Annales de pomologie belge et étrangère/Cerise Reine-Hortense

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Cerisier Reine Hortense.

Synonymes : Cerise monstrueuse de Bavay, hybride ou belle de Laeken, Louis XVIII, Morestin, Rouvroy, Guigne de petit Brie, Reine des cerises.

(Les cerises figurées sur la planche ont été récoltées en pyramide.)

Nous avons dit ailleurs : « Cette variété, trouvée dans le couvent des Carmes, à Vilvorde, a été mise, en Belgique, dans le commerce vers 1826, c’est-à-dire dix ou douze ans avant qu’on l’ait cultivée en France, sous le nom de reine Hortense. » Cette note exige quelque explication ; et puisque l’occasion s’en présente, nous croyons devoir faire ici l’historique de cette cerise, qui a particulièrement occupé les pomologues français.

Lorsque la cerise reine Hortense fut annoncée pour la première fois en 1838, par les Annales de Flore et Pomone, la paternité en fut attribuée à M. Girault, dit Larose, ancien jardinier de l’impératrice Joséphine, à la Malmaison. Une cerise identique ayant été présentée comme nouvelle, en 1840, par M. Jamain, et le 5 juillet 1841 (sous le nom de cerise Morestin), par M. Mouchelet, de Saint-Denis, au cercle des conférences horticoles, M. Camuzet, chef des pépinières du Jardin-des-Plantes à Paris, fit, à cette occasion, insérer l’historique de ce fruit dans ces mêmes Annales (livraison d’août 1841). L’identité avec la cerise reine Hortense ayant été immédiatement reconnue, une commission fut nommée et M. Camuzet en fut le rapporteur. Nous empruntons à son rapport les détails qui suivent :

« En 1816, un nommé Louis Gros-Jean, vigneron dans la vallée de Montmorency, trouva, dans ses vignes, un cerisier venu spontanément de noyau. Il le trouva beau et le nomma cerisier Louis XVIII. Il en donna des greffes à un amateur nommé Morestin, qui le multiplia comme fruit nouveau, et le transmit à divers cultivateurs et notamment à M. Duro de Pierfitte, qui le donna lui-même à M. Mouchelet, sous le nom de cerisier Morestin. En 1820, M. Camuzet avait reçu d’un amateur qui l’avait remarqué dans les environs de Lille, un nouveau cerisier qu’il ne put pas lui désigner nominativement et que, pour le distinguer, M. Camuzet appela cerisier Rouvroy, du nom de cet amateur.

» Il eut l’idée, à son retour de Saint-Denis, où la commission était allée chez M. Mouchelet, pour examiner le cerisier dit Morestin qui fut encore une fois reconnu pour le cerisier reine Hortense, de confronter avec son arbre des rameaux de ce dernier cerisier, des cerisiers de M. Mouchelet, de M. Jamain et de celui cultivé au potager de Versailles sous le nom de guigne de petit Brie. La comparaison fit connaître l’identité de tous ces arbres ; ce qui a amené M. Camuzet à penser que le cerisier reine Hortense pouvait être né à différentes époques et dans diverses localités. »

Cette opinion nous paraît d’autant plus fondée, que la monstrueuse de Bavay (nous parlons d’après l’expérience de deux générations embrassant plus d’un demi-siècle) se reproduit de noyau plus ou moins identiquement. Ainsi la Reine des cerises et tant d’autres qu’on présente comme autant de variétés, ne sont que la reproduction, par noyau, de la cerise qui nous occupe.

Loin de nous la pensée de prétendre que le cerisier séculaire, connu sous le nom de monstrueuse de Bavay, soit fondé à réclamer la paternité de tous ces cerisiers ; nous croyons toutefois que cette paternité ne peut être contestée pour l’hybride ou belle de Laeken. Voici, en effet, l’historique de ce cerisier : Vers 1812, M. Latour du Pin, préfet du département de la Dyle, ayant entendu parler d’un cerisier appartenant à mon père, et qui était connu sous le nom de monstrueuse de Bavay, lui en demanda un écusson qu’il fit planter dans le jardin de la Préfecture. Lorsque, sous le règne de Guillaume Ier, l’hôtel de la préfecture fut démoli pour faire place au palais du Roi, cet arbre fut transplanté à Laeken, où il a acquis une sorte de célébrité sous le nom d’hybride ou belle de Laeken.

En résumé, si parmi les cerisiers identiques que nous venons de passer en revue, il en est qui ne sont que les rejetons de cerisiers déjà connus, nous croyons qu’ils peuvent avoir été obtenus, par noyau, sur divers points de la Belgique et de la France, et qu’ils ne sont pas, pour cela, des variétés, mais que leur identité est parfaitement constatée.

L’arbre, assez vigoureux, est de grandeur moyenne ; il réussit également en pyramide et en haut-vent ; il mérite d’être cultivé en espalier au levant ou au couchant. Ses rameaux sont étalés presque horizontalement ; ses bourgeons sont d’un vert frais et lavés de rouge du côté du soleil. Les feuilles, d’un vert foncé en dessus, plus pâles en dessous, sont très-nervées et gaufrées, ovales, allongées, acuminées, longues de 13 à 18 centimètres, garnies, sur leurs bords, de dents larges, émoussées et surdentées ; le pétiole, long de 27 à 40 millimètres, est canaliculé, rougeâtre, muni à sa base de deux stipules pinnatifides, et à son sommet, de glandes fauves, variables en nombre, et qui quelquefois se trouvent sur les premières dents du disque.

Les fleurs sont blanches.

Les fruits, de toute première qualité, le plus souvent réunis par deux, trois et quatre, sont portés par un pédoncule mince, long de 6 centimètres, inséré sur le fruit dans une large fossette. Leur forme est ou arrondie ou en cœur obtus. Ils sont légèrement comprimés ou aplatis sur deux faces et souvent marqués, au milieu de l’une d’elles, d’un sillon longitudinal ; ils ont ordinairement 3 ½ centimètres de hauteur et 10 à 11 centimètres de circonférence.

La peau est mince, luisante, transparente, d’un rouge clair d’abord qui devient foncé à la maturité.

La chair est jaune, fondante et pleine d’un jus incolore, sucré, sans acidité.

Le noyau, assez gros, est ovale et aplati.

La monstrueuse de Bavay, il faut le dire, n’est pas très-productive, mais elle possède une qualité assez précieuse, indépendamment de ses autres titres de recommandation, pour que nous croyions devoir la signaler. Elle peut être aisément transportée à de grandes distances sans altération : avantage que sont loin d’offrir, au même degré, la plupart des autres cerises, guignes et griottes, en particulier, comme l’expérience me l’a démontré. La culture de cette belle variété ne saurait donc être trop encouragée en vue de l’exportation.

Cette cerise mûrit dès le commencement de juillet ; elle n’offre aucune particularité qui puisse faire exception à la culture ordinaire du cerisier.