Anthélia Mélincourt/Desmond

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Traduction par Mlle Al. de L**, traducteur des Frères hongrois.
Béchet (1p. 133-157).


DESMOND.


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Je m’appelle Desmond ; mon père était officier de marine. Il fut forcé, par ses blessures, de quitter le service ; il se retira avec sa demi-paie et une très-modique pension. J’étais son fils unique, et il se soumit à tous les genres de privations pour me faire donner une bonne éducation, se flattant qu’elle me mettrait à même de faire mon chemin ; il accompagnait ce souhait de l’espérance que je considérerais l’argent comme le moyen et non comme le but, et que je me souviendrais que les seuls trésors réels de la vie, sont la vérité, la santé et la liberté. Vous n’êtes pas étonné qu’avec de tels principes, mon père soit resté trente ans lieutenant de marine, et que j’aie passé, au collège, pour un sujet dont on ne pouvait rien faire. Je profitai peu à l’université, comme vous le supposez facilement ; le système d’éducation qu’on y suit, me parut le résultat d’une profonde conspiration contre la raison humaine et les efforts d’un puissant machiavélisme politique et ecclésiastique pour arrêter l’essort d’un esprit ardent, irrité par le dégoût que doit lui faire éprouver un travail inutile.

Découvrir ou même commenter utilement une seule vérité, détruire l’empire des préjugés, porter le flambeau dans la route ténébreuse de la superstition et des impostures politiques, c’est rendre un service esssentiel à l’humanité ; mais tout cela est diamétralement opposé aux intérêts de ce peu d’élus, devant qui la multitude doit ramper. Les sciences morales, autrement les améliorations morales, les doctrines de bienveillance, une plus saine civilisation de la société, ne font point partie de ces institutions ; tout y est mis en usage, au contraire, pour rendre odieux les mois de philosophie et de philanthropie, et pour éteindre, par le ridicule et la persécution, cet amour enthousiaste de la vérité, qui n’a jamais été éprouvé par les orgueilleux fondateurs de ces établissemens publics.

L’étude de la morale et des belles-lettres, occupaient exclusivement mon attention. J’avais peu de goût pour la science des signes et des nombres, et encore moins pour les nouveaux systêmes de critique et d’appréciation professés dans les académies. Je m’enthousiasmai à la lecture des poëtes Grecs et Romains ; mais je trouvai que la vigueur pleine de feu et la céleste origine de leurs conceptions et de leurs expressions ne se faisaient plus sentir dans les dissertations minutieuses dont ils étaient les objets. J’étudiai le grec comme un moyen de connaître Homère et Eschyle, et je ne concevais pas qu’on peut préférer Lycophron à Sophocle, parce qu’il a l’avantage d’être obscur ; je n’aurais rien compris à ce phénomène, si je n’avais vu que le système des éducations publiques était calculé pour faire reculer de frayeur les esprits timides, et pour faire consumer aux esprits supérieurs, leur dangereuse activité dans des bagatelles difficiles, et l’inepte travail auquel on les condamne.

Je n’avais pas achevé ce qu’on appelle, mes années classiques, quand la mort de mon père me força de quitter le collége avant le période ordinaire, où la même distinction est accordée, sans différence à tous les écoliers, non d’après leur mérite, mais d’après la durée de leurs études.

Je me trouvai sans ressources ; mais le sentiment de mes moyens fit que je ne doutai pas de pouvoir me suffire à moi-même, lorsque je serais rendu à Londres, ce centre de l’énergie et de l’intelligence. Je m’y acheminai et devint l’humble pensionnaire d’une veuve, dont l’existence et celle de sa fille unique, reposaient sur le nombre de leurs locataires.

Ma première visite fut à un libraire de Bond-Street à qui j’offris un traité sur les élémens de la morale. Mon cher monsieur, me dit-il avec une grave politesse, prenez la peine devons asseoir et de rester quelques heures dans mon magasin ; si vous entendez une seule de mes pratiques prononcer le mot de morale, je vous donne ce que vous voudrez de votre manuscrit. Il le parcourut ; j’aperçois, dit-il, quelques passages, qui quoique n’étant bons à rien, pourraient figurer dans la revue ; mon ami, M. Vamps, en est l’éditeur, il n’a pas de rédacteur pour la morale ; je vais vous donner un billet pour lui. Je le remerciai de sa bonté, et avec cette recommandation, je me rendis chez M. Vamps, que je trouvai, dans un élégant cabinet, assis devant un grand in-quarto, qu’il chargeait de notes au crayon ; grand nombre de livres, de pamphlets, de fragmens des uns et des autres étaient sur une table devant lui, avec un pot de gomme, et une énorme paire de ciseaux.

Il me reçut avec hauteur, lut le billet, et dit : M. Foolscap vous a assuré que je manquais d’écrivains sur la morale ; il trouve que vos écrits ont du mérite ; je ne serais pas fâché d’avoir un auteur qui écrivit bien sur cette matière ; car nous en sommes très-mal fournis depuis long-temps. Quoique la morale ne soit pas beaucoup demandée par nos lecteurs, on en a besoin quelque fois, et elle figure fort bien parmi nos articles politiques. Vous voyez ces piles de pamphlets, ces volumes de poésie et ces in-4.°, tout cela, quoique sous différens titres et sortis de diverses mains, revêtus de couvertures de plusieurs couleurs, a cependant un seul objet et le plus impertinent de tous ; cet objet est de prouver, à la fois, l’existence d’une chimère que les écrivains nomment corruption politique, et de convaincre le public, que cette corruption doit disparaître. Nous désirons anéantir l’effet de ces clameurs incendiaires, et c’est vers ce but que nous dirigeons toute notre artillerie politique. Dans mon prochain numéro, je ferai paraître un article très-profond, pour prouver que la corruption n’est qu’un mal fantastique, créé par l’imagination de quelques fous. J’établirai ensuite, que si la corruption n’existe pas, on a tort de s’élever contre elle, et de désigner à l’opinion publique certains personnages prétendus intéressés à son existence ; je finirai par prouver que les partisans de la démocratie, sont les seuls qui calomnient la nation, etc.

Le but moral et politique de cet article est très-sage, il appartient à un gentil-homme d’un rang élevé ; mais qui a le malheur d’être accusé de faire partie du nombre des corrompus, parce qu’il jouit d’un revenu annuel de plusieurs mille livres sterlings sur le trésor.

Cet article aurait besoin d’être relevé par un peu de morale ; nous avons plusieurs gentlemans dans notre corps ; mais la morale n’est pas leur fort. Nous avons, dans diverses occasions, substitué à cette dernière, la théologie ; la ruse était très-adroite ; mais je suis fâché de le dire, elle a seulement réussi parmi les vieilles femmes, et ce ne sont pas nos meilleurs ni nos plus nombreux abonnés ; nous en avons quelques-uns d’obstinés, qui veulent, comme je l’ai observé, que nos articles politiques soient assaisonnés de morale ; ainsi comme le dit M. Foolscap, il faut nous en procurer d’une manière ou dune autre, pour combattre victorieusement les déclamations contre la corruption, ou pour me servir d’une expression parlementaire : contre les consciences qui ne peuvent être touchées par la honte.

Maintenant que vous êtes au fait, si vous voulez arranger mon article de manière à satisfaire mes abonnés, vous serez content de moi.

J’observai que j’espérais qu’il me laisserait toute liberté dans mon opinion, et que je pourrais traiter l’article comme il me conviendrait ; j’ajoutai franchement que je ne le ferai pas de la manière qui paraissait lui plaire.

Ces mots le rendirent furieux, il jura de se venger de M. Foolscap qui lui envoyait un jacobin. Je réclamai vivement contre cette apostrophe. Entièrement novice au monde, j’essayai de raisonner avec lui, comme si la conviction du bien et du mal pouvait l’influencer ; mais il m’interrompit, en me disant que, jusqu’à ce qu’il eût une pension pour se ranger du parti de la raison, il penserait comme il le faisait ; que je pouvais m’éviter la peine de chercher à le convaincre, que la logique, à son usage, le mettait au-dessus des atteintes de la honte et des notions abstraites de la vérité et de la liberté ; qu’il voulait bien croire, d’après la lettre de M. Foolscap, que j’avais du talent pour la théorie de la morale ; mais que cette théorie n’avait rien de commun avec la pratique, et qu’il me souhaitait le bonjour.

Je ne fus cependant pas découragé par ce premier essai, et je fus me présenter chez tous les éditeurs des journaux qui paraissent tous les jours, toutes les semaimes ou tous les mois ; je trouvai partout la même indifférence ou la même aversion pour les principes généreux, le même intérêt personnel ; chaque journaliste était l’organe de quelque faction, et par conséquent circonscrit dans un cercle étroit ; chez tous, l’honneur, la conscience, l’intégrité, la générosité et la justice, étaient remplacés par la bassesse, l’hypocrisie, l’intérêt, la corruption et le mensonge.

Comme je n’étais nullement tenté de changer mon indépendance contre ces viles passions ; toutes mes visites chez ces messieurs, se terminèrent comme celle que j’avais faite à M. Vamps.

D’après le conseil et à la recommandation d’une de mes connaissances de collège, je fus placé comme instituteur chez M. Dross, riche citadin, dont la fortune provenait des fournitures qu’il avait faites au gouvernement ; fournitures dans lesquelles il n’avait pas oublié ses intérêts. Sa conscience était ce qu’on avait eu à meilleur compte dans les marchés qu’il avait souscrits, quoique le ministre l’eut achetée très-chèrement, au dire de ses plus proches voisins. Ce n’est jamais un avare qui estime les consciences, et la plus corrompue est toujours la plus chère.

M. Dross était un géant pour la taille, et son âme était celle d’un nain. Sa femme était également d’une haute stature ; mais la nature avait borné-là sa dépense, et n’avait point donné d’âme à ce corps, méprisable, composé d’ignorance, d’arrogance et de cet orgueil qui a sa source dans les richesses ; ils étaient qualifiés cependant, tous les deux du nom de très-respectables.

M. Dross aspirait à être quelque chose, mot adopté pour signifier qu’on vise à la noblesse. Il donnait de magnifiques routs, où se rendaient plusieurs personnages illustres et une partie de ce monde à la mode, que l’on trouve partout, où il y a un souper.

Il faisait consister la vertu, à n’avoir point de dettes, à aller régulièrement à l’église, et à donner à dîner à son pasteur ; la charité, à payer la taxe des pauvres, à placer son nom à la tête des souscriptions publiques ; enfin, il avait un profond mépris pour le savoir, qu’il ne séparait pas des haillons et de la misère. Ce couple avait eu plusieurs enfans : M. Dross savait qu’il était à la mode d’avoir un instituteur et une gouvernante ; il chercha à se procurer ces deux parties essentielles de mobilier. Ma destinée bizarre me fit entrer dans sa brillante demeure, sous le titre de précepteur. Le caractère de la gouvernante, miss Pliant, était admirablement adapté à sa situation : elle ne présumait pas qu’on peut avoir une volonté à soi ; suspendue, comme le cercueil de Mahomet, entre sa maîtresse et la femme de chambre, méprisant l’une, méprisée par l’autre, son esprit semblait indifférent à sa position, et son cœur à son isolement ; elle n’avait ni principes, ni sentimens sur le bien, et sur le mal ; intéressée, sans âme, bassement complaisante, elle était contente de sa situation, parce que le résultat devait en être de lui assurer un établissement avantageux. Elle avait des talens : habile musicienne, son jeu n’avait pas d’âme ; peintre exercée, elle copiait le paysage sans avoir de goût pour la nature, etc. etc.

Elle professait aussi la grammaire française, quoiqu’elle n’eut jamais lu que le Télémaque dans cette langue ; Elle haïssait, sans les connaître, Rousseau et Voltaire, les ayant entendu appeler philosophes par son père, qui tenait cette opinion du révérend Simoney, son vicaire, qui les a jugés sans savoir ce qu’ils ont écrit.

Je ne tardai pas à m’apercevoir qu’on me traitait comme un laquais, en me prêtant plus de prétentions et en m’accordant moins d’utilité. On attendait, effectivement, plus de servilité de moi, surtout dans le caractère ; si j’avais la présomption d’avoir une opinion différente de celle de M. Dross, il regardait de tous côtés avec étonnement, pour savoir si l’on pouvait tolérer une telle audace. J’enviais le sort, de son domestique, qui vivait parmi ses égaux, qui pouvait au moins avoir une opinion et l’exprimer librement ; pendant que toutes mes fonctions devaient être celles d’un miroir, et tous mes mouvemens, ceux d’un automate.

Je vis bientôt que je n’avais plus que le choix, ou de devenir esclave et hypocrite, ou de quitter M. Dross ; je pris le dernier parti, et me déterminai à ne plus vivre sous le toit d’un supérieur, si je devais y être considéré comme le plus vil et le plus abject des hommes.

Je retournai à mon premier logement et je me procurai de l’ouvrage, en copiant pour un homme de loi. Mon travail était assujettissant et mon gain médiocre. Mais, si mes vêtemens étaient simples, mes soirées étaient libres, et je trouvais dans la fille de la veuve, chez qui je logeais, un caractère en harmonie avec le mien ; son désir de s’instruire, sa facilité à apprendre, me rendirent l’office d’instituteur, dont je me chargeai, infiniment agréable.

La veuve mourut ; ses affaires étaient embarrassées ; ses créanciers saisirent ses meubles, et sa fille resta sans ressources et orpheline. J’étais son seul ami ; la nécessité semblait l’avoir placée sous ma protection ; je l’aimais auparavant ; je la regardai alors comme un trésor précieux, qui m’était confié par le malheur. Taxez-moi d’imprudence, de sottise ou de folie, nous nous mariâmes.

L’homme de loi qui m’employait, n’était pas fait pour son état ; car il était honnête et bienfaisant ; il s’intéressa à moi, prit des informations sur mon compte, et sans me dire ses motifs, il augmenta mes appointemens, quoique, comme je l’appris dans la suite, cela le gêna beaucoup. Nous vécûmes ainsi un an de la manière la plus heureuse, d’après la simplicité de nos goûts. La naissance de notre premier enfant, fut un surcroît de bonheur ; nos plaisirs se bornaient à ceux que nous offrait notre humble demeure, notre fortune étant au-dessous de celle de beaucoup de gens ; mais nous nous suffisions l’un à l’autre. La lecture de nos auteurs favoris était l’amusement de nos soirées, et les promenades publiques, nos seuls divertissemens.

Nous fûmes surpris un soir par la visite inattendue, de l’homme de loi, pour lequel je travaillais. Desmond, me dit-il, je suis ruiné, pour avoir été trop scrupuleux à ruiner les antres ; je me trouve dans une cruelle position : vous êtes frappé d’étonnement de mon récit ; ne vous en affligez pas ; je n’ai ni femme, ni enfans, le mal qu’on supporte seul, est moindre. L’homme courageux brave ce qu’il peut souffrir. Vous pensiez, sans doute, qu’un homme de loi a aussi peu affaire avec la poésie qu’avec la justice, cela peut être ; j’ai été trop porté à l’une et à l’autre.

Je fus content de le voir si tranquille, et lui témoignai l’espérance que ses affaires prendraient une meilleure tournure.

Vous en saurez davantage dans peu de jours, me répondit-il ; en attendant, voici les arrérages qui vous sont dus.

Quand il revint, il nous apprit que ses créanciers n’étaient ni nombreux, ni cruels ; qu’il leur avait fait l’abandon de toutes ses propriétés, à l’exception d’une petite maison en Weslmoreland, et d’une pension viagère, suffisante à ses besoins ; qu’il nous ferait une proposition, s’il ne craignait de nous offenser.

— Rien, ne peut nous offenser de votre part, lui dis-je.

— Que trouvez-vous plus agréable à manier, me demanda-t-il, la bêche ou la plume ?

La bêche, répondis-je, généralement parlant, et dans quelques occasions plus rares, la plume.

— Oui, dans la main d’Homère ou de Plutarque, de Sénèque ou de Tacite, de Shakespeare et de Rousseau ; mais dans la main des esclaves du commerce, des favoris des lois, des avocats vénaux de la superstition, des flatteurs de la corruption, dans la main des auteurs mensongers, des journaux vendus, distributeurs mercenaires de louanges et de satyre, sous le nom de critique périodique. Qu’en pensez-vous ?

— Je répondrai que la plume dans de telles mains, est le fléau de la société.

Cependant, me dit-il, une de ces choses-là, doit vous occuper ; si vous voulez vivre ici, la littérature n’est pas un sol où fleurissent la vérité et la liberté, à moins que celui, qui les cultive ne soit indépendant du monde. Ceux qui ne le sont pas, doivent finir par être flatteurs ou mendians. Vous n’êtes pas de la classe des hommes ordinaires, ni moi non plus ; j’embrassai ma profession par des motifs très-désintéressés, je considérai le grand pouvoir pour faire le mal dont elle est armée, et je suis fâché de le dire, le mal que font ordinairement la généralité de ceux qui la suivent ; mon but philantropique, était de protéger la faiblesse et de m’opposer à l’oppression. J’ai passé ainsi ma vie ; j’ai essayé de réconcilier la philosophie et les lois. La conséquence naturelle de cette tentative, a été la perte de ma fortune. Je ne la regrette pas, car j’ai fait un peu de bien ; mais je n’en peux plus faire, mes moyens sont anéantis ; il faut que je me retire du théâtre de la vie. Si je me retire seul, il me faut un domestique ; j’aimerais mieux avoir des amis. Si vous voulez m’accompagner en Westmoreland, nous formerons une petite république ; votre femme sera notre ménagère ; nous cultiverons notre jardin ; ce qui nous manquera, nous l’achèterons avec mon revenu annuel ; nous aurons peu de livres dans notre solitude ; l’encre et le papier en seront bannis pour jamais.

Je ne pus m’empêcher de sourire de la gravité avec laquelle il prononça cette dernière clause. Un homme de loi changé en un sage, me parut une métamorphose aussi miraculeuse qu’aucune de celles d’Ovide. Pour ne pas vous ennuyer de détails, nous exécutâmes ce projet, et passâmes trois années dans des occupations simples et saines. Ces années furent les plus heureuses de notre vie. Au bout de ce temps, notre ami mourut, la rente s’éteignit avec lui. Je fus son héritier ; mais sa petite maison et ses meubles étaient tout ce qu’il avait à me laisser. Je me procurai un locataire pour la maison et cherchai une demeure plus humble pour nous. La différence du loyer, qui était peu de chose, constituait toute notre fortune. L’accroissement de notre famille et la force de la nécessité nous réduisirent à vendre bientôt notre maison ; la même nécessité nous soumit à vivre comme des disciples de Pythagore. Je ne me plains pas de cette vie, c’est la plus naturelle à l’homme. Les productions de notre petit jardin nous empêchaient de mourir de faim ; mais c’était tout. Je me considérai comme un véritable paysan et priai les fermiers du voisinage de m’occuper ; ils ne purent me donner de l’ouvrage. Il y a plus de laboureurs que de champs à faire valoir ; dans les villes, il en est de même, il y a plus d’ouvriers que de travaux à exécuter.

Devais-je retourner à Londres ? Que pouvais-je faire dans cette ville, dans laquelle se pressent tant d’hommes immoraux, bas et rampans, qui regardent la justice comme une chimère, la liberté comme un vain nom, et la vérité comme le meilleur voile dont puissent s’envelopper les flatteurs. Que pouvait avoir de commun l’élève des Romains avec cette multitude. Je n’aurais pas rampé, menti ou flatté la richesse insolente ou le rang orgueilleux qui imposent leur rude patronage en retour de promesses qu’ils ne tiennent jamais.