Anthologie féminine/Mme la baronne de Goya-Borras

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Anthologie féminineBureau des causeries familières (p. 361-362).

Mme  LA BARONNE DE GOYA-BORRAS
(née o’brien)


Ce sont ses enfants, sa fille, qui ont fait imprimer presque à son insu, les poésies de Mme  de Goya. C’est avec une religion toute filiale qu’ils y ont procédé. Rien n’a été trop beau pour le livre de leur mère : papier, caractères, fleurons, culs-de-lampe, c’est tout à fait une édition de grand luxe. L’écrin devait être digne des perles qu’il était appelé à renfermer. On ne peut que féliciter la mère d’avoir de tels enfants et les enfants d’avoir une telle mère. Quoique les noms de l’auteur paraissent étrangers, elle écrit en vraie Française. Voici ce qu’elle dit elle-même de ses poésies dans un Envoi à une de ses amies :

Il faut te les donner, mes pauvres poésies,
Et te faire un recueil de mes œuvres choisies.
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J’espère toutefois que tu seras discrète,
Et que tu garderas ma faiblesse secrète,
Ne les laisse pas voir ; tu sais les préjugés ;
Combien pour moins encore ont été mal jugés.

On ne me connaît pas là-bas, on pourrait croire
Que ton amie est folle avec tout ce grimoire.
Et les plus indulgents penseraient à coup sûr
Que j’ai tête à l’envers et pieds chaussés d’azur ;

Qu’en Sapho je me pose et que, dans ma sottise,
Je fais l’intéressante et la femme incomprise ;
Le monde est ainsi fait, ma chère, et tu sais bien
Qu’à notre pauvre sexe il ne pardonne rien.

Pour toi, tu sais combien je suis peu poétique.
Tu sais jusqu’à quel point ma vie est prosaïque.
Comme chaque détail en est simple et banal :
Élever mes enfants est mon seul idéal.

Nul devoir n’est trahi par cette peccadille.
Ma plume n’a jamais fait tort à mon aiguille,
Et ce n’est qu’en vaquant aux soins de ma maison
Que j’ose griffonner quelque rime au brouillon.

Car si j’ai dans mes goûts admis quelque partage.
Ma muse préférée est celle du ménage.
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