Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu’au milieu du XIXe siècle/Je ne suis pas malade

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Je ne suis pas malade — Dieu m’en garde !
Mais mon œil voit quelque chose
Et mon cœur est dans l’attente. Il souffre,
Souffre, pleure et ne s’endort pas,
Comme l’enfant à qui l’on n’a pas donné le sein.

Dans ces jours sombres et malheureux,
Qu’espères-tu ? Il n’y a rien de bon à attendre.
N’attends pas le réveil de la liberté,
Elle dort ; c’est le tzar Nicolas
Qui l’a endormie et pour réveiller
La liberté malade, il faudrait que le monde
Entier se mît à tremper le fer
Et à aiguiser le tranchant de la hache,
Pour aller la réveiller.

C’est pourquoi elle continuera de dormir, la malheureuse,
Jusqu’aux affres du jugement dernier.
Et les seigneurs la berceront dans son sommeil,
Ils bâtiront des églises et des palais,
Ils aimeront leur imbécile de tzar,
Ils le célébreront comme un idole de Byzance,
Et, semble-t-il, c’est tout ce qui arrivera.

1858.