Arc-en-ciel (Maurice Vaucaire)/18
ANNIVERSAIRE
À cette date, chaque année,
Quand se termine la journée,
Et sur sa tombe, et sur les buis viennent valser
N’ayant crainte de se blesser,
Souples ainsi que des fougères
Des nymphes avec des bergères.
Et viennent d’invisibles mains,
En haut, là-bas, par les chemins
Qui poussent un décor vaporeux de féerie.
Pour les morts, c’est fête chez eux,
Ils écarquillent leurs grands yeux
Et la troupe applaudit et crie.
Le paysage les ravit :
Une nuit tiède, et dans la nuit
Des étangs en sommeil et des arbres droits, graves
Que rafraîchit un brouillard blanc,
Et le vent parfumé, dolent,
Caresse ces pâleurs suaves.
Les morts se sentent rajeunir ;
Et le spectacle allant finir,
Or bras dessus et bras dessous, tous vont ensemble
Remercier Corot qui tremble
— Doucement émotionné —
D’avoir si bien illuminé
Le Néant, son ciel impassible.
Puis Corot se rendort paisible,
Écoutant les échos d’une immense chanson
Qu’improvisent à l’unisson,
Au milieu des brises très chastes,
Deux cents poètes enthousiastes.