Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 14/Statique, article 2

La bibliothèque libre.
Séparateur

Solution du problème de statique énoncé à la page 28
du présent volume ;

Par M. Ch. Sturm.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

PROBLÈME. Un fil non pesant, parfaitement flexible et inextensible, d’une longueur déterminée, est attaché, par ses extrémités, à deux points fixes dont la distance donnée est moindre que sa longueur. Tous ses points sont attirés ou repoussés par un centre fixe, suivant une fonction déterminée de la distance. On demande l’équation la plus simple de la courbure du fil en équilibre, On demande, en particulier, ce que devient cette équation, lorsque l’attraction ou la répulsion suit la raison inverse du quarré de la distance ?

Solution. Soit rapportée la courbe du fil à trois axes rectangulaires passant par le centre d’attraction ou de répulsion, et soient les coordonnées de l’un quelconque des points de sa longueur ; soient la distance de ce point au même centre, la portion de la longueur de ce fil comptée depuis le même point jusqu’à la première de ces deux extrémités fixes.

Les équations connues de l’équilibre d’un fil parfaitement flexible et inextensible sont

dans lesquelles représente la tension au point () de la courbure du fil ; tension dirigée suivant la tangente à cette courbure en ce point ; et où sont les forces parallèles aux axes qui sollicitent ce même point, tandis que sont les composantes, parallèles aux mêmes axes, de la force par laquelle le premier des deux points extrêmes est retenu, et qui, lorsque ce point est fixe, exprime la pression qu’il supporte. Les intégrales qui entrent dans ces équations doivent toujours être prises depuis ce premier point jusqu’à celui que l’on considère, c’est-à-dire, le point

En différentiant les équations (1), on trouve

dont la somme des produits respectifs par est

(3)

Lorsqu’on suppose que les particules du fil sont sollicitées par une force qui émane de l’origine, on a

Avec ces valeurs et observant que

l’équation (3) deviendra

d’où

(4)

étant la constante arbitraire. Or, la force étant supposée une fonction de en sera une aussi, de sorte que, dans l’état d’équilibre, la tension du fil en chacun de ses points dépend uniquement de la distance de ce point au centre attirant.

Si l’on substitue les valeurs de dans les équations (2), on reconnaît qu’elles admettent une intégrale de la forme

En effet, en mettant cette valeur de dans la dernière de ces trois équations, elle se trouvera, en vertu des deux premières, satisfaite indépendamment des constantes arbitraires et On voit donc que le fil en équilibre est tout entier dans le plan conduit par ses deux extrémités fixes et par le centre d’où émanent les forces, ce qu’il était d’ailleurs facile de prévoir, puisque tout est égal de part et d’autre de ce plan. En exprimant que le plan dont il s’agit contient les deux extrémités fixes, on déterminera les deux constantes et

Pour simplifier nos formules, faisons coïncider ce plan avec celui des en posant d’où et Laissant donc de côté la troisième des équations (2) et éliminant entre les deux autres, nous aurons

(5)

Pour intégrer cette équation, nous passerons aux coordonnées polaires, en posant

d’où résultera

et par suite

Posons encore

nous aurons

mais, on trouve

posant donc

d’où(6)

on aura

Par la substitution de ces valeurs, l’équation (5) devient

puis, en mettant pour sa valeur (6) et décomposant,

À cause de l’intégration par logarithmes donnera

(7)

étant la constante arbitraire.

Comme, en vertu de l’équation (6), est la tangente tabulaire de l’angle que fait la courbe, en chacun de ses points avec son rayon vecteur, il s’ensuit que est le sinus de cet angle, indépendamment du signe de l’équation (7) signifie donc que le moment de la tension, pris par rapport au centre fixe, est une quantité constante.

Si l’on résout l’équation (7) par rapport à et qu’on remplace ensuite par sa valeur (6), on trouvera

(8)

Dans cette expression de il faudra prendre le signe supérieur pour toute la portion de la courbe où le rayon vecteur croît en même temps que l’angle qu’il fait avec l’axe. Ce rayon sera un maximum ou un minimum, et aura sa direction normale à la courbe, quand on aura ou

En intégrant l’équation (8), dans laquelle les deux variables sont séparées, an aura l’équation polaire de la courbe cherchée.

Quant à sa rectification, en substituant l’expression de dans la formule on trouvera à intégrer

(9)

Examinons présentement le cas particulier ou la force agit en raison inverse du quarré de la distance. Faisons, en conséquence, étant une constante, qui devra être supposée positive ou négative, suivant que la force sera supposée répulsive ou attractive. Les formules (4) et (9) deviendront alors

L’équation (8) deviendra, dans le même cas,

(10)

Nous nous dispenserons d’en écrire l’intégrale, qu’on peut obtenir facilement, en posant et qui prendra trois formes différentes suivant qu’on aura

ouou

La détermination des constantes arbitraires introduites par les intégrations se fera en exprimant que la courbe passe par les deux points fixes extrêmes, et qu’elle a, entre ces deux points, une longueur donnée.

En vertu d’un théorème connu, la courbure du fil en équilibre ne changerait pas, si l’on supposait le centre unique d’attraction remplacé par celui d’une sphère homogène dont tous les points jouiraient de la même propriété que lui. La courbe à laquelle appartient l’équation (8) jouit d’une propriété assez remarquable ; elle est entre toutes les courbes de même longueur et passant par les mêmes points extrêmes, celle qui rend l’intégrale un minimum ou un maximum. Cette propriété, remarquée par Euler, dépend d’une propriété plus générale, qui se rattache elle-même au principe des vitesses virtuelles. En voici toutefois l’exposé direct :

« Toutes les notations employées dans l’équation (1) étant admises, si la formule est une différentielle exacte à trois variables ; et qu’on représente par son intégrale, la courbe formée par le fil en équilibre sera entre toutes les courbes de même longueur et se terminant aux mêmes points, celle qui rendra l’intégrale prise entre ces points, un minimum ou un maximum ».

Cherchons en effet la courbe qui remplit cette dernière condition. En suivant la méthode générale des variations, il faudra égaler à zéro la variation de la formule

dans laquelle désigne un nombre qui doit être déterminé pas la condition d’avoir, entre les limites données,

Posons donc

nous en tirerons

Faisant disparaître au moyen de l’intégration par parties, il viendra


Mais, par hypothèse, la formule est une différentielle exacte à trois variables, et l’on a

d’où

au moyen de quoi l’équation ci-dessus devient


Les deux points extrêmes de la courbe étant fixes, la partie hors du signe intégral du premier membre de cette équation doit s’évanouir ; et, en égalant séparément à zéro les quantités multipliées par sous ce même signe intégral, on obtient, pour les trois équations de la courbe cherchée,

Deux de ces équations doivent comporter la troisième ; et c’est en effet ce qui résulte de la relation

En posant ces équations deviennent identiques avec les équations (1), et par conséquent la courbe qu’elles représentent est celle qu’affecte le fil flexible en équilibre, sous l’action des forces sollicitant chacun de ses points ; ce qu’il fallait démontrer.