Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Beurré gris

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Beurré gris.

Synonymes : Beurré gris d’automne, Beurré doré, Beurré roux ou rouge, pour quelques-uns : Beurré d’Amboise. — Beurré d’Isambert.

(Spécimen récolté sur pyramide.)

Le beurré qui nous occupe est probablement la première poire fondante qui ait mérité le titre de beurré ; son ancienneté est donc incontestable. C’est sans doute parce que les poires de cette catégorie étaient peu nombreuses, que Duhamel s’est contenté de lui donner le nom de beurré sans qualificatif ni déterminatif. Ajoutons que cet auteur et les pomologues qui ont suivi sa nomenclature, l’ont signalé comme variable de couleur, et que c’est cette variation, résultant de l’état constitutif de l’arbre et des conditions dans lesquelles il est placé, qui a motivé les diverses synonymies qu’il a reçues. Ainsi, le beurré gris, le beurré gris d’automne, le beurré doré, le beurré roux ou rouge ne sont qu’une seule et même variété.

Quelques pomologues sont d’avis que le beurré d’Amboise ou d’Isambert n’est qu’un synonyme du beurré gris ; mais les opinions sont très-divisées à cet égard. La Quintinie connaissait déjà le beurré d’Amboise, qu’il admettait comme une variété. Couverchel, dans son Traité des fruits, prétend que les caractères du beurré d’Amboise sont assez constants pour qu’on ne puisse pas les attribuer à l’influence de l’exposition, et qu’ils sont suffisants pour qu’on ne confonde pas ce dernier avec le beurré gris.

On ajoute aujourd’hui le déterminatif d’automne au nom de beurré gris, pour le distinguer plus complétement du beurré gris d’hiver nouveau ou beurré supérieur de Luçon.

Comme on le voit, le beurré gris d’automne est très-ancien. Le temps n’a toutefois rien ôté à la saveur de cette variété, qui tient toujours le premier rang parmi nos meilleures poires. Mais peut-on en dire autant de l’arbre qui la produit ? Nous ne le pensons pas, car Duhamel avance positivement que « cet arbre s’accommode de tous les terrains, de toutes les formes, espalier, buisson, éventail, plein-vent et presque de toutes les expositions, » tandis que, de nos jours, il est peu vigoureux et ne réussit plus qu’en espalier dans les terres légères et chaudes ; il offre rarement de bons résultats en plein-vent, si ce n’est dans quelques jardins privilégiés du Hainaut et des provinces de Liége et de Namur ; assez généralement, en Belgique, le plein-vent le rend rachitique, et alors ses fruits se gercent ou restent petits. Notre planche représente deux poires : l’une récoltée sur un haut-vent ; l’autre sur un espalier, afin de rendre sensible la différence qui distingue ces produits. Nous ne conseillerons donc la culture de cet arbre qu’en espalier, où il donnera de belles et bonnes poires, quelle que soit la forme qu’on adopte d’ailleurs.

Le pomologue anglais Knigt est l’un des premiers qui aient signalé combien cet arbre est déchu de ses bonnes et belles qualités.

Lorsque le beurré gris fournit une végétation normale, la production en est abondante et ne se fait pas attendre autant que dans les autres variétés. Ses bourgeons ont généralement une teinte rouge clair ; ses feuilles planes, terminées en pointes allongées, recourbées en dessous, sont d’un vert tendre ou légèrement jaunâtre et bordées de petites dents obtuses ; il y en a de grandes et de petites : les unes ont des stipules grandes et lancéolées ; les autres, des espèces de papilles noires et pointues à la base du limbe. Les pétioles sont de longueurs diverses.

Le fruit est pyriforme obtus, arrondi au sommet. Son plus fort diamètre est de 5 à 7 centimètres et sa hauteur varie de 6 à 9 centimètres ; son calice est placé dans une cavité peu profonde. Le pédoncule, épaissi à son insertion et à son extrémité, est long de 2 centimètres et demi à 3 centimètres.

La peau est fine, de couleur variable, comme nous l’avons dit, généralement vert tendre, recouvert de nombreux points gris ou roux, dont la réunion forme des plaques plus ou moins grandes : si ces points sont rares, le fruit reste plus vert ; si, au contraire, celui-ci se teint de rouge du côté du soleil, il ressemble au beurré d’Amboise.

Cette excellente poire, qui mûrit à la fin de septembre, a la chair fine, fondante sans être jamais pâteuse. Dans les terrains peu favorables, elle a ordinairement des pierres autour des loges. Ses pepins avortent souvent, ce qui est encore un témoignage de l’ancienneté de sa culture.

L. de Bavay.