Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Alcide Dusolier

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Anthologie des poètes français du XIXème siècle, Texte établi par (Alphonse Lemerre), Alphonse Lemerre, éditeur** 1818 à 1841 (p. 286-288).




ALCIDE DUSOLIER


1836




Dusolier (François-Alexis-Alcide), né à Nontron (Dordogne) le 21 septembre 1836, a publié, entre autres ouvrages : Ceci n’est pas un livre ; Nos gens de lettres, leur caractère et leurs œuvres ; Propos littéraires et pittoresques de Jean de La Martrille. En poésie il a donné les Poèmes d’Automne, où se révèlent l’humour et la verve d’un heureux gentilhomme campagnard qui s’en va, le fusil sur l’épaule, à travers ses plaines giboyeuses, et rime de temps à autre tout en rêvant des cailles et des perdreaux. Les armes parlantes de sa porte charretière, largement ouverte à l’hospitalité, sont des canardières et des nasses, cartouche décoratif promettant bonne table et bon gîte au voyageur attardé, sûr d’un honnête et cordial accueil chez un franc disciple de saint Hubert, souriant à la joie des autres.

A. L.

DIANE




Les soirs d’hiver, après la chasse,
Quand j’ai bien gagné mon repos,
Jérôme dans la salle basse
Allume un amas de copeaux.


Le temps est froid, la flamme monte
Gaîment par jets irréguliers :
Sur les massifs landiers de fonte
J’établis mes larges souliers ;

Et, le corps las, content de vivre,
Ne pensant à rien, et les yeux
À moitié fermés, je m’enivre
D’un bien-être silencieux.

Le bout des pattes dans la cendre,
Tressaillant aux éclats de bois,
Diane, qui vient de s’étendre,
Dans un songe jappe à mi-voix.

Elle sommeille et je rumine,
Quand des rires long-déployés
Se répandent de la cuisine
Où sont attablés les bouviers.

J’ouvre un œil ; laissant là son rêve
Interrompu soudainement,
Diane en sursaut se relève,
S’étire avec un bâillement,

Et par la salle veut s’ébattre,
Pour se réveiller tout à fait,
Avec un chat acariâtre
Qui se blottit sous le buffet.

Il gronde, son poil s’ébouriffe !
Elle s’obstine, — le butor
Sabre son nez d’un coup dégriffé…
Convaincue enfin qu’elle a tort,


Diane alors bat en retraite
Et vient, d’un air honteux et doux,
Se plaindre à moi, frottant sa tête
Intelligente à mes genoux ;

Et pour la consoler je passe
La main sur ses reins paresseux,
Songeant quelle superbe race
Elle et Phanor feraient tous deux !

Car elle est chienne noble et compte
Dans les chenils patriciens,
Et Phanor serait au moins comte
Si l’on anoblissait les chiens.

Les chasseurs, pour voir la portée,
Viendraient de la Rochebeaucourt…
Mais Diane est une éhontée,
Hélas ! hélas ! Diane court :

Comme Parabère à Versaille,
Elle a des oublis singuliers,
Et souvent elle s’encanaille
Avec les chiens des métayers !