Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 15/Analise transcendante, article 7

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ANALISE TRANSCENDANTE.

Sur quelques cas de développement des fonctions,
et en particulier sur le développement des puissances
fractionnaires des sinus et cosinus ;

Par M. Stein, professeur de mathématiques au gymnase de Trèves,
ancien élève de l’école polytechnique.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈
§. I.
Sur le développement des puissances fractionnaires d’un binôme.

D’après les principes connus, on a

Mais on sait que doit avoir valeurs distinctes ; donc le développement ci-dessus, ne donnant qu’une seule de ces valeurs, n’est pas complet, c’est-à-dire, qu’il n’exprime pas la valeur complète de la fonction [1].

D’un autre côté, on sait que la fonction ne saurait admettre plus de valeurs distinctes, d’où on doit conclure que toute équation de la forme

où la fonction admet valeurs différentes et se trouve telle

donne toutes les valeurs possibles ou, un d’autres termes, la valeur complète de

Cela posé, désignons par le développement ci-dessus ; en observant que

étant un nombre entier quelconque, on pourra écrire

équation qui sera vraie quel que soit le nombre entier positif Et comme alors son second membre, comme le premier, admettra valeurs différentes, ce second membre sera le développement complet de [2].

Toutes les fois donc qu’on voudra raisonner sur le développement de la fonction il faudra employer le développement complet

et non pas sa valeur particulière

§. II.
Sur le développement des puissances fractionnaires des sinus et cosinus.

1. Les considérations exposées dans le précédent §., bien qu’extrêmement simples, paraissent de nature à faire évanouir toutes les difficultés que présentent les développemens de

et même à montrer comment ces difficultés, qui ont tant occupé les géomètres depuis quelques années[3], se seraient pour ainsi dire évanouies d’elles-mêmes, ou plutôt ne se seraient point présentées, si l’on avait raisonné avec la rigueur convenable.

En effet, suivant le procédé indiqué par M. Lacroix (Trait. de cal. diff. et intég., tom. III, pag. 609), posons

mais ayons soin, en développant le second membre suivant la formule du binôme, d’employer l’expression complète, telle que nous l’avons trouvée §. I. Après être repassé des exponentielles aux fonctions circulaires, nous trouverons

Cette expression est nécessairement complète ; c’est-à-dire qu’elle donne toutes les valeurs différentes de la fonction Il est très-facile de la vérifier pour des cas particuliers, ainsi que l’a fait M. Poisson pour la formule complète qu’il a donnée ; mais cela n’est point nécessaire, puisqu’il ne saurait y avoir de doute sur son exactitude.

2. Rien de plus facile maintenant que de trouver la valeur de qu’il faudra prendre pour obtenir une racine déterminée de l’expression En effet, posons, pour abréger,

soit en outre désignée par la racine réelle positive de l’équation ci-dessus pourra être écrite ainsi

représentant un nombre entier quelconque, généralement différent de Effectuant de part et d’autre les opérations indiquées et posant, pour abréger,

il viendra

d’où, en égalant séparément les parties réelles et les parties imaginaires[4],

(1)
(2)

Prenant la somme des carrés des deux membres de ces équations, on aura d’abord la relation

d’où

au moyen de laquelle on pourra toujours calculer la valeur réelle unique ou la valeur réelle positive de après avoir déterminé et Les équations (1, 2) donneront ensuite

Au moyen de ces valeurs, celle de pourra être écrite ainsi

Ainsi, et étant calculés, on aura la valeur d’une racine quelconque déterminée de en évaluant le second membre au moyen de qui sera donné, puisqu’on suppose que la racine dont il s’agit est déterminée. Si, par exemple, on demandait la racine entièrement réelle, il faudrait supposer d’où ou ou ce qui ferait retomber sur la valeur

3. Ce qui précède suppose qu’une au moins des valeurs de est réelle ; mais si est pair et négatif, il n’y en a pour lors que d’imaginaires. Dans ce cas, nous désignerons par la valeur positive de purement imaginaire, et nous aurons

En développant et égalant séparément les parties réelles et les parties imaginaires de l’équation résultante, nous trouverons

d’où

et, par suite,

ce qui donne

4. Ces formules se vérifient aisément pour divers cas particuliers, comme, par exemple, pour et mais ces vérifications sont complètement inutiles, puisque les formules ne sauraient manquer d’être exactes ; et l’on peut, à l’inverse, s’en servir, dans chaque cas particulier, pour déterminer les valeurs des séries représentées par et ce qui peut offrir d’intéressans résultats.

Nous croyons pouvoir affirmer, en terminant, que toutes les difficultés auxquelles ont pu et pourraient encore donner lieu à l’avenir les développemens de et se résoudront aisément et complètement à l’aide des considérations qui viennent d’être exposées.

  1. En écrivant
    ne pourrait-on pas dire que le développement est complété par le facteur susceptible, comme de valeurs différentes ?
    J. D. G.
  2. En mettant comme nous l’avons fait tout à l’heure, sous la forme

    il faudra ne prendre pour que sa valeur arithmétique absolue, sans quoi les valeurs de ce facteur, combinées avec les valeurs de donneraient pour le développement de plus de valeurs qu’il n’en comporte.

    J. D. G.
  3. Voyez Annales, tom. XIII, pages 94 et 213. M. Poinsot, dans un Mémoire sur l’analise des sections angulaires, lu à l’académie royale des sciences de Paris, le 19 mai 1823, s’est aussi occupé de cette question.
    J. D. G.
  4. Nous placerons ici une remarque qui nous paraît importante : c’est qu’ayant une équation de la forme on ne doit pas en conclure trop légèrement lorsque ces quantités sont des séries. On sait en effet qu’une valeur imaginaire peut être développée en une série de termes réels, comme par exemple

    mais qu’alors ces séries ne sauraient être constamment convergentes. Lors donc que quelqu’une des trois quantités sera une série divergente, on ne pourra être certain de la conclusion

    Cette remarque, au surplus, n’intéresse aucunement le sujet qui nous occupe, attendu que et étant chacun, par la forme même de leur développement, moindres que ne sauraient être des séries divergentes.

    (Note de M. Stein.)