Antonia (RDDM)/02

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Antonia (RDDM)
Revue des Deux Mondes, Nouvelle périodetome 42 (p. 76-118).
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ANTONIA

DEUXIÈME PARTIE[1].


Marcel, voyant que la vanité horticole reprenait le dessus et pensant qu’il pourrait exploiter la joie de son oncle au profit de ses protégés, donna les plus grands éloges à la future Antonia. — Vous comptez sans doute en faire hommage au Jardin du Roi ? lui dit-il. Messieurs les savans doivent vous tenir en grande estime !

— Oh ! pour celle-ci, bernique, répondit M. Antoine : ils pourront la regarder tout leur soûl, la décrire dans leur beau langage, la spécifiquer, comme ils disent ; mais l’exemplaire est unique, et je ne m’en séparerai point avant que j’aie beaucoup de caïeux.

— Mais si elle meurt sans se reproduire ?

— Eh bien ! mon nom vivra dans les catalogues !

— Ce n’est point assez ! À votre place, en cas d’accident, je la ferais peindre.

— Comment peindre ? est-ce qu’on peint les fleurs à présent ? Ah ! j’entends, tu veux dire que je devrais la faire tirer en portrait ? J’ai bien songé à ça pour d’autres plantes rares ; mais j’étais brouillé aec mon frère, et quand j’ai fait travailler d’autres peintres, je n’ai jamais été content de leur barbouillage de fous. J’ai payé cher, et après j’ai crevé la toile ou déchiré le papier.

— Et vous n’avez jamais pensé à Julien ?

— Bah ! Julien ! un apprenti !

— Avez-vous vu quelque chose de sa façon ?

— Ma foi, non, rien !

— Voulez-vous que je vous apporte…

— Non, rien, je te dis. Nous sommes brouillés. Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/81 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/82 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/83 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/84 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/85 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/86 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/87 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/88 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/89 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/90 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/91 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/92 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/93 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/94 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/95 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/96 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/97 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/98 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/99 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/100 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/101 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/102 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/103 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/104 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/105 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/106 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/107 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/108 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/109 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/110 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/111 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/112 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/113 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/114 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/115 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/116 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/117 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/118 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/119 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/120 Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/121 prit aux visites qui survinrent. Elle trouva sa vieille amie, Mme Desmorges, insupportablement bavarde, le vieux duc de Quesnoy lourd et monotone comme un marteau de forge, sa cousine, la présidente Boursault, prude et grimacière, l’abbé (dans toute société intime il y avait toujours alors un abbé), elle trouva l’abbé personnel et fadasse. Enfin, lorsqu’à l’heure de la toilette Camille vint pour la coiffer, elle la renvoya avec humeur en lui disant : À quoi bon ?

Puis elle la rappela, et par un caprice soudain elle lui demanda si, depuis trois jours, son dernier demi-deuil n’était pas absolument fini ?

— Eh oui ! madame, dit Camille, bien fini ! et madame la comtesse a tort de ne pas le quitter. Si elle le garde encore quelque temps, cela fera très mauvais effet.

— Comment cela, Camille ?

— On dira que madame prolonge ses regrets par économie afin d’user ses robes grises.

— Voilà un raisonnement très fort, ma chère, et je m’y rends. Apportez-moi vitement une robe rose.

— Rose ? Non, madame, ce serait trop tôt. On dirait que madame portait son deuil à contre-cœur et qu’elle change d’idée comme de robe. Il faut à madame une jolie toilette de chiné bleu de roi, à bouquets blancs.

— À la bonne heure ! Mais toutes mes toilettes n’ont-elles point passé de mode depuis deux ans que je suis en deuil ?

— Non, madame, car j’y ai veillé !.l’ai recoupé les manches et changé la garniture du corps. Avec des nœuds de satin blanc et une coiffure de dentelles, madame sera du meilleur air.

— Mais pourquoi me faire belle, Camille, puisque je n’attends personne ?

— Madame a-t-elle défendu sa porte ?

— Non ; mais vous m’y faites penser, je ne veux recevoir personne. Camille regarda sa maîtresse avec surprise. Elle ne comprenait pas, elle pensa que c’étaient des vapeurs, et se mit à l’accommoder, comme on disait alors, sans oser rompre le silence. Julie, accablée et distraite, se laissa parer. Et quand la suivante se fut retirée, emportant les robes grises qui devenaient sa propriété, elle se regarda de la tête aux pieds dans une grande glace. Elle était mise à ravir et belle comme un ange. C’est pourquoi son cœur lui criant encore : À quoi bon ? elle cacha son visage dans ses deux mains, et se prit à pleurer comme un enfant.

George Sand.

(La troisième partie au prochain n°.)

  1. Voyez la Revue du 15 octobre.