Annales de pomologie belge et étrangère/du Noyer

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du Noyer

noyer commun. — noyer royal.

Juglans Regia, L. — Famille des Térébinthacées, J. — Des Junglandées, D. C.


Nous ne pouvons accorder au noyer une place proportionnée à son importance et à sa beauté, sans tomber dans des longueurs que nous devons ici nous interdire. Qui ne connaît cet arbre d’un aspect souvent imposant et d’une grande élévation (il atteint 16, 18 mètres et quelquefois plus), dont les rameaux cylindriques, glabres, étalés, forment une cime touffue, une sorte de voûte plus ou moins arrondie ; dont les feuilles, composées ordinairement de cinq à sept folioles d’un vert foncé, produisent un frais et épais ombrage ; dont les fleurs mâles sont de couleur verdâtre, tandis que les femelles sont d’un beau vert comme le péricarpe appelé brou, qui sert d’enveloppe externe ; dont le fruit ou drupe, comme l’appellent les botanistes, se compose d’une amande partagée en quatre lobes réunis par couples, et renfermée dans une seconde enveloppe ligneuse, bivalve et sillonnée en réseau ?

Originaire des montagnes de l’Asie Mineure et centrale, le noyer a été introduit en Europe à une époque fort reculée ; déjà il était naturalisé en Grèce au temps où Théophraste écrivait son Histoire des plantes (314 années avant l’ère vulgaire). Il paraît qu’il passa ensuite en Italie, et de là dans les autres contrées de l’Europe. Luttant difficilement contre les rigueurs de nos climats les plus septentrionaux, ses fruits ne mûrissent plus au delà du 55e degré. L’Amérique du Nord nous a fourni plusieurs variétés distinctes, dont on a cru devoir faire une section séparée, mais il ne paraît pas qu’on les rencontre au delà du 40e degré de latitude nord.

Indépendamment des noyers exotiques, on compte bon nombre de variétés du noyer commun, dont quelques-unes sont remarquables à divers titres ; elles feront ultérieurement l’objet d’articles spéciaux auxquels nous renvoyons nos lecteurs.

Le noyer n’est nullement difficile sur la nature du sol. On le voit se développer dans les terres les plus stériles ; mais, pour bien prospérer, il lui faut un sol calcaire, schisteux ou volcanique ; il refuse de croître dans les terrains granitiques, et ne s’accommode guère mieux des terres humides et argileuses.

Encore une fois, il faudrait faire un livre, si nous devions énumérer tous les avantages que procure l’arbre éminemment utile qui nous occupe, et qui nous rappelle les doux jeux de l’enfance (V. Ovide, De Nuce). Un rapide aperçu suffira. On sait que le bois du noyer est l’un des plus beaux que nous possédions en Europe. Il est doux, liant, flexible, susceptible de recevoir un beau poli, de prendre la couleur d’acajou, et n’est point exposé aux ravages des vers. Aussi est-il recherché pour la menuiserie, l’ébénisterie, la carrosserie et surtout pour la fabrication des armes ; dans ce dernier emploi il possède une supériorité reconnue, incontestée. Sa culture ne saurait donc être trop encouragée, en particulier dans nos provinces de l’est, où cette industrie a pris un si grand développement. Le noyer fournit une immense quantité d’excellente huile, soit pour la table, soit pour les arts. Les noix font nos délices, soit déjà avant leur maturité, à l’état de cerneaux, soit après leur maturité, soit encore préparées au sucre, à l’eau-de-vie comme confitures, ratafia, etc., etc. Rappelons, en outre, que de nombreuses cargaisons de noix vertes quittent tous les ans nos ports pour fournir aux palais blasés, aux estomacs paresseux de la Grande-Bretagne, ce condiment si recherché, connu de nos voisins sous le nom de Ketchup essence.

Mais voyez quelle est l’ingratitude humaine envers le noble végétal auquel nous devons tant de bienfaits ! Il a été condamné, proscrit avec une sorte d’acharnement dans un trop grand nombre de localités, et notamment dans le département de la Seine-Inférieure, autrefois couvert de noyers. Mais quel est donc le grand végétal auquel on ne puisse adresser des reproches souvent plus graves ? Il faut le reconnaître avec le savant professeur d’agriculture et de sylviculture au Jardin des plantes de Rouen (M. Dubreuil) : « Dans les terres qui ont peu de fond, les longues racines du noyer rampent à la surface et nuisent beaucoup aux plantes herbacées, même à de grandes distances. Aucune plante ne vient sous son ombrage… C’est donc surtout en bordure du côté du Nord, ou en avenue, et non au milieu des champs, qu’il convient de planter le noyer, à moins qu’il ne s’agisse d’un terrain impropre à d’autres récoltes ; mais dans ce cas même, il faudra l’espacer beaucoup, car il n’aime pas la culture en massif. »

De nos jours, une heureuse et sage réaction se fait remarquer presque en tous lieux, et nous pourrions citer bon nombre de localités où de grandes plantations sont entreprises, notamment au château d’Ardenne, par l’ordre exprès du roi.

N’oublions pas, avant de terminer, de faire observer que l’on doit faire subir l’opération de la greffe aux noyers dont on veut hâter et favoriser les récoltes en fruits ; mais si l’on tient surtout au bois, il convient de les élever francs de pied ; ils acquièrent ainsi plus de vigueur et de plus grandes dimensions.

On est dans l’usage d’abattre les noix à grands coups de gaules ou de perches longues et flexibles ; à la bonne heure, si l’on a des raisons suffisantes de préférer ce procédé sommaire, mais brutalement destructif. Seulement il faut dès lors s’attendre à une production moins continue, moins abondante. Dans les jardins, dans les lieux enclos où les déprédations sont moins à craindre, il serait mieux, croyons-nous, d’attendre la chute des noix et de les ramasser chaque matin.

C. Aug. Hennau.