Architecture rurale, premier cahier, 1793/outil

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Outil avec lequel on Bat la terre.

L’outil le plus conséquent au pisé, d’où dépend la solidité de cet ouvrage, sa durée de plusieurs siècles, en un mot, sa perfection, ou, au contraire, sa mauvaise qualité, est celui avec lequel on travaille ou massive la terre ; il ne faut pas s’y méprendre, ce genre de bâtir renferme les deux extrêmes, ou parfaitement bon, ou excessivement mauvais : cet outil important, dis-je, se nomme pisoir. Voyez les figures de la planche III.

Quoique cet instrument paroisse fort aisé à faire, l’on rencontrera plus de difficultés qu’on ne le pense, lorsqu’on l’entreprendra ; c’est pourquoi je vais entrer dans la voie méthodique que l’on pourra suivre pour le bien faire exécuter.

On commencera par prendre un morceau de bois dur, soit chêne, soit frêne, soit hêtre ; et toutes les fois que l’on pourra se procurer des pieds ou racines de ces arbres, même d’ormes, de noyers et autres, il faut les préférer, à cause de l’étroite union de leurs pores ou parties ligneuses : lorsqu’on aura réduit et équarri un morceau de bois brut, rond, ou le plus uniforme possible, à 10 pouces de longueur, 6 pouces de largeur et 5 pouces d’épaisseur, tel que le représente la fig. 16, pl. III, on tracera une ligne dans son pourtour à 6 pouces de sa hauteur, ainsi qu’elle est marquée aux fig. 14 et 15 ; ensuite on divisera en deux toutes les autres faces de ce morceau de bois où l’on tirera par-tout des lignes qui les partageront également.

C’est d’après ces lignes de division qu’il sera aisé de perfectionner cet outil ; d’abord on tracera dessous deux lignes à côté de celle du milieu, qui laisseront entre elles un pouce et demi d’épaisseur, ensuite on délardera de la ligne du pourtour le bois superflu, ce qui formera d’abord une espèce de coin : cela fait, on circonscrira par-dessus, avec un compas, un cercle de 4 pouces de diamètre, et on ôtera à l’entour tout le bois, en venant terminer insensiblement à la ligne du pourtour ; après quoi on abbattra les arêtes, en les arrondissant, sur-tout par-dessous, ou on polira le bois autant qu’on pourra. C’est en prenant la patience, je le répète, de bien équarrir un morceau de bois et de tracer la ligne du pourtour et les lignes centrales, que l’on ne se trompera pas, et qu’on expédiera la construction de cet outil.

Pour y placer un manche, on serrera cet outil dans un étau ; c’est le plus sûr moyen d’y percer bien droit, avec les tarières, le trou qui doit avoir 2 pouces de profondeur. Voyez planche III, fig. 15. Le manche est un bâton d’un pouce de diamètre par le bas, et de 15 lignes par en-haut, pour que l’ouvrier puisse fermement le tenir dans ses deux mains en le bien empoignant : toute la hauteur de cet outil emmanché doit avoir environ 4 pieds ; cependant un peu plus haut ou plus bas, suivant la grandeur des ouvriers, qui sauront bien le réduire à la hauteur qui leur sera la plus commode, après qu’ils auront travaillé quelques heures.