Annales religieuses de la ville de Comines/04

La bibliothèque libre.
César-Henri Derveaux 
Annales religieuses de la ville de Comines (Annales religieuses de la ville de Comines, 1856)
Traduction par C-H. Derveaux.
(p. 40-44).


CHAPITRE IV.

Fondation de la collégiale de Saint-Pierre de Comines

Quelques auteurs pensent, comme on l’a vu plus haut, que l’église de Saint-Pierre de Comines, devint collégiale lorsque saint Eloi, après avoir rendu de solennels honneurs à saint Chrysole, établit des prêtres pour chanter les louanges de Dieu, et veiller à la garde de ses saintes reliques ; mais comme dit Buzelin, nous n’avons aucun monument authentique qui confirme cette assertion. D’après ce savant annaliste, il n’est point vraisemblable que ce chapitre ait été fondé avant l’année 1146. Buzelin et Jacques Legroux pensent qu’il fut fondé et doté par un seigneur de Comines.

Ce qui est bien certain, c’est que, en 1196 (peut-être à l’occasion de l’élection d’un curé), il y eut un débat entre la collégiale de Comines et l’évêque de Tournai, pour savoir laquelle des deux autorités devait nommer le curé, l’évêque Etienne s’arrogea pour lui et ses successeurs, le droit d’établir le curé de Comines, à condition que celui-ci jurerait de respecter les droits des chanoines aussi bien que ceux de son évêque [1].

Ce diplôme qu’Aubert le Mire a conservé, nous offre des points très-curieux. Voici ce qui était assuré au curé : [2]

La quatrième part des offrandes, à savoir : des deniers, du pain, du vin, des cires, des œufs.

La quatrième part des petites dîmes, à savoir : des agneaux, des veaux, des porcs, des oies, du miel et du lin.

La quatrième part des deniers que l’on perçoit sur les jardins ; des trois autres parts, les chanoines en auront deux, et l’évêque, la troisième.

En outre appartiennent au curé, les droits des relevailles, des confessions, les quatre deniers des époux, les offrandes des pèlerins, les frais de sépulture. Sur toutes ces choses, ni l’évêque, ni les chanoines ou leurs vicaires, ne pourront rien prétendre. Il était dit aussi que, si quelqu’un donnait aux chanoines ou à leurs vicaires certaines aumônes ou rentes, le curé n’avait droit à rien.

Cet accord fut signé d’une part par l’évêque de Tournai ; et de l’autre, par Bauduin et les chanoines de Comines.

En 1009, Arduin, 37e évêque de Noyon et de Tournai, avait aliéné le patronage de l’église de Comines, en le donnant au comte de Flandre, Bauduin à la belle barbe, parce que celui-ci l’avait reçu et protégé contre Robert, roi de France, dont Arduin avait encouru la disgrâce. Avec le patronage, ledit évêque avait cédé la collation des bénéfices de l’église, et aussi toutes les dîmes auxquelles cette église avait droit. Mais cette donation ne devait avoir lieu que pendant quatre générations des descendants dudit comte. Celui-ci accorda ce patronage et la jouissance des dîmes au seigneur de Comines, Bauduin, à cause des services qu’il en avait reçus.

Radbot, évêque de Noyon et de Tournai, présenta ses réclamations à Robert-le-Frison, qui était le quatrième comte après Bauduin-le-Barbu. Mais si Robert eut l’intention d’accéder à la demande de l’évèque, il ne put accomplir sa promesse. Voici ce que dit la chronique de Tournai : Hic comes compunctus, episcopo se ea redditurum spopondit, sed antequcim de manibus militum ea tenenlium libera fierent, morte prœventus, non implevit quod proposuerat. Le comte, touché des motifs allégués, promit aussitôt à l'évêque de le remettre en possession de ses droits, mais il fallait auparavant qu'ils fussent dégagés des mains du seigneur qui en avait la jouissance. Prévenu par la mort, il ne put réaliser ce qu'il s'était proposé [3].

En l'année 1146, l'évêque de Tournai n'était pas encore rentré dans ses droits [4].

Un siècle plus tard (1250), Walter, aussi évêque de Tournai, voyant que le temps marqué était écoulé depuis longtemps, prétendit rentrer dans ses droits. Ce ne fut pas sans quelques contestations de la part de Bauduin, seigneur de Comines, contestations qui furent heureusement terminées par Marguerite, comtesse de Flandre et de Hainaut. Cette princesse s'étant fait expliquer le sujet du différent, reconnut le droit réel de Walter, et déclara qu'elle n'avait aucun droit sur l'église de Comines. En même temps, elle remit ledit droit de patronage avec celui de conférer les prébendes et canonicats sur le grand autel de la collégiale, au profit dudit évêque, en présence de plusieurs prêtres et seigneurs. Cet accord fut ratifié peu de temps après par le pape Alexandre IV. En conséquence, l'évêque de Tournai, comme prévôt de cette église, conféra depuis les prébendes qui étaient au nombre de douze.

Pour prévenir toute difficulté entre ledit évêque et les seigneurs de Comines au sujet de leur juridiction temporelle, à Comines, l'évêque reconnut Bauduin pour son avoué, et lui céda la juridiction temporelle qu'il avait en ladite ville; seulement, il fut stipulé que les sergents et officiers de l'évêque pourraient lever certaines rentes, la moitié d'affourage, les droits d'entrée et de sortie, et autres droits, comme cela se pratiquait depuis longues années. Lesdits officiers pourraient aussi y lever des amendes jusqu'à deux sols (1).

Ce fut probablement à cette époque 1250 ou antérieurement, que le château de l'évêque de Tournai fut bâti dans l'endroit qui porte aujourd'hui le nom de Biscopo, en flamand Bischophof; là habitait le bailli qui avait ses adjoints, comme on peut le voir dans les chartes de l'hôpital, qui se trouvent copiées dans un registre, page 73 (2). (l)Mirœus.Cap.132,p.1230;Cap.133p.1231;Cap.134 p.1234. Buzelin. Gallo flandria, p. 330. — Edward Leglay. Cameracum chrislianum, p. 131. (2) A tous ceux qui ces présentes lettres verront, je Rolland Mainfroot, bailli de monseigneur l'évêque de Tournai, à cause de son fief et seigneurie situé en la paroisse de Comines, nommé Ten Walle, suffisam- mentfondé et établi, et nous Jean Tacoen, PasschierPillin,JeanYan Torrout, Joseph Van Belle etGillesKensoen, échevins duditévêque, etc.

  1. Miræus. Supp. dip. part 111, cap. 94, p. 1200.
  2. Hœc sunt quœ assignalœ sunt presbytero ; quarta pars oblationum, videlicel denariorum, panis, vini, candelarum, ovorum.

    Quart apars etiam minutarum decimarum, scilicet, agnorum, vitulorum, porcorum, anserum, mellis et lini.

    Quarta pars etiam denariorum qui solvuntur de hortis. Ex tribus aliis partibus, duo habebunt canonici, tertiam, episcopus.

    Prœterea assignatœ sunt presbytero introductiones, confessiones, quatuor denarii nubentium, visitationes, donationes decedentium, in quibus neque episcopus neque canonici vel eorum vicarii aliquid percipient. Mirœus. (cap.132, p. 1230)

  3. Buzelin, Gallo flandria, p. 330
  4. In prœsenti anno 1146 nondum vidimus ea ad eyiscopum rediisse. Buzelin Gallo flandria, p.330