Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Madame Élisa

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Poire Madame Élisa.

(Bivort.)

(Spécimen récolté sur pyramide.)

Il arrive assez souvent que les fruits de semis, multipliés par la greffe et récoltés dans un terrain différent du sol natal, ne présentent plus dans la suite les qualités qu’avait reconnues leur premier auteur : non-seulement le sol influe sur la qualité des fruits, mais le sujet lui-même n’est pas sans influence à cet égard.

L’obtenteur d’un fruit nouveau se trouve donc heureux, après quelques années, s’il est mis à même de déguster cet intéressant produit d’une patiente industrie, récolté dans des conditions différentes, et s’il lui retrouve les qualités qui lui avaient paru justifier son introduction dans nos jardins, et parfois un mérite supérieur.

C’est ce qui est arrivé pour la poire Madame Élisa, dont la première production a eu lieu en 1848, à Geest-Saint-Remy ; récoltée en 1855, à Courtrai et à Namur, dans un sol sans analogie avec celui où elle est née, elle a soutenu dignement sa réputation de bon et beau fruit.

La poire est ordinairement très-grosse, pyriforme ou conique pyramidale. L’épiderme, vert clair, légèrement ponctué et maculé de gris-roux, est ombré de même couleur autour du calice et du côté frappé par les rayons solaires ; à l’époque de la maturité, il jaunit légèrement et, récolté en terre forte, il est quelque peu taché de noir. Le pédoncule, long de 3 centimètres, grêle, ligneux, un peu arqué, brun du côté du soleil, vert du côté de l’ombre, est implanté obliquement à fleur du fruit. Le calice, souvent irrégulier, et dans le cas contraire couronné, occupe une cavité peu profonde et très-évasée, parfois il est également placé à fleur du fruit. Ses divisions sont brunes, ordinairement caduques. La chair est légèrement rosée, fine, fondante, beurrée ; son eau est assez abondante, sucrée, ayant un parfum des plus agréables. Cette poire est de toute première qualité.

L’époque de sa maturité a lieu dans les derniers jours de novembre et se prolonge jusque vers la fin de décembre.

L’arbre est vigoureux et fertile ; son bois, gros, gris, ponctué de larges lenticelles fauves, s’élance presque droit, et forme un angle aigu avec le tronc.

Ses brandies à fruits sont courtes, grosses.

Les boutons à fleurs sont moyens, ovales, pointus, brun ombré de noir.

Les supports sont courts, gris, ridés et peu renflés vers le bout.

Les jeunes rameaux sont gros, longs, flexueux, striés. L’épiderme est gris-verdâtre du côté de l’ombre, vert obscur ou vert-brun du côté du soleil et au sommet du rameau ; il est ponctué de petites lenticelles rondes ou ovales, proéminentes, gris-blanc en dessus et fauves en dessous ; la jeune pousse herbacée est cotonneuse, lavée de rouge et anguleuse à son sommet.

Les gemmes sont assez gros, courts, épais, brun clair ombré de brun foncé, apprimés à leur base, écartés à leur sommet ; au bout du rameau, ils sont parfois triangulaires et apprimés, tandis que ceux de la base sont portés sur un renflement notable et entièrement écartés.

Les mérithalles sont courts et réguliers.

Les feuilles sont grandes, vert très-foncé, ovales-arrondies pointues, planes, parfois froncées à serrature large et irrégulière. Les feuilles secondaires et celles des lambourdes sont lancéolées, effilées par les deux bouts ; la nervure médiane est rougeâtre et reste longtemps cotonneuse. Le pétiole, long de 2 à 4 centimètres, est gros, canaliculé, cotonneux, vert clair lavé de rouge. Les stipules sont filiformes et parfois falciformes.

Cette variété, qui a été dédiée par l’auteur à Mme Élisa Berckmans, se comporte bien en pyramide sur franc et sur coignassier. On peut aussi la cultiver en espalier au levant et au couchant ; son fruit y devient magnifique et conserve ses bonnes qualités, seulement il mûrit plus tôt.

Alexandre Bivort.