Annales de pomologie belge et étrangère/du Pêcher

La bibliothèque libre.



du Pêcher

Persica. — Famille des Rosacées, Icosandrie (Linné).


Le pêcher, dont nous ont dotés l’Asie et la Perse, a produit en Europe un assez grand nombre de variétés. En France, aux environs de Paris, et à plus forte raison chez nous, il lui faut l’abri du mur, à défaut duquel ses fruits, n’arrivant pas à maturité, n’ont aucune des bonnes qualités qui en font le mérite.

Cet arbre a les feuilles alternes simples ; un calice en cloche, divisé en cinq coupures arrondies ; cinq pétales ovales et une vingtaine d’étamines attachés les uns et les autres à l’orifice du calice ; un ovaire libre surmonté d’un style simple égal à la longueur des étamines, et terminé par un stigmate à échancrure latérale.

L’arbre s’élève peu, même sous le climat qui lui est le plus favorable. L’écorce du vieux bois est grisâtre, peu rugueuse ; celle des bourgeons est lisse, verte à l’ombre, rouge du côté du soleil ; elle a une teinte pourpre plus foncée sur les rameaux et les branches à fruit d’un an.

Les feuilles sont lancéolées et pointues, dentées plus ou moins finement, d’un joli vert frais généralement plus foncé en dessus qu’en dessous ; elles ont le pétiole court, canaliculé, vert, quelquefois pourpré, se prolongeant au milieu en nervure principale de laquelle partent des nervures horizontales alternes se terminant sur le bord et s’y ramifiant ; elles exhalent une odeur d’amande, quand on les froisse entre les doigts.

Les fleurs sont d’un rose plus ou moins intense.

Le fruit est un drupe charnu, succulent, à peau lisse ou duveteuse, à chair adhérant au noyau ou s’en détachant.

Le noyau est généralement gros, dur, rustiqué, comprimé, creusé à sa base, pointu au sommet, ayant d’un côté un renflement longitudinal saillant, et de l’autre une rainure par laquelle on ouvre le noyau, en y introduisant une lame de couteau ; il est brun, gris clair ou rouge foncé selon la variété ; son intérieur est lisse et renferme une amande qui est couverte d’une enveloppe blanc jaune quand elle est fraîche, et de couleur marron quand elle est sèche.

La grandeur des fleurs, le rose plus ou moins foncé de leur corolle, la peau duveteuse ou lisse des fruits, la fermeté ou la succulence de la chair, la facilité ou la difficulté avec laquelle celle-ci se détache du noyau, enfin, l’absence ou la présence, au sommet du pétiole, des petites glandes de formes différentes, sont les caractères à l’aide desquels on peut distinguer les espèces et les variétés entre elles, et les classer en groupes ayant des analogies déterminées et constantes.

Autrefois, les caractères sur lesquels était basé le classement des diverses variétés du pêcher, se rapportaient tous aux organes de la fructification ; ainsi, les fruits sont à peau duveteuse ou à peau lisse ; de là deux grandes divisions : la première comprenant les pêches duveteuses ; la deuxième, les pêches lisses. Le degré d’adhérence de la chair au noyau formait le second caractère. Chacune de ces divisions se subdivisait donc en deux sections : l’une dont la chair quitte le noyau ; l’autre dont la chair y est adhérente. Le troisième caractère résultait de la grandeur des fleurs, distribuées en grandes, en moyennes et en petites fleurs.

Les classes suivantes, constituées d’après ces observations, réunissaient les espèces ou variétés connues.

Première division.Pêches duveteuses.

Première section. À chair quittant le noyau (pêches proprement dites).

Première sous-division. — Fleurs grandes.
Deuxième sous-division. — Fleurs moyennes.
Troisième sous-division. — Fleurs petites.

Seconde section. À chair adhérant au noyau (Pavies).

Première sous-division. — Fleurs grandes.
Seconde sous-division. — Fleurs petites.
Seconde division. — Pêches lisses (violettes).

Première section. À chair quittant le noyau.

Première sous-division. — Fleurs grandes.

Seconde section. À chair adhérant au noyau (brugnons).

Première sous-division. — Fleurs grandes.

Ces caractères étaient ceux au moyen desquels on classifiait les pêches longtemps encore après Duhamel ; car telle était la classification du catalogue des pépinières du Luxembourg en 1809, placées alors sous la direction d’Hervy. Ce fut en 1810 que M. Desprez, juge à Alençon et député au corps législatif, qui s’occupait avec ardeur de l’étude des pêches, fit remarquer la présence des glandes sur le sommet du pétiole des feuilles, et parvint à en former trois nouveaux moyens de reconnaissance tirés de la présence et de la forme des glandes ou de leur absence totale. Il remarqua que les feuilles qui étaient glanduleuses avaient constamment ces organes de la même conformation dans tous les sujets d’une même variété ; que celles qui ne l’étaient pas, en étaient également toujours dégarnies dans tous les sujets identiques, et que, dans ce cas, ces feuilles étaient plus profondément dentées. Ces glandes affectent deux formes constantes et régulières : les unes petites, en général, et de forme arrondie, ont reçu le nom de globuleuses ; les autres, plus grandes que les premières, de près du double, sont creusées, de forme allongée et régulières ; ce qui a engagé M. Desprez à les appeler glandes réniformes. Ainsi, bien que Duhamel ait eu connaissance de ces organes, il ne leur avait pas trouvé la valeur des caractères que leur a attribués M. Desprez, et que l’on a aujourd’hui généralement adoptés pour grouper les pêches.

Ainsi donc, il peut y avoir, dans chaque sous-division, des pêches chez lesquelles les glandes sont globuleuses, ou réniformes ou nulles.

La constance de ces caractères ne s’était pas encore démentie, lorsque notre savant confrère, M. Rousselon, rédacteur en chef des Annales de la Société d’horticulture de Paris et centrale de France, dans un rapport qu’il a lu à cette Société sur le pêcher Reine des vergers, a signalé la présence presque égale de glandes globuleuses et réniformes déclarées jusqu’alors exclusives l’une de l’autre. Il pose, sans la résoudre, la question de savoir s’il ne conviendrait pas de créer un quatrième groupe pour réunir les pêchers dont les feuilles offriraient des glandes ainsi conformées.

La pêche est l’un des fruits les plus intéressants ; malheureusement, sa culture a besoin chez nous de beaucoup de précautions. C’est principalement parmi les fruits de la première section (les pêches proprement dites), et surtout parmi les plus hâtives, qu’il faut choisir les variétés à cultiver. Les Pavies et les Violettes réussissent mal, et parmi les brugnons, deux ou trois seulement offrent quelques avantages.

Le pêcher se greffe sur amandier, sur prunier et sur franc (le franc, c’est la pêche de noyau). L’amandier à amande douce et à coque dure est celui que l’on préfère généralement en France, où on ne le rebute que pour les terrains qui sont exposés à être submergés ; mais en Belgique, la végétation trop prolongée de l’amandier l’expose à être frappé par les premières gelées.

Le choix des pêchers à planter est fort important, et quelle que soit l’espèce, on ne doit jamais admettre que des arbres sains, dont l’écorce soit claire et vive et la tige convenablement munie d’yeux à sa base. La grosseur est un point secondaire, parce qu’elle est relative à la vigueur de l’espèce, et que d’ailleurs des tiges comparativement plus minces donnent des résultats tout aussi bons.

Chez nous, le pêcher ne peut guère réussir qu’adossé à un mur chaperonné et protégé par des auvents ou paillassons. Il lui faut l’exposition du midi dans les sols froids, et du levant dans les terrains chauds et légers. Quant aux variétés tardives, elles ne mûrissent pas toujours, même au midi, et encore sont-elles rarement bonnes.

Il importe, pour le succès dans la culture du pêcher, d’en bien connaître la végétation. Le développement en est plus restreint à mesure qu’il s’avance vers le nord. Sa végétation commence avec les premiers beaux jours du printemps, et, comme les fleurs précèdent l’apparition des feuilles, les gelées tardives leur sont très-funestes : de là, la nécessité des abris dont nous avons parlé. Une fois la végétation commencée, elle est incessante jusqu’au mauvais temps de l’automne, sauf les arrêts que peuvent apporter les intempéries printanières. C’est cette vie, continuellement active, qui impose au cultivateur de pêchers une grande surveillance, pour remédier aux désordres que peuvent entraîner à chaque instant, dans notre climat, les variations subites de température.

À mesure que les feuilles deviennent adultes, ce qui a lieu successivement de mai en août, il se forme dans leur aisselle des yeux ou boutons qui restent le plus souvent stationnaires jusqu’au printemps suivant. Quelquefois cependant des yeux ou gemmes, toujours rapprochés du sommet de bourgeons vigoureux, s’ouvrent par anticipation, et prennent le nom de faux bourgeons ou de bourgeons anticipés.

Ces productions sont de deux sortes, l’une à bois, l’autre à fleurs. L’œil à bois donne naissance à un bourgeon qui peut devenir un arbre. Le bouton à fleurs ne peut produire que du fruit ; il ne naît, sauf de rares exceptions, que sur du bois d’un an ; d’où la nécessité d’en faire produire chaque année de cette nature pour remplacer celui qui a fructifié.

Nous n’avons pas l’intention d’entrer dans les détails de la taille. Nous dirons toutefois que les formes que nous conseillons pour le pêcher, sont l’espalier carré, l’espalier en U, l’espalier à la Montreuil ou en éventail.

Le mois d’août est la meilleure saison des pêches en Belgique ; celles qui doivent mûrir dans la seconde quinzaine de septembre, et qui ne mûrissent pas toujours à point, sont loin de leur être comparables.

La maturité des pêches s’annonce, en général, par la teinte jaune qu’elles prennent sur le côté qui est resté à l’ombre. Pour les cueillir, on les saisit avec précaution et elles doivent rester dans la main, si elles sont à point ; si l’on cueille un jour ou deux avant la parfaite maturité, on les tourne un peu avec la main. On ne doit jamais s’assurer de la maturité par le toucher, parce que la moindre pression laisse une tache sur le fruit. Après la cueillette des pêches, on les dépose, avec précaution, et chacune enveloppée séparément de feuilles de vigne, dans un panier plat, sur un lit de ces mêmes feuilles. On les manie le moins possible, et l’on a soin de les brosser légèrement, pour les débarrasser de leur duvet.

Dans tous les pays où le climat favorise peu la maturité des pêches, on a intérêt à la hâter au moyen d’appareils mobiles plus efficaces que les murs et leurs chaperons. Indépendamment de ce que la récolte est assurée, les arbres ne sont pas fatigués, quand on a principalement pour but de les garantir de ces intempéries printanières, qui interrompent si souvent la végétation, détruisent les fleurs et causent presque toutes les maladies des pêchers.

Quand on cultive dans l’intention de protéger la récolte des pêches, il faut ne garnir l’espalier que d’espèces hâtives. On taille à l’époque convenable, selon que l’on veut hâter plus ou moins la fructification, et l’on place aussitôt des châssis mobiles devant l’espalier, pour garantir des intempéries les jeunes pousses que provoque la taille. Ces châssis sont inclinés à l’angle de 60 degrés. Pour cela, on fixe solidement, sous le chaperon du mur, une forte tringle de bois, destinée à supporter les châssis, dont il faut un double rang. Les châssis du premier rang sont fixés chacun par deux charnières vissées sur cette tringle et sur la traverse supérieure, tandis que celle du bas repose sur la traverse supérieure des châssis du second rang. Leur base est appuyée sur une forte planche, placée de champ, à la distance nécessaire du mur, sur le sol, où elle est maintenue, à l’intérieur et à l’extérieur, par un rang de piquets plantés de chaque côté. Des chevrons, allant du mur à la planche, coupés obliquement à chaque bout et cloués en haut sur la sablière, en bas sur la planche de champ, servent de support aux châssis. Les extrémités de cette serre mobile sont fermées en planches, avec une porte ménagée au centre, et les joints sont calfeutrés avec de la mousse.

Cet appareil peu coûteux est suffisant, lorsqu’on veut seulement assurer la récolte. Une couche de litière appliquée à l’extérieur, sur le sol, contre son pourtour ; des paillassons déposés sur les châssis pendant la nuit durant les froids, une toile claire ou une claie à brins longitudinaux opposée aux rayons du soleil, quand il darde trop fort ; le soin de renouveler l’air, d’abord par l’ouverture des deux portes, et ensuite en soulevant les châssis ; celui de combattre les insectes par des fumigations de tabac ; voilà à peu près toutes les précautions à prendre.

Dès la floraison, on suspend aux espaliers des fioles pleines d’eau miellée ou de jus de pruneaux, pour détruire les fourmis et les guêpes. Quand les fruits sont noués, on répand sur les arbres de l’eau en pluie très-fine à l’aide d’une pompe à main. Lorsque la chute des feuilles a eu lieu naturellement, au moment de la formation du noyau, on inspecte l’état général de la fructification, afin de ne conserver que le nombre de fruits proportionnés à la vigueur des arbres et placés convenablement. Il faut se garder d’en laisser trop, pour ne pas les épuiser ; d’ailleurs, un trop grand nombre de fruits sur ces arbres aurait pour résultat d’en diminuer la qualité. Le palissage, l’ébourgeonnement et le pincement doivent être faits avec tout le soin possible, afin de favoriser la circulation de l’air, et de ne pas laisser développer des productions inutiles.

Dès le mois de juin, on enlèvera les châssis du bas, et l’on tiendra constamment ouvertes les portes des extrémités. On arrosera de temps en temps le feuillage, et l’on déposera au pied de chaque arbre, un ou deux arrosoirs d’eau, selon le besoin ; enfin, lorsque les fruits auront atteint leur grosseur normale, on les découvrira, pour qu’ils se colorent, soit en supprimant des feuilles, dont on conserve le pétiole, soit en les détournant simplement.

Après la récolte, on enlève tous les châssis pour les remettre en temps opportun, après que les arbres ont ressenti l’influence de l’hiver, condition essentielle à l’accomplissement régulier de leurs fonctions.

Si, au lieu d’assurer simplement la récolte des pêches, on avait l’intention de la forcer, on pourrait employer le même appareil, en y ajoutant un chauffage dont le foyer serait à l’extérieur des châssis et dont les tuyaux passeraient en dedans, le long de la planche du bas. Un épais réchaud de fumier garantirait le pourtour, et des paillassons et de la litière couvriraient les châssis, ainsi que les clôtures des extrémités. Le minimum de la chaleur produite doit être de 15 degrés. Les soins sont les mêmes que ceux qui ont été indiqués plus haut, la seule difficulté consiste à entretenir cette chaleur tout en donnant le plus possible de lumière et d’air. On peut commencer dès le mois de décembre, après que les arbres ont subi quelques degrés de froid.