Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Géométrie transcendante, article 5

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QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution du dernier des deux problèmes de géométrie,
énoncés à la page
 360 du XIII.e volume des Annales ;

Par M. Querret, ancien chef d’institution,
Et M. Vecten, licencié es sciences.
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PROBLÈME. On a tracé sur un plan une droite d’une longueur égale à la moitié de l’un des méridiens d’une sphère, prise d’un pôle à l’autre ; par les points de cette droite on lui a élevé des perpendiculaires que l’on a fait de part et d’autre égales en longueur à la moitié du parallèle passant par le point correspondant du demi-méridien ; on demande sur quelle courbe fermée se trouvent les extrémités de ces perpendiculaires et quelle est la surface circonscrite par cette courbe.

Solution. Pour plus de généralité, ne considérons qu’un simple fuseau sphérique. Supposons qu’ayant tracé le demi-méridien qui le divise en deux parties égales et les arcs de parallèles qui répondent à tous ses points, on étende ce demi-méridien en ligne droite en redressant les arcs de parallèles qui y ont leurs milieux, de manière à les faire devenir des droites perpendiculaires à celle-là, toutes situées dans un même plan ; on obtiendra ainsi une sorte de développement du fuseau dont il s’agit ; et la question consistera à savoir quelle figure affectera ce développement et quelle en sera la surface.

On voit d’abord aisément que le développement du demi-méridien du milieu du fuseau et celui de l’arc de l’équateur que ce fuseau intercepte seront deux diamètres principaux de la courbe cherchée. Nous prendrons le premier pour axe des et le second pour axe des de manière que l’origine sera le centre de la courbe.

En représentant à l’ordinaire par deux angles droits et nommant l’angle que forment entre eux les plans des méridiens extrêmes du fuseau, si l’on désigne par le rayon de la sphère, les longueurs des deux demi-diamètres de la courbe dirigés suivant l’axe des et celui des seront respectivement

Les coordonnées de l’un quelconque des points de la courbe seront le demi-arc de parallèle répondant à une latitude quelconque et l’arc du méridien du milieu du fuseau compris entre l’équateur et ce même parallèle ; de sorte qu’on aura

éliminant donc entre ces deux équations, nous obtiendrons pour l’équation de la courbe cherchée

ou(1)

Si l’on désigne respectivement par et les deux demi-diamètres principaux de la courbe, on aura, par ce qui précède,

d’où

Ainsi, les deux demi-diamètres principaux étant donnés, on pourra, toujours savoir quels sont le rayon de la sphère et l’angle du fuseau qui leur répondent. En introduisant ces valeurs dans l’équation de la courbe, elle deviendra

ou(2)

En diffsentiant cette équation, on en tire

(3)

On voit, par cette expression, que la tangente à l’extrémité de l’axe des sera perpendiculaire à cet axe ; qu’elle s’inclinera de plus en plus sur cet axe en marchant vers l’extrémité de l’axe des où son inclinaison sera la plus grande ; mais qu’en ce point même elle ne sera pas parallèle à l’axe des et qu’il s’en faudra d’autant plus que sera plus petit. La courbe aura donc deux branches qui se couperont en ce point qui sera conséquemment un point double au-delà duquel elle se prolongera, en serpentant de part et d’autre autour de l’axe des

Dans le cas particulier où l’on aura ce qui est proprement le cas de la question proposée, on aura en ce point

ce nombre, considéré comme tangente tabulaire répond à un arc d’environ tel est donc l’angle que feront avec l’axe des dans ce cas, les tangentes menées à la courbe à l’extrémité du petit axe.

En multipliant l’équation (1) par on peut lui donner cette forme

ce qui donne en intégrant

prenant cette intégrale entre et et entre et nous aurons, pour la portion de la surface de notre courbe comprise entre les développemens des parallèles qui répondent aux latitudes et et les développemens des méridiens qui répondent aux longitudes et

or, il est aisé de voir que cette expression est aussi celle de l’aire du quadrilatère sphérique dont notre quadrilatère plan mixtiligne est le développement, et il est facile d’en conclure que si, sur la sphère, on trace une figure fermée quelconque, le développement de cette figure sur le développement plan de cette sphère, exécuté comme nous le concevons ici, sera une figure plane équivalente à la portion de surface sphérique circonscrite par la première.

Donc, en particulier, la surface plane totale dont il est question dans l’énoncé du problème sera équivalente à celle de la sphère, et vaudra conséquemment quatre de ses grands cercles[1].

Les considérations qui viennent de nous occuper ne sont pas particulières à la sphère, et peuvent être étendues à une surface quelconque de révolution. Quelle que soit en effet cette surface, on peut concevoir qu’on étend, en ligne droite un de ses méridiens qui emporte avec lui les parallèles qui passent par tous ses points, et qu’on redresse ensuite ces parallèles, en les maintenant perpendiculaires à ce méridien, et en les assujettissant à être tous dans un même plan. On peut même, comme pour la sphère, ne conserver à droite et à gauche du méridien devenu rectiligne qu’une fraction déterminée de chaque demi-parallèle étendue en ligne droite ; les extrémités de ces portions de parallèles appartiendront alors à une certaine courbe plane dont on pourra se proposer de déduire l’équation de l’équation de la ligne génératrice de la surface de révolution.

Supposons qu’en prenant arbitrairement un point de l’axe de dévolution pour origine des coordonnées rectangulaires et cet axe pour axe des l’équation du méridien sur lequel s’exécute le développement, c’est-à-dire, l’équation de la ligne génératrice soit

en désignant par et les coordonnées de la courbe cherchée, prenant le méridien développé pour axe des et le développement du parallèle qui répond à l’origine des pour axe des représentant encore par la fraction de chaque demi-parallèle que l’on développe de part et d’autre du méridien redressé, et enfin par l’axe de la courbe génératrice qui répond à on aura

et la question se réduira à éliminer et entre ces deux équations et les deux équations

L’élimination donne finalement

(4)

désigne la dérivée de la fonction représentée par et telle est conséquemment l’équation différentielle de la courbe cherchée.

S’il s’agit, par exemple, d’une sphère dont le rayon est en prenant l’origine de la génératrice au centre, l’équation de cette génératrice sera

on aura donc ici

d’où

et par conséquent

ce qui donnera, en substituant dans l’équation (4),

qui est précisément l’équation (3) dans laquelle on aurait mis pour sa valeur donnée par l’équation (1).

On se convaincra encore facilement ici que chaque portion de la surface développée est, comme dans le cas de la sphère, équivalente à la portion correspondante de la surface dont elle est le développement ; c’est d’ailleurs ce qu’on peut conclure facilement de ce qui a été dit ci-dessus, en considérant une surface de révolution comme composée d’une infinité de zônes sphériques de rayons variables, ayant toutes leurs centres aux points où l’axe de la surface est rencontré par les normales à la ligne génératrice.[2]

  1. Nous avons eu autrefois en notre possession une mappe-monde gravée, assujettie au système de développement dont il est question ici, qui est proprement la projection de Flamstedt, et où conséquemment la totalité de la surface de la terre se trouvait représentée dans l’intérieur d’une seule courbe ovale, deux fois plus longue que haute. Les méridiens autres que celui du milieu de la carte y étaient figurés par des courbes transcendantes qui coupaient en parties égales les paralîèles figurés par des droites équidistantes. Ce système de développement défigure d’une manière assez notable les contrées représentées vers les bords de la carte ; mais il leur conserve leur étendue ; ce qui n’arrive dans aucun autre système de projection.
    J. D. G.
  2. M. Vecten remarque que l’équivalence entre les portions correspondantes de la surface de révolution et de son développement deviendra manifeste, si l’on fait attention que, par ce développement, on ne fait que substituer aux zônes coniques élémentaires dont cette surface se compose une suite de trapèzes équivalens.