Association de Demi-Vierges Vol.I/IX
Mademoiselle de la Garinière, habitait au troisième étage.
Au coup de sonnette de Miss, une servante, très bien costumée et très fine, vint ouvrir et les introduisit dans un atelier, où mademoiselle de La Garinière, nonchalamment étendue sur un sopha, sous une élégante matinée, parcourait les journaux.
Elle se leva et tendit la main à miss Blettown en disant :
— Bravo, Blette, tu es toujours aussi exacte.
— Ma chère petite Balbyne l’eût été, même si je ne l’avais pas accompagnée.
— Mademoiselle, je suis heureuse de vous voir.
— Mademoiselle de la Garinière, Balbyne.
— Aimée, si vous voulez, intervint la maîtresse du logis, comme je vous dirai : Balbyne. Ça vaut mieux, eh !
— Aoh yes, et ici on ne dit plus vous. Dis-moi tu, Balbyne.
— Je te dis tu, Blettown.
— Notre cher abbé Tisse, reprit Aimée de la Garinière, m’a écrit hier pour me prévenir de ta venue et, dès cet après-midi, un de mes habitués se présentait pour bénéficier de ta visite.
— Le juge Issitus.
— Vous étiez déjà d’accord !
— Oh, cela dépend, les préférences personnelles n’y sont pas.
— Des préférences pour nos jeux ! Cela gênerait ; mais ma mignonne, nous bavardons et nous avons mieux à faire. Blettown t’a enseigné ce qu’était notre association, et aussi la raison de cette maison où je te reçois.
— L’association a pour but de nous permettre, à nous jeune fille du monde, de goûter aux plaisirs de la volupté, sans courir aucun risque dans notre virginité, en nous mettant en contact avec des cavaliers ne demandant de leur côté que les joies sensuelles extérieures et non intérieures.
— C’est bien cela. L’abbé Tisse t’a admise. Il t’envoie chez moi, pour que tu goûtes à ces plaisirs en toute sécurité et que je t’apprenne quelques-uns de nos usages, nos signes de reconnaissance et que je te prépare à entrer dans le temple.
— Je suis à ta disposition pour m’instruire.
— L’action est ce qui aide le plus. Tu apprendras donc beaucoup par Issitus qui va être ton premier initiateur, mais d’ores et déjà, voici quelques indications. Nos plaisirs résident dans la vue et le toucher. Les hommes aiment à nous voir, nous devons aimer à être vue et amener celui du toucher, l’art met à notre service des poses, des attitudes qui obligent à penser à ce que nous cachons sous nos jupes. Nous habituons nos postulantes à savoir se montrer par diverses postures réglées. Ainsi, on s’aborde par un salut d’acquiescement.
— Un salut d’acquiescement !
— En arrivant auprès d’Issitus, il te saluera en appliquant la main droite sur son ventre ; tu répondras en t’inclinant et en soulevant avec tes deux mains les jupes à hauteur du genou.
— Très amusant le salut, et après ?
— Tu maintiendras tes jupes ainsi relevées jusqu’à ce qu’il pose une main sur une des tiennes. Si tu désires le voir dans sa masculinité, tu laisseras tomber tes jupes et tu reculeras d’un pas. Si au contraire, tu cèdes à son désir de te voir, qu’il te communique par la pose de sa main, tu ramèneras tes jupes jusqu’à la ceinture, et tu attendras un nouveau signe pour agir à sa fantaisie.
— C’est toute une éducation.
— Facile à retenir : une fois au courant de ces menus détails, cela intéresse et cela marche tout seul. Il tournera probablement autour de toi, tandis que tu tiendras tes jupes. S’il te touche la cuisse avec un de ses pouces, tu trousseras tes jupes aussi haut que possible, de façon à dégager toutes tes jambes : s’il te touche les fesses, tu laisseras retomber tes jupes par devant et tu te retrousseras par derrière pour lui montrer ton cul.
— Que de choses ! Et si c’est moi qui demande à le voir, en laissant retomber mes jupes, que se passe-t-il ?
— Oh, tu préféreras être vue, comme toutes les nouvelles, parce que si c’est toi qui demandes à voir, par le geste indiqué, il se déboutonnera la culotte pour sortir son machin, et dès qu’il apparaîtra, tu t’agenouilleras, croiseras les bras sur la poitrine, en signe de déférence pour le créateur de la génération : il l’approchera de ton visage et tu devras le baiser avant de le contempler.
— Pour commencer, en effet, je préférerai être vue.
— Avec le temps, tu varieras tes désirs et ces petits préliminaires du début contribueront à t’exciter. Un cavalier et une dame, réunis, pour se faciliter dans la recherche de leurs goûts mutuels, exécutent une série de figures de reconnaissance, qui se composent : 1° d’un salut (que je viens d’enseigner), 2° d’une pose, 3° d’une allure et 4° d’un acte[1].
— Tout un rituel.
— Agréable, revenons à ton salut : tu es entrée dans la pose, par ton retroussage, soit complet, soit seulement sur les fesses. Le retroussage exécuté, s’il est complet, en maintenant tes jupes troussées, tu te penches légèrement de côté les jambes molles, afin qu’il juge à son aise de l’éclat de tes chairs : si le retroussage est par derrière, tu tiens une jambe en avant et tu baisses la tête, par un sentiment de fausse pudeur. Tu ne le troubles pas dans ses manœuvres, qu’il déclare terminées par une de ses mains te touchant, soit les cuisses, soit les fesses, et on passe à l’allure.
— Attends, que je me grave bien tout cela dans la mémoire. Tu dis que je ne le trouble pas dans ses manœuvres, et puis, sa main me touchant, ces manœuvres sont terminées ; ces manœuvres sont sans doute des manœuvres de contemplation ; oui, oui, bon, voyons l’allure.
— L’allure est un mouvement. Si le retroussage a été complet, tu rassembles tes jupes sur ton bras, tu te découvres bien les cuisses et tu pousses un doigt vers ton bouton.
— Compris, et si le retroussage est par derrière ?
— Tu diriges une main vers ton cul et tu te le caresses, pour arriver à l’acte, représenté ici par le baiser qu’il déposera soit sur tes cuisses, soit sur tes fesses. Tout cela s’accomplit instantanément sans un mot et le baiser fait, vous devenez libres de choisir vous-même vos plaisirs, vos caresses.
— Tout cela est bien drôle et permet de supposer bien des choses pour les réunions générales.
— Oui, mignonne, mais tout vient à son heure, et si tu veux commencer ton initiation, pousse cette porte, traverse le couloir qui est derrière et rejoins Issitus.
— Seule !
— Dam, tu es étoile d’amour, à toi de dissiper les nuages qui te dérobent aux yeux des pauvres mortels et d’avoir le courage d’affronter les voluptés que tu rêves.
— Et miss Blettown !
— Miss, elle t’attendra tranquillement ici, à moins que tu ne la rencontres dans tes pérégrinations à travers mon appartement. Vas, ma petite.
Mademoiselle de la Garinière poussa Balbyne vers une porte, où elle disparut dans un couloir et revint causer avec Miss.
- ↑ Ces détails d’organisation sont tirés d’un livre du même auteur, intitulé : L’armée de volupté.