Association de Demi-Vierges Vol.I/X

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X


Un couloir mi-obscur se trouvait devant Balbyne, qui, malgré son vif désir d’appartenir à l’association des demi-vierges à titre de priekeuse, éprouvait dans cet instant les embarras d’un premier début.

Comme tous les poltrons, elle prit le parti le plus sage et bravement marcha droit au but. Elle pénétra dans un riche boudoir en forme originale d’un gros cigare, et aperçut au milieu de la pièce le juge Basile Issitus.

Et le salut s’exécuta, elle, toute gracieuse et toute rougissante dans le petit retroussage de jupes à hauteur du genou ; et il demanda le retroussage général, où elle exhiba ses cuisses blanches et bien prises, ses fesses dodues et rondes, dans un cadre d’élégants dessous, sur des bas de soie lilas ; et, la pose, l’allure accomplies, il déposa un brûlant baiser à l’entrecroisure des cuisses, terminant ainsi la scène d’entrée.

Elle allait rabaisser les jupes, il dit :

— Un instant, ma charmante, un instant, que j’admire votre joli petit nid d’amour si mignon et si fermé, et que mes lèvres rendent hommage au fol ombrage qui le surmonte.

— Est-ce dans le rôle à jouer, répliqua-t-elle d’un ton mutin.

— Non plus, c’est le désir provoqué par tes éblouissantes richesses.

— Ah, bien ! Si l’on s’asseyait et si l’on causait, qu’en dirais-tu, Issitus ? Moi, j’ai la tête en feu et je demande à me reprendre.

— Très volontiers, ma belle priekeuse ; mon plaisir s’augmentera du régal de ta conversation.

— Les compliments sont-ils bien de saison ! Oui, moi, je ne les repousse pas. Là, nous voici côte à côte sur ce canapé ! Ah, mon petit Issitus, qui m’aurait dit, il y a huit jours, que tu me baiserais les jambes !

— Les cuisses, en attendant autre chose.

— Oui, oui, autre chose, tout à l’heure ! N’importe, ça dépasse les idées ! Je ne pensais pas à te telles accords…

— Et à quoi pensais-tu ?

— À des tête-à-tête successifs, à des réunions joyeuses, à certaines fêtes, avec tout un cérémonial : en voilà une d’histoire !

— N’y sommes-nous pas en tête-à-tête !

— Si, si, mais on sent autour de soi un tas de manigances ! Qu’est-ce que c’est que toutes ces portes, avec un tableau au milieu ?

— Des portes de communications avec d’autres appartements.

— Ça, c’est certain ! Des appartements, où d’autres font ce que nous faisons ici ?

— Nous ne faisons pas grand’chose !

— Tu es un impertinent, monsieur le juge ; que prétendais-tu éprouver du plaisir à ma conversation ?

— Je l’éprouve, je l’éprouve, mais si on agrémentait la conversation !

— Ne te gêne pas ! Là, là, ne retire pas les pattes, échauffe-moi, nous causerons mieux, tu as raison ! Ah, tu as déniché le passage, c’est bon de me tripoter, eh. Montre ton machin maintenant.

— Tu sais la formalité à la première apparition !

— Je sais celle du salut au commencement, il y en a une autre ?

— Mais, sans doute ! Il faut bien nous inspirer de la vigueur, à nous, pauvres hommes.

— Dis ta formalité.

— Assis sur le canapé comme nous le sommes, dès ma culotte ouverte, tu dois ouvrir ton corsage et sortir tes nénés, comme l’oiseau sortira de sa cage.

— Allons-y de la formalité, et puis ?

— Et puis, l’oiseau te présentant ses hommages, dans mes doigts, tu te baisseras et l’embrasseras.

— Je le voyais venir. Ça ne me déplaît pas. Veux-tu à pleine bouche ?

— Non, non, non, à petite bouche.

— Grand gourmand.

Son frais et fin visage s’appuya sur le ventre d’Issitus, dont la queue reçut un long, long baiser.

— Tu aimes l’homme, interrogea-t-il ?

— J’aime ce qu’il a, comme il aime ce que j’ai ! Ah, la nature, quelle bonne mère !

— Elle fait bien des choses ; la beauté à la femme pour attirer l’homme ; le désir à l’homme pour apprécier la femme.

— La femme désire aussi. Dis, ces portes m’intriguent.

— Elles n’ont rien de plus que les autres.

— Si, les tableaux ont une signification.

— Je voudrais tant que nous nous lancions dans notre duo d’intimités !

— Ne sommes-nous pas lancés ? En m’instruisant, comme d’ailleurs on m’a assuré que c’était ton devoir, rien ne t’empêche de prendre tes plaisirs et de m’accorder les miens. Réponds-moi sur ces portes, sur ces tableaux.

— Tu as deviné, ils ont une signification. :

Nous pouvons entrer en relations avec la pièce voisine, en frappant contre.

— Ces pièces sont donc occupées ?

— Quand le tableau est abaissé, oui.

— Est abaissé  ?

— Oui, parce que s’il est levé, il démasque un wassistas.

— Ah vraiment ! Et si on entre en relation avec ses voisins, qu’arrive-t-il ?

— On profite réciproquement de la vue d’abord et l’on échange ensuite en se réunissant tout un cérémonial, le salut de départ et l’exécution d’un tableau vivant.

— Un tableau vivant !

— Une scène d’ensemble fondant les couples.

— Voilà mon affaire ! Mets-nous en relations avec une de ces pièces  !

— Volontiers, mais il faut que tu sois en petit jupon, et que le wassistas s’ouvrant, après consentement de nos voisins, tu te trousses la chemise pour montrer tes jambes et ton ventre, en plaçant ton annulaire sur le nombril.

— Vas-y, je me prépare.

Issitus s’approcha du tableau le plus près, elle se débarrassa de sa robe, il frappa deux petits coups, auquel on répondit bientôt par deux autres coups. Il se tourna, et dit :

— Le tableau va monter, prends ta pose.

Sans hésitation, Balbyne se troussa et de nouveau exhiba la vue de ses parties secrètes. Le tableau monta : elle entrevit une tête joufflue et imberbe qui, se penchant, fit claquer la langue, et s’écria :

— Bravo, bravissimo, une perle, un diamant, mais vraiment, ami Issitus, tu commençais à peine ton plaisir, ne te dérange pas, je retourne au mien, ta poulette peut voir, puisqu’elle l’a désiré.

Balbyne demeurait chemise troussée, sans savoir ce qu’elle devait faire, devant le visage qui ne s’éloignait pas encore du wassistas. Issitus lui dit à l’oreille :

— Baise le doigt que tu as posé sur ton nombril, envoie le baiser à ton admirateur et il se retirera. Elle s’empressa d’obéir, et le wassistas devenant libre, elle allait s’en approcher, quand Issitus lui dit :

— Un moment, un moment, et les formalités !

— Ah oui, c’est juste.

— En regardant, tu trouveras la femme dans la même posture que tu avais, c’est-à-dire le doigt sur le nombril, parce qu’elle peut être déjà toute dévêtue : tu baiseras le creux de ta main, en le mouillant, et tu passeras le bras à travers la lucarne : le cavalier frottera le creux de ta main avec sa queue et viendra ensuite en toucher le doigt posé sur le nombril de sa belle : vous vous enverrez un baiser des doigts, et ils reprendront leurs jeux sans plus se préoccuper si nous les regardons ou non.

— Que d’imagination pour toutes ces phases !

— Elles excitent, tu t’en apercevras avec le temps.

Mais à peine eût-elle appliqué la tête à la lucarne, qu’elle poussa un cri d’étonnement.

— Simone, toi, Simone !

— Balbyne, répondit une voix de femme de l’autre côté.

— La formalité, dicta Issitus, tu ne parleras qu’après.

— Oui, oui, oh, quel bonheur !

Elle s’amusa à mouiller le creux de sa main, essaya de saisir la queue du voisin quand il la frotta, et le baiser des doigts ayant été échangé, retenue par Issitus, elle vit se dérouler le tableau suivant :

Simone, celle qu’elle venait de reconnaître, était toute nue en tête-à-tête avec un homme nu aussi, et âgé d’une cinquantaine d’années.

Agenouillée, elle enlaça par un bras les jambes de son cavalier, tous les deux faisant face à la lucarne et avec sa main libre se tint les seins : le cavalier prit dans ses doigts sa queue, et en dressa le gland vers le wassistas.

Issitus ouvrit tout à fait la porte en disant à Balbyne :

— Nous fusionnons puisque vous vous connaissez avec Simone ; tu as à échanger avec son cavalier, Edgar Lhermineux, l’illustre avocat, le salut que nous avons fait, comme je l’échangerai avec Simone, dans les nuances imposées par sa nudité. Tu la salueras ensuite en appuyant son ventre nu contre le sien et en faisant courir ton médium dans la raie de ses fesses, de même qu’elle agira avec toi.

Une fois de plus, et tout à fait sûre d’elle-même, Balbyne exécuta le fameux salut, prenant plaisir à voir son amie l’exécuter avec Issitus ; elle échangea ensuite avec Simone celui du ventre et des fesses, toutes les deux riant comme des folles et, le rituel terminé, elles s’embrassèrent tendrement, tandis que Simone s’écriait :

— Toi, des nôtres, depuis quand, et pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?

— J’ignorais que tu en fusses.

— Oui, en effet.

— Et tu es une vilaine de ne pas me l’avoir appris. Il a fallu ma gouvernante pour m’amener ici.

— Miss Blettown ! Ah, ça ne m’étonne pas ! Comment n’ai-je pas pensé que cela arriverait ! Je vois que tu en es seulement à la période d’initiation. Ah, ma chérie, quelle bonne idée tu as eue d’écouter cette brave Blettown ! Tu en verras, tu en verras, tu en verras, je ne te dis que ça.

— Y a-t-il longtemps que tu es reçue, toi ?

— Moi, cela se perd dans la nuit des temps.

— Ne blague pas.

— Eh bien, plus de deux ans !

— Tu étais encore au couvent, aux Bleuets !

— Justement ! Quel est l’aumônier du couvent ?

— L’abbé Tisse.

— Quel est le grand directeur de l’association ?

— L’abbé Tisse. Je saisis. Il enrôla au couvent.

— L’idée lui est née là. Tu vois que parfois il vaut mieux rester au couvent pour finir son éducation, que de la terminer chez soi avec une institutrice.

— Je n’ai pas à me plaindre puisque j’arrive au même résultat.

— Bien après moi. Quand tu nous as quittées, tu commençais à mûrir, et certainement Tisse avait déjà jeté les yeux sur toi.

— Oh, j’étais trop absorbée… ailleurs.

Ces paroles s’échangeaient, sans que les cavaliers les interrompissent ; tous les deux au contraire en profitaient pour les admirer dans leurs charmes, ce à quoi elles les encourageaient du sourire et du geste.

Edgar ne cessait de peloter les fesses de Simone, qui les tortillait très gentiment, et Issitus, assis sur le tapis, palpait avec amour les mollets de Balbyne.

— Quand as-tu vu Tisse, demanda encore Simone à Balbyne.

— Hier.

— Comment se fait-il que cette nuit, au bal de tes parents, je ne t’ai pas aperçu notre signe de reconnaissance ? Ah mais, j’y suis ! Ton oncle te gardait comme on garde un trésor ! Il en est ton oncle ! Voilà, voilà, oui, oui, mon ami, vas-y de tes suçons, moi je les adore, et cela ne m’empêche pas de parler. Tout à l’heure, nous bonbonnerons ensemble. Ma petite Balbyne, permets à Issitus de te compter les poils du ventre, c’est sa douce manie. Vois-tu, je suis une vétéranne, quoique ton aînée à peine d’un an, et je te faciliterai dans ton initiation. Ah, ah, mon cher Edgar, modère ta friponne de langue, si elle s’enfonce dans ces parages, je ne réponds plus de ma raison. Des feuilletées de roses, mon chéri, et pas des feuilles ! Que te disais-je ! Ah oui, ton oncle ! Vous vous êtes entendus. Il marche bien le général, tu sais, mais il aime la variété et il court tous nos groupes. Mes chers amis, si l’on faisait une séance pour bien s’amusoter. Puis dis-moi, tu ne vas pas rester ainsi habillée, ni toi, Issitus. Vous voulez peut-être savourer le déshabillage ; c’est un peu le fait pour les nouvelles ! Oh, les anciennes ne crachent pas dessus non plus. Que penses-tu des saluts, des règlements ?

Simone parlait avec une volubilité charmante, qui étourdissait un peu ses auditeurs, mais ne les arrêtait dans aucun de leurs plaisirs.

Edgar était en réelle pâmoison devant le cul superbe de sa belle, cul de jeune patricienne, soigné et parfumé, blanc et rond, avec sa ligne bien accentuée et toute rosée. Issitus touchotaient les poils dorés de Balbyne qui, complaisamment, tenait la chemise relevée par dessus la ceinture.

Sans laisser le temps de répondre à sa question, Simone continua :

— Moi, ces saluts, ces règlements, ces usages, j’en raffole : ils me fouettent le sang, et j’irai dans toutes les réunions, dans toutes les chambres, rien que pour avoir occasion de les exécuter. C’est, comme dans le monde, lorsque je rencontre un de nos associés, homme ou demoiselle, j’ai le cœur qui me bat de bonheur à échanger les signes maçonniques, et quelquefois je me délecte avec eux à parcourir toute la gamme des plaisir de la vue et du toucher. Tu verras, quand tu les connaîtras, car toi aussi tu es une chaude. Ah quelle joie, nous faisons une séance, n’est-ce pas, Messieurs ?

— Certainement, certainement.

— Ne réponds donc pas, la bouche pleine de mon cul, Edgar ?

— Je ne puis pas m’en séparer.

— Tu es un égoïste ? Je voudrais bien aussi goûter à ton robinet !

— Je me soumets, mais tu causais avec ton amie.

— Elle parle, parle toute seule, répliqua Issitus.

— Taisez-vous, monsieur le juge, ou j’apprends à Balbyne les poses de branlage.

— Non, non, elle les saura assez tôt, celles-là, initions-la plutôt pour la séance.

— Oui, la séance, elle ignore ce qu’il en est : mais, je la lui enseignerais bien plus volontiers, si vous acheviez tous les deux de vous dévêtir ; nous commencerions de suite.

— Je la déshabille et l’aspire : je le devine, elle te supplie de lui révéler ce qu’est une séance.

Soit, déshabille-la, honore-la, et toi, Edgar, encore une fois, modère-toi. J’entame mon cours d’initiation. Une séance[1], ma chérie, prend son nom de ce qu’on se réunit au moins deux couples. Les plaisirs se multiplient forcément. Une séance entraîne trois choses : Un salut, une posture et une scène composée. Nous sommes quatre ! Et quels jolis tétés tu as, ils sont plus fournis que les miens, mais je ne suis pas jalouse, tu comprends qu’ici on ne peut pas être jaloux ! Tu as vu le salut à deux : nous nous plaçons comme pour un quadrille, Issitus te conduira, tu le sauras vite. La posture est un ensemble de poses, promettant un échange futur de caresses, que développe la scène composée. Saisis-tu ?

— Oui.

— Le cérémonial est tout arrangé, comme pour les figures d’un quadrille. Tu n’auras qu’à te laisser mener, on retient promptement à l’action. Mes compliments, ma chérie, tu es un vrai modèle féminin.

— Tu n’as rien à m’envier.

— Oh, il n’y a pas la même régularité en moi ! Je suis jolie dans l’ensemble, moins dans les détails. J’ai les hanches trop fortes et les seins maigrelets, peu importe, j’ai du sang dans les veines et tout ça s’anime.

  1. Voir : L’Armée de Volupté.