Anthologie des poètes français du XIXème siècle/Amédée Rolland

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Anthologie des poètes français du XIXème siècle, Texte établi par (Alphonse Lemerre), Alphonse Lemerre, éditeur** 1818 à 1841 (p. 34-35).

AMÉDÉE ROLLAND

1819-1868


Amédée Rolland, né à Paris en 1819, nous appartient comme l’auteur de deux recueils lyriques : Matutina et le Fond du Verre, ouvrages spirituels, faciles, mais dans lesquels on trouve plus d’étrangeté que d’originalité.

Il a en outre donné en poésie la Comédie de la Mort, qui marque par un grand effort la fin de cette vie épuisée par la recherche de la singularité et de la fausse force ; j’appelle ainsi celle qui se montre autrement que par le résultat. « Il y a dans ce poème de la Mort, comme dit M. A. Bersier, au milieu de beaucoup d’enflure et de déclamation, quelques tableaux sincères et frappants, les uns par l’énergie, les autres par le genre. C’est le premier et le dernier grand effort épique d’Amédée Rolland et son œuvre vraie. »

C’est encore à Amédée Rolland que nous devons Cadet-Roussel, le Parvenu et le Marchand malgré lui.

André Lemoyne.



PAYSAGE


Tout là-bas, là-bas, près d’un fouillis d’aunes,
Est un ruisseau clair, au rire argentin,
Où les merles vont lustrer leurs becs jaunes,
Lorsqu’à l’horizon rougit le matin.


Les grillons bavards courent dans les mousses,
Mille insectes d’or aux reflets changeants
Répandent dans l’air leurs musiques douces,
La cigale sonne au milieu des champs.

Tout humide encor, le vent qui vous lèche
Arrive, chargé de molles senteurs,
Avec un parfum de luzerne fraîche,
De trèfles fauchés et de foin en fleurs.

Au loin, le soleil fait flamber la paille
Des grands seigles mûrs par le vent troublés ;
La grive est aux ceps ; on entend la caille
Qui chante son chant dans le fond des blés.

Et ce grand concert de voix de la terre
Se trouve parfois percé tout à coup
Par le cri rêveur et plein de mystère
Du coucou qui pleure on ne sait pas où.

Nous allons là-bas, là-bas, sous les aunes,
Près du ruisseau clair, au rire argentin,
Où les merles vont lustrer leurs becs jaunes,
Lorsqu’à l’horizon rougit le matin.