Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Hydrodynamique, article 1

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HYDRODYNAMIQUE.

Recherches sur les lois générales du mouvement des fluides ;

Par M. F. Sarrus, docteur ès sciences.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

1. La théorie du mouvement des fluides est une des plus épineuses de la mécanique. On connaît depuis long-temps les équations différentielles de ce mouvement ; mais elles se montrent, pour la plupart, extrêmement rebelles, et ce n’est que dans quelques cas particuliers seulement que les géomètres modernes sont parvenus à les intégrer. En étudiant les découvertes dont ils ont enrichi cette partie de la science, nous avons cru reconnaître qu’ils avaient donné trop d’étendue à une proposition fort importante, et qu’en outre, la démonstration qu’ils en avaient donnée n’était pas à l’abri de toute objection. En cherchant à remplir cette lacune, nos recherches sur le même sujet se sont peu à peu étendues ; et nous sommes ainsi parvenu à quelques résultats nouveaux qui nous ont paru assez utiles ou du moins assez curieux pour mériter d’être connus. C’est l’ensemble de tout notre travail que nous nous proposons ici de mettre sous les yeux du lecteur.

2. Commençons par bien fixer le sens des notations dont nous nous proposons de faire usage dans la suite de cet écrit. Le temps sera constamment désigné par et nous nommerons les coordonnées rectangulaires, pour l’époque d’une molécule quelconque de la masse du fluide.

Toute quantité relative à cette molécule pourra, pour cette même époque être considérée comme une fonction déterminée des variables et de constantes qui devront être les mêmes pour toutes les autres molécules. C’est dans cette supposition, en en regardant les variables comme absolument indépendantes, que seront prises, suivant les principes du calcul différentiel partiel, les dérivées

quelle que puisse être d’ailleurs la fonction

3. Les coordonnées sont nécessairement fonctions du temps et des coordonnées primitives. Nommant ces dernières toute quantité relative à la même molécule pourra être encore considérée comme une fonction déterminée de En conséquence, pour éviter toute méprise, et ne pas confondre les valeurs de prises dans la première hypothèse avec ce qu’elles doivent être dans celle-ci, nous représenterons ces dernières respectivement par Quant aux coefficiens différentiels

comme on ne saurait les confondre avec les dérivées d’une autre nature, nous n’emploîrons point de notations particulières pour les désigner.

On voit d’après cela que les vitesses de la molécule parallèles aux coordonnées seront représentées respectivement par que sa vitesse absolue aura conséquemment pour expression

et que les forces accélératrices correspondantes seront représentées par

4. On peut observer, d’après ces conventions, que n’est autre chose que la différentielle totale de prise en regardant comme fonctions de et que, par suite, on doit avoir identiquement

On trouvera aussi

transformations dont nous ferons usage par la suite.

5. D’après les principes connus du calcul différentiel partiel, ou aura identiquement

et encore

mais il faudrait bien se garder de croire que l’on a de même

En effet, en vertu du n.o 4, on a, par exemple,

tandis que l’équation identique

différentiée par rapport à en regardant comme constans donne


et par suite

et non pas simplement

6. Nous supposerons que la caractéristique des variations est uniquement relative aux coordonnées primitives et non au tems Dès lors nous aurons

et en général

d’où il est facile de conclure

et toutes les autres relations qu’on en peut déduire par des différentiations répétées.

Si l’on avait

on en tirerait

et

Dans les cas où sera une fonction de sans on aura et par suite

Si, au contraire, est une fonction de sans on aura et par suite

et comme, dans ce cas ou les autres, peut ne pas être une variation exacte, ce qui pourtant serait nécessaire pour que fut une pareille variation, on en conclura que peut ne pas être une variation exacte, bien que l’une ou l’autre des dérivées ou soit une telle variation.

C’est pour avoir négligé de faire cette observation, ou peut-être même pour avoir cru que le contraire était vrai, que les divers auteurs qui ont écrit sur l’hydrodynamique ont réputé, comme, généralement démontrée, une proposition qui n’est vraie que dans des cas particuliers.

7. Ces notations et remarques ainsi établies, soit la pression qu’éprouve la molécule au bout du temps soit la densité correspondante de la même molécule ; soient, en outre, les trois forces parallèles aux axes des coordonnées auxquelles peuvent être réduites toutes celles qui la sollicitent, forces que nous réputerons positives ou négatives, suivant qu’elles tendront à augmenter ou à diminuer les coordonnées du point Si les fluide était en équilibre, nous aurions, pour les équations de cet équilibre

Si, au contraire, le fluide est en mouvement, les forces accélératrices qui forment les premiers membres de ces trois équations ne seront pas nulles ; et comme ces mêmes forces accélératrices peuvent aussi être exprimées respectivement par il s’ensuit que les équations du mouvement sont

8. Dans la nature, les variations

sont exactes : et nous les supposerons telles dans tout ce qui va suivre. Posant donc

d’où

les équations du mouvement deviendront

Soit prise successivement la somme de leurs produits d’abord par

puis par

puis enfin par

et réduisant à l’aide des relations du n.o 4, on trouvera

forme sous laquelle on devra employer les équations, lorsqu’on voudra déterminer en fonction de mais, si on veut déterminer en fonction de il faudra mettre les, équations (1) sous la forme

qu’il sera facile de leur faire acquérir au moyen des relations du n.o 4.

Les équations (2) ne sont pas en nombre suffisant pour déterminer les quatre inconnues en fonction de et il en est de même des équations (3) ; lorqu’on veut déterminer en fonction de Pour y suppléer, on y joint ordinairement celles qui peuvent résulter de la continuité du fluide.

9. La condition de continuité du fluide consiste en ce qu’un système qui, pour un instant donné, forme une masse finie et continue, a dû former jusqu’alors et devra former ensuite une pareille masse finie et continue.

On peut conclure de là que la masse d’un pareil système est invariable, et que sa surface est toujours formée des mêmes molécules, quelle que puisse être d’ailleurs sa forme primitive. Si donc le fluide est contenu dans un vase de figure quelconque, les molécules qui, pour un instant donné, sont contiguës aux parois du vase, n’ont pu auparavant et ne pourront ensuite que glisser contre ces parois.

Pour traduire ces conditions en langage analitique, considérons une partie quelconque (A) finie et continue du fluide en mouvement. Sa masse sera exprimée par l’intégrale

prise entre les limites données par sa surface.

Cela posé, il résulte des principes connus sur la tranformation des intégrales que, si l’on fait, pour abréger,

l’intégrale précédente reviendra à

prise entre les limites données far la surface du fluide primitif (A), et comme, en désignant par la valeur primitive de la densité la masse primitive du même fluide est exprimée par

on doit en conclure

et par suite

(4)

en observant que les limites des intégrales qui composent l’équation précédente sont données par la surface primitive du fluide (A), laquelle surface est entièrement arbitraire.

Cette équation (4) sert à compléter le système d’équations (2) ; mais, pour pouvoir l’employer conjointement avec les équations (3), il faut la mettre sous une forme plus commode.

Comme l’origine des temps est entièrement arbitraire, si nous représentons par les valeurs de qui correspondent à la valeur de nous devrons avoir encore

mais, en développant suivant les puissances ascendantes de nous avons

substituant ces valeurs dans l’équation précédente, et ordonnant le résultat suivant les puissances de nous trouverons

Cette équation devant avoir identiquement lieu quelle que soit la valeur de nous en conclurons

(5)

Les coefficiens des puissances supérieures de nous donneraient bien une infinité d’autres équations ; mais elles ne seraient que les différentielles successives de l’équation (5), par rapport à la caractéristique et conséquemment ne signifieraient rien de plus que cette équation, qu’on peut encore mettre sous la forme

(6)

en observant que

Lorsque le fluide est incompressible, la densité de la molécule est invariable ; on a donc alors et En conséquence, les équations (4) et (5) se réduisent à


(8)

en mettant au lieu de sa valeur.

De plus, dans le cas où le fluide ne sera point homogène, il faudra avoir égard à la condition que doit se réduire à une fonction de sans ou, ce qui revient au même, à l’équation

Soit enfin l’équation en de la surface limite du même fluide (A) après le temps Les valeurs primitives des coordonnées qui satisfont à cette équation devront être les coordonnées de la surface primitive de ce fluide (A), et par conséquent entièrement indépendantes de Si donc on met dans cette équation au lieu de leurs valeurs en et le temps devra disparaître du résultat ; condition qui servirait à déterminer la forme des fonctions arbitraires, dans les cas où l’on ferait usage des équations (2) et (4). Mais, si l’on faisait usage des équations (3) et (5), on observerait que, puisque doit se réduire à une fonction de sans l’on doit avoir

Telles sont les équations générales du mouvement des fluides, et les principes qui doivent servir à la détermination des fonctions arbitraires introduites par les intégrations. Nous aurions pu sans doute prendre ces équations soit dans les mécaniques céleste ou analitique, soit dans la mécanique de M. Poisson ; mais nous avons pensé qu’on trouverait plus commode de rencontrer au commencement de cet essai les considérations et les procédés nécessaires pour les obtenir.

10. Reprenons les équations (1), savoir

prenant la somme de leurs produits respectifs par ajoutant les produits et réduisant, au moyen des relations données dans le n.o 6, nous trouverons

(9)

faisant donc, pour abréger,

(10)

nous aurons, en différentiant par rapport à la caractéristique

ou encore

en observant que

Au moyen de cette dernière valeur de la quantité

l’équation (9) deviendra

(11)

de sorte que, si l’on détermine au moyen de l’équation

(12)

ce qui est toujours possible, au moins par les quadratures, et ce qui donne

on trouvera, en comparant cette dernière avec l’équation (11),

d’où(13)

en désignant par une fonction de sans de la forme qui d’ailleurs peut être quelconque, puisqu’elle est introduite par l’intégration, et qu’il faudra conséquemment déterminer au moyen de l’état primitif du fluide.

Cette équation (13) va nous conduire à quelques résultats importans.

11. Si l’on nomme et les valeurs de et qui correspondent à une valeur particulière quelconque du temps, nous devrons avoir de même

éliminant entre cette équation et l’équation (13), nous aurons

qui, traduite en langage ordinaire, donne ce théorème :

Si, pour deux valeurs quelconques du temps, on calcule celles de qui leur correspondent, la différence des résultats sera toujours une variation exacte.

Ce résultat, entièrement nouveau, nous paraît curieux. Malheureusement il n’est utile qu’autant qu’on peut en déduire, comme cas particulier, que sera une variation exacte dans tous les temps si, pour un instant quelconque, cette fonction est une variation exacte, ou bien si elle est nulle ; théorème important, déjà connu depuis long-temps, mais qui n’avait pas été démontré jusqu’ici d’une manière aussi simple.

12. L’utilité de l’équation (13) ne se borne pas à la démonstration du précédent théorème. Si, en effet, on y met pour et les quantités qu’elles représentent, elle devient

(14)

ou encore

d’où en observant que les variations sont entièrement arbitraires, on tirera

qui sont les intégrales premières des équations (2). Il resterait encore à déterminer et au moyen de ces équations combinées avec l’équation (4) ; après quoi l’équation (12) ferait connaître mais cette détermination surpasse les forces de l’analise. Toutefois ces équations pourront être utiles, lorsqu’on connaîtra le mouvement que prendrait le fluide, sans l’action de très-petites forces perturbatrices, comme il arrive dans la théorie des marées, où, sans l’action du soleil et de la lune, la mer prendrait un mouvement uniforme de rotation autour de l’axe de la terre ; mouvement qui n’est qu’extrêmement peu troublé par l’effet de cette action.

13. Nous avons identiquement

par suite de quoi l’équation (12) devient

(16)

si donc l’on fait

(17)

et qu’on substitue ces valeurs dans l’équation (16), elle deviendra, réductions faites,

(18)

au moyen des mêmes substitutions, l’équation (5) devient

et l’équation (7), qui a lieu quand le fluide est incompressible, deviendra

(20)

d’où l’on voit que les équations du mouvement du fluide se simplifieraient d’une manière notable, si l’on pouvait déterminer les fonctions On a pour cela l’équation

que l’on obtient en mettant dans inéquation (14) les valeurs de données par les équations (17). Il ne sera guère possible d’en tirer les valeurs de du moins en général. Si cependant ces fonctions ne dépendaient que de et qu’on eût

en désignant par des fonctions quelconques de déterminées au moyen de l’état initial du fluide, on en tirerait

14. Lorsque ou, ce qui revient au même, est une variation exacte, l’équation (13) fait voir qu’il doit en être de même de On peut donc alors représenter cette fonction par étant une fonction de sans convenablement déterminée. Dès-lors, en observant que les équations (12) et (13) pourront se mettre sous la forme


et par conséquent, en mettant au lieu de


qui sont absolument les mêmes que si l’en avait fait Nous aurons donc alors

et par suite, les équations (17), (18), (19), (20) du n.o  précédent, deviendront

(21)

(22)

(23)

(24)

on peut observer de plus que le quarré de la vitesse absolue du fluide est

15. Lorsque les mouvemens du fluide sont très-petits, on peut négliger les termes affectés des puissances, et produits de puissances des vitesses Dans ce cas les équations (3) deviennent

desquelles nous tirerons

C’est de cette dernière que les divers auteurs qui ont écrit sur l’hydrodynamique ont cru pouvoir conclure immédiatement que ou devait être une variation exacte ; conclusion dont nous avons déjà relevé l’inexactitude dans le n.o 6. Nous allons encore le faire ici d’une autre manière.

Si l’on détermine au moyen de l’équation

(25)

ce qui est toujours possible, tout au moins par les quadratures, et ce qui donne

de laquelle on tirera

et par suite

et de là, en intégrant par rapport à

(26)

chacune des quantités étant une fonction arbitraire de sans Ce cas rentre donc dans celui que nous avons déjà considéré dans le n.o 13.

Au moyen des valeurs de que nous venons de donner, on trouvera

(27)

d’où l’on voit que, pour que le premier membre de cette équation fût une variation exacte, il faudrait qu’il en fût de même de ce qui peut fort bien ne pas être, puisque sont des fonctions entièrement arbitraires de

Si, par exemple, on fait

étant un, nombre constant quelconque, on aura

dont le premier membre ne saurait être une variation exacte, tant que n’est point nul, quoique les mêmes valeurs donnent

16. Il semblerait résulter de ce que nous venons de dire, dans le dernier n.o, que les résultats des recherches des grands géomètres de nos jours, sur les petites occillations des fluides, ont beaucoup moins de généralité qu’ils ne l’ont cru et annoncé. Heureusement il n’en est pas ainsi ; peut être réputée une variation exacte, toutes les fois que les molécules du fluide ne font que de très-petites occillations autour de leur position d’équilibre. Pour le prouver, faisons, en général,

en désignant par des fonctions de nulles en même temps que et convenablement déterminées, dès-lors nous aurons

dans le cas actuel étant très-petits, nous pouvons négliger les termes de plus d’une dimension par rapport à ces quantités ; nous aurons donc

et par suite, au moyen des équations (26)

d’où l’on tire, par l’élimination successive de et

et de là en intégrant par rapport à

Nous n’ajoutons point de fonctions arbitraires de parce que et par suite les premiers membres de ces équations, doivent être nuls en même temps que

Présentement, puisque doivent rester renfermés dans des limites très-resserrées, les premiers membres des équations (28) doivent jouir de la même propriété, ce qui ne pourra être qu’autant qu’on aura identiquement

qui sont précisément les équations nécessaires et suffisantes pour que

et par suite, en vertu de l’équation (27),

soit une variation exacte, ce qui prouve ce que nous avons avancé au commencement du présent n.o.

On voit même par là que, bien que les mouvemens soient très-petits, si la quantité

n’est pas une variation exacte, le fluide éprouvera nécessairement un mouvement de translation ; mais il ne faudrait pas en conclure que la réciproque est également vraie.

17. Dans les applications usuelles de la théorie du mouvement des fluides, ce mouvement peut être regardé comme uniforme ; c’est-à-dire que les vitesses sont fonctions de seulement ; de sorte que l’on a

Si donc nous supposons que ce soit le cas traité dans le n.o 14 ; nous aurons

et par suite

d’où on conclura

en désignant par une fonction arbitraire de qui doit être la même pour toutes les molécules du fluide. Faisant de plus, pour abréger,

l’équation (22) deviendra

En marquant de l’indice les diverses quantités qui, pour la même valeur du temps, sont relatives à une autre molécule quelconque, nous aurons de même

et, par suite

(29)

équation qui établit une relation importante entre les vitesses absolues et simultanées et et les pressions correspondantes de deux molécules quelconques du fluide en mouvement.

Avant d’aller plus loin, nous ferons observer que, si le fluide se divise et éprouve un changement brusque aux points de division, dès-lors on n’a plus, pour ces points, les équations

sur lesquelles nous nous sommes fondés pour parvenir à l’équation (29). Si donc on veut que cette équation soit vraie dans tous les cas, il faut que les molécules auxquelles elle est relative soient prises toutes les deux dans la partie du fluide qui n’a point éprouvé de division.

18. Le plus souvent les forces accélératrices qui sollicitent le fluide en mouvement se réduisent à la pesanteur que l’on regarde comme une force constante et de direction parallèle à une droite fixe, dans toute l’étendue de la masse fluide. Représentant cette force par et prenant la coordonnée verticale, et dirigée de haut en bas, nous aurons

dont la substitution dans la formule (29) donnera

Dans le cas on le fluide est homogène et incompressible, la densité est absolument constante, et l’on a, par conséquent,

en vertu de quoi la précédente équation devient

(30)

Si, pour tous les points de la surface libre du fluide, la pression doit être constante, on aura pour les divers points de cette surface

et si les vitesses sont assez petites pour qu’on puisse en négliger les quarrés,

c’est-à-dire qu’alors cette surface est plane et horizontale. Il en serait encore de même, si tous les points de cette surface étaient doués de la même vitesse.

Il ne faut point perdre de vue, au surplus, que ces conclusions supposent que le mouvement du fluide est uniforme.

19. Lorsqu’un fluide pesant, homogène et incompressible, de l’eau, par exemple, est en équilibre dans un vase invariable de forme et de position. Si l’on pratique, dans la paroi de ce vase, une ouverture par laquelle le fluide puisse s’écouler, le mouvement, d’abord nul, augmentera avec rapidité ; et, si l’orifice d’écoulement est très-petit, après un intervalle de temps très-court, ce mouvement sera à très-peu près uniforme, et l’écoulement pourra conséquemment se calculer par la formule (30), savoir :

À la surface supérieure du fluide, la vitesse est extrêmement petite, et l’on pourra en négliger le quarré. Si donc on suppose que soient relatifs à cette surface, l’équation précédente deviendra

(31)

Ordinairement, la pression est la même à l’orifice d’écoulement qu’à la surface du fluide. Si donc on veut que appartiennent à un point quelconque de cet orifice, on aura et par suite

(32)

formule connue depuis très-long-temps ; mais à laquelle on n’était parvenu jusqu’ici qu’à l’aide d’hypothèses plus ou moins précaires.

Si le fluide éprouvait une plus grande pression à son niveau supérieur qu’à l’orifice d’écoulement, en désignant par cet excès de pression, on aurait, pour calculer la vitesse du fluide à l’orifice, la formule

20. La formule (31), mise sous la forme

peut servir à calculer la pression que le fluide exerce contre un élément quelconque des parois du vase qui le renferme, ou de tout autre corps auquel le fluide serait contigu.

Supposons, par exemple, que l’on oppose perpendiculairement au choc de la veine fluide une figure plane quelconque, la vitesse du fluide contigu sera nulle, ou au moins très-petite : on aura donc

pour la pression qu’éprouve chaque élément de la face de cette figure qui se trouve directement exposée au choc du fluide. De plus, si l’écoulement a lieu sous la pression ordinaire de l’air, l’autre face éprouvera une pression dont l’effet sera contraire à celui de la pression il restera donc

pour l’impulsion que reçoit, de la part du fluide, chaque élément de la figure en question.

21. Jusqu’ici nous n’avons pour ainsi dire considéré que les équations (1) et celles qui en dérivent. Nous allons présentement nous occuper de quelques résultats que l’on peut déduire des équations qui naissent de la condition de continuité du fluide, considérées isolément.

Reprenons l’équation (5). En multipliant tous ses termes par et intégrant, nous aurons

quelles que puissent être d’ailleurs les limites entre lesquelles il faille prendre les intégrales.

Présentement le terme

que renferme cette équation, intégré par rapport à donne pour résultat

mais il reste à déterminer quelles sont les parties de ce résultat qui doivent êtres prises et celles qui doivent être laissées. Supposons pour cela que l’intégrale

soit prise dans toute l’étendue d’une partie finie quelconque du fluide en mouvement, limitée par une surface rentrante que, pour la commodité du langage, nous désignerons par (O). L’équation de cette surface donnera pour en fonction de et différentes valeurs, les unes imaginaires, dont nous ferons abstraction, et les autres réelles, que nous représenterons par et que nous supposerons rangées dans un ordre tel que l’on ait

ce qui est toujours possible. Alors, toutes les molécules qui auront les mêmes coordonnées mais pour lesquelles sera compris entre

et et et

seront nécessairement situées hors de la surface (O), tandis que celles pour lesquelles sera compris entre

et et

seront situées dans l’intérieur de cette même surface ; d’où l’on conclura qu’il ne faut prendre de l’intégrale

que les parties qui sont comprises entre et et et que, par suite, on a

en représentant par les valeurs de qui correspondent à celles de

Le second membre de cette dernière équation peut être mis sous une forme beaucoup plus simple et plus facile à interpréter. Pour cela, par un point quelconque de la surface (O), menons-lui une normale. Prenons sur cette normale, dans l’intérieur de la surface (O), et à la distance de son pied, un second point et nous aurons

pour la valeur du cosinus de l’angle que fait la normale avec l’axe des angle qui est le même que celui que fait le plan tangent avec le plan des . Si donc nous représentons par l’élément de la surface (O) dont les coordonnées sont et dont la projection sur le plan des est nous aurons

en observant de prendre le signe supérieur ou le signe inférieur, suivant que sera positif ou négatif. Alors, en affectant des indices les valeurs de

qui correspondent aux valeurs nous aurons


et par suite

ou, plus simplement

pourvu que l’intégrale du second membre soit prise dans toute l’étendue de la surface (O).

Par des procédés entièrement analogues, on trouverait qu’entre les mêmes limites on a

substituant ces valeurs dans l’équation identique

nous trouverons définitivement

(33)

ou plus simplement

(34)

en faisant, pour abréger,

équation qui n’est que la différentielle de cette autre équation identique

prise en regardant comme constantes ; ce qui fait voir que exprime la vitesse du fluide décomposée suivant la normale vitesse qui doit être regardée comme positive, lorsqu’elle tend à pousser contre la surface (O) le fluide situé dans l’intérieur de cette surface, tandis qu’elle sera réputée négative dans le cas contraire.

Si le fluide est homogène et incompressible, la densité sera constante, et l’équation (34) deviendra

(35)

qui serait encore vraie quand même le fluide serait simplement incompressible sans être homogène, comme on peut le déduire directement de l’équation (8), traitée de la même manière que nous venons de traiter l’équation (6).

Les équations (34) et (35) peuvent être utiles dans beaucoup de cas, notamment s’il s’agit de calculer les oscillations d’un fluide renfermé dans un vase.

22, Considérons, dans l’intérieur du fluide en mouvement, une ligne courbe rentrante quelconque et une surface assujettie aux seules conditions d’être limitée par cette ligne courbe, et de ne pas présenter de déchirures dans l’intervalle. Représentons toujours par la vitesse d’une molécule quelconque contiguë à cette surface, suivant la normale regardant cette vitesse comme positive, lorsqu’elle tend à pousser le fluide contre la surface, et comme négative dans le cas contraire.

Cela posé, chaque élément de la surface est contigu à deux molécules différentes, pour lesquelles la valeur absolue de sera identiquement la même. Quant au signe, il doit être différent, attendu que, quand une des deux molécules est poussée contre la surface, l’autre tend à s’en détacher. Si donc on prend l’intégrale

relativement aux molécules qui se trouvent situées d’un seul et même côté de la surface dans toute son étendue, la valeur absolue du résultat sera le même quel que soit le côté de cette surface qu’on aura choisi ; de sorte qu’en représentant cette valeur absolue par

nous aurons

le signe ou devant être déterminé d’une manière convenable.

Présentement, soit une autre surface, assujettie aux mêmes conditions que alors les surfaces formeront, par leur réunion, une troisième surface rentrante, pour laquelle nous aurons

Si, comme nous le supposerons dans tout ce qui suit, le fluide est incompressible, l’intégrale qui compose le premier membre de cette dernière équation se décompose en deux parties, dont l’une relative à la surface et l’autre relative à la surface Mais, si les deux surfaces n’ont d’autres points communs que ceux de la courbe tout le fluide intérieur sera situé d’un même côté de chacune de les surfaces, et les parties de l’intégrale

qui leur sont relatives seront exprimées, la première par

et la seconde par

d’où nous conclurons que l’on doit avoir

(36)

Si les surfaces se coupent en des points autres que ceux de la courbe le fluide intérieur peut n’être pas situé en totalité, d’un même côté de chacune de ces surfaces ; alors le raisonnement qui nous a conduit à l’équation (36) cesse d’être applicable, et cette équation semble ne plus devoir être vraie. Cependant il est toujours possible de trouver une troisième surface assujettie aux mêmes conditions que et et qui de plus ne les rencontre que suivant la courbe Alors, on aura, par ce qui précède,

et par suite

comme si les surfaces ne se rencontraient que suivant la courbe

On pourrait conclure de là que l’expression

est entièrement indépendante de la nature de la surface et quelle dépend seulement de la nature de la courbe qui lui sert de limite et du temps

23. Pour donner une application de ce qui précède, supposons que le fluide soit contenu dans un vase invariable de forme et de position. Supposons encore que la courbe tracée sur les parois du vase en fasse le tour, et qu’enfin la surface se compose, 1.o d’une partie plus ou moins étendue de ces parois ; 2.o d’une section de surface quelconque, limitée par ces mêmes parois ; ce qui laisse la forme et la position de cette surface entièrement indépendante de la courbe et de la forme du vase. En désignant par la surface dont il s’agit, nous aurons

(37)

en observant que, pour toutes les molécules qui sont contiguës aux parois du vase, l’on a et que, par suite, la partie de l’intégrale

qui est relative à ces parois est identiquement nulle.

Présentement, d’après la conclusion qui termine le n.o 22, le premier membre de l’équation (37) ne dépend que du temps et tout au plus de la courbe et, comme la section est entièrement indépendante de cette courbe, nous en conclurons que l’expression

ne dépend absolument que du temps et de la forme du vase, et nullement de la forme ou de la position de la surface à laquelle appartient la section

Si, pour fixer les idées, on suppose que cette section soit plane, et parallèle au plan des on aura

et

et par suite

en désignant par une fonction de convenablement déterminée, mais qui doit être indépendante et de la position du plan coupant et de la direction des axes des coordonnées.

Supposons que le vase qui renferme le fluide soit très-étroit ; représentons par les valeurs de pour un point quelconque de la section, et soit fait

et par suite


en dénotant respectivement par

ce que deviennent

qui répondent au point

Substituant ces valeurs dans l’équation (38), et négligeant les termes de plus de deux dimensions en nous aurons

ou encore

(39)

en observant que exprime l’aire de la section que l’on considère et représentant cette aire par

On voit par là que l’hypothèse du parallélisme des tranches peut être employée comme moyen approximatif ; et telle en est je crois la première démonstration générale. L’auteur de la mécanique analitique était déjà parvenu au même résultat ; mais seulement pour le cas où le vase, à très-peu près vertical, n’aurait que deux dimensions, et les procédés qu’il a mis en usage, pour parvenir à son but, seraient, à raison de leur complication, à peu près impraticables pour toute autre forme ou position du vase.

Nous devrions peut-être terminer cet essai par quelques applications particulières des formules qu’il a pour objet d’obtenir ; mais comme les seules applications qui ne soient point au-dessus de notre portée ont été déjà données par divers géomètres, beaucoup mieux que nous ne pourrions le faire nous-mêmes, nous croyons devoir nous borner à renvoyer à leurs ouvrages.


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