Aphrodite, (version libre)
« Moi, Chrysis, courtisane, fille naturelle de Néèra, courtisane, célèbre dans Rhacotis et dans toute l’Égypte, pour mes cheveux lumineux comme l’or et ma peau blanche comme le fromage, mais délaissée par le seul amant de qui l’amour me tourmente, je t’écris, Démétrios, pour que tu reprennes le souvenir de moi et que tu rejettes loin de toi les mauvaises pensées. Tu m’as quittée parce qu’un bel éphèbe a passé. Tu vis avec lui, insoucieux de Chrysis et ses entrailles ont chaque nuit la rosée dont ma chair est tout altérée. Tu lui dis comme à moi qu’il a le ventre doux et les mains habiles, que ses yeux ressemblent à des fleurs de lotus sous l’eau, et ses cheveux à des averses illuminées de soleil. Tu le prends dans tes bras, dans tes cuisses, tu lui ouvres ta bouche, tu lui fais des caresses lentes… Ah, malheureuse moi ! « Or puisque tu ne te souviens plus, je t’écris, Démétrios. Je t’écris pour te rappeler ma forme et mes gestes et mes frissons de jouissance sous ton corps. « Sais-tu encore comment tu m’as aimée, et ce qui te ravissait en moi ? Rappelle-toi que je ne suis pas comme les courtisanes d’Athènes qui tettent les membres des hommes et enveloppent leurs corps de caresses. J’aurais pu apprendre à caresser les hommes, mais ma mère m’a dit de bonne heure que la jouissance des hommes se fait de la jouissance des femmes sous eux. Et j’ai appris à jouir jusqu’à la souffrance. Mes spasmes — le sais-tu encore, Démétrios ? — sont exaspérés comme des souffles de tempête et mon ventre se gonfle comme une voile sous Boreus : il n’y a pas une femme au monde qui jouisse aussi fort que moi et mon vagin fait des brûlures qui mettent à nu la peau des verges. « Depuis que tu es parti, Démétrios, j’ai réfléchi aux choses d’Erôs, j’ai cherché comment je pourrais jouir plus encore et quelles sciences il te faudrait savoir pour m’arracher l’âme ; j’ai trouvé.
« Si tu le veux, Démétrios, je teindrai mes cheveux en noir, et ils fuiront sur ma face comme des nuages effrayés à travers la lune. Sous ce vaste voile noir je serai plus blanche, n’est-ce pas ? Je serai tout enveloppée d’ombre bleue. Je serai comme une urne funéraire drapée de noir, et faite de marbre. « Tu partageras mes cheveux en trois obscurs ruisseaux : l’un d’eux tombera devant mon visage, les deux autres passeront sous mes oreilles ; tu les tresseras sur ma poitrine et sur mon ventre, ils passeront entre mes seins comme un sceptre d’ébène entre les seins de la reine d’Égypte ; mais sous le nombril tu arrêteras la tresse en y bouclant un petit serpent d’or et tous mes cheveux extrêmes s’ouvriront alors comme un grand éventail de plumes noires devant le mystère sexuel de mon giron.
« Si tu le veux, Démétrios, je teindrai mes cheveux en brun. Tu les natteras par derrière et ils battront contre mon dos quand je marcherai. « La natte sera si longue qu’elle descendra plus bas que mes fesses. Tu entreras le bout dans mon anus et j’aurai l’air d’avoir produit un grand excrément de couleur brune qui remonterait le long de mon échine et s’épanouirait autour de ma tête. « Ou encore j’aurai l’air de m’être courbée sous le derrière gonflé d’une autre femme et d’avoir reçu sur ma tête l’avalanche écroulée de ses intestins, si molle et si liquide encore, qu’elle aurait dégouliné entre mes épaules jusqu’à glisser bourbeusement dans la fente profonde de mes fesses. « Et tu m’aimeras, Démétrios, ainsi couverte de fiente chevelue.
« Mais si tu m’aimes comme je suis, je garderai mes cheveux blonds, clairs et lumineux comme une averse illuminée de soleil ; tu les reverras comme autrefois éparpillés à travers mes épaules, innombrables et légers, tu les prendras. « Ah ! mes cheveux sont blonds comme la poussière sur les routes, comme les feuilles des bouleaux à l’automne, comme la robe des chevaux d’Hispanie qui viennent avec les caravanes ; mes cheveux sont blonds comme le désert, comme le Nil éternellement lent. Ils sont tellement de la couleur de ma peau qu’à distance on ne les voit pas bien et j’ai l’air d’être sous mon voile un peu de brouillard rose et blond. Je laisserai mes cheveux comme ils sont, n’est-ce pas, Démétrios ? Je laisserai mon corps comme il est, comme il était, aimé.
« Tu me caresseras sous les aisselles quand j’écarterai mes bras engourdis ; tu poseras ton pouce sur mon sein, et avec le bout de tes doigts tu fouilleras sous mon aisselle. « Tu la sentiras toute mouillée de sueur chaude sur la peau, de sueur froide sur les poils. « Tu presseras tous tes doigts l’un après l’autre sur la peau mince et tendue ; tu me chatouilleras indéfiniment, tu me feras trembler de secousses frénétiques et de rires nerveux. « Alors tu prendras mes poils dans les doigts, mes doux poils soyeux et mouillés et tu les rouleras comme les pointes de tes moustaches. Et puis tu tireras tout à coup la touffe comme si tu voulais l’arracher ; la peau de mon aisselle se bombera au-dehors et tu me feras si mal que je pleurerai de la jouissance de souffrir.
« Je te caresserai avec mon ventre. « À genoux près de toi et presque étendue, les mains soutenues par les draps, je ferai errer sur ta peau la peau merveilleuse derrière laquelle s’agitent mes entrailles forcenées. « Je te frôlerai tour à tour et je t’écraserai sous lui. Tu le sentiras vivre, se contracter, se creuser, rebondir. « Tantôt il sera vide et cave comme une coupe de marbre rose et je n’appliquerai sur ta peau que la maigreur factice de mes côtes. « Tantôt il sera plus obèse que s’il portait deux jumeaux, et je le gonflerai tant que tu perdras la vue de ses poils. « Mais je le ferai revenir à toute sa beauté pour l’offrir à ton visage et effleurer sous lui tes joues. Et je t’exciterai par l’offre illusoire d’un sexe qui s’ouvre et se recule et ne se donne pas encore.
« Tu me baiseras sous les seins, dans le pli gras et doux où séjournent les sueurs les plus délicates de ma peau. « D’abord sous le sein droit que je relèverai d’une main. « Puis sous le sein gauche remué par le tumulte de mon cœur. « Et tu promèneras autour de ma taille tes baisers comme une ceinture.
« Je m’accroupirai sur ton visage et avec mes dix doigts j’écarterai violemment les fesses pour que tu m’en lèches la raie. « Là, tu trouveras des sueurs mystérieuses car la raie de mes fesses est plus secrète et plus retirée que ma vulve elle-même. « Tu promèneras ta langue douce dans le ravin de mon derrière. Tu décolleras de ma peau rose les croûtes sèches de ma jouissance et s’il reste à mes poils extrêmes quelques minuscules boulettes de merde, tu les mangeras délicieusement. « Mais tu ne toucheras pas à mon anus afin qu’il en soit, par là même, excité. « Par moments je serrerai mes fesses et ta langue sera pressée entre deux masses brûlantes. « Ou bien je les séparerai tellement que la peau de ma raie s’offrira à ta langue, plus mince, plus large et plus violacée, comme une cicatrice mal fermée où vit encore l’anus froncé.
« Tu plongeras ta langue dans ma grande vulve, ta langue raide, large et longue. Tu la feras mouvoir comme ton membre, et mon ventre sera houleux comme celui d’une femme qui s’accouple. « Ce sera un membre, mais plus doux, plus lubrique et plus vivant. Du bout de ta langue tu caresseras les durs replis du vagin et jusqu’au col de ma matrice.
« Mon urine est claire comme de l’or liquide. Une seule goutte sur ta langue te donnera plus d’amertume que toute une coupe d’absinthe. Une seule gorgée te soûlera comme si tu avais bu trois vases de vin. « Or j’en mettrai dans un kylix douze larges gorgées à boire. Mon urine est dorée comme du vin de Samos. « Quand je m’accroupis, les cuisses écartées pour pisser sur les dalles de marbre, on croirait que mes longs poils d’or se dissolvent en eau, et de longues rivières brillantes coulent vers le mur sous une vapeur légère. « Tu ne me laisseras plus pisser sur les carreaux de marbre, Démétrios, tu t’étendras nu sous mon sexe ; et moi, presque assise au-dessus de ton visage, je viderai largement mon ventre, je lâcherai sur ta bouche entrouverte un brusque orage d’urine chaude. « Et tes lèvres viendront, pour essuyer ma vulve, boire les dernières gouttes tremblantes aux pointes de mes poils collés.
« Ah ! qui soupèsera ma belle merde lourde, brune et souple comme une longue tresse unique à la nuque d’une vierge ! Qui aura le droit d’y promener la langue ! Qui voudrai-je bien choisir, quel dieu, pour l’entrer dans ses lèvres rondes comme une verge d’éphèbe dans la bouche d’un ami, et délicieusement la sucer ? « Ah ! ce sera toi, Démétrios. « Quand je me baisse mes fesses vers le sol, que n’es-tu là, sous ma croupe tendue, regardant la raie écartée où l’anus contractile se creuse. Tu verras le trou s’élargir, rire comme une petite bouche d’enfant, se distendre, s’épanouir, vivre, et toute la merde passer lentement de mon intestin dans ta bouche… « Tu la mangeras, tu la mâcheras, tu la savoureras, il en restera entre tes dents, il en glissera dans ton gosier, il en coulera dans nos baisers, ta bouche en restera gluante, ton haleine deviendra violemment parfumée. Mange, Démétrios, mes belles merdes lourdes. »