Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Beurré d’Hardempont

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Beurré d’Hardenpont.

(Hardenpont.)
Synonymies : Glou-morceau, Goulu morceau de Cambron ; en France, Beurré d’Arenberg ; en Angleterre, Beurré de Kent.

(Spécimen récolté sur espalier.)

Il est peu de fruits dont la culture soit plus répandue en Belgique. Le Beurré d’Hardenpont s’y trouve dans tous les jardins ; en ville comme à la campagne, chez le petit cultivateur aussi bien que chez le riche propriétaire, partout l’espalier lui est réservé, et les soins du jardinier reçoivent pour récompense, des récoltes aussi précieuses par leur abondance que par la beauté, le volume et la qualité supérieure des produits.

Cette poire si estimée a pour auteur M. Hardenpont, l’un de ces pomologues du Hainaut, qui furent, pour ainsi dire, les précurseurs de Van Mons dans les semis pour l’amélioration du poirier. La première apparition du Beurré d’Hardenpont date de 1759 ; il est resté pendant longtemps inconnu des pomologues français, et ce n’est que vers 1806 qu’il a été introduit en France, par Louis Noisette. Dans un voyage que cet horticulteur fit, à cette époque, au château du duc d’Arenberg, à Heverlé, près de Louvain, il y remarqua plusieurs fruits qui lui étaient inconnus et qui lui parurent mériter d’entrer dans ses collections. Soit ignorance, soit mauvaise volonté, personne ne lui fit connaître le vrai nom de la poire dont il s’agit dans cet article, et M. Noisette crut être en droit de lui assigner celui de Beurré d’Arenberg, en la proclamant la meilleure de toutes les poires[1]. Cette appréciation, fort juste du reste, répétée dans tous les catalogues français, dans le Bon Jardinier et les nombreux ouvrages et catalogues de M. Noisette, attira l’attention de tous les amateurs ; en Belgique particulièrement, chacun voulut se procurer une variété nouvelle aussi délicieuse. Ce fut une source de déceptions et de récriminations d’autant plus nombreuses, qu’un autre fruit de la même origine, le Délice, avait reçu, en France, le nom de Beurré d’Hardenpont, et venait augmenter la confusion dans les nomenclatures.

C’est un exemple remarquable des inconvénients causés par l’abus des synonymies ; il prouve l’utilité des ouvrages destinés à recueillir le signalement et, en quelque sorte, l’acte de naissance des bons fruits.

Le Beurré d’Hardenpont se comporte également bien sur franc et sur coignassier ; toutefois, il ne produit abondamment de beaux fruits qu’en espalier au levant ou au midi. On le voit réussir néanmoins en haut-vent et en pyramide dans les sols chauds et légers, et dans les localités favorisées par de bons abris ; mais c’est l’exception[2]. Dans les terrains froids, argileux et les situations non abritées, les fleurs coulent, et le peu de fruits qui nouent se fendillent, tombent ou restent petits. Il prend une belle forme en pyramide.

Le Beurré d’Hardenpont a déjà été décrit dans l’Album de Pomologie de M. Bivort ; mais ce fruit étant, par son importance, du nombre de ceux que nous devons nécessairement reproduire dans ces Annales, nous empruntons à notre collègue les principaux détails de sa description.

Ce fruit est gros ou très-gros en espalier, allongé, obtus aux deux bouts, renflé vers son centre, côtelé, bosselé et rétréci vers l’ombilic.

La peau est lisse, vert-clair, jaunissant fortement à la maturité, maculé et pointillé de brun-jaunâtre. L’ombilic est petit, enfoncé, irrégulier, noir.

La chair est blanche, très-fine, beurrée, fondante, sucrée et assez parfumée.

Les branches principales sont de grosseur moyenne, éparses et forment, avec le tronc, un angle très-ouvert ; elles sont plus souvent rugueuses que lisses ; les branches à fruits, très-rapprochées, sont courtes, assez grosses, gris-argenté, tachetées de fauve.

Les yeux à fruits sont gros, ovales, pointus, brun-marron lavé de gris.

Les jeunes rameaux sont de grosseur moyenne, assez longs, anguleux et coudés aux articulations.

L’épiderme est vert-bronzé, lavé de brun-clair, principalement vers l’extrémité du rameau et du côté exposé aux rayons solaires ; il est entièrement et finement parsemé de tiquetures jaunâtres. Les yeux à bois sont petits, ovales, pointus, écartés du bois, brun-noir ; ceux du centre s’allongent ordinairement, dès la première année, en lambourdes de 2 à 7 centimètres de longueur.

Les feuilles sont ovales, lancéolées, pointues, quelquefois cordiformes ; elles sont largement et irrégulièrement dentées, d’un vert-jaunâtre, presque toujours crispées, contournées et tachetées de noir, souvent attaquées par les insectes ; celles qui entourent les yeux à fruits ont la même forme, mais le pétiole, qui est de 2 centimètres de longueur dans les premières, acquiert jusqu’à 5 ½ centimètres dans celles-ci.

Les yeux de l’année les plus élaborés ont des feuilles étroites, allongées, pointues, dentées et à bords latéraux, inégalement relevés ou en gouttière.

La nervure médiane est très-apparente, assez grosse, jaunâtre ; les nervures secondaires très-fines. Le pétiole est assez gros, cannelé, vert-clair.

Les stipules sont étroites, lancéolées, incisées ou filiformes.

Les supports sont gros, courts, ridés, rugueux, brun-foncé.

Le Beurré d’Hardenpont mûrit dans le mois de décembre, et l’on en conserve souvent jusqu’en février.

A. Royer.

  1. Je tiens ces détails de M. Noisette lui-même, qui me fit présent, en 1834, d’un rameau du prétendu Beurré d’Arenberg. Je ne me doutais pas alors que je possédais depuis longtemps la variété sous son véritable nom.
  2. Par exemple, dans la vallée de la Meuse, à Namur, où nous cultivons un grand nombre de pyramides et de hauts-vents de cette variété, dont nous obtenons de magnifiques récoltes.