Annales de pomologie belge et étrangère/Poire Virgouleuse

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VIRGOULEUSE.
1o  Fruit venu en espalier. 2o  Fruit venu en haut-vent.

Poire Virgouleuse.

Synonymie : Virgoulée (La Quintinie), Chambrette, poire Glace.

Les pomologues du xviie siècle ont constaté l’origine de la Virgouleuse, obtenue dans un village du nom de Virgoulé, près de Limoges, vers 1650 ; on lui donna d’abord dans le pays le nom de Chambrette, à cause du baron de Chambrais, seigneur du domaine. La Quintinie, qui fit prévaloir le nom de Virgoulée, classe cette poire au nombre des fruits de premier ordre, à côté du Beurré, sur lequel il lui attribue même une certaine supériorité ; et conseille, d’accord sur ce point avec Merlet, de la cultiver, non en espalier, mais en buisson, forme alors fort en vogue, et qui remplaçait nos pyramides dans la plantation des jardins. Cette circonstance et l’âge bien constaté de ce fruit sont utiles à consulter dans l’étude de la dégénération des fruits, question soulevée autrefois par Van Mons, et si controversée encore aujourd’hui. En effet, la Virgouleuse ne donne plus maintenant des fruits présentables qu’aux meilleures expositions à l’espalier. Le haut-vent, la pyramide même ne lui conviennent plus ; les fleurs y coulent ou ne donnent que des fruits gercés.

Par une exception très-rare, le spécimen (figure n° 1) du dessin joint à cet article a été récolté sur un arbre séculaire, planté en haut-vent dans notre jardin de Namur, arbre qui donne assez régulièrement d’amples récoltes, sans que jamais les fruits soient gercés. À quoi faut-il attribuer ce privilége ? L’arbre a dû être greffé à une époque très-ancienne, alors que la variété, jeune et vigoureuse, n’avait encore donné aucun des signes de décrépitude qu’elle montre sur les sujets greffés plus récemment ; des faits analogues, nombreux et bien observés, jetteraient peut-être quelque jour sur l’influence de la greffe en ce qui concerne la dégénération des variétés : une discussion sur ce sujet nous entraînerait trop loin, et ne doit pas être abordée incidemment.

Au reste, la Virgoulcuse est encore une des meilleures poires d’hiver, lorsqu’elle est cultivée dans un sol léger et placée en espalier au levant. Dans ces conditions, l’arbre est vigoureux et lent à se mettre à fruit ; mais après avoir formé ses lambourdes il devient très-fertile.

Le fruit est moyen ou gros, de forme ovoïde, son plus grand diamètre étant vers le milieu ; ses extrémités sont obtuses ; il atteint parfois 10 centimètres de hauteur sur 8 de largeur, mais son volume normal n’est que de 8 centimètres sur 7. Le calice est petit, ouvert, irrégulier ; la cavité dans laquelle il se trouve est peu profonde, entourée de quelques petites gibbosités ; le pédoncule, un peu charnu à sa base, long de 2 à 3 centimètres, est implanté obliquement dans un enfoncement irrégulier, assez profond et évasé. La peau est lisse, vert-clair, passant au jaune citron à la maturité, parsemée de petits points roux. Duhamel dit qu’elle se colore ordinairement d’une légère teinte rougeâtre du côté du soleil ; ce qui est possible dans les climats méridionaux, mais jamais nous n’avons remarqué cette teinte en Belgique. La chair est jaune, tendre, beurrée, demi-fondante ; l’eau, assez abondante, est sucrée sans être fade. La maturité commence en décembre, et se prolonge au moins jusqu’à la fin de janvier.

Les branches à fruits sont courtes, grises et fortes. Les supports, gris et ridés.

Les boutons à fleurs sont moyens, ovales, pointus, larges à la base.

Les fleurs sont grandes, les pétales ovales aigus et un peu creusés.

Les rameaux sont longs, un peu coudés à chaque œil, et très-forts ; l’épidémie est lisse, luisant, vert-brun nuancé de rouge du côté du soleil, ponctué de lenticelles grises.

Les gemmes sont gros, arrondis, pointus, saillants, brun-clair ombré de gris et de brun-foncé ; portés sur des supports aplatis.

Les mérithalles sont moyens et réguliers.

Les feuilles sont grandes, ovales pointues, d’un vert foncé très-luisant, arquées et à bords relevés en gouttière ou sinués ; leur serrature est fine, régulière et peu profonde. Elles mesurent 9 à 10 centimètres en longueur, 6 à 7 en largeur.

Le pétiole est moyen, cannelé, vert clair.

Les stipules sont filiformes.

La Virgouleuse contracte facilement au fruitier l’odeur des objets sur lesquels on l’a placée ; pour éviter cet inconvénient, il faut déposer la récolte sur des treillis en bois.

A. Royer.