Anthologie (Pierre de Coubertin)/II/XXXVIII

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Anthologie (Pierre de Coubertin)/II
AnthologieÉditions Paul Roubaud (p. 97-98).

Iroquois et Algonquins.

De 1500 à 1600 la puissance des Algonquins fut considérable. Toute la côte de l’Atlantique depuis la rivière de Savannah jusqu’au détroit de Belle-Isle leur était soumise et les Iroquois se trouvaient comme emprisonnés au milieu d’eux. Puis leur astre décrut et les Iroquois grandirent et devinrent puissants à leur tour. Sans la venue des « visages pâles », ils eussent peut-être subjugué une grande partie du continent et atteint un certain degré de civilisation. De bonne heure les Français avaient fait alliance avec les Algonquins leurs voisins immédiats et se les étaient attachés. Ce qu’il y avait de féodal à la fois et de nomade dans la vie canadienne permettait d’y faire une place aux Peaux-rouges. Le caractère hardi, entreprenant, loyal et un peu fataliste des trappeurs et des soldats français plaisait à ces hommes primitifs ; on ne leur prenait pas leurs terres et on les flattait en adoptant certaines de leurs manières d’être, en appréciant leur genre d’existence. Cette intimité avait eu pour conséquence naturelle de faire des Iroquois les alliés des Anglais. Mais l’alliance anglaise n’avait ici aucun caractère durable. L’occupation anglaise permanente, menaçait directement l’indépendance des Indiens. Au début du xviiie siècle la haine des Iroquois pour les Algonquins l’emportait encore sur les conseils de la prudence et de l’intérêt, mais pendant trente ans la diplomatie rudimentaire des pionniers français allait s’exercer sur les Iroquois. Il viendrait un moment la défection de ceux-ci risquerait de se produire. Une circonstance fortuite, l’influence acquise par un anglais qui avait su se faire adopter par eux, auquel ils avaient même donné rang de sachem les retint seule… Il eût suffi aux Français ainsi renforcés de prendre à revers le territoire de New-York pour séparer de nouveau en deux tronçons les colonies britanniques, s’ouvrir un débouché sur l’Atlantique et orienter différemment les destinées américaines… Vers le milieu du siècle, le Canada se trouvait relié à la Louisiane par une ligne redoutable de soixante forts. Malheureusement la population de la Nouvelle-France n’augmentait guère. La Jonquière voyant le danger, avait adressé à Versailles un pressant appel. Il suppliait qu’on lui envoyât dix mille émigrants pour coloniser la vallée de l’Ohio. Il insistait sur la nécessité d’agir au plus vite… Mais Louis XV n’avait pas d’argent à dépenser pour ces sortes de choses et savait-il seulement ce que c’était que la vallée de l’Ohio ?