Astronomie populaire (Arago)/VII/08

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 274-278).

CHAPITRE VIII

détermination de la loi suivant laquelle les vitesses du soleil varient et de la nature de la courbe qu’il parcourt.


Nous avons marqué, sur la sphère des étoiles, les 365 positions où le soleil s’est transporté dans le courant de l’année, au moment du passage de l’astre au méridien. Ces moments ne sont pas séparés par des intervalles parfaitement égaux ; mais on peut, à l’aide d’un petit calcul, tenir compte des différences, et s’assurer ainsi qu’à des temps égaux ne correspondent pas des déplacements angulaires égaux. C’est au mois de juillet qu’ont lieu les moindres déplacements ; c’est au commencement de janvier que le soleil parcourt le plus grand nombre de minutes dans le même espace de temps. On reconnaît, par l’inspection des 365 points marqués sur la sphère, qu’entre la plus grande et la plus petite vitesse, et entre la plus petite et la plus grande, tout s’effectue graduellement.

Ce changement de vitesse est-il réel, ou dépend-il d’une variation dans la distance de l’astre à la terre ? C’est ce qu’il faut déterminer.

Supposons les dimensions du soleil invariables. L’angle qu’il sous-tend, vu de la terre, augmentera s’il se rapproche, et diminuera s’il s’éloigne. Aux données que nous avons déjà obtenues, ajoutons 365 mesures du diamètre apparent du soleil, nous verrons que ce diamètre varie perpétuellement dans le courant de l’année, et, chose singulière, qu’il est plus grand en hiver qu’en été ; en sorte qu’on arrive à ce résultat paradoxal dont, au reste, nous rendrons compte en temps et lieu : nous sommes plus près du soleil, quand il fait froid, que lorsqu’il fait chaud.

Envisageons la chose de plus près. Le diamètre du soleil est plus grand dans les points où nous avons trouvé que sa vitesse angulaire était un maximum, et le plus petit dans les points où cette même vitesse angulaire était la moindre de toutes. Il ne faut pas se hâter de conclure de cette remarque numérique que la variation dans la vitesse angulaire a uniquement pour cause le changement de distance de l’astre ; en effet, pour que cette explication fût légitime, il faudrait que le changement de vitesse fût proportionnel au changement de distance : ce qui est démenti par toutes les observations ; le changement de vitesse est plus grand que ne le comporterait le changement de distance, indiqué par les variations de diamètre.

Marquons sur une feuille de papier le point que la terre occupe, et tirons les lignes qui aboutissent aux positions du soleil qui correspondent aux midis des 21, 22, 23 mars, etc., pendant toute l’année. Ces lignes s’appellent les rayons vecteurs. Les angles que ces rayons forment entre eux s’obtiendront en comparant sur la sphère étoilée les points successifs que le soleil y est venu occuper. Nous avons déjà dit que ces angles seront les plus grands, les intervalles des temps étant égaux, vers le 1er janvier, les plus petits vers le 1er juillet, et qu’ils auront des valeurs intermédiaires aux époques comprises entre ces deux extrêmes. Prenons sur un des rayons vecteurs, sur celui qui correspond au 1er janvier, par exemple, une certaine longueur arbitraire pour représenter la distance du soleil à la terre, et divisons-la en 1 000 parties ; rien, dans la figure que nous avons à tracer, n’est plus indéterminé : les longueurs de tous les autres rayons vecteurs seront une conséquence du choix qu’on vient de faire. En effet, le rayon vecteur à une date quelconque et celui que nous avons pris et divisé en 1 000 parties auront des longueurs proportionnellement réciproques aux diamètres solaires observés aux deux époques. Nous pourrons donc porter sur chaque rayon vecteur la longueur qui lui correspond, et faire passer par leurs extrémités une courbe qui sera la représentation exacte de celle que le soleil parcourt dans le plan de l’écliptique. Cette courbe n’est pas circulaire, elle est allongée dans la direction de la ligne qui passe par les positions du 1er juillet et du 1er janvier ; quand on l’examine avec attention, on reconnaît que c’est une ellipse et que la terre occupe le foyer voisin du sommet, où le soleil se transporte le 1er janvier.

Les points de la courbe situés aux extrémités du grand axe de l’ellipse, ces points où le soleil éprouve le plus grand et le plus petit déplacement angulaire diurne s’appellent le périgée et l’apogée. En comparant les observations séparées les unes des autres par un certain nombre d’années, on reconnaît que le périgée ne reste pas fixe dans le ciel, qu’il se rapproche des étoiles situées dans son voisinage par un mouvement dirigé de l’occident à l’orient, que son déplacement annuel est de 12″.

Il nous reste encore à trouver par quelles lois les variations de vitesse et les variations de distance sont liées entre elles. Après des recherches continuées pendant un grand nombre d’années, Kepler découvrit que l’arc variable parcouru par le soleil en vingt-quatre heures dans divers points de l’orbite, multiplié par la moitié du rayon vecteur correspondant, est une quantité constante. Or ce produit est la mesure de la surface comprise entre deux rayons vecteurs consécutifs, la mesure du nombre d’hectares, si l’on veut, que renferment ces deux rayons et l’arc qui joint leurs extrémités ; le rayon vecteur du soleil décrit donc des surfaces égales dans un temps donné. Pour satisfaire à cette loi, l’angle compris entre deux rayons successifs sera d’autant plus petit que ces rayons vecteurs devront être plus prolongés.

En résumé, nous avons découvert dans ce chapitre, à l’aide d’observations que tout le monde peut contrôler, que la courbe décrite par le soleil dans le plan de l’écliptique est une ellipse à l’un des foyers de laquelle la terre est située, que cette ellipse est parcourue d’un mouvement inégal, mais lié aux distances variables du soleil à la terre, que les surfaces décrites par les rayons vecteurs du soleil dans des temps égaux sont égales entre elles : en sorte que, si on les compte à partir d’un rayon vecteur déterminé, les surfaces parcourues sont proportionnelles au temps.