et entre ces trois équations, nous tirerons de l’équation résultante

En général, si l’on a l’équation

dans laquelle désigne une fonction périodique du me ordre ; c’est-à-dire, telle que En y changeant n-1 fois x en il viendra

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

on aura donc ainsi équations, entre lesquelles éliminant on tirera de l’équation résultante la valeur de en fonction de

§. III.
Des cas où la précédente méthode est en défaut.

La méthode que nous venons de faire connaître pour la résolution des équations fonctionnelles suppose essentiellement que les diverses quantités sous le signe sont susceptibles d’être déduites les unes des autres et de par une suite de semblables opérations qui, suffisamment répétées, conduisent de nouveau à cette même quantité elle suppose de plus qu’en substituant dans l’équation proposée, à autant de fois consécutivement que le comporte l’ordre de périodicité de la fonction les équations qu’on obtient sont essentiellement différentes les unes des autres. Mais il est une multitude de cas où il n’en est, point ainsi, et ce sont ceux où l’équation proposée est symétrique, soit par rapport aux diverses fonctions sous le signe prises en masse, soit par rapport à divers groupes de ces fonctions.

Qu’on ait, par exemple, l’équation

où l’on suppose en y changeant en les deux termes du premier membre ne font que changer de place, de sorte que l’équation reste la même, et qu’il est impossible d’en éliminer et d’en conclure la valeur de

Cette impossibilité n’existerait pas toujours si le second membre, au lieu d’être une constante, comme dans le précédent exemple, était au contraire une fonction de et on obtiendrait même quelquefois, non seulement la valeur de mais encore celle de Que l’on ait, par exemple, l’équation

en y changeant en elle devient,

or, à raison de l’égalité des premiers membres, on aura qui, substituée dans la proposée, donne

ou

et, en mettant pour et substituant donc dans la proposée ces valeurs de et elle devient de nouveau Ainsi cette équation donne en même temps la valeur de et la forme de la fonction

Soit encore l’équation

est une fonction périodique du troisième ordre ; en y changeant en il vient

changeant de nouveau en on aura cette troisième équation

en multipliant les deux dernières en croix, on a d’abord

d’où

ou encore

d’où

Si ensuite on divise le produit des équations extrêmes par l’équation intermédiaire, on aura

d’où

Si l’on a

quelque nombre de fois, qu’on y change en elle demeurera toujours la même, et on ne pourra conséquemment en éliminer et mais si l’on avait

en y changeant deux fois consécutivement en et concluant de l’égalité des premiers membres celle des seconds, on en tirerait

équation double qui donne en substituant dans la proposée, elle devient

en y changeant en il vient

Soit l’équation

dans laquelle nous supposons les changemens successifs de en ne donneront jamais, outre cette équation, que la suivante :

et leur ensemble sera insuffisant pour l’élimination des trois fonctions

Mais, si la méthode est en défaut pour les équations fonctionnelles de cette classe, elles n’en sont pas moins résolubles, et présentent même cette circonstance remarquable que la valeur de alors contient une fonction arbitraire de Un petit nombre d’exemples suffira pour faire comprendre comment on peut parvenir à un tel résultat.

Proposons-nous, pour premier exemple, d’assigner l’équation de la courbe qui jouit de cette propriété que, de quelque manière qu’on y choisisse deux ordonnées telles que la somme de leurs abscisses soit constante et égale à la somme de ces ordonnées soit elle-même constante et égale à En désignant l’une de ces abscisses par l’autre sera et, si l’on prend pour équation de la courbe cherchée la condition du problème conduira à l’équation fonctionnelle du second ordre

qui se trouve dans le cas d’exception qui nous occupe. Pour la résoudre, nous lui substituerons la suivante :

dans laquelle désigne une fonction arbitraire, et qui revient à la première, lorsqu’on y fait Celle-ci n’étant plus dans l’exception dont il s’agit, nous y changerons en suivant le procédé général ; elle deviendra

en éliminant entre celle-ci et l’autre, il viendra

il faudra donc, pour avoir la solution de la proposée, faire ici ce qui donnera, en transformant les fonctions arbitraires,

de sorte que l’équation générale des courbes satisfaisant, à la condition exigée sera

On ramènera facilement à ce problème celui où il serait question de déterminer la courbe dans laquelle le produit de deux ordonnées est constant et égal à toutes les fois que le produit de leurs abscisses est lui-même constant et égal à En représentant en effet l’équation de la courbe par la condition du problème donnera

Or, en posant d’où et prenant les logarithmes des deux membres, cette équation devient

qui, traitée comme la précédente, donne

ou

et par suite

ou

Soit encore l’équation

à laquelle M. Laplace réduit le problème de la composition des forces (Mécanique céleste, pag. 5). En faisant elle donnera

d’où

ou

et par suite

Ces cas, au surplus, ne sont pas les seuls où la valeur de admet une fonction arbitraire, et M. Babbage en indique quelques autres.

Tout ce qui précède n’est, comme l’on voit, relatif qu’au cas où les diverses fonctions de soumises au signe peuvent être déduites les unes des autres et de par un même procédé ; mais on pourrait avoir une équation fonctionnelle de la forme

dans laquelle désigneraient des fonctions quelconques de tout-à-fait indépendantes les unes des autres, et n’étant soumises à aucune loi de dérivation régulière ; et M. Babbage ne dit pas si, dans ce cas général, il y aurait moyen de déduire de l’équation proposée la forme de la fonction

Nous observerons à ce sujet que d’abord on peut souvent, par une simple transformation, rendre périodiques des fonctions qui ne paraissent point l’être. Qu’on ait, par exemple, l’équation

dans laquelle aucune des deux fonctions ne paraît être périodique ; en y faisant simplement elle deviendra

équation qui n’est autre chose que celle du problème de géométrie que nous nous sommes proposé au commencement de cet extrait ; nous en tirerons donc, comme alors

d’où

Mais de telles transformations sont-elles indistinctement applicables à toutes sortes d’équations fonctionnelles ? et, en supposant qu’il en soit ainsi, comment découvrira-t-on la transformation qui convient à chacune d’elles ? Si, au contraire, ces transformations ne sont applicables qu’à certaines classes d’équations fonctionnelles, à quels caractères distinguera-t-on celles auxquelles elles sont applicables de celles auxquelles elles ne le sont pas ? Voilà, certes, des questions qu’il serait fort intéressant de résoudre.

M. Babbage indique lui même une classe d’équations fonctionnelles qui, ne paraissant pas se rapporter à la théorie des fonctions périodiques, peuvent néanmoins être facilement résolues. Soit, par exemple, l’équation

n’est point une fonction périodique ; cette équation n’est qu’un cas particulier de celle-ci :

laquelle a évidemment pour solution générale

est un nombre tout-à-fait arbitraire. On a en effet, en substituant,

c’est-à-dire,

Or, dans la proposée, d’où

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

c’est-à-dire

donc finalement

est tout-à-fait arbitraire. Par de semblables moyens, on trouvera que l’équation

a pour solution générale

Nous, ne pousserons pas plus loin cette analise, et nous renverrons, pour de plus amples développemens, au mémoire de M. Babbage, qui renvoie lui-même à divers autres écrits sur le même sujet. Notre but n’est en effet que de présenter ici, sous une forme tout-à-fait élémentaire, et conséquemment accessible à toutes les classes de lecteurs, les premiers linéamens d’un genre de spéculations analitiques encore peu connu, et peu cultivé en France, et qui parait susceptible de beaucoup d’extension, et d’intérêt. Nous déclarons, en terminant, que nous mettrons à l’avenir tous nos soins à tenir nos lecteurs au courant des recherches mathématiques auxquelles on pourra s’appliquer hors de France, toutes, les fois du moins que leurs auteurs voudront bien nous les faire connaître, et qu’elles paraîtront de nature à contribuer à l’avancement de la science, au progrès de laquelle ce recueil est spécialement consacré. Ce progrès tient essentiellement, en effet, à une propagation rapide de toutes les idées nouvelles, de toutes les vues utiles ; mais la difficulté des communications et la différence des idiomes n’apporte que trop souvent un grave obstacle à cette propagation, et rend, pour ainsi dire, les savans des diverses contrées tout-à-fait étrangers les uns aux autres. Nous nous estimerons donc fort heureuse si nous pouvons parvenir à amoindrir un peu cet obstacle ; et nous osons croire qu’on ne dédaignera pas de nous aider dans ce projet d’une évidente utilité pour tous.


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  1. L’intéressant mémoire dont on va donner une idée succincte se trouve imprimé à la suite d’un Recueil d’exemples de l’application du calcul aux différences finies, par M. J. F. W. Herschel (Cambridge, 1820). Il porte la date du 20 octobre 1820.